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Date : 20071211

Dossier : IMM‑5263‑06

Référence : 2007 CF 1295

Ottawa (Ontario), le 11 décembre 2007

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

MAURICIO ISAAC MARTINEZ AGUILAR

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]         Il s’agit d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), en vue du contrôle judiciaire de la décision, datée du 6 septembre 2006, par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention et qu’il n’avait pas la qualité de personne à protéger.

 

[2]               Le demandeur sollicitait les redressements suivants :

a)      Une ordonnance accordant un bref de certiorari annulant la décision par laquelle C. Mutuma a rejeté la demande d’asile au Canada présentée par le demandeur.

b)      Une ordonnance accordant un bref de mandamus enjoignant au défendeur de faire en sorte que la demande d’asile du demandeur soit entendue devant un tribunal différemment constitué dans les 90 jours de la présente ordonnance de la Cour.

c)      Les dépens.

 

Le contexte

 

[3]               Mauricio Isaac Martinez Aguilar, le demandeur, est citoyen du Mexique. Les circonstances qui ont mené à sa demande d’asile ont été énoncées dans l’exposé circonstancié de son Formulaire de renseignements personnels (FRP).

 

[4]               En 1998, le demandeur a été témoin d’un vol de voiture commis par un notoire voleur de voitures mexicain. Les deux hommes se sont regardés dans les yeux pendant un court moment avant que le demandeur quitte les lieux en vitesse. Le lendemain, le voleur de voitures s’est présenté chez le demandeur et a menacé de le tuer s’il allait voir la police. Au départ, le demandeur n’a pas signalé le vol de voiture. Toutefois, après avoir été menacé au téléphone par le voleur de voitures, le demandeur avait le sentiment que la chose correcte à faire était de signaler l’incident au service des véhicules automobiles de la police. Après que le demandeur eut fait ce signalement, le chef du service de police l’a informé que les dénonciateurs ne vivaient pas longtemps et étaient malchanceux, et que ce serait mieux pour lui de ne rien dire et de se mêler de ses affaires. Le demandeur a par la suite appris que le voleur de voitures avait des liens avec la police judiciaire et la police d’État, notamment avec le chef du service de police auquel il s’était adressé. Le même jour où il s’est adressé au chef du service de police, le demandeur s’est également adressé au bureau du procureur général où des représentants ont refusé de dresser son rapport et l’ont renvoyé aux policiers.

 

[5]               Après sa visite au poste de police, le demandeur a reçu des appels téléphoniques au cours desquels le voleur de voitures a proféré des menaces de mort. Le demandeur s’est adressé à un avocat, qui lui a conseillé de rédiger une déclaration établissant qu’il avait été témoin d’un vol de voiture et qu’il avait dénoncé le crime à la police, mais que les policiers n’avaient pas donné suite à la dénonciation et que, à cet égard, s’il lui arrivait quelque chose, ou s’il arrivait quelque chose à sa famille, le chef du service de police en serait responsable.

 

[6]               Les menaces de mort ont diminué en 2000 quand le voleur de voitures a été arrêté. Deux mois après l’arrestation, le demandeur a été heurté par une voiture alors qu’il était sur sa motocyclette. Par suite de l’accident, le demandeur a subi une opération à la jambe à laquelle il avait été gravement blessé. Il a été incapable de marcher pendant deux ans et demi. À la fin de 2003, un ami l’a informé que l’accident était un acte de revanche du voleur de voitures, qui pensait que le demandeur avait signalé le vol à la police, ce qui avait entraîné son arrestation et son incarcération.

 

[7]               Le 15 octobre 2005, le demandeur était sur sa bicyclette quand il a été abordé par un automobiliste qui lui a demandé s’il se souvenait du voleur de voitures. Le demandeur a eu un accident à cause de cet incident. Le demandeur n’a pas signalé l’incident à la police.

 

[8]               Le 23 octobre 2005, le demandeur a quitté le Mexique pour venir au Canada. Une fois au Canada, le demandeur a présenté sa demande d’asile.

