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Date : 20071207

Dossier : IMM-6125-06

Référence : 2007 CF 1283

Ottawa (Ontario), le 7 décembre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

 

 

ENTRE :

LEONETTE PLANCHER

NERLANDE PLANCHER

demanderesses

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l’encontre de la décision rendue le 8 août 2006 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission). La Commission a conclu que les demanderesses n’étaient ni des réfugiées au sens de la Convention ni des personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi.

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[2]               Dans le cadre de la présente demande, les demanderesses soulèvent deux questions :

a)      La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant de désigner un représentant?

 

b)      La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant d’effectuer une analyse distincte au regard de l’article 97 de la Loi?

 

[3]               La demande de contrôle judiciaire sera rejetée pour les motifs exposés ci‑après.

 

LES FAITS

[4]               En l’espèce, les demanderesses sont Leonette Plancher, née le 30 mai 1972, et sa fille mineure, Nerlande Plancher, née le 1er janvier 1989. Elles sont des citoyennes d’Haïti et demandent l’asile aux termes de la Convention en invoquant leur appartenance à un groupe social particulier et leurs opinions politiques.

 

[5]               En 1988, la demanderesse principale a épousé Romnel Plancher, qui demeure toujours en Haïti avec leur fils. Son mari est membre de l’« Association des planteurs agricoles du Môle Saint‑Nicolas » (APAM), une organisation qui a pour mandat d’apporter une aide aux agriculteurs locaux. Cette organisation a appuyé le parti politique « Organisation du peuple en lutte » (OPL) et s’est opposée au gouvernement Lavalas.

 

[6]               Le 28 janvier 2003, alors que le mari de la demanderesse principale participait à une réunion de l’APAM et qu’elle travaillait comme marchande d’un petit magasin, les « chimères », une bande armée au service du gouvernement Lavalas, ont surgi au petit magasin et ont demandé à Mme Plancher où se trouvait son mari. Elle leur a répondu qu’elle ne savait pas et elle a été battue et agressée sexuellement. Les « chimères » ont volé de l’argent et ont démoli tout ce qui se trouvait sur leur passage.

 

[7]               Le 30 janvier 2003, les « chimères » se sont rendues chez la mère de la demanderesse principale à la recherche de M. Plancher. Ils ont battu son père et mis le feu à la maison.

 

[8]               La demanderesse principale a quitté Haïti pour les États-Unis, où elle est arrivée le 8 mars 2003. Elle a présenté une demande d’asile en novembre 2003. Le 28 novembre 2004, la demanderesse mineure a également quitté Haïti pour les États-Unis parce qu’elle craignait d’être agressée par les « chimères » et d’autres groupes armés.

 

LA DÉCISION VISÉE PAR LE CONTRÔLE JUDICIAIRE

[9]               La Commission a rejeté l’affirmation des demanderesses selon laquelle elles craignent avec raison d’être persécutées. La Commission a conclu que les demanderesses n’étaient pas crédibles quant à l’existence d’une crainte subjective. La Commission a aussi conclu qu’étant donné que les demanderesses n’étaient pas crédibles, elles n’étaient pas exposées à une menace à leur vie ni au risque de traitements ou peines cruels et inusités. Les motifs suivants ont été exposés à l’appui de ces conclusions :

a)      La demanderesse principale a fourni des renseignements incohérents quant à la date à laquelle elle avait décidé de quitter Haïti. Premièrement, elle a déclaré avoir pris la décision de quitter le 28 janvier 2003 et, peu de temps après, elle a affirmé avoir pris la décision le 28 février 2003.

b)      Les demanderesses n’ont pas présenté suffisamment de documentation à l’appui de leur demande. La Commission ne disposait que de deux documents dans lesquels des demandes d’aide étaient adressées au ministre ainsi que le certificat de naissance de la demanderesse principale. Il n’y avait aucun document concernant l’OPL ou la participation de M. Plancher à cette organisation. Aucune information n’était fournie sur le magasin où avait travaillé la demanderesse principale. Mme Plancher n’a présenté aucun document médical ou rapport de police à l’égard de son agression. Elle a affirmé avoir sollicité des soins médicaux une fois arrivée aux États-Unis, mais n’a présenté aucun document appuyant cette allégation.

c)      La Commission a tiré une conclusion défavorable quant au fait que M. Plancher était demeuré en Haïti bien que ses prétendues activités politiques aient été la source des ennuis que connaissait sa famille avec les « chimères ».

d)      La Commission a fait remarquer que la demanderesse principale avait présenté une demande d’asile aux États-Unis et que cette demande avait fait l’objet d’une décision défavorable en octobre 2004. Elle a tiré une conclusion défavorable du fait que Mme Plancher était demeurée aux États-Unis jusqu’au 28 novembre 2005 en dépit de la décision défavorable. Elle a expliqué que ses avocats lui avaient conseillé d’y rester jusqu’à ce que toutes les voies d’appel aient été épuisées, ce qui fut le cas en septembre 2005. Cependant, son séjour prolongé de deux mois n’a pas été expliqué. De plus, dans la décision rendue sur la demande d’asile présentée aux Éats‑Unis, on concluait que Mme Plancher n’était pas crédible.

e)      Le risque auquel sont exposées les demanderesses est généralisé. Tous les Haïtiens sont exposés à un grave risque de violence des gangs. Les demanderesses n’ont pas démontré l’existence d’un risque personnel.

