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Date : 20071123

Dossier : T-2194-03

Référence : 2007 CF 1231

ENTRE :

BANDE DE SAWRIDGE

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

LE JUGE GIBSON

 

INTRODUCTION

[1]               Les présents motifs font suite à l’audition, le 6 novembre 2007, d’une demande de révision en vertu de l’article 44 de la Loi sur l’accès à l’information [1] d’une décision du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (le défendeur) de communiquer à une requérante, membre de la Bande de Shawridge (la requérante), des renseignements en la possession du défendeur qui lui ont été fournis par la demanderesse. La décision en cause est datée du 3 novembre 2003 et elle a été communiquée à la Bande de Shawridge (la demanderesse) le 7 novembre 2003.

 

[2]               Voici les dispositions du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’accès à l’information (la Loi) :

44. (1) Le tiers que le responsable d’une institution fédérale est tenu, en vertu de l’alinéa 28(1)b) ou du paragraphe 29(1), d’aviser de la communication totale ou partielle d’un document peut, dans les vingt jours suivant la transmission de l’avis, exercer un recours en révision devant la Cour.

 

44. (1) Any third party to whom the head of a government institution is required under paragraph 28(1)(b) or subsection 29(1) to give a notice of a decision to disclose a record or a part thereof under this Act may, within twenty days after the notice is given, apply to the Court for a review of the matter.

 

 

Il n’a pas été contesté que la demanderesse était en droit de soumettre la présente question à la Cour.

 

QUESTION PRÉLIMINAIRE

[3]               L’avocat du défendeur soutient que Sa Majesté la Reine n’est pas la partie appropriée à la présente instance et qu’il conviendrait de modifier l’intitulé de l’action pour l’en retirer; de plus, la désignation « ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada » devrait aussi être modifiée pour se lire « ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien ». L’avocat de la demanderesse ne s’étant pas opposé à la modification de l’intitulé de la cause, celui-ci l’a été tel que requis pour les présents motifs et il le sera de façon identique pour l’ordonnance qui dispose de la présente demande.

 

CONTEXTE

[4]                 Un membre de la Bande de Shawridge a formulé une demande aux termes de la Loi par lettre datée du 23 mai 2003 adressée au défendeur; son appartenance à la Bande n’est pas contestée en la présente espèce bien qu’elle soit en cause dans d’autres procédures devant la Cour. Voici ce qu’elle a demandé :

[traduction]

1. Les soldes actuels, les détails ainsi que les transactions et pièces justificatives (les RCB) en relation avec

a)  le Sawridge Capital Trust Fund et

b)      le Sawridge Revenue Trust Fund pour la période des deux derniers exercices se terminant au 31 mars 2002

 

2. Les états financiers consolidés de Sawridge pour l’exercice se terminant le 31  mars 2002.

 

[5]               En application de la Loi, le défendeur a pris la décision préliminaire de communiquer les dossiers requis à la requérante et en a avisé les représentants de la demanderesse.

 

[6]               La demanderesse s’est opposée à la communication des documents correspondants à la requérante.

 

[7]               Après consultations, le défendeur a maintenu sa décision de communiquer les dossiers requis et la présente demande a été déposée.

 

LES QUESTIONS DE FOND

[8]               L’avocat de la demanderesse a identifiée trois questions de fond dans la présente demande :

[traduction]

a) les renseignements (c’est-à-dire ceux visés par la communication) ne « relèvent » pas du défendeur et ne peuvent donc pas être communiqués sans le consentement de la demanderesse. De plus, le défendeur est lié à la demanderesse par une relation fiduciaire qui, jumelée aux circonstances à l’occasion desquelles les renseignements ont été fournis, le contraignait à une reddition de compte;

b) les renseignements sont constitués de renseignements financiers et de livres comptables confidentiels de la demanderesse qu’elle a traités de façon constante comme tels et qui ont été fournis à une institution fédérale par une tierce partie. Les renseignements ont été reçus par le défendeur dans des circonstances créant une obligation de secret;

c) les renseignements que l’on a l’intention de communiquer outrepassent la portée de la demande.

 

[9]               Lors de l’audition de la présente affaire, la troisième des questions de fond susmentionnées a été retirée.