 

[9]               Par une lettre datée du 11 septembre 2006, on a informé le demandeur que dans une décision du 6 septembre 2006, la Section de la protection des réfugiés avait rejeté la demande puisqu’il n’était pas un réfugié au sens de la Convention et qu’il n’avait pas la qualité de personne à protéger. Il s’agit en l’espèce du contrôle judiciaire de cette décision.

 

Les motifs de décision de la Commission

 

[10]           La Commission a conclu que le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention et qu’il n’avait pas la qualité de personne à protéger. La Commission a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur n’avait jamais été la cible du voleur de voitures comme il le prétendait. La Commission a conclu que même si le voleur de voitures avait été un ami du chef du service de police local, le demandeur aurait quand même pu se rendre à d’autres services de police pour signaler les attentats à sa vie, mais que le demandeur ne l’avait pas fait. La Commission a en outre conclu qu’aucun élément de preuve digne de foi n’avait été présenté à titre de corroboration pour démontrer que le voleur de voitures avait causé l’accident. La Commission a conclu qu’il était contradictoire que le voleur de voitures ait été envoyé en prison alors qu’il avait un ami qui était le chef du service de police local pour le protéger. La Commission a en outre conclu que l’explication fournie par le demandeur à l’égard de l’absence du rapport d’accident n’était pas raisonnable étant donné que, selon le demandeur, une ambulance s’était présentée sur les lieux de l’incident et que la police avait estimé que l’incident n’était pas un accident.

 

[11]           La Commission a conclu que le demandeur n’avait jamais fait l’objet de discrimination et qu’on ne lui avait pas refusé un emploi du fait de sa déficience. La Commission a conclu que même s’il avait fait l’objet de discrimination en raison de sa déficience, étant donné que le demandeur travaillait et qu’il avait laissé son emploi de son plein gré afin de venir au Canada, la prétendue discrimination n’avait pas atteint le niveau de la persécution.

 

[12]           La Commission a conclu que le demandeur se contredisait quand il prétendait avoir fait une déclaration chez son avocat en 1999 afin que si quelque chose lui arrivait la déclaration soit remise à la police, et que pourtant, après le prétendu attentat à sa vie en 2000, il n’avait pas remis cette déclaration à la police. À cet égard, la Commission a tiré une inférence défavorable quant à la crédibilité du demandeur, en tant que témoin, relativement au motif sous-tendant la déclaration.

 

[13]           Devant la Commission, le demandeur a prétendu que pendant que le voleur de voitures était emprisonné, les menaces ont diminué. Le demandeur a en outre soutenu qu’il n’était pas responsable de l’emprisonnement du voleur de voitures. La Commission a conclu qu’il était contradictoire que le demandeur fasse ces prétentions et qu’il soutienne également que le voleur de voitures, bien qu’il soit en prison, ait orchestré l’accident qui était prétendument un attentat à la vie du demandeur. La Commission a tiré une inférence défavorable quant à la crédibilité du demandeur, en tant que témoin, à l’égard de cette contradiction.

 

[14]           La Commission a reconnu que le demandeur avait des blessures au bas de sa jambe comme l’a établi le médecin, mais compte tenu de sa conclusion antérieure selon laquelle il y avait un manque de crédibilité à l’égard de la cause de l’incident la Commission n’a pas accordé de poids aux allégations voulant que l’accident soit une tentative de meurtre. La Commission n’a accordé aucune importance au rapport de la psychologue, étant donné que le rapport était fondé sur ce que le demandeur lui avait dit; il s’agissait d’allégations que la Commission n’estimait pas dignes de foi. La Commission a en outre conclu que l’explication du demandeur à l’égard de son omission d’avoir obtenu de sa tante un rapport de consultation était déraisonnable étant donné qu’elle était une psychologue, un membre de la famille et la personne qui lui avait soi-disant fourni des services de consultation psychologique. Compte tenu de l’absence d’éléments de preuve pouvant corroborer la consultation psychologique au Mexique, la Commission a alors tiré une inférence défavorable quant à la crédibilité du demandeur, en tant que témoin, à l’égard de ses allégations selon lesquelles il avait obtenu des services de consultation psychologique relativement à la crainte qu’il éprouvait envers le voleur de voitures au Mexique.

