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Date : 20071219

Dossier : T-1168-96

Référence : 2007 CF 1338

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 19 décembre 2007

En présence de monsieur le juge Russell

 

ENTRE :

ALLISON G. ABBOTT, MARGARET ABBOTT ET

MARGARET ELIZABETH McINTOSH

demanderesses

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

 

ORDONNANCE RELATIVE AUX DÉPENS ET MOTIFS

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[1]               La Couronne a admis qu’advenant que les dépens lui soient adjugés, il faudrait déduire de l’évaluation initiale de 60 923,04 $ le montant des dépens évalués pour les demanderesses relativement à l’ordonnance de la Couronne, ainsi qu’un montant supplémentaire de 4 100,00 $ pour les dépens liés à l’intervention du CP.

 

[2]               Les questions qu’il reste à trancher sont les suivantes :

1.                  les parties devraient-elles assumer leurs propres frais;

2.                  si les dépens sont adjugés à la Couronne, le montant évalué devrait-il être réduit pour tenir compte de ce qui suit :

(a)                les dépens réclamés pour les interrogatoires préalables;

(b)               les dépens associés au deuxième avocat.

 

DISPOSITIF PROPOSÉ

 

[3]               Même si les demanderesses reconnaissent qu’une partie ayant gain de cause a généralement droit à des dépens, elles affirment qu’en raison des faits en l’espèce, il serait approprié que les parties assument leurs propres frais.

 

[4]               Les demanderesses font valoir les arguments suivants pour soutenir cette thèse :

1.       Nonobstant le résultat en faveur de la Couronne, la Cour devrait tenir compte de la culpabilité relative des parties lorsqu’elle exerce son pouvoir discrétionnaire général relativement aux dépens;

2.       la Cour doit reconnaître que les demanderesses énonçaient une nouvelle proposition de droit, dans une situation où il existait un certain intérêt public dans la solution judiciaire.

 

[5]               J’ai examiné avec soin les principes et les autorités proposés par les demanderesses dans les documents écrits présentés et dans leurs arguments de vive voix, mais je juge que les faits en l’espèce ne sont pas suffisamment justifiés pour déroger à la pratique habituelle selon laquelle les dépens suivent l’issue de la cause.

 

[6]               Dans mes motifs, je ne suis arrivé à aucune conclusion qui me permettrait, à cette étape, d’attribuer une part de blâme à la Couronne, ou d’affirmer que les demanderesses auraient pu avoir gain de cause, n’eût été le retard à intenter l’action.

 

[7]               Mes propos se limitaient à ceci (paragraphe 26) : « [...] je partage l’avis des demandeurs que les documents de cession sont suffisamment complets pour établir l’existence, entre les titulaires originaux des baux à reconduction perpétuelle et les demandeurs, d’une chaîne de droits qui suffit à leur conférer l’intérêt requis pour présenter la présente réclamation. »

 

[8]               En d’autres termes, il s’agissait d’une simple constatation du fait que les demanderesses avaient qualité pour présenter cette réclamation et n’ont pas été exclues au motif qu’elles n’avaient aucun intérêt possible à faire valoir.

 

[9]               La Cour a certainement reconnu que les demanderesses alléguaient des décisions préjudiciables et illicites de la part de la Couronne, mais elle n’en a tiré aucune conclusion puisque, même si elles s’avéraient véridiques, ces affirmations n’étaient pas nouvelles, et le droit en matière de prescription faisait en sorte qu’il ait été inutile d’en examiner le bien-fondé : « Il y a donc peu à gagner, à mon sens, d’un examen de la décision de la Couronne d’exiger les renonciations et les nouveaux baux. » (paragraphe 39) La Cour établit clairement, au paragraphe 74 de ses motifs, qu’elle n’a pas examiné les mérites des prétentions des demanderesses. Par conséquent, aux fins de l’examen des dépens, la Cour ne peut s’engager dans un examen de la culpabilité relative ou affirmer que, n’eût été le passage du temps, elle aurait déclaré la Couronne coupable et reconnu la validité des réclamations des défenderesses. Comme les défenderesses l’affirment dans leur propre sommaire, leurs arguments sur ce point sont des « conjectures », et je ne crois pas qu’il me soit possible d’utiliser ces conjectures pour déroger à la pratique habituelle selon laquelle les dépens suivent l’issue de la cause.

 

[10]           De même, je ne trouve pas que les nouveaux arguments de droit des demanderesses fournissent une justification suffisante pour déroger à la pratique habituelle.

