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Date : 20030409

 

Dossier : IMM‑1303‑02

 

Référence : 2003 CFPI 419

Ottawa (Ontario), le 9 avril 2003

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

 

ENTRE :

                                                                  AA, BB et CC

 

                                                                                                                                        demandeurs

 

                                                                          ‑ et ‑

 

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

                                                                                                                                           défendeur

 

 

 

                      MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE AMENDÉS

 

 

[1]               Les demandeurs, AA et ses deux fils, BB et CC, sollicitent le contrôle judiciaire de la décision rendue le 6 mars 2002 par la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Les demandeurs avaient interjeté appel des mesures d’interdiction de séjour prises à leur égard le 16 mai 2001. La SAI a rejeté l’appel et elle a confirmé les mesures d’interdiction de séjour.

 

[2]               Les mesures d’interdiction de séjour ont été prises au motif que les demandeurs étaient des personnes visées à l’alinéa 27(1)b) de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I‑2, et modifications (la Loi), qui prévoit ce qui suit :


 


27. (1) L’agent d’immigration ou l’agent de la paix doit faire part au sous‑ministre, dans un rapport écrit et circonstancié, de renseignements concernant un résident permanent et indiquant que celui‑ci, selon le cas :

 

27. (1) An immigration officer or a peace officer shall forward a written report to the Deputy Minister setting out the details of any information in the possession of the immigration officer or peace officer indicating that a permanent resident is a person who

 

 

 

b) a sciemment contrevenu aux conditions dont était assorti son droit d’établissement;

 

(b) if that person was granted landing subject to terms and conditions, has knowingly contravened any of those terms or conditions;

 

 

 

 


Les faits

[3]               Les demandeurs sont devenus des résidents permanents au Canada le 27 juillet 1997. Ils sont arrivés d’Iran avec M. Ali Zamani, le mari de AA et le père de BB et CC.  M. Zamani remplissait les conditions d’immigration en tant qu’entrepreneur. Il devait, suivant le paragraphe 23.1(1) du Règlement sur l’immigration de 1978 (le Règlement), établir ou acheter au Canada une entreprise ou investir dans une entreprise une somme importante dans un délai d’au plus deux ans de son arrivée. M. Zamani a quitté le Canada quelques semaines après être devenu résident permanent et il a fait peu de tentatives visant l’établissement d’une entreprise.

 

[4]               Le mariage de M. Zamani et AA s’est détérioré après leur établissement au Canada et AA lui a présenté une demande de divorce en novembre 1999. Le divorce a été finalisé en mars 2001.

 


[5]               Ali Zamani est depuis retourné en Iran sans avoir rempli les conditions d’établissement de la famille. En raison de l’omission d’avoir rempli les conditions d’établissement, les demandeurs ont été convoqués à une enquête en matière d’immigration qui a eu lieu le 27 avril 2001. Lors de l’enquête, il a été établi que les demandeurs étaient des personnes visées à l’alinéa 27(1)b) de la Loi, chacun d’eux étant une personne qui avait « sciemment contrevenu aux conditions dont était assorti son droit d’établissement ». Par conséquent, des mesures d’interdiction de séjour ont été prises à leur égard. CC, un enfant mineur, était inclus dans la mesure d’interdiction de séjour prise à l’égard de sa mère suivant le paragraphe 33(1) de la Loi.

 

[6]               Les demandeurs ont, devant la Section d’appel, interjeté appel des mesures d’interdiction de séjour prises à leur égard. La Section d’appel a confirmé les mesures après une nouvelle audience. Les demandeurs sollicitent maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la SAI.

 

[7]               La demanderesse (AA) affirme qu’elle ne savait pas, lorsqu’elle est entrée au Canada, qu’une condition de son établissement était que son mari établisse une entreprise. Elle reconnaît cependant avoir signé sa fiche d’établissement qui contenait une déclaration, en anglais, selon laquelle elle comprenait les conditions de son entrée au Canada. De la même façon, le fils aîné BB a signé la fiche d’établissement. Les deux demandeurs déclarent qu’ils n’ont ni lu ni compris les documents qu’ils signaient. Cependant, la demanderesse principale a déclaré lors de l’audience qu’elle s’était rendu compte six mois avant l’échéance de la période de deux ans qu’il y avait une condition qui consistait à établir une entreprise.

 

La décision de la SAI

[8]               La SAI a déclaré que le fait que M. Ali Zamani n’avait pas rempli les conditions énoncées dans le Règlement n’était pas contesté. La SAI a fait remarquer que, au moment de l’établissement,  BB était âgé de presque 23 ans et que CC, un enfant mineur, avait environ 15 ans.


 

[9]               Dans ses motifs, la SAI a résumé le témoignage de AA comme suit :

            (i)         Elle a témoigné que seul son époux avait rencontré l’agent des visas canadien en Iran. Elle a déclaré qu’on leur a demandé, à elle et à BB, de signer des documents en anglais, qu’elle ne comprenait pas très bien l’anglais et qu’elle n’avait pas connaissance des conditions d’établissement.

 

            (ii)        AA a témoigné que, dix‑huit jours après leur établissement, son époux est retourné en Iran avec CC et qu’il l’a inscrit dans une école, apparemment par prudence ou comme autre plan. Contrairement à ce qui était prévu, son époux et CC ne sont pas revenus d’Iran après deux semaines. Le fils aîné, BB, est retourné en Iran pour poursuivre ses études universitaires. AA est demeurée à Toronto. Elle a déclaré que son époux l’a informée, lors d’une conversation téléphonique, de la condition d’investissement dans une entreprise au Canada.