 

[15]           Devant la Commission, le demandeur a déclaré que le voleur de voitures avait proféré des menaces par téléphone et en personne à sa résidence. La Commission a mentionné qu’au cours des sept années écoulées entre le prétendu vol de voitures et le départ du Mexique du demandeur, ni le voleur de voitures ni ses complices n’ont essayé d’attaquer le demandeur personnellement dans la rue ou chez lui. La Commission a conclu qu’il était invraisemblable que le voleur de voitures ait voulu faire du mal au demandeur avec des véhicules alors qu’il savait où vivait le demandeur. La Commission a conclu en outre qu’il était invraisemblable que le voleur de voitures, s’il voulait faire du mal au demandeur, ne l’agresse pas alors qu’il se rendait au travail, qu’il était chez lui ou dans la rue, mais qu’il choisisse de lui faire du mal seulement lorsqu’il se déplaçait en bicyclette ou en motocyclette. En outre, la Commission a conclu que le comportement du demandeur, qui est resté dans son pays pendant sept ans alors que le voleur de voitures aurait menacé sa vie, n’est pas compatible avec le comportement d’une personne qui craint pour sa vie.

 

[16]           En ce qui concerne la protection de l’État, la Commission a reconnu qu’il y a de la corruption au sein de la police au Mexique, mais a mentionné que la preuve documentaire montrait que le Mexique faisait des efforts sérieux pour s’occuper de ce problème. La Commission a conclu que la protection de l’État était disponible et que le demandeur n’avait pas fait suffisamment d’efforts pour tenter de l’obtenir et avait plutôt choisi de venir au Canada. La Commission a conclu que le demandeur n’avait pas réfuté la présomption de l’existence de la protection de l’État.

 

Les questions en litige

 

[17]           Dans ses observations écrites, le demandeur a soumis la question suivante pour examen :

            1.         Le membre du tribunal a-t-il indûment omis de prendre en compte des éléments de preuve documentaire dont le tribunal disposait?

 

[18]           De plus, le demandeur a énoncé les questions suivantes lors de l’audience :

            2.         La Commission a-t-elle commis une erreur dans l’appréciation de la crédibilité du demandeur?

            3.         La Commission a-t-elle commis une erreur à l’égard de sa conclusion quant à la protection de l’État?

            4.         La Commission a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il n’y avait pas une possibilité sérieuse de persécution?

 

Les observations du demandeur

 

[19]           Le demandeur a affirmé dans ses observations écrites que la Commission a omis de prendre en compte certains éléments de preuve documentaire qu’il avait fournis dans sa demande. Le demandeur vise notamment trois documents : (1) le rapport médical du Dr Edgardo Arredondo Gomez, (2) l’affidavit de l’avocat mexicain souscrit en mai 2006, et (3) une déclaration faite sous serment par le demandeur en 1999. En outre, le demandeur a soutenu que bien que la Commission ait mentionné expressément le rapport sur le Mexique préparé par le Département d’État des États-Unis, elle a omis de prendre en compte une portion particulière des documents. Plus précisément, la Commission a reproché au demandeur de ne pas avoir signalé l’accident à la police, mais le rapport sur le Mexique préparé par le Département d’État des États-Unis énonce que la corruption est un problème si omniprésent au Mexique que [traduction] « les victimes refusent souvent de déposer des plaintes ».

 

[20]           Au cours des observations faites de vive voix, le demandeur a en outre soutenu que la Commission a commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité du demandeur. Le demandeur a contesté la façon selon laquelle la Commission a traité de son témoignage à l’égard du rapport de police et les conclusions quant à la crédibilité qui en ont résulté. Le demandeur a contesté également la conclusion de la Commission quant à l’existence de la protection de l’État et la conclusion selon laquelle il n’y avait pas une possibilité sérieuse de persécution.