 

LES DISPOSITONS LÉGISLATIVES

[10]           Voici les dispositions du paragraphe 2(1), du paragraphe 4(1) et du préambule du paragraphe 20(1) et de son alinéa b) :

2. (1) La présente loi a pour objet d’élargir l’accès aux documents de l’administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

 

 

 

 

2. (1) The purpose of this Act is to extend the present laws of Canada to provide a right of access to information in records under the control of a government institution in accordance with the principles that government information should be available to the public, that necessary exceptions to the right of access should be limited and specific and that decisions on the disclosure of government information should be reviewed independently of government.

4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi mais nonobstant toute autre loi fédérale, ont droit à l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale et peuvent se les faire communiquer sur demande :

 

4. (1) Subject to this Act, but notwithstanding any other Act of Parliament, every person who is

 

a) les citoyens canadiens;

 

(a) a Canadian citizen, or

 

b) les résidents permanents au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

(b) a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act,

 

 

 

 

 

has a right to and shall, on request, be given access to any record under the control of a government institution

 

 

 

20. (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

 

20. (1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains

 

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

 

(b) financial, commercial, scientific or technical information that is confidential information supplied to a government institution by a third party and is treated consistently in a confidential manner by the third party;

 

[non souligné dans le texte original]

[emphasis added]

 

[11]           Voici les dispositions de l’article 69 de la Loi sur les Indiens [2] :

69. (1) Le gouverneur en conseil peut, par décret, permettre à une bande de contrôler, administrer et dépenser la totalité ou une partie de l’argent de son compte de revenu; il peut aussi modifier ou révoquer un tel décret.

 

69. (1) The Governor in Council may by order permit a band to control, manage and expend in whole or in part its revenue moneys and may amend or revoke any such order.

 

(2) Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements pour donner effet au paragraphe (1) et y déclarer dans quelle mesure la présente loi et la Loi sur la gestion des finances publiques ne s’appliquent pas à une bande visée par un décret pris sous le régime du paragraphe (1).

(2) The Governor in Council may make regulations to give effect to subsection (1) and may declare therein the extent to which this Act and the Financial Administration Act shall not apply to a band to which an order made under subsection (1) applies.

 

 

 

[12]           Voici les dispositions de l’article 8 du Règlement sur les revenus des bandes d’Indiens[3] :

8. (1) Une bande doit engager un vérificateur qui sera chargé d'examiner le compte et d'établir un rapport annuel à ce sujet.

 

8. (1) Every Band shall engage an auditor to audit its account and to render an annual report in respect thereof.

 

 (2) Dans les sept jours qui suivent la date à laquelle le vérificateur termine son rapport annuel, un exemplaire dudit rapport doit être

(2) A copy of the auditor's annual report shall, within seven days of its completion,

 

 

a) placé en des endroits bien en vue de la réserve pour que les membres de la bande puissent l'examiner; et

(a) be posted in conspicuous places on the Band Reserve for examination by members of the Band; and

 

 

b) remis au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

(b) be supplied to the Minister of Indian Affairs and Northern Development.

[non souligné dans le texte original]

[emphasis added]

 

ANALYSE

[13]           Avant de me pencher sur les questions de fond susmentionnées, je formulerai de brefs commentaires sur la question de la norme de contrôle. La réponse à cette question n’a pas été contestée devant moi.

 

[14]           Dans Air Atonabee Ltd. c. Canada (Ministre des Transports)[4], le juge MacKay a écrit :

Le rôle de la Cour, en l'occurrence celui de procéder à une nouvelle « révision », et notamment à examiner chacun des documents qu'on a l'intention de communiquer, et dont le tiers requérant cherche à interdire la communication, ne semble pas avoir déjà été examiné à fond, peut-être parce qu'il a été perçu comme étant tellement évident dans les affaires antérieures qu'aucun point litigieux n'a été soulevé à cet égard. C'est cependant le rôle qui est implicitement conféré par la Loi à la Cour, qui s'accorde avec l'objet de la Loi, et que la Cour a adopté en pratique dans les affaires antérieures relative à l'article 44[...] Compte tenu de la jurisprudence qui a été élaborée relativement à la Loi, il ne peut plus faire de doute que lorsque la Cour est saisie d'un recours en révision, son rôle consiste à examiner l'affaire de nouveau et à procéder au besoin à une révision détaillée de chacun des documents en litige.

[renvois omis]

 

Il n’est donc pas contesté qu’il s’agit ici d’un examen de novo. J’ai procédé à un examen détaillé de chacun des documents dont la communication est projetée et qui ont été soumis à la Cour dans un affidavit confidentiel.

