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Date : 20071206

Dossier : IMM-499-07

Référence : 2007 CF 1284

Vancouver (Colombie-Britannique), le 6 décembre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

 

ENTRE :

BYRON ESTUARDO AMEZQUITA GALINDO

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               En l’espèce, le demandeur conteste une décision rendu le 16 janvier 2007 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SPR) l’a exclu de la qualité de réfugié en application de l’alinéa 1Fb) de la Convention des Nations Unies relative au statut de réfugié (la Convention). La SPR a jugé, en vertu de cette disposition, que le demandeur avait commis un crime grave de droit commun à l’extérieur du Canada. Les autorités guatémaltèques ont lancé contre lui un mandat d’arrêt pour meurtre.

 

[2]               Le demandeur est citoyen du Guatemala. Dans l’exposé circonstancié de son formulaire de renseignements personnels (le FRP), le demandeur dit qu’il se livrait au commerce de véhicules motorisés au Guatemala. Il a commencé à vendre et à acheter des véhicules motorisés à l’étranger en 2004. En avril de cette année-là, il a acheté trois véhicules au Honduras qu’il a transportés au Panama, où il les a enregistrés et a payé les taxes et les droits de douane afférents. En août 2004, le demandeur a été arrêté par des policiers panaméens. Ceux-ci avaient constaté que l’un des véhicules dont le demandeur s’était porté acquéreur au Honduras avait été volé et avait appartenu au président de l’Institut national d’électrification du Guatemala (l’INEG) qui venait d’être assassiné. Les policiers panaméens ont dit au demandeur qu’ils le soupçonnaient d’avoir pris part au complot qui visait à tuer le président de l’INEG et ils l’ont détenu jusqu’en octobre 2004. Le demandeur craignait de retourner au Guatemala parce qu’il avait appris que le service de renseignement militaire guatémaltèque le recherchait, que sa famille avait reçu des menaces et que les médias du Guatemala avaient largement diffusé des reportages indiquant qu’il avait tué le président de l’INEG. Le demandeur et sa famille ont fui au Honduras, où ils sont demeurés pendant cinq mois avant d’arriver au Canada et d’y présenter une demande d’asile.

 

[3]               Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) est intervenu dans l’examen de la demande d’asile du demandeur effectué par la SPR, en demandant à celle-ci de juger le demandeur exclu de la qualité de réfugié en application de l’alinéa 1Fb) de la Convention.

 

[4]               La question fondamentale soumise à la SPR était de savoir s’il y avait des raisons sérieuses de penser que le demandeur avait commis le meurtre en question. À l’appui de la demande qu’il a présentée aux termes de l’alinéa 1Fb) de la Convention, le ministre a produit devant la SPR des éléments de preuve, dont un mandat d’arrêt délivré par les autorités guatémaltèques au nom du  demandeur, des renseignements fournis par Interpol, ainsi que des articles de journaux guatémaltèques indiquant que le demandeur a tué le président de l’INEG, qu’il a un « casier judiciaire » indiquant qu’il a déjà été arrêté à plusieurs reprises et qu’il fait l’objet d’accusations de fraude au Guatemala. Le demandeur nie avoir commis le meurtre. À l’audience devant la SPR, il a présenté essentiellement un alibi comme moyen de défense. En outre, pour appuyer sa thèse selon laquelle il a été injustement accusé, le demandeur a contesté l’existence d’un important élément de preuve produit contre lui : il nie avoir été arrêté à quelque moment que ce soit au Guatemala. De plus, le demandeur a présenté un document officiel en date du 15 juin 2006 émanant de l’[traduction] « Organisme judiciaire, la Cour suprême du Guatemala ». Ce document confirme qu’il n’a jamais été reconnu coupable d’infractions criminelles au Guatemala (dossier certifié du tribunal (DCT), p. 835), et son avocat guatémaltèque a déclaré par écrit que, le 1er juin 2006, le demandeur n’avait été [traduction]« ni accusé au criminel, ni traduit en justice, selon les exigences établies au Guatemala en matière de procédure » (dossier de demande du demandeur, p. 70). Pour ce qui est de l’existence ou non d’un rapport de l’arrestation du demandeur, la SPR a pris en compte les empreintes digitales reliant le demandeur au rapport de son arrestation  lorsqu’elle a rendu sa décision. 