 

Les observations du défendeur

 

[21]           Le défendeur a soutenu que la norme de contrôle appropriée est la décision manifestement déraisonnable (voir De (Da) Li Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 49 Imm. L.R. (2d) 161 (C.A.F.), au paragraphe 5). Le défendeur a soutenu que, à l’égard de la crédibilité, dans la mesure où les inférences tirées par le tribunal ne sont pas déraisonnables au point de justifier une intervention, ses conclusions ne sont pas susceptibles d’un contrôle judiciaire, (voir Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)). Le défendeur a soutenu que la Commission était justifiée de tirer une inférence défavorable des contradictions et des invraisemblances contenues dans le témoignage du demandeur.

 

[22]           Le défendeur a soutenu que la capacité d’un État d’offrir une protection est un élément essentiel pour décider du caractère raisonnable objectif de l’absence de volonté d’un demandeur de tenter d’obtenir de la protection (voir Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689). En l’absence d’un effondrement complet de l’appareil étatique, on présume généralement que l’État est capable de protéger un demandeur (voir Ward, précité). Plus les institutions de l’État sont démocratiques, plus le demandeur doit avoir fait le nécessaire pour épuiser tous les recours à sa disposition (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Smith, [1999] 1 CF 310 (C.F. 1re inst.)). Lorsque le pays en question est une démocratie qui a des systèmes politique et judiciaire, le défaut de certains membres de la police d’offrir une protection est insuffisant pour démontrer qu’on voulait une protection (voir Kadenko c.. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.) (1996) 143 D.L.R. (4th) 532, 206 N.R. 272 (C.A.F.); autorisation d’appel rejetée le 8 mai 1997, C.S.C., dossier no 25689). En se fondant sur ces affaires, le défendeur a soutenu que le demandeur n’a pas réfuté la présomption de l’existence de la protection de l’État. Par conséquent, le défendeur a soutenu que la Commission était justifiée de rendre la décision qu’elle a rendue.

 

[23]           Le défendeur a soutenu qu’il était raisonnable pour la Commission de n’accorder aucune importance aux renseignements contenus dans les rapports médicaux et psychologiques présentés par le demandeur parce que les conclusions contenues dans les rapports étaient fondées sur les allégations faites par le demandeur lui-même à l’égard de la cause de son accident, allégations que la Commission avait déjà jugées non crédibles.

 

[24]           Le défendeur a soutenu que le fait que les motifs écrits ne résument pas tous les éléments de preuve déposés ne constitue pas une erreur de droit susceptible de contrôle. Le fait que certains éléments de la preuve documentaire ne soient pas mentionnés dans les motifs de la Commission n’est pas déterminant quant à sa décision, à moins que ses conclusions de fait tirées de la preuve puissent être qualifiées de conclusions abusives ou arbitraires (voir Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 147 N.R. 317, à la page 318 (C.A.F.)).

 

Analyse et décision

 

La norme de contrôle

 

[25]           La Commission peut apprécier la valeur probante de la preuve, notamment de la preuve documentaire, et la norme de contrôle applicable à des questions à cet égard est la décision manifestement déraisonnable (voir Akhter c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. no 1165, 2006 CF 914). Les conclusions quant à la crédibilité tirées par la Commission sont révisées selon la norme de la décision manifestement déraisonnable et font par conséquent l’objet d’un degré élevé de déférence (voir Juan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 809, au paragraphe 2).

 

[26]           Je vais traiter des questions comme elles ont été présentées par le demandeur à l’audience.

 

[27]           Deuxième question

            1.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité du demandeur?

