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Date : 20071121

Dossier : IMM-6769-06

Référence : 2007 CF 1222

Toronto (Ontario), le 21 novembre 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

 

ENTRE :

KRISHNAMOORTHY KATHIRGAMU

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), le contrôle judiciaire de la décision d’une agente d’examen des risques avant renvoi (l’agente d'ERAR), en date du 27 novembre 2006, qui a refusé sa demande de protection.

 

Contexte

[2]               Le demandeur est un Tamoul originaire du Nord du Sri Lanka. Il est arrivé au Canada le 7 octobre 2000 et a présenté une demande d’asile.

[3]               Le 12 février 2001, il a été réputé s’être désisté de sa demande d’asile parce qu’il n’avait pas déposé son formulaire de renseignements personnels dans le délai prévu.

 

[4]               Le demandeur a présenté, le 16 novembre 2006, une demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR).

 

[5]               Dans sa demande d'ERAR, le demandeur dit qu’il craint les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) et les autorités srilankaises.

 

[6]               Plus exactement, il craint d’être étiqueté par les LTTE comme membre suspecté, ou collaborateur, des forces armées srilankaises, parce qu’il s’est trouvé hors de la région durant une certaine période. Il croit aussi que, parce qu’il a quitté illégalement les zones tenues par les LTTE, il sera exposé à un risque accru de persécution, de torture et de mort.

 

[7]               En outre, il croit qu’il sera étiqueté comme Tamoul célibataire (à son retour, il ne sera pas accompagné de son épouse et de ses enfants) originaire du Nord du Sri Lanka et sera soupçonné d’appartenir aux LTTE.

 

[8]               Par ailleurs, en tant que Tamoul, il sera recherché par les forces gouvernementales ou leurs alliés, qui voudront se venger des attaques des LTTE. Le demandeur dit qu’il a été victime de cette mesure en 1994 et qu’il fut par la suite tenu de se présenter à la police à Colombo. Il ne l’avait pas fait et il craint aujourd’hui d’être dans la ligne de mire de la police à son retour.

 

[9]               L’agente a rejeté la demande d'ERAR parce que selon elle le demandeur disposait à Colombo d’une possibilité de refuge intérieur (PRI). Elle a relevé que le demandeur n’avait rien dit, dans son témoignage, sur les conditions qui avaient cours dans le Sud du pays, et en particulier à Colombo, et elle a donc préféré sur ce point une preuve documentaire indépendante. Jusqu’à neuf (9) documents récents faisant état des conditions ayant cours dans le pays ont finalement été considérés dans l’analyse de l’agente.

 

[10]           L’agente d'ERAR a souligné que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCNUR) n’était pas informé que des Tamouls avaient été inquiétés à leur retour au Sri Lanka en vertu de la loi srilankaise sur les immigrants et les émigrants. D’ailleurs, un fonctionnaire de l’immigration, au Haut-Commissariat du Canada à Colombo, a dit qu’il est totalement faux que les rapatriés au Sri Lanka sont torturés. Les rapatriés qui ne sont pas sous le coup de mandats d’arrêt ou d’actes d’accusation au Sri Lanka sont tout simplement relâchés. La preuve du HCNUR et celle du Haut-Commissariat du Canada montraient que certains rapatriés sont parfois interrogés à l’aéroport, puis relâchés, ou bien ne sont pas interrogés du tout.

 

[11]           L’agente a dit que les épreuves subies auparavant par le demandeur ne justifiaient pas en tant que telles l’octroi d’une protection, ni ne laissaient entrevoir nécessairement un risque prospectif, eu égard à la preuve documentaire sur les conditions ayant cours dans le pays et à la situation personnelle du demandeur.

 

[12]           Par ailleurs, l’agente a souligné que, selon la preuve documentaire, les Tamouls qui fuient la persécution ou la guerre dans le Nord-Est peuvent généralement trouver la sécurité dans les zones tenues par les forces gouvernementales. En outre, même si des mesures périodiques de sécurité sont appliquées à Colombo et que les jeunes Tamouls, en particulier ceux qui viennent d’arriver à Colombo depuis le Nord, sont parfois appréhendés, fouillés, arrêtés ou détenus durant une courte période, la plupart sont relâchés après vérification d’identité. Ces courtes détentions, destinées à prévenir les perturbations ou à enrayer le terrorisme, ne constituent pas une persécution.

 

Analyse

[13]           Dans la décision Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] CF 437, [2005] A.C.F. n° 540 (QL), aux paragraphes 8 à 22, le juge Mosley écrivait, après avoir effectué une analyse pragmatique et fonctionnelle, que, « dans le cadre du contrôle judiciaire des décisions relatives à l’ERAR, la norme de contrôle applicable aux questions de fait devrait être, de manière générale, celle de la décision manifestement déraisonnable; la norme applicable aux questions mixtes de droit et de fait, celle de la décision raisonnable simpliciter, et la norme applicable aux questions de droit, celle de la décision correcte ».