 

[5]               Tout au long de l’argumentation avancée devant la SPR, de même que dans la décision faisant l’objet du contrôle, on utilise l’expression « casier judiciaire » pour désigner le rapport d’arrestation sur lequel s’appuie le ministre. Par conséquent, sauf indication contraire, j’emploie l’expression « casier judiciaire » dans les présents motifs par souci d’uniformité pour parler du prétendu « rapport d’arrestation ». Le casier judiciaire présenté à la SPR par le ministre contient les renseignements suivants :

D’après un courriel du bureau d’Interpol au Guatemala, le demandeur a, dans ce pays, un casier judiciaire indiquant ce qui suit  (pièce 7, p.16 et 17) :

 

29-02-1980, arrêté pour agression

30-10-2002, arrêté pour fraude, utilisation de faux et évasion douanière

24-03-1996, arrêté pour port illégal d’armes à feu

15-02-1994, arrêté pour présentation erronée de faits

19-01-1992, arrêté pour utilisation frauduleuse de chèques

01-11-2002, arrêté pour une infraction indéterminée

 

Outre le mandat d’arrêt concernant le meurtre de Knox, un grand nombre de mandats d’arrêt ont été délivrés contre le demandeur au Guatemala pour les infractions qui suivent :

1.      mandat daté du 14 octobre 2004 pour fraude douanière et usage de faux (pièce 7, p.7);

2.      mandat daté du 22 mars 2001 pour fraude douanière et usage de faux (pièce 7, p.11);

3.      mandat daté du 14 novembre 2000 pour fraude et fausse déclaration (pièce 7, p.13).

 

                        (DCT, p. 324)

 

[6]               Étant donné la nature de la preuve produite par le ministre et de celle présentée par le demandeur concernant l’alinéa 1Fb), la SPR a déterminé à juste titre si le demandeur est crédible. Dans la décision Qazi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1024, le juge von Finckenstein fournit, aux paragraphes 18 et 19, un motif convaincant pour prendre cette démarche.

La Commission doit être convaincue que l’intéressé est une personne dont on a « des raisons sérieuses de penser qu’[elle a] commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admis[e] comme réfugié ». Normalement, la Commission ne s’enquiert pas de la culpabilité ou de l’innocence du demandeur qui fait l’objet d’accusations à l’étranger (Moreno c. Canada (M.E.I.), [1994] 1 C.F. 298). Sauf en cas d’allégations de fausses accusations, l’existence d’un mandat en cours de validité délivré par un pays étranger remplit la condition des « raisons sérieuses de penser ».

 

Cependant, lorsque, comme en l’espèce, le demandeur affirme que les accusations sont inventées de toutes pièces, la Commission doit aller plus loin. Elle doit déterminer si les allégations sont fondées ou non; autrement dit, elle doit déterminer si le demandeur est crédible. Si la Commission juge le demandeur crédible, la simple existence du mandat ne sera peut-être pas suffisante.

 

[7]               Comme elle l’a affirmé dans l’extrait ci-dessous de ses motifs, la SPR a convenu avec le ministre que le demandeur n’était pas crédible.

Les observations du ministre et celles du conseil comportent de longs articles sur le meurtre de Knox et le mandat d’arrestation visant le prévenu. Le tribunal se range à l’avis du ministre : la crédibilité du demandeur d’asile, y compris son témoignage oral, soulève des doutes sérieux. 

