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Date : 20071217

Dossier : T-897-07

Référence : 2007 CF 1328

Vancouver (Colombie-Britannique), le 17 décembre 2007

 EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BARNES

 

 

ENTRE :

BENOLOL JAIME SERFATY

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’un appel d’une décision du Bureau de la citoyenneté, interjeté par Benolol Jaime Serfaty en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C 1985, ch. C-29 (la Loi).

 

[2]        La question de fond que soulève le présent appel concerne, encore une fois, l’exactitude du critère juridique à appliquer pour déterminer la résidence en vertu de l’alinéa 5(1)c) de la Loi. Il n’est pas contesté que M. Serfaty n’a pas satisfait à la norme strictement numérique de résidence; le Bureau de la citoyenneté a jugé qu’il lui manquait 385 jours de résidence pour satisfaire à la norme de base de 1095 jours passés au Canada. M. Serfaty prétend qu’il y avait de nombreux éléments de preuve établissant sa résidence canadienne de fait et il fait valoir que la Cour a commis une erreur en n’appliquant pas une des approches les plus libérales pour trancher cette question : voir, par exemple, Re Koo, [1993] 1 C.F. 286, 59 F.T.R. 27 (1re inst.).

 

[3]        On a également fait valoir que puisque le Ministère a conseillé à M. Serfaty de soumettre des éléments de preuve dans le but d’établir son prétendu mode de vie centralisé au Canada, la Cour était obligée de prendre en considération ces éléments de preuve, nonobstant le fait que   M. Serfaty n’était pas effectivement présent au Canada pendant 1095 jours dans les quatre ans qui ont précédé sa demande.

 

[4]        Comme il s’agit d’un appel prévu par la loi, la norme de contrôle qui s’applique aux questions de droit est celle de la décision correcte.

 

[5]        En raison de la jurisprudence certes insatisfaisante sur la question, je ne peux accepter l’argument de M. Serfaty. S’il existe un consensus dans la jurisprudence de la Cour, c’est que le Bureau de la citoyenneté est en droit d’appliquer un des trois critères de résidence acceptés : voir Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 164 F.T.R. 177, au paragraphe 14, et So c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration),                    2001 CFPI 733, 107 A.C.W.S. (3d) 736, au paragraphe 29.

 

[6]        Dans la présente affaire, le Bureau de la citoyenneté a suivi l’approche strictement numérique énoncée dans la décision Re Pourghasemi (1993), 62 F.T.R. 122. Ce n’était pas une erreur d’adopter cette approche et il n’y a rien dans la décision qui donne à penser qu’il y a eu une confusion quelconque relativement au critère appliqué.

 

[7]        Je ne suis pas d’accord qu’en raison de l’invitation du Ministère à M. Serfaty de soumettre d’autres éléments de preuve quant à ses liens de fait avec le Canada, le Bureau de la citoyenneté était tenu de ce fait d’appliquer un des critères les plus flexibles pour l’établissement de la résidence. Cette approche prise par le Ministère visait simplement à reconnaître que de tels éléments de preuve pouvaient être pris en considération par le Bureau de la citoyenneté si    celui-ci choisissait d’appliquer un des critères les plus libéraux pour établir la résidence. Je suis d’accord avec l’avocate du défendeur que le Bureau de la citoyenneté ne peut pas être lié par des positions prises par le Ministère, mais quoi qu'il en soit, la position du Ministère ne visait pas à prévoir un critère pour la résidence et M. Serfaty n’a été désavantagé par rien de ce qu’on lui a dit. Il a soumis de nombreux éléments de preuve pour établir ses liens de fait avec le Canada, mais le Bureau de la citoyenneté, agissant dans les limites de son pouvoir, a choisi de ne pas en tenir compte.