 

            a)  « Relevant de »

[15]           Le paragraphe 4(1), précité, de la Loi prévoit qu’une personne, telle la requérante en l’espèce, a le droit d’obtenir la communication de documents « relevant » d’une institution fédérale, telle le défendeur. Cela s’accorde avec l’objet de la Loi énoncé au paragraphe 2(1), aussi précité, qui fait état également des « documents de l’administration fédérale » dont fait partie le défendeur. L’avocat de la demanderesse soutient que les documents en cause ne « relèvent » pas du défendeur en raison des conditions unilatérales « imposées » par la demanderesse dans ses lettres transmission au moment de leur fourniture et, aussi parce que le défendeur et la demanderesse sont liés par une « relation de fiduciaire/bénéficiaire » en vertu de la « relation fiduciaire » que la Couronne entretient avec les Premières nations.

 

[16]           L’avocat du défendeur renvoie à l’article 8 du Règlement sur les revenus des Bandes d’indiens, précité, pour soutenir que la demanderesse ne pouvait, compte tenu de l’obligation qui lui est faite par ce règlement de fournir au défendeur des documents de la nature de ceux en l’espèce, chercher à imposer au défendeur des conditions relatives à leur fourniture et que, de plus, il n’était pas loisible au défendeur d’y souscrire. Enfin, l’avocat soutient que le caractère spécial de la relation existant entre la demanderesse et le défendeur ne peut l’emporter sur la fourniture des documents par la demanderesse au défendeur, ni la restreindre.

 

[17]           Dans la décision Desjardins, Ducharme, Stein, Monast c. Canada (Ministère des Finances)[5], le juge Nadon, maintenant juge de la Cour d’appel fédérale, a écrit aux paragraphes 13 et 14 de ses motifs :

De toute façon, vu la décision de la Cour d'appel fédérale dans Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics), [...] la simple possession matérielle des documents par le défendeur est suffisante, aux termes du paragraphe 4(1) de la Loi sur l'accès à l'information, pour l'obliger à divulguer les renseignements demandés. Aux pages 127 et 128 de ses motifs, le juge Létourneau, pour la majorité de la Cour d'appel fédérale, s'exprime comme suit :

L'expression « relevant de » (« control ») que l'on trouve au paragraphe 4(1) de la Loi sur l'accès à l'information [...] constitue une notion qui n'est pas définie et qui n'est assujettie à aucune limite. Le législateur fédéral n'a pas jugé bon d'établir une distinction entre les documents « relevant d’« une institution fédérale (« under the control of ») de façon ultime ou immédiate, complète ou partielle, temporaire ou permanente ou « de jure » ou « de facto ». Si, comme l'affirme l'appelante, le législateur fédéral avait voulu nuancer la notion véhiculée par l'expression « relevant de » ou la restreindre au pouvoir de disposer des documents, il aurait certainement pu le faire en limitant le droit d'accès des citoyens aux seuls documents dont l'administration fédérale peut disposer ou qui relèvent ultimement ou de façon durable d'elle.

Les propos du juge Strayer, maintenant juge à la Cour d'appel fédérale, dans Ottawa Football Club c. Canada (Ministre de la Condition physique et du Sport amateur), [...] sont au même sens que ceux exprimés par le juge Létourneau dans Société canadienne des postes. Voici comment le juge Strayer exprime sa pensée [...] :

    La signification évidente du libellé de la Loi ne laisse pas entendre que les « renseignements », « les documents de l'administration fédérale » et les « documents » du gouvernement doivent être soumis à un test visant à établir comment le gouvernement les a obtenus et à quelles conditions. Or, c'est cette sorte de limite que la LCF me demande de créer. Je ne vois aucune raison de le faire. Il ressort clairement des paragraphes 2(1) et 4(1) précités que la Loi donne accès, sous réserve de plusieurs exceptions, aux documents de l'administration fédérale et aux renseignements qu'ils peuvent contenir, nonobstant la façon dont l'administration en a eu possession [...]

            [renvois omis, non souligné dans le texte original]

 

[18]           Je conclus de ce qui précède qu’il ressort sans l’ombre d’un doute que la demanderesse n’avait pas le pouvoir d’imposer des conditions à la fourniture des documents en cause au défendeur. Une fois ceux-ci fournis, ils étaient en la possession du défendeur et relevaient de lui au sens la Loi. De plus, peu importe la façon de la décrire, la relation spéciale entre la demanderesse et le défendeur ne restreint d’aucune façon la notion de documents « relevant » du défendeur. Si le législateur fédéral avait eu l’intention d’accorder un statut particulier aux Premières nations aux termes de la Loi et de les en exempter, il aurait pu l’exprimer aisément. Il a choisi de ne pas le

faire[6].