 

Dans ses observations (pages 13 et 14), la représentante du ministre a exposé dans le détail le passé criminel du demandeur d’asile [DCT, p. 324]. En voici une partie :

 

[traduction]

Le ministre l’admet, aucune preuve ne démontre que le demandeur d’asile a été reconnu coupable de ces infractions. Cependant, compte tenu des mandats à son nom et des dossiers d’Interpol, il ne s’agit pas seulement d’une conjecture. Par conséquent, le ministre allègue que l’on ne peut accorder que peu de poids à la preuve fournie par le demandeur d’asile, particulièrement sa preuve documentaire. S’il a été arrêté et est actuellement recherché pour avoir utilisé de faux documents, fait de fausses déclarations et commis des actes frauduleux, il va sans dire qu’il a pu fabriquer des documents pour étayer sa demande d’asile.

 

Le tribunal est d’accord avec le ministre quand il affirme, dans ses observations, que le témoignage écrit et oral du demandeur d’asile concernant sa présence au Panama pendant le meurtre de Knox pose de graves problèmes de crédibilité :

 

[…]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(Décision, p. 8)

 

 

[8]               Il est donc clair que le casier judiciaire invoqué par le ministre a grandement influé sur la conclusion négative à laquelle était arrivée la SPR en matière de crédibilité, une conclusion qui a joué un rôle déterminant dans la décision qu’elle a rendue en application de l’alinéa 1Fb).

 

[9]               Je reconnais que la plaidoirie écrite de l’avocat du demandeur, à laquelle des modifications mineures ont été apportées, comporte la description concise suivante de la manière dont on a traité la question du casier judiciaire :

[traduction]

Au moment de présenter sa demande d’asile, le demandeur d’asile se dit très inquiet de la possibilité que le gouvernement guatémaltèque ait produit un faux casier judiciaire à son nom afin de lui imputer le meurtre de M. Knox. Dans le Formulaire de renseignements personnels qu’il a déposé le 7 juin 2005, il dit que « le gouvernement et les forces policières du Guatemala sont corrompues et je savais qu’ils feraient de moi un bouc émissaire. Je crains que le gouvernement guatémaltèque ait inventé de toutes pièces un casier judiciaire à mon nom ».

 

Dossier certifié du tribunal (DCT), p. 349

 

Au début de l’instance, le ministre souligne également l’importance du casier judiciaire visant le demandeur. Dans son « avis d’intention de participer à l’instance » en date du 9 février 2006, le ministre se dit d’avis que le demandeur a commis des crimes graves de droit commun ou en a été complice et que son opinion reposait en partie sur le fait que, d’après un article paru dans un journal diffusé à l’échelle nationale, les autorités guatémaltèques avaient accusé le  demandeur d’au moins neuf infractions, dont celle de meurtre.

 

DCT, p. 744

 

En outre, parmi les documents que le ministre communique à la Commission en date du 5 juin 2006 figure la copie d’un courriel indiquant que le demandeur a un long casier judiciaire au Guatemala remontant à 1980. Le demandeur a notamment été arrêté pour agression alors qu’il avait huit ans, de même que pour fraude, usage de faux, infractions douanières, port illégal d’armes à feu, présentation erronée de faits, utilisation frauduleuse de chèques et, en 2002, pour une « infraction indéterminée ».

 

DCT, p. 765

 

Le 20 juin 2006, le demandeur fait parvenir à la Commission une lettre accompagnée d’une attestation de vérification de casier judiciaire qu’il a obtenue des autorités guatémaltèques. Selon cette attestation, il n’a jamais été déclaré coupable d’infractions criminelles.

 

DCT, p. 835

 

Dans sa lettre du 20 juin 2006, le demandeur sollicite le report de l’audience pour que les documents contraires puissent être examinés et que le représentant du ministre soit autorisé à fournir certains éléments de preuve, fondés sur les empreintes digitales, qui montrent que le casier judiciaire vise le demandeur. Subsidiairement, le demandeur demande à la Commission de juger irrecevable le casier judiciaire produit par le ministre parce qu’il n’est pas fiable et porte gravement atteinte à sa crédibilité.