 

[8]        La deuxième question soulevée dans le présent appel concerne le passage suivant de la décision du Bureau de la citoyenneté :

[traduction] Je recommande au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration

Canada d’informer l’Agence des services frontaliers du Canada et les agents

d’immigration que vous avez fourni des informations trompeuses et

incomplètes relativement à votre résidence au Canada. Soyez conscients

que lorsque vous tenterez de traverser la frontière pour entrer au Canada,

vous serez identifié comme une personne qui a tenté de tromper

Citoyenneté et Immigration Canada.

 

[9]        M. Serfaty affirme que la recommandation ci-dessus outrepasse les pouvoirs du            Bureau de la citoyenneté. Je suis d’accord. Il ne serait pas approprié ou licite pour le Ministère de mettre à exécution cette recommandation.

 

[10]      Il n’y a pas de problème à ce qu’un juge de la citoyenneté exprime dans une décision des opinions défavorables quant à la crédibilité d’un demandeur ou formule des critiques relativement à toute autre question. De plus, il n’y a aucun problème à ce que le Ministère choisisse de donner suite à ces observations, s’il le souhaite. Le problème soulevé par le passage contesté en l’espèce est que le juge de la citoyenneté se propose de faire une recommandation administrative au Ministère et qu’il fait une affirmation absolue selon laquelle on réservera à    M. Serfaty un traitement particulier à la frontière.

 

[11]      Les limites du pouvoir du Bureau de la citoyenneté de communiquer officiellement avec le ministre relativement à la décision qu’il a rendu sur la demande de citoyenneté sont établies par le paragraphe 14(2) et le paragraphe 15(1) de la Loi. Ces dispositions limitent le rôle d’information du Bureau à la communication des motifs de sa décision et à la recommandation au ministre d’accorder une dispense relativement à certaines exigences de la loi. Ce n’est pas le rôle du Bureau de la citoyenneté de donner dans ses décisions des conseils administratifs au Ministère quant à la façon de traiter le demandeur de la citoyenneté dans le but de maintenir la sécurité à la frontière. Le Bureau de la citoyenneté doit protéger son indépendance. Il devrait éviter de manière scrupuleuse toute apparence d’influence officielle, au-delà de son mandat conféré par la loi, sur le travail des autorités d’immigration ou frontalières, tout comme il devrait être libre de toute influence apparente extérieure.

 

[12]      Je suis d’accord que les remarques du Bureau de la citoyenneté ne lient pas le Ministère. Cependant, ces remarques peuvent ne pas être considérées si inoffensives par d’autres, parce qu’elles sont toutes les deux exprimées sous le sceau de l'autorité. Une fois mises en pratique, le contexte peut être perdu. J’ajouterais que les remarques et les recommandations faites ici sont injustifiées en l’absence d’une analyse approfondie des éléments de preuve. M. Serfaty a offert une explication atténuante pour les erreurs retrouvées dans sa demande de citoyenneté, qui, si elle était acceptée, n’appuierait pas raisonnablement la position du juge de la citoyenneté.         M. Serfaty avait à tout le moins droit à ce que cette explication soit examinée à fond dans la décision avant d’être assujetti au type de surveillance future proposé par le Bureau de la citoyenneté : voir Chiu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration),               2005 CF 1036, 141 A.C.W.S. (3d) 13, au paragraphe 3.

 

[13]      Pour les motifs exposés, je suis d’avis d’ordonner que le défendeur fasse abstraction de la recommandation du Bureau de la citoyenneté en ce qui a trait à ses rapports futurs avec M. Serfaty et que le défendeur informe toute autre tierce partie intéressée, comme l’Agence des services frontaliers du Canada, de cette ordonnance.

 

[14]      Sous réserve de cette directive, la présente demande est rejetée sans frais.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée sans frais.

 

 

« R.L. Barnes »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-897-07

 

INTITULÉ :                                                   BENOLOL JAIME SERFATY

                                                                        c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             VANCOUVER

                                                                        (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 12 DÉCEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT                          

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 17 DÉCEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

B. Rory B. Morahan

 

POUR LE DEMANDEUR

Marjan Double

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Morahan & Company

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

     POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

     POUR LE DÉFENDEUR

 

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