 

[11]           J’ai fondé ma décision sur le fait qu’en vertu de la Loi sur la prescription du Manitoba, les demanderesses n’ont simplement par agi dans les délais prescrits. Pour y parvenir, j’ai appliqué aux faits qui m’ont été présentés les dispositions relatives à la prescription. Il est vrai que les demanderesses ont présenté des arguments très habiles pour faire valoir que la loi ne devrait pas s’appliquer dans leur cas, mais en fin de compte, j’ai simplement expliqué pourquoi je ne pouvais accepter ces arguments et pourquoi j’ai appliqué les dispositions de la loi. Je ne crois pas que de nouveaux points de droit ont été soulevés et je ne crois pas qu’il y ait réellement une dimension nationale ou extra-provinciale à la question qui m’a été soumise. Ces dimensions supplémentaires pourraient avoir été soulevées dans d’autres contextes, mais, comme je l’indique clairement dans mes motifs, j’ai simplement suivi les avis des deux parties, à savoir que « la loi applicable en matière de prescription est la loi manitobaine appelée Loi sur la prescription [...] », et je l’ai appliquée en conséquence.

 

[12]           Le fait qu’il n’y ait aucune décision directement applicable à citer n’a pas, à mon avis, soulevé de nouveau point de droit.

 

[13]           Une politique claire sous-tend les lois en matière de prescription : l’État estime que les actions en justice doivent être déposées dans un délai raisonnable et qu’on devrait mettre fin à la menace de poursuites après un certain temps. La Cour a conclu que, en l’espèce, les propriétaires antérieurs étaient au courant des questions de prescription et qu’après avoir reçu des conseils juridiques, ils ont choisi de rechercher une solution politique et non juridique. Appliquer la période de prescription pertinente comme justification pour empêcher une réclamation n’aura pas pour effet, selon moi, de décourager les poursuites; cela enverra simplement le message que les réclamations devront être introduites dans un certain délai. Les éventuels plaideurs doivent se décider, et c’est ce qu’ils ont fait en l’espèce après avoir obtenu des conseils juridiques.

 

[14]           Dans l’ensemble, après avoir examiné les arguments et les autorités des demanderesses, j’estime que les motifs sont insuffisants, sur la base de ces faits, pour déroger à la pratique habituelle selon laquelle les dépens suivent l’issue de la cause.

 

QUANTUM

 

[15]           J’ai examiné le mémoire de frais provisoire de la Couronne et, après avoir exercé mon propre pouvoir discrétionnaire en vertu des Règles de la Cour fédérale, j’estime que les montants réclamés sont généralement appropriés, sous réserve des réductions déjà acceptées par la Couronne, et que je n’ai qu’à examiner les questions soulevées par les défenderesses concernant les interrogatoires préalables et les dépens associés au deuxième avocat.

 

[16]           Bien que je puisse accepter les arguments de la Couronne selon lesquels ces interrogatoires préalables étaient nécessaires pour établir la communauté des faits et favoriser l’équité de l’instruction, j’ai certaines réserves quant au temps nécessaire à la préparation. Le nombre maximal d’unités pour la préparation est réclamé dans chaque instance et, en l’absence d’une explication, la logique suggère que lorsque des questions répétitives sont soumises pour en arriver à un ensemble de faits convenus, le temps de préparation ne devrait pas être le même pour chaque cas et devrait diminuer à mesure que le processus avance. Ainsi, je pense que le nombre total d’unités pour la préparation des interrogatoires préalables aurait dû être 15 au lieu de 30.

 

[17]           Si on utilise une valeur unitaire de 100,00 $, cela se traduit par une réduction de 1 500,00 $ pour la durée de la préparation.

 

[18]           En ce qui concerne les dépens associés au deuxième avocat, la Couronne a réclamé 93 unités à 50 %, ce qui donne un total de 5 115,00 $. Je ne crois pas que l’on puisse vraiment faire une analogie avec l’affaire Sidorsky en ce qui concerne les dépens de l’avis juridique. Toutefois, il existe un principe bien établi selon lequel il y a une différence entre ce qui est raisonnable et ce qu’une partie choisit de faire parce qu’elle dispose des ressources nécessaires. Dans l’affaire Sidorsky, la Cour a refusé d’autoriser les honoraires d’un troisième ou quatrième avocat, mais considérait que les honoraires d’un deuxième avocat étaient raisonnables. En l’espèce, je crois que je dois me poser la question à savoir si les honoraires du deuxième avocat étaient raisonnables.