 

b) L’exception de l’alinéa 20(1)b) de la Loi

[19]           L’avocat de la demanderesse soutient que les documents en cause font exception à la communication en application de l’alinéa 20(1)b) de la Loi, précité. Celui du défendeur réplique que cet alinéa ne s’applique pas aux faits en l’espèce en raison de l’appartenance de la requérante à la Bande demanderesse et aussi de l’arrêt Bande indienne de Montana c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien)[7]où le juge en chef adjoint Jerome a écrit aux pages 153 à 155 :

Le nœud de la cause des requérants et leur meilleur argument consiste en ce que ce sont des renseignements « financiers [...] qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers ». On verra que le test établi à l’alinéa 20(1)b) comporte quatre critères :

 

1)       Les dossiers doivent être (en l’espèce) des renseignements financiers, ce que l’intimé admet avec raison, à mon avis.

 

2)       Les renseignements doivent être de « nature confidentielle » suivant un critère objectif. [...] Cet élément est très contesté.

 

3)       Les renseignements doivent être fournis à une institution fédérale par un tiers. L’intimé plaide que, puisque le solde des fonds des requérants détenus en fiducie a été fourni aux bandes par le Ministère, ces renseignements ne peuvent être tenus pour avoir été « communiqués » par les bandes. Il va sans dire, toutefois, que les états financiers, dans leur forme actuelle, ont été préparés par les comptables des bandes pour leur propre usage et fournis au gouvernement conformément aux exigences légales de communication. Je ne doute pas, par conséquent, que les renseignements ont été « fournis » par des tiers.

 

4)       Les renseignements doivent avoir toujours été traités d’une manière confidentielle par les tiers. Ce fait, de même que la nature confidentielle des renseignements eux-mêmes, constituent le fondement du litige en l’espèce.

 

Les requérants allèguent que, quel que soit le critère objectif appliqué, les renseignements sont de nature confidentielle. Leurs motifs peuvent se résumer ainsi :

 

1)       Les bandes n’ont pas publié les renseignements au public et le public n’a aucun intérêt particulier dans ceux-ci.

 

2)       Les dossiers ont été préparés par la bande, pour la bande, aux frais de la bande et ils ne concernent [quant au litige] que les propres fonds de la bande.

 

3)       Les renseignements ont été fournis au gouvernement dans le cadre d’une relation de fiduciaire existant entre l’État et les Indiens et ils ont été , comme tel, « communiqués dans des circonstances créant une obligation de secret ».

 

4)       Les états financiers ont été fournis au Ministère dans le seul but de permettre au MAI de s’acquitter de ses devoirs de fiduciaire de surveillance et de contrôle des dépenses de la bande. Dans ces circonstances, il existe une obligation de droit privé de secret, soit en vertu de la relation de fiduciaire ou implicite à la nature des renseignements et des circonstances de leur communication au MAI :[...]

[renvois omis]

 

[20]           Comme dans l’affaire Montana, le défendeur reconnaît ici que les documents en cause sont des renseignements financiers. Comme j’ai examiné les « documents de façon détaillée », je suis d’accord avec lui.

 

[21]           Compte tenu des faits en la présente espèce, et après avoir examiné les documents en cause ainsi que la correspondance entre la demanderesse et le défendeur concernant leur fourniture, je conclus que les renseignements sont de nature « confidentielle ».

 

[22]           Il ne fait aucun doute que les documents en cause ont été fournis au défendeur par un tiers. De façon toute aussi évidente, ils ont été traités par la demanderesse de façon confidentielle à toutes les époques pertinentes. En effet, la peine que s’est donnée la demanderesse pour le traitement confidentiel des dossiers est extraordinaire.

 

[23]           Surtout à cause de son renvoi à l’alinéa 20(1)b) de la Loi, l’avocat du défendeur soutient qu’une distinction peut être faite d’avec Bande Montana parce que le requérant était un journaliste du grand public, alors qu’en l’espèce, la requérante est membre de la Bande demanderesse, sûrement quant à l’objet de la présente instance, et qu’elle est donc « propriétaire » des documents en cause, tout comme la Bande elle-même l’est. Pour en revenir à la façon dont la demanderesse traite les documents en cause, non seulement à l’égard des tiers indépendants, mais aussi à l’égard des membres de la Bande demanderesse, la requérante et les autres membres de la Bande ne sont certainement pas traités comme des « propriétaires ».