 

DCT, p. 834

 

Dans une lettre datée du 26 juin 2006, la Commission rejette la demande de report d’audience présentée par le demandeur.

 

DCT, p. 222

 

Au début de l’audience du 28 juin 2006, le demandeur sollicite de nouveau le report de l’audience, demande que la Commission a rejetée en disant que, [traduction] « s’il faut accorder une prorogation de délai pour obtenir les empreintes digitales, […] cette prorogation sera accordée […] ».

[Non souligné dans l’original.]

 

DCT, p. 76

 

La Commission demande ensuite au ministre si « […] [il] est en mesure de recueillir quelque information que ce soit indiquant que les autorités guatémaltèques prennent les empreintes digitales ». Le ministre lui répond qu’il a parlé à ses agents d’exécution de la loi et qu’il n’existait, au meilleur de leurs connaissances, aucune banque d’empreintes digitales au Guatemala. Il projette toutefois de faire des recherches plus approfondies à ce sujet.

 

DCT, p. 76

 

Le conseil du demandeur avise alors la Commission que son client insiste sur le fait qu’il n’a jamais été arrêté au Guatemala, qu’il n’a aucun casier judiciaire et que les autorités guatémaltèques prennent les empreintes digitales de quiconque est arrêté. Enfin, la question revêt une extrême importance dans son ensemble. Puisqu’il a été démontré que le demandeur disait la vérité, cela justifierait sans doute ses plaidoyers d’innocence et d’absence de complicité qui reposent en partie sur sa propre crédibilité.

 

DCT, p. 79 et 80

 

Toutefois, plus tard au cours de l’audience, le ministre se porte à la défense du prétendu casier judiciaire, affirmant : [traduction] « [M]is à part l’accusation d’agression, les documents comptent plus d’éléments cohérents que d’éléments incohérents. En ce qui concerne les accusations de fraude et de fausse déclaration, je veux dire que, d’après les reportages, le demandeur a eu plus de démêlés avec la police que ce qu’il nous a dit. »

 

DCT, p. 85

 

Le commissaire interroge aussi le demandeur, qui a prêté serment, lui demandant si ses empreintes digitales ont été prises, à quelque moment que ce soit, au Guatemala. Le demandeur lui répond par la négative parce que, selon ses dires, il n’a jamais été arrêté dans ce pays.

 

DCT, p. 83

 

Après avoir entendu d’autres observations de la part du ministre, le commissaire réitère sa décision de rejeter la demande de report d’audience, ajoutant toutefois qu’il accorderait une prorogation de délai en cas de besoin avant de trancher la demande d’asile.

 

DCT, p. 90

 

Plus tard au cours de l’audience, le ministre aborde de nouveau la question du prétendu casier judiciaire et contre-interroge le demandeur de manière approfondie à ce sujet. Le ministre tente de miner la crédibilité du demandeur après que celui-ci eut nié avoir été arrêté, à quelque moment que ce soit, au Guatemala. Le demandeur répète qu’il n’y a jamais été arrêté.

 

DCT, p. 148 à 153

 

À la fin de la journée, avant d’ajourner l’audience au 9 août 2006, le commissaire de la Commission demande au ministre de vérifier si les autorités guatémaltèques ont pris les empreintes digitales. Le demandeur dit alors au commissaire : [traduction] « À mon avis, il est très important que le juge dispose des empreintes digitales. Je vous remercie d’avoir demandé au ministre de se renseigner à cet égard. »

 

DCT, p. 164

 

Le 4 juillet 2006, le ministre avise par écrit la Commission qu’il  s’oppose vigoureusement aux instructions qu’elle lui a données de chercher à obtenir les empreintes digitales du demandeur et qu’il refuse de suivre les instructions en question. Selon le ministre, il est hors de propos et inutile d’obtenir ces empreintes. Il termine en disant : [traduction] « Si la Commission ou le conseil peuvent m’expliquer la valeur probante des résultats de l’analyse d’empreintes digitales, je serais heureux de les aider. »

 

DCT, p. 868

 

Le 31 juillet 2006, la Commission répond à la lettre du ministre en disant qu’elle pourrait examiner son argument après la reprise de l’audience.