 


            (iii)       BB a déclaré qu’il a rencontré son père à Ottawa et qu’ils ont constitué une société en septembre 1998, mais que cette société n’a jamais été en exploitation. AA est demeurée à Toronto jusqu’au 17 juillet 1999, soit dix jours avant l’échéance de la période de deux ans prévue pour l’établissement d’une entreprise. Elle a déclaré qu’elle avait appris au début de 1999, de la part d’amis iraniens, qu’une période de deux ans était prévue pour l’établissement d’une entreprise et qu’elle avait alors compris que les projets de citoyenneté de la famille pourraient être affectés par l’omission de son époux d’avoir établi une entreprise.

 

            (iv)       AA est retournée en Iran en juillet 1999 afin d’aller chercher son fils CC et de le ramener au Canada. Elle s’est renseignée au sujet d’un divorce en Iran. Elle a en outre pris des dispositions par téléphone avec CC pour se rendre chez lui lorsque son père serait absent. La mère et le fils sont alors revenus au Canada.

 

            (v)        À leur retour au Canada, CC et AA ont déménagé à Vancouver. AA a témoigné qu’elle avait appris, probablement au printemps de 1999, que son époux était à Vancouver.

 

            (vi)       En août 1999, AA a demandé l’aide de M. Seervan Dowlati de la Immigrant Services Society à Vancouver. M. Dowlati a témoigné lors de l’audience. Il a mentionné que AA avait l’intention de remplir elle‑même les conditions d’établissement de son époux, qu’il avait recommandé qu’elle essaie d’obtenir une prorogation de délai et qu’il lui avait offert de l’aider à écrire une lettre aux autorités d’immigration. La lettre a été envoyée en décembre 1999, après l’échéance de la période de deux ans.

 


 (vii)     AA a présenté une demande de divorce en Colombie‑Britannique le 10 novembre 1999 et elle a fourni une adresse à Vancouver Ouest pour son époux. Elle a déclaré qu’elle savait qu’il ne vivait pas à cette adresse, mais qu’il y avait auparavant vécu avec des amis.

 

(viii)      AA avait travaillé au Canada entre septembre et novembre 2001 et elle avait subvenu à ses besoins avec les revenus de son emploi et avec l’argent que lui avait envoyé sa famille en Iran, soit un montant de 100 000 $ qu’elle avait utilisé pour acheter des automobiles et du mobilier pour sa résidence. BB a témoigné avoir reçu un montant de 190 000 $ de ses grands‑parents maternels, montant qu’il a l’intention d’utiliser pour établir une entreprise avec sa mère.

 

(ix)       AA a suivi certains cours d’anglais et de couture à Vancouver et elle a fait du bénévolat pour la Pacific Immigrant Resources Society. Le fils aîné BB a déménagé de Toronto à Vancouver en 2001 et il a l’intention de s’inscrire au British Columbia Institute of Technology après avoir réussi son examen d’anglais langue étrangère (TOEFL). CC a achevé la douzième année d’études à Vancouver et il étudie maintenant au Langara College.

 


[10]           La SAI a déclaré, après avoir comparé la transcription de la première audience et celle de l’audience tenue devant elle, qu’il y avait des incohérences dans le témoignage de AA à l’égard des allées et venues de son époux. La SAI a estimé qu’il était étonnant que l’époux et l’épouse n’aient pas discuté à l’avance des conditions de l’immigration au Canada. La SAI a déclaré que le témoignage de BB était embrouillé et que ce qu’il prétendait avoir eu connaissance ou avoir compris au moment de l’immigration de la famille n’était pas clair.

 

[11]           La SAI a fait remarquer que AA et BB avaient tous les deux signé volontairement leurs documents d’établissement qui contiennent la déclaration de la personne à charge selon laquelle elle « par les présentes comprend et accepte les conditions stipulées aux alinéas 23.1(1)a) à d) [...] qui décrivent les exigences que doit respecter [...] (demandeur principal) [...] un entrepreneur immigrant ». 

 

[12]           La SAI a déclaré à la page 8 de ses motifs :

[...] De plus, je suis d’accord avec l’arbitre quand il dit que AA et BB prétendent tous deux avoir reçu une formation universitaire en Iran et qu’ils étaient tous deux aptes à décider lorsqu’ils ont volontairement signé leur visa, renfermant la déclaration susmentionnée. BB a déclaré dans son témoignage qu’il avait étudié l’anglais aux niveaux secondaire et universitaire en Iran. Si, au moment de leur établissement, lui et sa mère ont décidé de signer ces documents, sans les lire, ou sans indiquer aux fonctionnaires responsables des visas qu’ils ne pouvaient pas les lire ou les comprendre, je crois qu’ils ne peuvent pas par la suite alléguer qu’ils ignoraient la teneur des renseignements contenus dans ces documents. De plus, les conditions sont encore jointes à leur visa et l’ont été au cours des cinq dernières années. [...]

 

 

 


[13]           La SAI a ensuite déclaré que, de plus, AA, selon sa propre déclaration, avait eu connaissance six mois avant l’échéance de la période de deux ans des conditions d’investissement et du fait que l’omission de s’y conformer aurait des conséquences sur le statut de la famille. La SAI a cité un extrait de l’arrêt Gabriel c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1984), 60 N.R. 108 (C.A.F.), qui établit que, indépendamment de la question de savoir si une condition peut être remplie, une personne « a sciemment contrevenu » à une condition si après avoir eu connaissance de la condition elle est demeurée au Canada en sachant qu’il y avait eu violation de la condition. La SAI a conclu que les mesures d’interdiction de séjour avaient été validement prises.

