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Date : 20071217

Dossier : IMM-4902-06

Référence : 2007 CF 1326

Ottawa (Ontario), le 17 décembre 2007

En présence de Monsieur le juge Mosley

 

 

Entre :

XIAO PING HOU

demanderesse

et

 

le ministre de la citoyenneté et de l’immigration

défendeur

 

 

motifs du jugement et jugement

 

[1]               Mme Hou est citoyenne du Pakistan, d’origine ethnique chinoise. Ses parents et ses frères et sœurs ont tous immigré au Canada; ses frères et sœurs sont devenus citoyens canadiens. Elle n’a plus de famille au Pakistan. Mme Hou exploite chez elle un salon de coiffure prospère, mais elle affirme qu’à tout autre égard, la vie est très difficile pour une femme non musulmane qui vit seule au Pakistan. 

 

[2]               À la fin de 2004, la première demande de résidente permanente présentée par la demanderesse sous le parrainage de sa famille a été refusée puisqu’elle ne répondait pas aux exigences de la catégorie du regroupement familial. Mme Hou avait également demandé une dispense des exigences en matière de visa en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), pour des motifs d’ordre humanitaire, mais cette demande de dispense a été ignorée. Une demande de contrôle judiciaire du premier refus a été réglée, étant entendu qu’elle pouvait présenter une nouvelle demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire. La présente demande de contrôle judiciaire découle du refus de la deuxième demande. À la fin de l’audience, j’ai informé les avocats que j’accueillais la demande et j’ai fourni de brefs motifs oraux que je fournis maintenant par écrit avec les renvois.

 

Les question en litige

 

[3]               La seule question en litige importante à l’égard de la présente demande était celle de savoir si l’agent avait commis une erreur en omettant d’examiner les facteurs pertinents dans le cadre d’une demande de dispense pour des raisons d’ordre humanitaire présentée à l’extérieur du Canada.

 

analyse

 

[4]               Il est bien établi que la norme de contrôle des décisions dans lesquelles des raisons d’ordre humanitaire (décisions CH) sont invoquées est la norme de la décision raisonnable simpliciter : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, [1999] A.C.S. n39 (QL), aux paragraphes 57 à 62; Yu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté de l’Immigration), 2006 CF 956, [2006] A.C.F. no 1217; Dang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté de l’Immigration), 2007 CF 290, [2007] A.C.F. no 363.

 

[5]               Les raisons d’ordre humanitaire sont examinées conformément à l’article 25 de la LIPR, qui est rédigé comme suit :

 

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — ou l’intérêt public le justifient.

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister’s own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

 

 

[6]               Pour examiner des demandes en vertu de l’article 25, les agents d’immigration disposent d’instructions sous forme de manuels publiés par Citoyenneté et Immigration Canada. Le manuel pertinent pour la demande de Mme Hou s’intitule Guide de traitement des demandes à l’étranger OP4 – Traitement des demandes présentées en vertu de l’article 25 de la LIPR. Les dispositions de l’article 8.3 du guide OP4, portant sur les raisons d’ordre humanitaire pour les demandeurs de la catégorie du regroupement familial, « décrivent certaines situations où une décision favorable peut être justifiée. » L’article 8.3 indique toutefois que les agents « ne doivent pas se limiter à ces instructions : ils doivent considérer tous les renseignements à leur disposition. »

 

[7]               Les membres de la famille de fait sont une des catégories exposées dans l’article 8.3, soit ceux qui ne répondent pas à l’exigence d’admissibilité à la catégorie du regroupement familial, mais qui se trouvent par ailleurs dans une situation de dépendance qui en fait des membres de fait d’une famille nucléaire qui se trouve au Canada. Parmi ceux énumérés à titre d’exemple comme membres de fait d’une famille, mentionnons le frère ou la sœur laissés seuls dans le pays d’origine sans autre famille. 