 

DCT, p. 210

 

Le même jour, le ministre écrit à la Commission pour lui demander, cette fois-ci, de reporter l’audience. Dans sa lettre, le ministre dit qu’il vient de recevoir les rapports de police et les empreintes du Guatemala et du Panama relativement au demandeur d’asile.   Il demande à la Commission de lui laisser le temps de traduire ces documents écrits en espagnol. Le ministre ajoute que les rapports de police et les empreintes révéleront probablement de plus amples renseignements sur la véracité des accusations criminelles qui pèsent contre le demandeur d’asile.

[Non en caractères gras dans l’original.]

 

DCT, p. 871

 

Toujours le 31 juillet 2006, le ministre communique à la Commission d’autres documents, y compris une déclaration solennelle indiquant que les autorités guatémaltèques tiennent un registre central où sont conservées les empreintes et les photographies de prévenus et qu’elles pourraient comparer les empreintes et les photographies que le Canada leur enverrait avec celles que contient leur base de données.

 

DCT, p. 887

 

Le 21 août 2006, le ministre transmet à la Commission des pièces supplémentaires, dont des empreintes obtenues du Panama, mais non du Guatemala. Les documents émanant du Guatemala confirment que des mandats d’arrêt remontant à 2000 ont été délivrés contre le demandeur, mais ces documents ne sont corroborés par aucune attestation d’analyse d’empreintes.

[Non souligné dans l’original.]

 

DCT, p. 927

 

À la reprise de l’audience, le 1er novembre 2006, les propos suivants ont été échangés :

COMMISSAIRE : Et vous semblez vous opposer fermement à votre demande visant à faire analyser les empreintes digitales du demandeur. J’ai écouté la fin de la cassette de la dernière séance. Je crois avoir écrit en premier lieu que je demandais essentiellement une information quelconque sur la procédure régulière de prise d’empreintes, mais j’avais dit qu’il nous serait utile, bien entendu, d’obtenir l’information en cause, mais c’était seulement ma propre opinion – et je pense que la demande avait été réellement faite par le conseil. Mais nous avons maintenant tous ces renseignements –

Mme CHAN : Oui

COMMISSAIRE : – Quoiqu’il en soit.

Mme CHAN : Oui.

COMMISSAIRE : Mais il semble que le représentant du ministre se soit opposé très vivement à ce que nous demandions cette information. Désirez-vous faire d’autres commentaires ou la question a-t-elle été réglée?

Mme CHAN : Je pense que la question a été réglée, oui.

COMMISSAIRE : M. le conseil, souhaitez-vous commenter?

M. DANTZER : Bien, en partie, je suppose. Le – Je crois – Je ne sais pas s’il est temps de présenter des observations sur les documents communiqués par le ministre – la dernière communication de documents a eu lieu, je crois, le 21 juillet, mais ces documents contiennent effectivement certains renseignements sur les empreintes.

COMMISSAIRE : Exact.

M. DANTZER : Mais, de toute évidence, ils ne comportent pas l’élément clé, qui, en d’autres mots, indique que des empreintes proviennent du Panama

COMMISSAIRE : Exact

M. DANTZER : – ce qui n’est pas vraiment en litige et il y a –

COMMISSAIRE : Je présumais que nous allions avoir la possibilité de –

M. DANTZER : De le faire plus tard. Bien sûr.

COMMISSAIRE : Je préférerais entendre les questions aujourd’hui.