 

[14]           La SAI a ensuite examiné la question de savoir si dans les circonstances les demandeurs devraient ne pas être renvoyés du Canada suivant l’alinéa 70(1)b) de la Loi qui prévoit ce qui suit :

 


70.(1) Appel des résidents permanents et des titulaires de permis de retour – Sous réserve des paragraphes (4) et (5), les résidents permanents et les titulaires de permis de retour en cours de validité et conformes aux règlements peuvent faire appel devant la section d’appel d’une mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel en invoquant les moyens suivants :

 

70.(1) Appeals by permanent residents and persons in possession of returning resident permits – Subject  to subsections (4) and (5), where a removal order or conditional removal order is made against a permanent resident or against a person lawfully in possession of a valid returning resident permit issued to that person pursuant to the regulations, that person may appeal to the Appeal Division on either or both of the following grounds, namely,

 

 

 

a) question de droit, de fait ou mixte;

 

(a) on any ground of appeal that involves a question of law or fact, or mixed law and fact; and

 

 

 

b) le fait que, eu égard aux circonstances particulières de l’espèce, ils ne devraient pas être renvoyés du Canada.

 

 

(b) on the ground that, having regard to all the circumstances of the case, the person should not be removed from Canada.

 

 

 

 

 


 

La SAI a déclaré que les facteurs pertinents qu’elle avait pris en compte comprenaient les facteurs suivants : la gravité de la violation, la question de savoir si des tentatives avaient été faites dans le but de remédier à la violation, la durée et le niveau d’établissement au Canada, le soutien de la famille et de la collectivité au Canada, et le niveau de préjudice qu’entraînerait un retour au pays d’origine.

 


[15]           Étant donné que M. Zamani n’avait fait que des efforts très minimes pour remplir les conditions, la SAI a conclu que l’omission de s’être conformé à la Loi et au Règlement était grave. La SAI a reconnu que les demandeurs n’avaient pas pu influencer les efforts faits par M. Zamani pour se conformer à la Loi. On a fait remarquer que AA avait offert de remplir les conditions elle‑même, mais, de toute façon, la question de savoir si la demanderesse était admissible en tant qu’entrepreneure n’était pas claire. La SAI a fait remarquer que la demanderesse avait suivi des cours et qu’elle avait obtenu un emploi à Vancouver, mais que cette tentative d’établissement de la demanderesse avait principalement eu lieu à l’échéance de la période de deux ans. Cependant, la SAI a fait remarquer que la demanderesse n’avait pas fait des efforts sérieux et raisonnables pour trouver un emploi, qu’elle avait dépensé des sommes importantes d’argent en achat d’automobiles et de mobilier pour sa résidence et qu’elle semblait s’attendre à recevoir de l’argent de sa famille en Iran lorsque c’était nécessaire. La SAI a conclu que AA n’était pas particulièrement bien établie au Canada et qu’elle ne subirait aucun préjudice indu si elle retournait en Iran.

 

[16]           Quant au fils aîné, BB, la SAI a déclaré qu’il avait fait la majeure partie de ses études secondaires et postsecondaires en Iran et qu’il était un peu, mais très peu, établi au Canada. On a fait remarquer que CC, le plus jeune fils, poursuivait des études à plein temps dans un collège et qu’il avait passé deux ans au Canada. Cependant, la SAI a conclu qu’il n’avait pas démontré qu’il subirait un préjudice s’il retournait en Iran. La SAI a déclaré qu’il n’existait pas de preuve démontrant qu’il ne pourrait pas revenir au Canada en détenant un visa d’étudiant si c’était nécessaire.

 


[17]           En raison de cette analyse, la SAI a conclu que les demandeurs n’avaient pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que l’appel devait être accueilli suivant l’alinéa 70(1)b) de la Loi et elle a rejeté l’appel.

 

Les questions en litige

[18]           Les demandeurs soulèvent les questions suivantes :

A.                 Le tribunal a‑t‑il commis une erreur de droit lorsqu’il a conclu que les demandeurs avaient « sciemment contrevenu aux conditions » prévues à l’alinéa 27(1)b) de la Loi alors qu’ils n’avaient connaissance d’aucune des conditions au moment de leur établissement? Les demandeurs devaient‑ils connaître toutes les conditions du Règlement et contrevenir à toutes ces conditions pour « sciemment contrevenir » suivant l’alinéa 27(1)b)?

 

B.         Le tribunal a‑t‑il fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire lorsqu’il a examiné l’appel présenté suivant l’alinéa 70(1)b) de la Loi?

 

C.        Le tribunal a‑t‑il commis une erreur lorsqu’il a omis d’accorder suffisamment d’importance au témoignage de M. Seervan Dowlati qu’il jugeait digne de foi?

 


D.        Le tribunal a‑t‑il commis une erreur lorsqu’il a omis de permettre aux demandeurs de présenter d’autres observations à l’égard du préjudice qu’ils subiraient s’ils retournaient en Iran?

 

Analyse

A.        Le tribunal a‑t‑il commis une erreur de droit lorsqu’il a conclu que les demandeurs avaient « sciemment contrevenu aux conditions » prévues à l’alinéa 27(1)b) de la Loi alors qu’ils n’avaient connaissance d’aucune des conditions au moment de leur établissement?

 

Les demandeurs devaient‑ils connaître toutes les conditions du Règlement et contrevenir à toutes ces conditions pour « sciemment contrevenir » suivant l’alinéa 27(1)b)?