 

[8]               La situation de Mme Hou correspond à la description énoncée à l’article 8.3 du guide OP4 et son cas aurait dû être examiné en vertu de ces instructions. Les facteurs énumérés dans le guide qu’il faut prendre en considération sont :

• la question de savoir si la relation de dépendance est authentique et non créée à des fins d’immigration;

• le degré de dépendance;

• la stabilité de la relation;

• la durée de la relation;

• l’incidence d’une séparation;

• les besoins financiers et affectifs du demandeur relativement à l’unité familiale;

• la capacité et la volonté de la famille au Canada de fournir un soutien;

• les autres solutions qui s’offrent au demandeur, comme de la famille (époux, enfants, parents, fratrie, etc.) à l’extérieur du Canada qui a les capacités et la volonté de fournir un soutien;

• les preuves documentaires concernant la relation (c.-à-d., comptes de banque conjoints ou possession de biens immobiliers, possession conjointe d’autres propriétés, testaments, polices d’assurance, lettres provenant d’amis et de membres de la famille);

• tout autre facteur qui, de l’avis de l’agent, est pertinent à la décision CH.

[Non en caractères gras dans l’original.]

 

[9]               Les notes informatiques (STIDI), qui servent de motifs pour la décision en l’espèce, n’indiquent pas que l’agent a examiné les éléments de preuve présentés par Mme Hou à la lumière de ces facteurs. Dans sa décision, l’agent a mentionné le caractère raisonnable des craintes de Mme Hou, son évaluation de la question de savoir si elle est persécutée, la possibilité de son déménagement à un autre endroit au Pakistan et la question de savoir s’il y avait des raisons suffisantes pour combler l’insuffisance de points. Bien que ces aspects puissent être pertinents pour la détermination du statut de réfugié ou une demande de visa à titre de travailleur qualifié, ils n’étaient pas importants pour la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire dont était saisi l’agent. Il n’a examiné aucun des facteurs qui avaient été invoqués en faveur de la demande de Mme Hou.

 

[10]           Le ministre n’est pas lié par des directives en matière de politique, comme l’indique le juge Michel M.J. Shore dans la décision Yu, précitée. Toutefois, il est généralement reconnu que le pouvoir discrétionnaire devrait être exercé dans le contexte de l’objet de la loi et des lignes directrices ministérielles : arrêt Baker, précité, au paragraphe 67. 

 

[11]           Comme l’énonce l’alinéa 3(1)d) de la LIPR, un des objectifs de cette loi est « de veiller à la réunification des familles au Canada ». Le degré de dépendance envers la famille et l’isolement personnel sont des facteurs qui devraient être pris en compte, bien qu’ils ne soient pas déterminants : Samaroo c. Canada (Ministre de la citoyenneté de l’immigration), 2007 CF 292, [2007] A.C.F. no 376. Dans un cas comme celui-ci, un agent de l’immigration devrait tenir compte de l’ensemble formé par ce facteur et les autres facteurs énoncés dans le guide, ainsi que par les objectifs de la LIPR. En l’espèce, il ne semble pas que l’agent ait tenu compte des facteurs appropriés pour prendre sa décision.

 

[12]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La demande de résidence permanente parrainée de Mme Hou dans la catégorie du regroupement familial pour des raisons d’ordre humanitaire sera examinée à nouveau par un autre agent d’immigration. Les parties n’ont proposé la certification d’aucune question.


JUGEMENT

 

Par conséquent, la cour statue que la demande est accueillie et que l’affaire est renvoyée pour nouvel examen par un autre agent conformément aux présents motifs. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

David Aubry, LL.B.


 

 

 

 

Cour fédérale

 

Avocats inscrits au dossier

 

 

 

dossier :                                                    IMM-4902-06

 

Intitulé :                                                   XIAO PING HOU

                                                                        c.

                                                                        Le ministre de la citoyenneté

                                                                        Et de l’immigration

 

 

 

Lieu de l’audience :                             Toronto (Ontario)

 

DATE de l’audience :                           le 12 décembre 2007

 

Motifs du jugement :                        le juge MOSLEY

 

Date des motifs :                                  le 17 décembre 2007

 

 

 

Comparutions :

 

Wennie Lee

 

Pour la demanderesse

Asha Gafar

 

Pour le défendeur

 

Avocats inscrits au dossier :

 

Wennie Lee

Lee & Company / Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

John Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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