 

[14]           Lorsqu’une cour de justice examine une décision administrative, elle doit s’abstenir d’examiner à la loupe les motifs du tribunal administratif (Boulis c. Canada (Ministre de la Main‑d’œuvre et de l’Immigration), [1974] R.C.S. 875, page 885). La décision doit être évaluée comme un tout, et dans le contexte de la preuve produite (Miranda c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 63 F.T.R. 80, paragraphe 3).

 

[15]           Le demandeur affirme d’abord que l’agente d'ERAR a négligé d’évaluer les actes de torture qu’il prétendait avoir subis lorsqu’elle est arrivée à la conclusion que la crainte de persécution ressentie par le demandeur n’était pas objectivement fondée.

 

[16]           Il est bien établi que, même s’il faut évaluer de façon prospective le bien-fondé d’une crainte de persécution, une persécution antérieure doit être prise en compte si elle est invoquée par le demandeur d’asile (Natynczyk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] CF 914, [2004] A.C.F. n° 1118 (QL), paragraphe 71).

 

[17]           En l’espèce, l’agente a passé en revue les documents décrivant les conditions qui avaient cours dans le pays et elle a conclu que le demandeur ne serait pas exposé à la persécution. Elle écrivait, à la page 2 de sa décision, que le demandeur avait été pris pour cible par les forces gouvernementales dans le passé. Plus loin dans ses motifs, elle écrivait qu’elle ne croyait pas que les épreuves subies antérieurement par le demandeur, eu égard à la preuve documentaire, justifiaient l’octroi d’une protection. On ne saurait donc dire qu’elle a négligé d’évaluer la situation  personnelle du demandeur.

 

[18]           Le demandeur affirme aussi que l’agente d'ERAR a mal interprété sa crainte, car elle disait qu’il craignait de retourner au Sri Lanka à cause de son absence prolongée de ce pays, alors qu’en réalité sa crainte s’expliquait par le fait qu’il avait été tenu de se présenter aux autorités srilankaises en 1994, mais ne l’avait pas fait. Encore une fois, je ne partage pas l’avis du demandeur.

 

[19]           En l’espèce, l’agente a porté son attention sur les craintes particulières invoquées par le demandeur. Elle a dit que le demandeur craignait d’être pris pour cible comme Tamoul, soit par les forces gouvernementales, soit par leurs alliés, qui voudront se venger des attaques des LTTE. Elle a donc reconnu que le demandeur avait été naguère une victime. À la page 2 de la décision, elle a évoqué explicitement la crainte qui, selon le demandeur, n’a pas été prise en compte : [traduction] « le demandeur dit que, en 1994, il était tenu de se présenter à la police à Colombo et ne l’a pas fait; il attirera l’attention de la police pour avoir négligé de se présenter ».

 

[20]           Encore une fois, il m’est impossible de dire que l’agente d'ERAR a mal compris la crainte du demandeur.

 

[21]           Le demandeur dit aussi que l’agente d'ERAR a commis une erreur en disant que les Tamouls qui fuient la persécution peuvent généralement trouver une PRI dans les zones tenues par les forces gouvernementales, et en concluant que c’était de « jeunes » Tamouls qui étaient arrêtés et détenus à Colombo.

 

[22]           Il est vrai que l’agente a écrit que les Tamouls qui fuient la persécution peuvent généralement trouver une PRI dans les zones tenues par les forces gouvernementales et que ce sont de jeunes Tamouls qui sont arrêtés, dont la plupart sont relâchés après un contrôle d’identité. Cependant, ce qu’il convient de noter ici, c’est que le cas particulier du demandeur a été étudié. L’agente a explicitement analysé le cas du demandeur et estimé que, même s’il risquait d’être interrogé par les autorités sur son identité et les endroits où il s’était rendu, il serait en mesure de prouver son identité « puisqu’il est en possession d’une carte nationale d’identité et d’un acte de naissance » et il serait donc relâché.

 

[23]           Je suis d’avis que la conclusion de l’agente selon laquelle le demandeur disposait d’une PRI n’était pas manifestement déraisonnable.

 

[24]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agente d'ERAR est rejetée.

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agente d'ERAR soit rejetée.

 

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-6769-06

 

INTITULÉ :                                                   KRISHNAMOORTY KATHIRGAMU

                                                                        c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 19 NOVEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 21 NOVEMBRE 2007

 

COMPARUTIONS :

 

David Orman

 

POUR LE DEMANDEUR

John Provart

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Orman
Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

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