 

 

 

[19]           Dans l’arrêt Gabriel, précité, auquel la SAI a renvoyé, la condition d’établissement au Canada à laquelle était soumise l’appelante était qu’elle épouse son répondant et fiancé dans les 90 jours suivant son admission. Elle ne l’avait pas fait. La Cour a conclu que la demanderesse connaissait la condition et, bien qu’elle n’ait pas pu la remplir, qu’elle « avait sciemment contrevenu » à la condition du visa en demeurant au Canada en violation de cette condition. Il n’était pas nécessaire qu’un « acte positif » ait été accompli pour « sciemment contrevenir » aux conditions.

 


[20]           La demanderesse prétend que l’arrêt Gabriel, précité, est différent de la présente affaire étant donné que dans l’arrêt Gabriel l’appelante connaissait clairement la condition à laquelle était soumis son droit d’établissement. Les demandeurs prétendent que le moment auquel un immigrant a connaissance des conditions du visa est crucial dans l’évaluation de la violation et qu’ils devaient avoir connaissance des conditions au moment de l’établissement afin que l’alinéa 27(1)(b) de la Loi leur soit par la suite applicable.

 

[21]           Dans l’arrêt Gabriel, précité, la Cour d’appel fédérale a déclaré :

 

[L]orsque la personne concernée connaissait cette condition et que nonobstant cette connaissance, elle a continué de demeurer au Canada en qualité de résidente permanente en violation de ladite condition, j’estime qu’elle a sciemment contrevenu à une condition à laquelle était soumis son droit d’établissement.

 

[22]           En l’espèce, la preuve donne à penser, et la SAI a conclu, que AA ET BB connaissaient les conditions du visa avant l’échéance de la période de deux ans. Je suis d’avis que l’affirmation selon laquelle les demandeurs n’avaient pas eu connaissance des conditions et de leurs conséquences avant l’automne 2000 n’est pas appuyée par le dossier. Je suis convaincu que la preuve établit que AA avait eu connaissance, selon sa propre déclaration, des conditions d’investissement six mois avant l’échéance de la période de deux ans. Le dossier établit en outre que la demanderesse avait eu connaissance des conséquences de l’omission de remplir les conditions avant l’échéance de la période prévue pour le faire. À l’échéance de la période de deux ans, le 27 août 1999, compte tenu de l’omission de M. Zamani d’avoir établi une entreprise, il y a eu violation des conditions du visa. À ce moment et par la suite, alors que les demandeurs ont continué à demeurer au Canada, ils contrevenaient sciemment aux conditions de leur établissement. Cette interprétation est conforme aux règles énoncées dans l’arrêt Gabriel, précité, qui à mon avis est applicable en l’espèce. Les demandeurs ont par conséquent contrevenu à l’alinéa 27(1)b) de la Loi et ils ont fait l’objet d’une mesure d’interdiction de séjour suivant le paragraphe 32(2.1) de la Loi.

 


[23]           Je suis en outre d’avis que AA et BB, en signant leur fiche d’établissement, ont confirmé qu’ils connaissaient les conditions de leur visa à leur entrée au Canada. Les demandeurs, étant donné qu’ils n’ont pas demandé une traduction ou des renseignements additionnels à l’égard des conditions au moment de la signature, ne peuvent pas de bonne foi contester leur connaissance des conditions. Si la prétention des demandeurs selon laquelle ils devaient avoir eu connaissance des conditions au moment de l’établissement était acceptée, des immigrants pourraient éviter d’être soumis à une mesure d’interdiction de séjour simplement en omettant de lire les documents d’Immigration Canada et en prétendant par la suite qu’ils ne connaissaient pas les conditions au moment de leur établissement. Dans les circonstances de la présente affaire, je ne suis pas disposé à accepter cette prétention. Le fait d’accepter cette prétention aurait comme conséquence de rendre sans effet le but même du visa.

 

[24]           Les demandeurs prétendent en outre que, pour que l’alinéa 27(1)b) leur soit applicable, ils doivent sciemment avoir contrevenu à toutes les conditions énoncées dans le Règlement, à savoir : que le demandeur principal établisse ou achète une entreprise au Canada, que l’entreprise contribue de manière significative à l’économie, que le demandeur principal emploie au moins un Canadien ou un résident permanent, qu’il participe activement à la gestion de l’entreprise, que l’entreprise soit établie ou achetée dans les deux ans suivant l’établissement, que le demandeur principal présente les rapports qu’on lui demande et qu’il fournisse la preuve qu’il a rempli les conditions.

 


[25]           Le défendeur soutient que le texte de l’alinéa 27(1)b) est déterminant et que ce que la disposition prévoit c’est que la personne ait « sciemment contrevenu aux conditions » [non souligné dans l’original]. Par conséquent, le fait de sciemment contrevenir à une condition respecte les exigences de la disposition. Cet argument m’apparaît convaincant : la Loi énonce clairement que les exigences de l’alinéa 27(1)b) sont respectées même si on a sciemment contrevenu à une seule condition.

 

[26]           Par conséquent, la SAI n’a pas commis une erreur de droit lorsqu’elle a appliqué l’alinéa 27(1)b) de la Loi aux circonstances de la présente affaire.

 

 

B.        Le tribunal a‑t‑il fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire lorsqu’il a examiné l’appel présenté suivant l’alinéa 70(1)b) de la Loi?

 

 

 

[27]           Les demandeurs soumettent plusieurs arguments à l’égard de conclusions de fait erronées tirées par le tribunal.

 

[28]           Les demandeurs prétendent que le tribunal a commis une erreur lorsqu’il a évalué de façon défavorable la crédibilité de AA en se fondant sur un seul exemple de témoignages contradictoires donnés lors de l’enquête et lors de l’audition de l’appel.

