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Date : 20071127

Dossier : IMM-1757-07

Référence : 2007 CF 1239

Ottawa (Ontario), le 27 novembre 2007

En présence de Monsieur le juge Blais

 

ENTRE :

WADJAMS JEAN-MARIE AHOUA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par M. Wadjams Jean-Marie Ahoua (le demandeur) à l’encontre d’une décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, Section de la protection des réfugiés (la SPR), rejetant sa demande d’asile au motif qu’il n’était pas un « réfugié au sens de la Convention » ni une « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. C-27 (la LIPR). La décision de la SPR est fondée sur le manque de crédibilité du demandeur, principalement en regard de sa crainte subjective de persécution.

 

[2]               La demande de protection du demandeur était basée sur sa crainte de persécution en raison de ses opinions politiques imputées, sa famille étant membre du Rassemblement des Républicains (le RDR), un parti d’opposition du gouvernement ivoirien.

 

[3]               Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) s’oppose à la demande de contrôle judiciaire.

 

FAITS PERTINENTS

[4]               Le demandeur est un citoyen de la Côte d’Ivoire âgé de 30 ans.

 

[5]               Il quitte son pays en septembre 1999 et s’installe aux États-Unis pour un an. Le 27 août 2000, il arrive au Canada muni d’un permis d’étudiant. Il allègue que la situation en Côte d’Ivoire était stable lors de son départ, mais qu’elle se serait détériorée lors du déclenchement de la guerre en septembre 2002.

 

[6]               Le demandeur allègue que son cousin fut arrêté et égorgé par des hommes en uniforme. Trois semaines plus tard, son village a été attaqué, les maisons pillées et brûlées, sa mère et ses tantes tuées. Son père aurait réussi à s’enfuir, mais il aurait été tué lors d’une marche du RDR, le 25 mars 2004, suite à de violents affrontements entre l’armée et certains opposants.

 

[7]               Le demandeur a fait sa demande d’asile le 14 janvier 2005. La SPR lui a refusé une première fois le statut de réfugié le 19 juillet 2005. Le 22 mars 2006, j’ai cassé la décision de la SPR et lui ai renvoyé l’affaire (IMM-4822-05). Il s’agit maintenant d’un contrôle judiciaire de la deuxième décision de la SPR à l’égard du demandeur.

 

DÉCISION CONTESTÉE

[8]               La SPR a conclu que le demandeur n’était pas crédible en ce qui concerne l’existence d’une crainte subjective de persécution et a, par conséquent, rejeté sa demande de protection.

 

[9]               Plus particulièrement, la SPR a remarqué que le comportement du demandeur ne correspondait pas à celui d’une personne craignant d’être persécutée par les autorités de son pays. En effet, la SPR a conclu que le fait que le demandeur se soit présenté à deux reprises à l’ambassade de la Côte d’Ivoire pour obtenir un renouvellement de son passeport et qu’il ait laissé écouler un délai de plusieurs mois entre le moment du décès de son père en mars 2004 – considéré par le demandeur comme le véritable élément déclencheur de sa demande d’asile – et le moment de sa demande d’asile en janvier 2005 affectait sa crédibilité.

 

[10]           De plus, le demandeur n’a présenté aucune preuve attestant le décès de ses parents et l’appartenance des membres de sa famille au RDR. La SPR a également fait état de la connaissance minime du demandeur sur le RDR et de ses quelques voyages aux États-Unis malgré sa situation précaire dès l’automne 2002.

 

QUESTION EN LITIGE

[11]           La SPR a-t-elle commis une erreur manifestement déraisonnable en rejetant la demande d’asile du demandeur?

 

ANALYSE

[12]           Les décisions de la SPR fondées sur l’absence de crédibilité du demandeur sont susceptibles de contrôle en vertu de la norme de la décision manifestement déraisonnable (Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et le l’Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (QL)). Ainsi, cette Cour ne serait justifiée d’intervenir que si le demandeur établit que l’évaluation de la crédibilité par la SPR est abusive, arbitraire ou rendue sans tenir compte de la preuve (Anthonimuthu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 141, M. le juge Yves de Montigny, au paragraphe 45).

 

[13]           En l’espèce, une lecture attentive de la décision mène à la conclusion que la SPR s’est effectivement fondée sur les éléments de preuve qui lui avaient été présentés. Comme je l’ai mentionné dans Biachi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 589, au paragraphe 11, le rôle de la Cour n’est pas de réévaluer la preuve ni de substituer son opinion à celle de la SPR. Le fait que, en présence de la même preuve, je serais peut-être arrivé à une conclusion différente de celle de la SPR ne justifie pas mon intervention.

 

[14]           À l’appui de sa position selon laquelle le délai pour présenter une demande n’est qu’un facteur parmi d’autres et ne devrait pas être en soi déterminant, le demandeur mentionne la décision que j’ai rendue dans l’affaire Soueidan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 956. Il est vrai que la seule question du délai ne devrait pas être suffisante pour justifier le rejet d’une demande d’asile. Or, il s’avère qu’en l’espèce, le délai ne constitue pas le seul motif dont a tenu compte la SPR. Au contraire, le comportement du demandeur, le manque de preuve quant au décès de membres de sa famille ou à leur participation aux activités du RDR, et l’absence générale de crainte subjective sont tous des éléments qui ont mené à la décision négative de la SPR.

 

[15]           Quant à l’allégation du demandeur que la SPR a erré en droit en ne considérant pas sa demande comme celle d’un réfugié sur place, je suis d’avis qu’elle doit être rejetée. Comme le souligne le ministre, les motifs de la décision montrent que la SPR a bel et bien traité la demande comme celle d’un réfugié sur place lorsqu’elle a mentionné que les problèmes du demandeur s’étaient aggravés en 2002, c’est-à-dire quelques années suite à son départ de la Côte d’Ivoire et son arrivée au Canada et que sa situation après les événements de 2002 avait été analysée par la SPR.

 

[16]           Enfin, quant à l’allégation que la SPR a erré en droit en omettant de considérer l’élément objectif de la crainte du demandeur, je suis également d’avis qu’elle devrait être rejetée. Le ministre souligne à bon droit qu’une conclusion négative quant à la crainte subjective peut rendre superflu l’examen de l’aspect objectif de la plainte et peut à elle seule justifier le rejet de la demande d’asile (Kamana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1695 (QL), Mme la juge Danièle Tremblay-Lamer, au paragraphe 10; Fernando c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 759, M. le juge Marc Nadon, aux paragraphes 2 et 3; Gamassi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1841 (QL), M,. le juge Yvon Pinard, au paragraphe 6).

 

[17]           Pour ces raisons, je suis d’avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire.

 

[18]           Les parties n’ont soumis aucune question pour certification.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

           

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question ne sera certifiée.

 

 

 

« Pierre Blais »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1757-07

 

INTITULÉ :                                       WADJAMS JEAN-MARIE AHOUA c. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               22 novembre 2007

 

MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT :                   LE JUGE BLAIS

 

DATE DES MOTIFS :                      27 novembre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Lia Cristinariu

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Lisa Maziade

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Lia Cristinariu

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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