M. DANTZER : Oui.

[Non souligné dans l’original.]

 

DCT, p. 5 et 6

 

À l’issue de l’audience, le commissaire de la Commission, après avoir parlé alors qu’il n’était pas enregistré pour fixer la date de la reprise de l’audience en vue d’entendre les observations orales, a dit que les parties devront présenter leurs observations par écrit.

 

DCT, p. 71

 

Le représentant du ministre a présenté des observations comptant 20 pages le 14 novembre 2006. Dans ses observations, le ministre traite abondamment du prétendu casier judiciaire du demandeur au Guatemala, affirmant que le demandeur a omis de le divulguer dans son formulaire de renseignements personnels et demandant à la Commission d’en tirer une conclusion négative sur le plan de la crédibilité. De plus, le ministre a passé sous silence le fait que les empreintes digitales n’appuyaient pas le prétendu casier judiciaire. 

 

DCT, p. 324

 

Dans les observations écrites qu’il a présentées le 28 novembre 2006, le demandeur mentionne à nouveau le fait que les empreintes n’appuient pas le prétendu casier judiciaire. En outre, la preuve du ministre établit qu’il était possible d’obtenir les empreintes mais que celui-ci avait été incapable ou avait refusé de fournir une preuve quelconque selon laquelle les empreintes du demandeur avaient été prises au Guatemala. Le demandeur a alors fait valoir qu’un gouvernement ayant rédigé un faux casier judiciaire ne se donnerait sans doute pas la peine de délivrer un mandat d’arrêt en bonne et due forme. 

 

DCT, p. 307 et 308

 

Le 1er décembre 2006, le ministre a répondu aux observations du demandeur. En ce qui concerne l’absence d’empreintes, le ministre a dit : « [I]l ne m’appartient pas de prouver que le casier judiciaire est en règle. Je n’ai aucune raison de mettre en doute l’exactitude d’un document émanant du bureau d’Interpol au Guatemala. Je n’ai tout simplement pas les ressources nécessaires pour obtenir les empreintes prises à la suite de toutes les arrestations figurant au casier, qui remonte à 1980, pour établir que ces arrestations ont effectivement eu lieu. »

 

DCT, p. 181

 

Dans la dernière réponse qu’il a donnée le 8 décembre 2006, le demandeur a réitéré l’importance du prétendu casier judiciaire et de l’absence d’empreintes confirmant son exactitude.

 

DCT, p. 179

 

(Mémoire complémentaire des arguments du demandeur,

19 septembre 2007, p. 1 à 7)

 

[10]           Selon l’avocat du demandeur, force est de conclure que la SPR s’était engagée à établir s’il y avait des empreintes confirmant l’existence d’un casier judiciaire au Guatemala et que son omission de tirer une conclusion sur ce point constitue un manquement à son obligation d’équité. Bien que l’avocat du demandeur ait fait état, tout au long de l’audience, de l’absence d’empreintes, la SPR ne s’est jamais vue confier la tâche de trancher la question des empreintes. Par conséquent, je suis d’avis que la SPR n’a pas manqué à son obligation d’équité.

 

[11]           Toutefois, l’avocat du demandeur fait aussi valoir un argument convaincant : la SPR a rendu une décision entachée d’une erreur susceptible de révision parce qu’elle est arrivée à une conclusion de fait erronée sur un point essentiel. Voici la conclusion en cause :

Le tribunal a pris en compte les observations écrites du conseil au sujet de la preuve du ministre citée précédemment. À mes yeux, le ministre a résolu les problèmes soulevés par le conseil concernant le casier judiciaire du demandeur d’asile, y compris les accusations de violence et de voies de fait quand le demandeur d’asile avait huit ans –; de plus, même si le ministre n’a pas répondu à la demande initiale visant la présentation des empreintes digitales du demandeur d’asile reçues du Guatemala, je remarque que, dans une lettre du 31 juillet 2006, Becky Chan, agente d’audiences, écrivait ceci :