 


[29]           AA a déclaré lors de l’enquête que son époux, après être arrivé à Ottawa, cherchait quel type d’entreprise il pourrait établir et qu’il avait envisagé de déménager d’Ottawa à Toronto où un plus grand nombre d’Iraniens vivaient. Elle a alors déclaré : [TRADUCTION] « Et par conséquent nous avons déménagé à Toronto et nous y sommes demeurés et il a appris que des Turques, des Arabes et certains Iraniens avaient déjà établi ce type de boulangerie » [non souligné dans l’original]. Cependant, lors de l’audition de l’appel la demanderesse a déclaré qu’elle avait d’abord vécu à Ottawa pendant 18 jours, qu’elle avait déménagé seule à Toronto, que son époux avait vécu avec elle à Ottawa pendant 18 jours et qu’il était ensuite retourné en Iran. Ce témoignage est incompatible avec le témoignage qu’elle avait auparavant donné lors de l’enquête. En outre, dans une lettre envoyée à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), lettre datée du 7 mars 2001, AA a déclaré que son mari l’avait abandonnée le 8 août 1999. Cette déclaration de la demanderesse est incompatible avec son témoignage donné devant la SAI dans lequel elle a déclaré que son mari l’avait abandonnée 18 jours après leur établissement le 27 juillet 1997. Il y avait, en plus de ces exemples, d’autres témoignages incompatibles donnés par les demandeurs. Par conséquent, je suis d’avis que la conclusion quant à la crédibilité tirée par la SAI était bien fondée et qu’elle ne constitue pas une erreur.

 


[30]           Les demandeurs prétendent que le tribunal a commis une erreur lorsqu’il a déclaré que le fait qu’ils ne s’étaient pas mieux établis au Canada n’était pas causé par l’absence de réponse de la part des autorités d’immigration. Je ne souscris pas à cette prétention. La question de savoir si les efforts faits par AA pour établir une entreprise ont été retardés par le fait qu’elle attendait une réponse des autorités d’immigration n’est pas une question déterminante étant donné que M. Zamani était la personne qui devait établir une entreprise conformément aux conditions du visa. En outre, la décision de renvoyer les demandeurs suivant l’alinéa 70(1)b) de la Loi est une décision discrétionnaire. Il n’appartient pas à une cour qui contrôle l’exercice du pouvoir discrétionnaire ministériel de réévaluer des facteurs pertinents; voir à cet égard l’arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] A.C.S. no 3 (QL), au paragraphe 34. À mon avis, la SAI a pris en compte toute la situation des demandeurs et rien ne justifie une intervention.

 

[31]           Les demandeurs prétendent que le tribunal a commis une erreur lorsqu’il a conclu que AA avait en Iran une carrière qu’elle pouvait reprendre alors que son visa mentionnait qu’elle était une femme au foyer en Iran. La transcription de l’enquête établit que la demanderesse a déclaré ce qui suit lorsqu’on lui a demandé de parler de ses études et de ses expériences de travail : [TRADUCTION] « Je suis une technicienne en électronique et en électricité. J’ai de plus un diplôme universitaire en comptabilité ». Compte tenu de ce témoignage, la conclusion tirée par la SAI n’est pas déraisonnable et, de toute façon, elle n’affecterait aucunement la décision discrétionnaire rendue suivant l’alinéa 70(1)b) de la Loi.

 

[32]           Les demandeurs prétendent que le tribunal a commis une erreur lorsqu’il a tenu pour acquis que tous les membres de la famille proche de AA vivaient en Iran, étant donné que la seule mention faite devant le tribunal quant aux membres de la famille se rapportait à M. Zamani et aux parents de AA.

 


[33]           Les demandeurs ne prétendent pas que la conclusion du tribunal est erronée quant aux faits. Ils prétendent seulement que cette conclusion est une hypothèse non fondée. La SAI ne disposait pas d’éléments de preuve démontrant que les demandeurs avaient d’autres parents ou d’autres liens familiaux au Canada. La question a été examinée afin d’établir l’étendue des liens avec le Canada dans le but de rendre une décision discrétionnaire suivant l’alinéa 70(1)b) de la Loi. À ces fins, je suis d’avis que le tribunal pouvait raisonnablement, compte tenu de la preuve dont il disposait, tirer les conclusions qu’il a tirées à l’égard de ce facteur.

 

[34]           Les demandeurs prétendent que le tribunal a commis une erreur lorsqu’il a conclu que BB avait étudié l’anglais à l’école secondaire et à l’université alors que, dans les faits, il n’a pas étudié l’anglais à l’école secondaire et il a témoigné lors de l’audience qu’il n’était pas capable de lire ou de parler assez bien l’anglais pour comprendre ce qui était inscrit sur le visa. Le défendeur reconnaît que le tribunal a commis une erreur à cet égard. Cependant, je suis d’avis que cette erreur n’est pas déterminante. Ma conclusion, précédemment énoncée, est que les demandeurs ont eu connaissance des conditions du visa avant l’échéance de la période de deux ans. BB a en outre signé les conditions d’établissement reconnaissant ainsi la condition du visa lors de son entrée au Canada. Étant demeuré au Canada après avoir contrevenu aux conditions du visa, BB est sujet à l’application des dispositions de la Loi, notamment à l’alinéa 27(1)b).

 

[35]           Les demandeurs prétendent que le tribunal a commis une erreur lorsqu’il a conclu que le montant de 100 00 $ dépensé par AA, pour des automobiles et du mobilier pour sa résidence, donnait à penser qu’elle n’était pas bien établie au Canada. Le tribunal a conclu que la capacité de AA d’obtenir des fonds de l’étranger faisait en quelque sorte qu’il ne lui était pas nécessaire de s’assurer d’avoir un emploi à plein temps et, par conséquent, qu’elle n’était pas bien établie au Canada. Selon la preuve, je conclus que la conclusion du tribunal est raisonnable et que par conséquent il n’a pas commis une erreur.