 

[19]           L’affaire Sidorsky énonce le principe selon lequel les dépens ne sont pas fondés sur l’hypothèse que les plaideurs ne disposent pas nécessairement de ressources identiques. Il se peut qu’une décision semble avisée sur le plan stratégique, mais cela ne veut pas dire que les dépenses complètes devaient être autorisées en ce qui concerne les dépens. Il m’apparaît que le contraire est également vrai : ce n’est pas parce qu’un plaideur ne peut assumer certains dépens, ou qu’il choisit de ne pas le faire, qu’il est déraisonnable pour l’autre partie d’engager et de réclamer ces dépens. La complexité d’un cas peut justifier le recours à un autre avocat, même si l’autre partie décide de n’en consulter qu’un seul, comme c’est le cas des défenderesses en l’espèce.

 

[20]           Lorsque l’on examine la complexité des questions en litige et la division du travail accompli en l’espèce, je ne pense pas pouvoir affirmer que le recours à un deuxième avocat était déraisonnable, compte tenu du fait que la Couronne a réduit la valeur de 50 %.

 

[21]           Les parties se sont entendues et ont informé la Cour de ce qui suit :

(a)               Le montant du mémoire de frais des demanderesses, tel qu’il est soumis, devrait être déduit du montant de la demande d’adjudication de la Couronne. Cette compensation sera appliquée en déduisant la portion des dépens du mémoire de frais des demanderesses des dépens réclamés par la Couronne et en déduisant la portion des débours du mémoire de frais des demanderesses de la portion des débours de la réclamation de la Couronne;

(b)          Tout autre ajustement des dépens « nets » de la Couronne résultant de l’application de la réduction décrite au point (a), ci-dessus, entraînera un ajustement aux débours nets de la Couronne d’un montant équivalent à 20 % de l’ajustement des dépens. Cela signifie, par exemple, que si les dépens réclamés par la Couronne sont réduits de 1 000,00 $, le montant des débours réclamés par la Couronne sera alors de 200,00 $.

 

[22]           Selon ces principes, le calcul des dépens dus à la Couronne se fait comme suit :

(a)                Réclamation initiale de la Couronne

Dépens                                                                         50 585,00 $

Débours                                                                       10 338,04 $

Total                                                                             60 923,04 $

(b)           Mémoire de dépens compensé des demanderesses

Dépens                                                                         11 663,00 $

Débours                                                                       1 313,11 $

Total                                                                             12 976,11 $

 

(c)       Autres réductions des dépens

Dépens pour la Couronne de l’intervention du CP          4 100,00 $

Réduction du temps de préparation                               1 500,00 $

Total                                                                             5 600,00 $

 

(d)      Autre réduction des débours

(5 600,00 $ x 20 %)                                                     1 120,00 $

 

[23]           En appliquant les règles convenues par les parties, cela signifie qu’une réduction de 17 263,00 $ sera appliquée à l’évaluation initiale des dépens de la Couronne et qu’une réduction totale de 2 433,11 $ sera appliquée à l’évaluation des débours initiaux de la Couronne, ce qui donne un total final de 41 226,93 $ (33 322,00 $ + 7 904,93 $).

 


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

 

1.                  Les dépens et les débours des défenderesses seront fixés à 41,226,93 $ dans la présente instance.

 

 

    « James Russell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :                                 T-1168-96

 

INTITULÉ :                                ALLISON G. ABBOTT, MARGARET ABBOTT

ET MARGARET ELIZABETH MCINTOSH c. SA MAJESTÉ LA REINE

                                            

 

LIEU DE L’AUDIENCE :         WINNIPEG (MANITOBA)

 

* L’audience a été tenue par vidéoconférence.

 

DATE DE L’AUDIENCE :        LE 17 OCTOBRE 2007

 

ADJUDICATION DES DÉPENS

ET MOTIFS :                             LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS:               LE 19 DÉCEMBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Arthur J. Stacey                                                             POUR LES DEMANDERESSES

Thompson Dorfman Sweatman LLP

2200-201, avenue Portage

Winnipeg (Manitoba)

R3B 3L3

 

Paul Edwards et Jurgen Feldschmidt                             POUR LA DÉFENDERESSE

Duboff Edwards Haight & Schachter

155, rue Carlton, bureau 1900

Winnipeg (Manitoba)

R3C 3H8

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