            Dans sa décision, la Commission a déclaré ce qui suit :

Crédibilité

 

Le demandeur d’asile soutient que l’accident dans lequel il a été impliqué, et au cours duquel il a eu une fracture à la jambe, était une tentative de meurtre par Solis, qui accusait le demandeur d’asile de l’avoir dénoncé parce qu’il avait volé une voiture. On a demandé au demandeur d’asile s’il possédait un rapport d’accident établi par les services de police et il a répondu qu’il n’en avait pas parce que, lorsqu’il a été heurté alors qu’il se trouvait sur sa moto, il a perdu connaissance et n’a repris ses esprits que lorsqu’il a été amené dans un hôpital pour y être soigné. On a demandé au demandeur d’asile si ses parents, notamment sa tante, une psychologue d’après ses allégations, avaient communiqué avec la police pour savoir ce qui était arrivé. Le demandeur d’asile a répondu que cela n’avait pas été considéré comme un accident parce que la voiture qui l’avait heurté ne s’était pas arrêtée; c’était un délit de fuite. On a demandé au demandeur d’asile pourquoi ses parents n’avaient pas essayé de savoir quelle était la cause de l’accident étant donné la gravité de ses blessures et le fait que le rapport médical mentionnait qu’il souffrait d’une fracture ouverte du tibia. Le demandeur d’asile a déclaré que les policiers avaient refusé de leur remettre un rapport et qu’il ne savait pas si la police était venue; tout ce qu’il sait, c’est qu’on avait fait venir une ambulance et qu’on l’a amené à l’hôpital. Lorsqu’on lui a demandé comment il savait qu’il s’agissait d’une tentative de meurtre, compte tenu de l’absence de rapport d’accident établi par la police et du fait que personne n’avait été arrêté, le demandeur d’asile a déclaré que des amis lui avaient dit que Solis était à l’origine de l’accident. Il a ensuite été invité à expliquer pourquoi, étant donné que des gens lui avaient dit qu’il s’agissait d’une tentative de meurtre, il n’avait pas rapporté l’accident à la police; il a répondu qu’il ne l’avait pas fait parce que Solis connaissait le commandant du service de police local. J’estime que même si Solis était un ami du commandant du service de police local, le demandeur d’asile aurait pu s’adresser à d’autres services de police pour signaler l’accident, ce qu’il n’a pas fait. Cependant, d’après le demandeur d’asile, Solis était en prison au moment où s’est produit le prétendu accident. Étant donné que Solis était en prison et qu’il n’existe pas de rapport de police établissant la cause de l’accident, je conclus qu’il n’existe pas d’éléments de preuves crédibles susceptibles de corroborer le fait que Solis est à l’origine de l’accident. Je trouve en outre contradictoire que Solis soit allé en prison alors que le commandant du service de police local était son ami et que celui-ci, d’après les allégations du demandeur d’asile, protégeait Solis. J’estime que l’explication qu’a fournie le demandeur d’asile au sujet de l’absence de rapport d’accident n’est pas raisonnable, étant donné que, d’après ses dires, on aurait fait venir une ambulance, et que, d’après le témoignage du demandeur d’asile, la police a jugé que l’incident en question n’était pas un accident.

 

 

[Dossier du tribunal, pages 7 et 8.]

 

[28]           Lorsque, au cours de l’audience, on lui a posé des questions au sujet du rapport de l’accident, le demandeur a déclaré ce qui suit dans son témoignage :

                        [traduction]

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : Maintenant, j’ai quelques questions à vous poser. Quand vous avez été renversé par une voiture alors que vous étiez sur votre motocyclette, y avait-il, avez-vous signalé l’accident lui-même à la police?

 

DEMANDEUR :                Les policiers sont arrivés et ont dressé un rapport, ont dit qu’il s’agissait d’un accident, mais ils ont perdu le dossier parce que quelqu’un est allé pour voir le rapport et ce rapport n’existe pas.

 

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : Quand avez-vous demandé – au moment où les policiers ont dressé le rapport, compte tenu de cette blessure ici, qui a parlé aux policiers?

 

DEMANDEUR :                À ce moment, personne.

 

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : Et quand ils ont dressé un rapport, qui était là pour faire une déclaration en votre nom? C’était vous?

 

DEMANDEUR :                Ils m’ont fait seulement, ils m’ont posé simplement des questions.

 

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : À quel endroit les questions ont-elles été posées, sur les lieux de l’accident ou à quel endroit?

 

INTERPRÈTE :                  Permettez-moi de demander au demandeur d’attendre la fin des traductions, Monsieur le Commissaire. Merci, Monsieur le Commissaire.