 

LES DISPOSITIONS LÉGALES ET RÉGLEMENTAIRES PERTINENTES

[10]           Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

 

167. (2) Est commis d’office un représentant à l’intéressé qui n’a pas dix-huit ans ou n’est pas, selon la section, en mesure de comprendre la nature de la procédure.

167. (2) If a person who is the subject of proceedings is under 18 years of age or unable, in the opinion of the applicable Division, to appreciate the nature of the proceedings, the Division shall designate a person to represent the person.

 

[11]           Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228

15. (3) Pour être désignée comme représentant, la personne doit :

 

a) être âgée de dix-huit ans ou plus;

b) comprendre la nature de la procédure;

c) être disposée et apte à agir dans l'intérêt de la personne en cause;

d) ne pas avoir d'intérêts conflictuels par rapport à ceux de la personne en cause.

15. (3) To be designated as a representative, a person must

 

(a) be 18 years of age or older;

(b) understand the nature of the proceedings;

(c) be willing and able to act in the best interests of the claimant or protected person; and

(d) not have interests that conflict with those of the claimant or protected person.

 

ANALYSE

La norme de contrôle

[12]           Les questions soulevées par les demanderesses sont des questions de droit pures et je suis d’avis que la décision correcte est la norme qu’il convient d’appliquer aux deux.

 

La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant de désigner un représentant?

[13]           La demanderesse principale soutient que la Commission a omis de désigner un représentant de la demanderesse mineure en application du paragraphe 167(2) de la Loi et de l’article 15 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228 (les Règles). La demanderesse principale cite l’affaire Duale c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 178 (QL), 2004 CF 150, et l’arrêt Stumf c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] A.C.F. no 590 (QL), 2002 CAF 148, pour étayer sa position.

 

[14]           Je conclus que la Commission n’a pas commis d’erreur en omettant de désigner un représentant. Il ressort du dossier que la demanderesse principale avait été désignée comme représentante de la demanderesse mineure. Le 20 janvier 2006, une lettre a été envoyée à Mme Plancher dans laquelle ce rôle lui était assigné. Dans cette lettre, dont une copie avait également été envoyée à son avocat, il était mentionné qu’elle pouvait refuser d’assumer ce rôle si elle communiquait avec la Section de la protection des réfugiés dans les dix jours suivant la réception de la lettre. Rien au dossier ne révèle que la demanderesse principale et son avocat n’ont pas reçu cette lettre. Vu qu’il n’y a pas de preuve du refus de la demanderesse principale, je dois conclure qu’elle a accepté d’être désignée comme représentante de la demanderesse mineure.

 

[15]           Les demanderesses étaient représentées par le même avocat et les deux ont témoigné à l’audience. La demanderesse mineure était âgée de 17 ans et aucune question quant à la désignation d’un représentant n’a été soulevée à l’instance; voir Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. no 151 (QL), 2006 CF 134.

 

La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant d’effectuer une analyse distincte au regard de l’article 97 de la Loi?

[16]           La demanderesse principale soutient que, dans la présente instance, la Cour a l’obligation absolue d’effectuer une analyse distincte de leur demande au regard de l’article 97 de la Loi. Bien qu’en effet la Cour ait affirmé que, dans les cas où il y a des preuves crédibles, le fait de ne pas effectuer une analyse distincte pouvait constituer une erreur, l’obligation n’est pas absolue. 

 

[17]           En l’espèce, la Commission a conclu que la demanderesse principale n’était pas crédible et que, par conséquent, les demanderesses n’étaient pas exposées à une grave menace à leur vie ni au risque de traitements ou peines cruels et inusités ni à un grave risque d’être soumises à la torture si elles devaient retourner en Haïti. Lorsque la Commission conclut qu’un demandeur n’est pas crédible, elle n’est pas tenue d’effectuer une analyse distincte. Cela est confirmé dans la décision Kaur c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 2112 (QL), 2005 CF 1710, au paragraphe 16 :

En ce qui concerne l’absence d’analyse distincte relativement au paragraphe 97(1), la Commission était parfaitement justifiée de ne pas se livrer à cet exercice à partir du moment où elle concluait que la demanderesse n’était pas crédible.  Si la Commission a raison sur ce point, il est clair que la demanderesse ne pouvait être considérée comme une personne à protéger.  C’est d’ailleurs ce qu’a conclu cette Cour à de nombreuses reprises : Bouaouni c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 1540; 2003 CF 1211 (QL); Soleimanian c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.CF. no 2013; 2004 CF 1660 (QL); Brovina c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [2004] A.C.F. no 771, 2004 CF 635 (QL).

 

[18]           En l’espèce, la Commission a expliqué pourquoi les demanderesses n’étaient pas admises à demander l’application de l’article 97. Les motifs sont compatibles avec les conclusions.

 

[19]           Je conclus que la Commission n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle.

 

[20]           Aucune question à certifier n’a été proposée et l’affaire n’en soulève aucune.


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Annie Beaulieu

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6125-06

 

INTITULÉ :                                       LEONETTE PLANCHER

NERLANDE PLANCHER c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ                            ET DE L’IMMIGRATION

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 3 décembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 7 décembre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Micheal Crane                                                                          POUR LES DEMANDERESSES

                                                                                               

 

David Tyndale                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                               

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Micheal Crane                                                                          POUR LES DEMANDERESSES

Toronto (Ontario)

 

John Sims, c.r.                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

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