 


[36]              Les demandeurs prétendent que le tribunal a commis une erreur lorsqu’il a conclu que AA, parce qu’elle était allée en Iran en 1999 et qu’elle avait ramené CC sans en informer son époux duquel elle était séparée, ne craignait pas de retourner en Iran. Comme il a été déclaré précédemment, l’appréciation des facteurs de l’alinéa 70(1)b) de la Loi relève de la compétence du tribunal. En outre, le tribunal a fait remarquer qu’il n’y avait pas de preuve à l’égard de la crainte de renvoi en Iran et il a donné aux avocats la possibilité de présenter d’autres observations à cet égard. À mon avis, le tribunal pouvait raisonnablement tirer la conclusion qu’il a tirée. 

 

[37]           Les demandeurs prétendent que le tribunal n’a pas pris en compte le témoignage de CC selon lequel il ne pourrait pas poursuivre ses études en Iran s’il était forcé de quitter le Canada, il serait obligé de faire son service militaire en Iran et il serait obligé de quitter ce qu’il considérait maintenant être chez lui.

 

[38]           CC a témoigné qu’il ne pensait pas, s’il retournait en Iran, qu’il pourrait reprendre des études universitaires parce que les universités iraniennes n’accepteraient pas son diplôme canadien d’études secondaires et parce qu’elles pourraient considérer qu’il était devenu trop occidental. La SAI a conclu que CC avait passé deux ans au Canada, qu’il avait fait la majeure partie de ses études secondaires en Iran et qu’il subirait peu de préjudice s’il retournait en Iran. Le tribunal avait la compétence nécessaire pour apprécier cette question et je suis d’avis que rien ne justifie l’intervention de la Cour.

 


[39]           Les demandeurs prétendent que le tribunal a omis de prendre en compte le fait qu’ils ne pouvaient pas légalement faire lever les conditions et le fait que M. Zamani les avait abandonnés.

 

[40]           Il n’est pas clair si la prétention vise la décision du tribunal suivant l’alinéa 27(1)b) ou celle rendue suivant l’alinéa 70(1)b) de la Loi. À mon avis, la prétention n’est pas fondée. La question de savoir si les demandeurs pouvaient légalement faire lever les conditions n’est pas pertinente dans une décision rendue suivant l’alinéa 27(1)b); voir à cet égard l’arrêt Gabriel, précité. À l’égard de la décision discrétionnaire rendue suivant l’alinéa 70(1)b), le tribunal a déclaré ce qui suit, à la page 12 de ses motifs : « En leur faveur, il ne semble pas que les appelants aient pu influencer la capacité ou les efforts d’Ali Zamani de se conformer [...] ». Le tribunal a par conséquent pris en compte la preuve à l’égard de la position des demandeurs.    

 

[41]           Les demandeurs prétendent que le tribunal a commis une erreur lorsqu’il a omis de mentionner la réponse complète à la question qui avait été posée à AA à l’égard de la raison pour laquelle la famille avait choisi de s’installer au Canada. Le tribunal a déclaré que AA, lorsqu’on lui a posé la question, a affirmé que c’était pour ses fils. Les demandeurs font remarquer que AA a en outre déclaré qu’elle adorait le Canada. À cet égard, les demandeurs prétendent que le tribunal a commis une erreur. Je suis d’avis que l’omission d’une portion aussi peu déterminante du témoignage ne constitue pas une erreur de droit dans les circonstances de la présente affaire.

 

[42]           Les demandeurs prétendent que le tribunal a commis une erreur lorsqu’il a déclaré ce qui suit à la page 15 de ses motifs :


[J]e conclus que les appelants n’ont pas réussi à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les appels qu’ils ont interjetés en vertu de l’alinéa 70(1)b) de la Loi devraient être accueillis, ou qu’on devrait leur accorder le droit de séjour, étant donné qu’il ne semble pas qu’on puisse s’attendre à ce que l’entrepreneur respecte les conditions d’établissement à l’avenir.

 

 

Les demandeurs prétendent que l’examen de la question de savoir si on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’un entrepreneur remplisse les conditions à l’avenir ne devrait pas avoir de liens avec les circonstances de l’affaire et que le tribunal a par conséquent entravé son pouvoir discrétionnaire.

 

[43]           Il semble clair à la lecture du passage cité que c’est à titre de conclusion subsidiaire (comme l’indique le mot « ou ») que le tribunal a jugé que les appelants n’ont pas réussi à établir qu’un droit de séjour était justifié étant donné qu’ils ne pourraient probablement pas remplir les conditions du visa. À mon avis, l’examen de la question de savoir si on peut s’attendre à ce que les conditions du visa soient remplies n’avait pas de liens avec la décision rendue suivant l’alinéa 70(1)b) de la Loi et, par conséquent, le tribunal n’a pas entravé son pouvoir discrétionnaire.

 

[44]           Les demandeurs prétendent que AA était disposée à établir une entreprise ou à investir dans une entreprise et que le tribunal avait compétence pour autoriser l’appel ou pour accorder un droit de séjour afin de donner à Mme AA la possibilité de remplir les conditions. Les demandeurs ne citent aucune disposition législative au soutien de cette prétention.

 

[45]           Le tribunal a déclaré ce qui suit à la page 12 de ses motifs :


[...] [AA] a par la suite communiqué par écrit avec les autorités de l’immigration pour demander de satisfaire elle-même à ces conditions à la place de son mari. Néanmoins, les conditions n’ont pas été respectées et il n’y a aucune preuve que les appelants auraient été admissibles à l’établissement au Canada autrement qu’à titre de personnes à charge d’un entrepreneur, dont le droit d’établissement était assorti de certaines conditions.