 

[traduction]

Je viens de recevoir les rapports de police et les empreintes du Guatemala et du Panama relativement au demandeur d’asile. Je les ai reçus le 26 juillet 2006 par courrier, d’Interpol. J’avance que ces documents sont déterminants dans la présente demande d’asile quant à l’exclusion aux termes de l’alinéa 1Fb). Les rapports de police et les empreintes révéleront probablement de plus amples renseignements sur la véracité des accusations criminelles qui pèsent sur le demandeur d’asile.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(Décision, p. 11 et 12)

 

Je conviens avec l’avocat du demandeur qu’il est évident que, peut-être en raison de la confusion mise au jour dans l’extrait du 1er novembre 2006 tiré du dossier certifié du tribunal, la conclusion de fait susmentionnée est manifestement déraisonnable, compte tenu du défaut de la SPR de prendre en considération la rétractation faite par le ministre le 21 août 2006. Il faut établir l’incidence qu’a eu la conclusion erronée sur la décision qui a été rendue.

 

[12]           Je suis d’accord avec l’avocate du ministre lorsqu’elle dit que, pour répondre à cette question, il convient de se demander si l’erreur constitue un élément fondamental de la décision. L’avocate du ministre soutient que la SPR devait trancher le point de savoir s’il y avait des [traduction] « raisons sérieuses de penser que le demandeur avait commis un crime grave de droit commun à l’extérieur du Canada » et que la question du casier judiciaire, de même que l’erreur qui s’y rapporte, sont des éléments accessoires, et non fondamentaux, de ce point. Plus précisément, la preuve est largement suffisante pour appuyer la conclusion de la SPR, peu importe que celle-ci ait bien tranché ou non la question du casier judiciaire. Malgré le respect que je dois à l’avocate du ministre, je ne puis accepter cette observation.

 

[13]           En l’espèce, le demandeur prétend que la police guatémaltèque l’accuse faussement de meurtre; par conséquent, selon la décision Qazi, la SPR est tenue de décider de la crédibilité du demandeur. À mon avis, il y a lieu de donner l’interprétation suivante à la décision confuse de la SPR sur ce point : la conclusion que des empreintes ont été prises au Guatemala confirme l’existence d’un casier judiciaire dans ce pays, comme le soutient le ministre; l’existence du casier judiciaire a eu une incidence primordiale sur la conclusion que le demandeur n’est pas crédible, conclusion qui a eu pour effet de nier le témoignage du demandeur selon lequel il n’a jamais été arrêté au Guatemala.

 

[14]           Compte tenu de la conclusion de fait manifestement déraisonnable tirée par la SPR, le demandeur a été privé de la possibilité d’établir que la police guatémaltèque a fait preuve de mauvaise foi en portant des accusations contre lui. J’estime que l’erreur de la SPR a sans doute joué un rôle prépondérant dans la manière dont elle a tranché le bien-fondé de l’intervention du ministre en vertu de l’alinéa 1Fb), étant donné que l’erreur a eu pour effet de priver à tort le demandeur d’un moyen de défense possible contre l’intervention en cause.

 

[15]           J’estime donc que la décision faisant l’objet du contrôle est entachée d’une erreur susceptible de révision.


ORDONNANCE

 

En conséquence, j’annule la décision de la SPR et renvoie l’affaire pour nouvelle décision à un tribunal différemment constitué.

 

Les parties conviennent qu’il n’y a pas de question à certifier.

 

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-499-07

 

INTITULÉ :                                                   BYRON ESTUARDO AMEZQUITA GALINDO

                                                                        c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 3 DÉCEMBRE 2007

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 6 DÉCEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

H. Alex Dantzer

 

POUR LE DEMANDEUR

Sandra Weafer

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Formby and Dantzer

Avocats

Surrey (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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