 

[24]           L’avocat du défendeur m’a cité le passage qui suit de l’arrêt Bande Montana à la page 156 :

[...] les seules personnes qui pourraient avoir accès à ces renseignements sont celles que lesdits renseignements concernent, c’est‑à-dire les membres de la bande requérante, et ceux qui ont envers ces derniers une obligation de secret, par exemple, leurs comptables. L’intimé n’a pas prouvé qu’il y aurait même une chance raisonnable que des personnes dont les intérêts sont divergents de ceux de la bande puissent consulter ces informations.

 

Tel n’est pas le cas en l’espèce. Le dossier soumis à la Cour révèle de façon claire que la requérante est une personne dont les intérêts divergent de ceux des autres membres de la Bande, en particulier le chef et les conseillers élus. Rien ne garantit que, si la requérante obtenait communication des documents en cause, ceux-ci ne seraient pas utilisés à des fins contraires aux intérêts de certains autres membres de la demanderesse.

 

[25]           Me fondant sur cette analyse succincte, je conclus que l’extrait de la page 156 de l’arrêt Bande Montana, auquel l’avocat du défendeur m’a référé, se distingue de la présente espèce par ses faits. L’intérêt de la requérante, comme celui du journaliste requérant dans Bande Montana, ne semble pas du tout devoir se marier à l’intérêt de la demanderesse telle que représentée par son chef et les membres de son conseil. Compte tenu des faits en l’espèce, je conclus que l’alinéa 20(1)b) de la Loi s’applique et qu’en conséquence les documents en cause sont exemptés de communication à la requérante.

 

CONCLUSION

[26]           Pour les motifs qui précèdent, la présente demande sera accueillie. Une ordonnance sera rendue pour interdire au défendeur de communiquer les documents en cause, en totalité ou en partie, à la requérante.

 

DÉPENS

[27]           Les deux parties ont réclamé les dépens de la présente demande. Dans le cours normal, les dépens suivraient l’issue de la cause. Toutefois, celle-ci ne s’est pas déroulée « dans le cours normal ». La date d’audition de la demande avait initialement été fixée au 11 septembre 2007 et les deux parties en avaient été avisées de façon plus qu’adéquate. À cette date, à l’heure fixée, l’avocat du défendeur et le juge soussigné étaient présents et prêts à procéder. Sans aucune explication digne de foi, l’avocat de la demanderesse ne s’est pas présenté. En conséquence, par ordonnance, l’affaire a été reportée au 6 novembre avec la mention suivante :

[traduction]

L’audition de la présente affaire est reportée péremptoirement à l’égard de la demanderesse à 13 h 00, le mardi 6 novembre 2007.

 

[28]           Les avocats des deux parties ont comparu le 6 novembre. Celui de la demanderesse l’a fait par lettre, car c’est un autre membre de son cabinet qui a comparu à ce moment. Il y transmettait ses excuses à la Cour et au confrère en défense. Le défaut de comparaître à la date prévue en septembre serait le résultat, semble-t-il, d’un malentendu intervenu peut-être entre la demanderesse et son avocat, ou peut-être au sein même de son cabinet. En de telles circonstances, et pour souligner l’importance d’utiliser judicieusement les ressources limitées de l’administration judiciaire, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire de n’adjuger aucuns dépens.

 

« Frederick E. Gibson »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 23 novembre 2007

Traduction certifiée conforme

Jean-Jacques Goulet, LL. L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-2194-03

 

INTITULÉ :                                       BANDE DE SAWRIDGE et LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 6 novembre 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  Le juge GIBSON

 

DATE :                                               Le 23 novembre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Tim Hill

 

POUR LA DEMANDERESSE

Gail Sinclair

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS AU DOSSIER :

 

Aird & Berlis LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 



[1] L.R.C. 1985, ch. A-1

[2] L.R.C., ch. I-6,

[3] C.R.C., ch. 953

[4] [1989] A.C.F. no 453, 24 mai 1989 (C.F. 1ere inst.).

[5] [1999] 2 F.C. 381 (T.D.).

[6] Pour un bref raisonnement dans le même sens, voir St. Joseph Corp. c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux) [2002] A.C.F. No. 361, 2002 FCT 274, 12 mars, 2002, paragraphe 55.

[7] [1989] 1 C.F. 143 (C.F. 1re inst.).

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