 

 

En tenant pour acquis qu’il avait compétence pour accorder un droit de séjour en se fondant sur la prétention des demandeurs, le tribunal a conclu qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve démontrant  que AA aurait été admissible en tant qu’entrepreneure. Le fait d’avoir compétence ne conduit pas nécessairement à l’exercice de cette compétence d’une manière particulière. Le tribunal n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a conclu qu’il n’y avait pas de preuve démontrant que AA remplissait les conditions en tant qu’entrepreneure.

 

[46]           Dans la décision Ribic c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1985] D.S.A.I. no 4 (QL), la Section d’appel de l’immigration a entendu l’appel interjeté par une femme qui avait accepté la condition qui consistait à épouser un M. Solar dans les 90 jours de son établissement. La relation a pris fin, mais Mme Ribic s’est par la suite fiancée à un M. Johnston et elle l’a épousé. À l’étape de l’appel, la Commission a accueilli l’appel sur le fondement des facteurs de l’alinéa 72(1)b) [maintenant l’alinéa 70(1)b)] et en prenant en compte la nouvelle vie du couple au Canada et la séparation de la famille qui résulterait d’une expulsion.

 


[47]           En l’espèce, la SAI a conclu que la mesure d’interdiction de séjour était valide suivant l’alinéa 27(1)b) et que les demandeurs n’avaient pas satisfait aux facteurs prévus à l’alinéa 70(1)b). Dans la décision Ribic, la SAI a conclu que l’appelante avait effectivement satisfait aux facteurs de l’alinéa 70(1)b) et elle a par conséquent accueilli l’appel. La décision Ribic peut être distinguée de la présente affaire quant aux faits et elle n’est pas utile aux demandeurs.

 

C.        Le tribunal a‑t‑il commis une erreur lorsqu’il a omis d’accorder suffisamment d’importance au témoignage de M. Seervan Dowlati qu’il jugeait digne de foi?

 

[48]           Les demandeurs prétendent que le tribunal a commis une erreur lorsqu’il a omis d’accorder suffisamment d’importance au témoignage de M. Dowlati qui corroborait le témoignage de AA à l’égard de ce qui suit : (i) les préoccupations de AA relativement aux conséquences des conditions sur sa citoyenneté; (ii) les problèmes matrimoniaux de AA; (iii) le peu de temps que M. Zamani a passé au Canada; (iv) l’aide fournie par M. Dowlati à AA pour la préparation des lettres à CIC; (v) le témoignage à l’égard des tentatives faites pour trouver M. Benger dans le but de reporter la rencontre. Les demandeurs prétendent que le refus d’un tribunal d’accorder suffisamment d’importance à de la preuve qui corrobore une question qui fait l’objet du litige peut constituer une erreur de droit : voir à cet égard l’arrêt Hayer c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 8 Imm. L.R. (2nd) 62; [1989] A.C.F. no 44 (QL).

 


[49]           Je suis d’avis que le principe énoncé dans l’arrêt Hayer ne s’applique pas en l’espèce étant donné que les problèmes matrimoniaux, le peu de temps passé par M. Zamani au Canada, l’aide fournie par M. Dowlati pour la rédaction des lettres et les tentatives faites pour trouver M. Benger ne sont pas des questions en litige. La question de savoir si AA avait connaissance des conditions est pertinente, mais la SAI n’était pas liée par le témoignage donné par un témoin, compte tenu notamment de l’évaluation faite par le tribunal à l’égard de la crédibilité des demandeurs. À mon avis, le tribunal n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a apprécié le témoignage de M. Dowlati et lorsqu’il a conclu comme il l’a fait. 

 

D.        Le tribunal a‑t‑il commis une erreur lorsqu’il a omis de permettre aux demandeurs de présenter d’autres observations à l’égard du préjudice qu’ils subiraient s’ils retournaient en Iran?

 

[50]           La SAI a déclaré ce qui suit aux pages 13 et 14 de ses motifs :

[...] Comme la présente audition a eu lieu sur deux jours, la deuxième séance ayant eu lieu après les décisions de la Cour suprême du Canada dans les arrêts Chieu et Al Sagban, et comme AA a témoigné le premier jour de l’audition, le conseil des appelants a eu la possibilité de rappeler à AA de donner un témoignage de vive voix portant spécifiquement sur les difficultés qu’elle rencontrerait si elle retournait en Iran, ou de présenter des arguments écrits sur cette question. Le conseil a confirmé que ses directives étaient de ne pas présenter d’arguments additionnels sur cette question, ni de rappeler à l’appelante de parler de cette question; par conséquent, compte tenu des renseignements limités qui m’ont été fournis, j’estime qu’il n’y aurait aucun préjudice indu si AA retournait en Iran. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[51]           Les demandeurs prétendent que [TRADUCTION] « le tribunal ne disposait pas de preuve démontrant que l’avocate ne présenterait pas d’autres observations » à l’égard du préjudice que subirait AA si elle retournait en Iran.

 

[52]           La première journée d’audience de la SAI a eu lieu le 4 décembre 2001. Le 11 janvier 2002, la Cour suprême du Canada a communiqué l’arrêt Chieu c. Canada, 2002 CSC 3, [2002] A.C.S. no 1, en ligne : QL. La deuxième journée d’audience de la SAI a eu lieu le 6 février 2002.