 

AVOCAT :                        Nous attendons une réponse de la part du demandeur. Vous rappelez-vous la question?

 

DEMANDEUR :                Encore une fois, s’il vous plaît.

 

AVOCAT :                        D’accord.

 

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : Ma question était lorsque l’accident a eu lieu, les policiers sont arrivés et étiez-vous toujours sur les lieux de l’accident?

 

INTERPRÈTE :                  Je souligne, pour le dossier, que monsieur fait un geste et maintenant il dit oui.

 

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : Je vous suggère de dire oui ou non afin que cela puisse être noté.

 

DEMANDEUR :                Oui.

 

INTERPRÈTE :                  Oui, a dit monsieur en anglais.

 

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : Alors, vous pouvez dire oui en espagnol.

 

DEMANDEUR :                Oui.

 

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : D’accord. Alors les policiers vous ont-ils parlé à ce moment?

 

DEMANDEUR :                Oui.

 

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : Alors, que vous ont-ils demandé?

 

DEMANDEUR :                Quel était le problème et au milieu de ma détresse je leur ai expliqué. Mais je saignais et, à cause de l’ambulance, on ne m’a pas permis de continuer à répondre.

 

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : Alors, qui est arrivé en premier, l’ambulance ou les policiers, vous souvenez-vous? Maintenant, laissez-moi simplement (inaudible).

 

DEMANDEUR :                Oui, je me souviens.

 

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : D’accord. Vous n’avez pas besoin de vous pencher vers le microphone parce que vous allez peut-être fatiguer votre jambe. Restez simplement assis comme vous l’êtes. Les microphones ont un contrôle très (inaudible). Alors, vous pouvez simplement vous asseoir dans votre, assoyez-vous là, relaxez et parlez. D’accord?

 

DEMANDEUR :                D’accord.

 

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : Alors, je vais vous poser la question encore une fois. Alors, qui est arrivé en premier, l’ambulance ou les policiers?

 

DEMANDEUR :                Les policiers, mais je ne suis pas certain s’ils sont arrivés en même temps. J’étais plus inquiet de ma jambe qui était tordue.

 

[Dossier du tribunal, pages 161 à 163.]

 

 

[29]           Il appert, à la suite d’un examen de la décision de la Commission, que lors de son appréciation de la crédibilité du demandeur elle a accordé une importance considérable à l’absence du rapport de police et au soi-disant manque de connaissances du demandeur à l’égard de ce rapport. Je ne sais pas qu’elle aurait été la conclusion de la Commission quant à la crédibilité du demandeur si elle avait pris en compte le véritable témoignage du demandeur à l’égard du rapport de police. Je suis d’avis que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en énonçant la preuve à l’égard du rapport de police de la façon dont elle l’a fait.

 

[30]           Compte tenu de ma conclusion à l’égard de cette question, je n’ai pas à traiter des autres questions.

 

[31]           La demande de contrôle judiciaire est par conséquent accueillie, la décision de la Commission est annulée et l’affaire est renvoyée à la Commission afin qu’un tribunal différemment constitué rende une nouvelle décision.

 

[32]           Le demandeur a proposé que j’examine une question grave aux fins de la certification. Je ne suis pas disposé à certifier une question selon les faits de la présente affaire.

 

JUGEMENT

 

[33]           LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie, que la décision de la Commission soit annulée et que l’affaire soit renvoyée à la Commission afin qu’un tribunal différemment constitué rende une nouvelle décision.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

 

Danièle Laberge, LL.L.


ANNEXE

 

Les dispositions pertinentes de la Loi

 

Les dispositions pertinentes de la Loi sont exposées dans la présente section.

 

La Loi sur l’immigration et la protections des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) :

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

97.(1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97.(1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑5263‑06

 

INTITULÉ :                                       MAURICIO ISAAC MARTINEZ AGUILAR

                                                                                                                                   

                                                            c.

                                                           

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION                                                                                                                        

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 24 OCTOBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 11 DÉCEMBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Inna Kogan

POUR LE DEMANDEUR

 

Gordon Lee

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Inna Kogan

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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