 


[53]           Le dossier du tribunal montre un échange survenu le deuxième jour de l’audience de la SAI entre l’avocate des demandeurs et le président de l’audience de la SAI. Cet échange est pertinent à la prétention précédemment énoncée :

[TRADUCTION]

[CC se retire]

 

Mme Mark : Voilà ma preuve.

 

Président de l’audience : C’est toute votre preuve. Vous ne voulez pas traiter de l’arrêt Chieu – une question de préjudice en Iran pour la première appelante.

 

Mme Mark : Je pense – d’accord. Je vais vous parler de quelques questions à cet égard. Tout d’abord, je ne connaissais pas l’affaire jusqu’à ce que j’arrive ici aujourd’hui. J’en ai parlé brièvement et je comprends certaines des questions de l’affaire. Je ne suis pas certaine de la façon dont – j’ai essayé durant l’heure du repas ce midi d’obtenir une photocopie de cet arrêt, mais je n’ai pas pu l’obtenir. Alors, je ne suis pas certaine de quelle façon cet arrêt se rapporte à ce que nous faisons ici.

 

Président de l’audience : D’accord. La façon dont cet arrêt est pertinent est, si vous vous rappelez les facteurs de la décision Ribic et le dernier facteur de Ribic, que la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Chieu a statué qu’on ne peut pas prendre en compte le préjudice qui serait subi à la suite du renvoi dans le pays d’origine. La Cour suprême du Canada a statué qu’on peut le prendre en compte et qu’on doit le faire.

 

Mme Mark : Oui, c’est ma compréhension de l’arrêt. Je ne pense pas...

 

Président de l’audience : Il s’agit de l’article 70, toutes les circonstances de l’affaire s’appliquent, les facteurs de Ribic s’appliqueraient probablement. Vous ne voulez pas présenter de la preuve à l’égard du préjudice en Iran?

 

Mme Mark : Je ne pense pas – je veux dire évidemment nous avons ‑ certains éléments de preuve ont déjà été soumis et je pense que je vais m’appuyer sur les éléments de preuve qui ont été présentés.

 

Président de l’audience : D’accord. Vous en avez discuté avec votre cliente – ou clients – et vous nous dites de trancher l’affaire suivant la preuve dont je dispose déjà?

 

Mme Mark : Oui. [Non souligné dans l’original.]

 

 

 


[54]           Le dossier d’audience établit que l’avocate des demandeurs a eu la possibilité de fournir des éléments de preuve additionnels à l’égard du préjudice, suivant l’arrêt Chieu, et qu’elle a expressément refusé de le faire. Il est difficile de comprendre sur quoi s’appuie l’avocate pour maintenant prétendre que le tribunal ne disposait pas de preuve démontrant qu’elle ne présenterait pas d’autres observations. Je conclus que le fondement de cette prétention n’est pas valide étant donné que l’avocate a eu la possibilité de présenter d’autres observations à l’égard du préjudice qui serait subi en Iran et qu’elle a refusé de le faire.

 

Conclusion

[55]           En résumé, je conclus que les demandeurs n’ont pas réussi à démontrer que la SAI a commis une erreur susceptible de contrôle et, par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[56]           Le demandeur a proposé aux fins de la certification deux questions de portée générale :

 

            (i) à quel moment se situe le moment décisif auquel on peut établir la question de savoir si un individu a sciemment contrevenu aux conditions de son visa?

 

            (ii) un individu doit‑il avoir connaissance de toutes les conditions pour qu’il soit conclu qu’il a sciemment contrevenu aux conditions de son visa?

 


[57]           Selon la logique, un résident permanent, après qu’il a signé les conditions du visa à son arrivée, ne peut pas par la suite prétendre qu’il n’avait pas connaissance des conditions. Un résident permanent a sciemment contrevenu à la condition de son visa lorsque, ayant connaissance de la condition, il demeure au Canada après l’échéance de la période prévue pour remplir cette condition. C’est ce que la Cour d’appel fédérale a statué dans l’arrêt Gabriel, précité. 

 

[58]           L’interprétation littérale de la Loi donne la réponse à la deuxième question étant donné que l’alinéa 27(1)b) mentionne une personne qui « a sciemment contrevenu aux conditions » (non souligné dans la Loi). Étant donné que le mot « aux » est utilisé, on ne peut pas sérieusement prétendre que le Parlement avait l’intention qu’on interprète ce mot en lui donnant le sens plus large du mot « toutes ».

 

[59]           Je conclus que les questions soulevées dans la présente affaire ne sont pas des questions graves de portée générale et, par conséquent, aucune question ne sera certifiée.

 


                                                                ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

2.         Il n’y a pas de question grave de portée générale à certifier.

 

 

 

                                                                                                                     « Edmond P. Blanchard »             

                                                                                                                                                     Juge                             

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Danièle Laberge, LL.L.

 


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                       IMM‑1303‑02

 

INTITULÉ :                                      AA, BB, et CC  c. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :               Vancouver (Colombie‑Britannnique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :              Le 30 janvier 2003

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE AMENDÉS :                                      LE JUGE BLANCHARD

 

DATE DES MOTIFS :                    Le 9 avril 2003

 

 

COMPARUTIONS :

 

Linda L. Mark/Gerald G. Goldstein                                           POUR LES DEMANDEURS

 

Peter Bell                                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mark & Company Law Corporation   POUR LES DEMANDEURS

14519 St. Andrews Drive

Surrey (Colombie‑Britannique)  V3R 0W5

Evans Goldstein & Company

Vancouver (Colombie‑Britannique)  V7Y 1A1

 

Morris Rosenberg                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

Ministère de la Justice

840, rue Howe, bureau 900

Vancouver (Colombie‑Britannique)  V6Z 2S9

 

 


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