Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20071220

Dossier : T-693-07

Référence : 2007 CF 1346

Ottawa (Ontario), le 20 décembre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE Orville Frenette

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

 

PRISM HELICOPTERS LIMITED

défenderesse

 

et

 

LE TRIBUNAL D’APPEL DES TRANSPORTS DU CANADA

 

intervenant

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite, en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, modifiée, le contrôle judiciaire d’une décision rendue par le Tribunal d’appel des transports du Canada (le Tribunal), dans laquelle il a conclu qu’il avait compétence pour réviser une décision du ministre des Transports annulant une exemption accordée en vertu du paragraphe 5.9(2) de la Loi sur l’aéronautique, L.R.C. 1985, ch. A‑2, article 1 (la Loi).

[2]               La compétence du Tribunal est restreinte à la révision de la décision du ministre des Transports prononçant l’annulation d’un document d’aviation canadien (DAC), sa suspension, le refus de le délivrer, de le réviser ou de le modifier.

 

[3]               Le demandeur soutient que l’exemption en vertu du paragraphe 5.9(2) n’est pas un DAC au sens de la Loi et, par conséquent, il échappe à la compétence du Tribunal. L’intervenant, le Tribunal, fait valoir qu’une exemption en vertu du paragraphe 5.9(2) est un DAC aux termes de la Loi. Ainsi, une décision du ministre annulant ou refusant de renouveler un DAC peut faire l’objet d’une révision par le Tribunal. La défenderesse, Prism Helicopters, ne s’est pas présentée et, en conséquence, elle n’a aucunement participé à l’instruction de la présente demande.

 

INTRODUCTION

[4]               Le paragraphe 605.85(1) du Règlement de l’aviation canadien (le Règlement) interdit à un pilote d’effectuer le décollage d’un aéronef lorsque l’aéronef a été soumis à un travail de maintenance, à moins que ce travail n’ait été certifié au moyen d’une certification après maintenance signée par un ingénieur en entretien d’aéronefs.

 

[5]               Le 9 novembre 2005, le ministre a exempté les exploiteurs aériens canadiens de certains types d’aéronefs et leur équipage de certaines exigences précises du paragraphe 605.85(1) du Règlement (l’exemption). Cette exemption a été accordée conformément au paragraphe 5.9(2) de la Loi.

 

[6]               Le 12 juillet 2006, la défenderesse a été informée que l’exemption ne serait pas délivrée à nouveau à son expiration le 1er mai 2007 et que les exploitants aériens canadiens seraient à nouveau tenus d’obtenir une certification après maintenance de l’ingénieur en entretien d’aéronefs au décollage d’un aéronef qui a été soumis à un travail de maintenance. Le 2 février 2007, le ministre a annulé l’exemption à compter du 7 mars 2007.

 

[7]               Le 2 octobre 2006, la défenderesse a présenté au Tribunal une demande de révision de la décision du ministre annulant l’exemption. Le 23 octobre 2006, le Tribunal a demandé aux parties de présenter des observations sur la question de savoir s’il avait ou non compétence pour effectuer une telle révisione.

 

La décision du tribunal

[8]               Dans une décision datée du 27 mars 2007, le Tribunal a conclu qu’il avait compétence pour réviser la décision du ministre annulant l’exemption du paragraphe 605.85(1) du Règlement.

 

[9]               Premièrement, le Tribunal a tranché la question de savoir si l’exemption en question était un texte réglementaire en vertu de la Loi sur les textes réglementaires, L.R.C. 1985, ch. S-22.

 

[10]           Pour être un texte réglementaire, l’exemption devait répondre, selon le Tribunal, à la définition d’un texte réglementaire énoncée dans l’article 2 de la Loi sur les textes réglementaires :

[...]

« texte réglementaire »

a) Règlement, décret, ordonnance, proclamation, arrêté, règle, règlement administratif, résolution, instruction ou directive, formulaire, tarif de droits, de frais ou d’honoraires, lettres patentes, commission, mandat ou autre texte pris :

(i) soit dans l’exercice d’un pouvoir conféré sous le régime d’une loi fédérale, avec autorisation expresse de prise du texte et non par simple attribution à quiconque — personne ou organisme — de pouvoirs ou fonctions liés à une question qui fait l’objet du texte,

(ii) soit par le gouverneur en conseil ou sous son autorité, mais non dans l’exercice d’un pouvoir conféré sous le régime d’une loi fédérale;

[...]

 

Le Tribunal a conclu qu’une exemption en vertu du paragraphe 5.9(2) ne répondait pas à la définition de texte réglementaire.

 

[11]           Pour arriver à cette conclusion, le Tribunal a examiné les deux types d’exemption énoncés dans la Loi. Une exemption, décrite comme « Exemption : gouverneur en conseil » (paragraphe 5.9(1)), autorise le gouverneur en conseil à prendre des règlements pour soustraire toute personne ou installation aéronautique à l’application des règlements pris sous le régime de la partie I de la Loi. La deuxième exemption, décrite comme « Exemption : ministre » (paragraphe 5.9(2)), autorise le ministre à soustraire toute personne ou installation aéronautique à l’application des règlements pris sous le régime de la partie I de la Loi. Le Tribunal était d’avis qu’une exemption accordée par le gouverneur en conseil en vertu du paragraphe 5.9(1) était un texte réglementaire, alors qu’une exemption accordée par le ministre en vertu du paragraphe 5.9(2) n’en était pas un.

 

[12]           Deuxièmement, le Tribunal a tranché la question de savoir si une exemption en vertu du paragraphe 5.9(2) répondait à la définition d’un DAC. Dans son analyse, le Tribunal a examiné l’objet de l’exemption :

[traduction]

[...] permettre aux exploitants aériens canadiens et à leur équipage d’exécuter des tâches qui sont identifiées dans la consigne de navigabilité (CN) 2005-21-02 de la FAA et que les membres d’équipage sont aptes à effectuer, mais qui ne sont pas énumérées dans les travaux élémentaires énoncés dans les Normes relatives à l’équipement et à l’entretien des aéronefs, sans exiger une certification après maintenance.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[13]           Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal a conclu que l’exemption était une autorisation ou un permis qui, en respectant les conditions et les exigences qui étaient prévues, accordait à Prism Helicopters le privilège d’une renonciation à l’application du paragraphe 605.85(1) du Règlement.

 

LE Contexte législatif

[14]           Parmi les exigences et les objectifs principaux de la Loi, mentionnons la promotion de la sécurité du transport aérien dans Aztec Aviation Consulting Ltd. c. Canada, [1990] A.C.F. no 154 (QL); Swanson Estate c. Canada (C.A.F.), [1992] 1 C.F. 408, [1991] A.C.F. no 452 (QL).

 

[15]           Selon le paragraphe 2(2) de la Loi sur le Tribunal d’appel des transports du Canada (la Loi sur le TATC), le Tribunal « connaît des requêtes en révision dont il est saisi en vertu de la Loi sur l'aéronautique, la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, la Loi sur la sûreté du transport maritime, la Loi sur la sécurité ferroviaire ou toute autre loi fédérale concernant les transports. » De plus, en vertu du paragraphe 7.1(3) de la Loi, le titulaire d’un DAC qui est concerné par une décision du ministre suspendant, annulant ou refusant de renouveler le document peut présenter une requête au Tribunal pour faire réviser la décision du ministre.

 

[16]           En ce qui a trait aux DAC précisément, le paragraphe 7.1(1) de la Loi autorise le ministre à « suspendre, [à] annuler ou [à] ne pas renouveler un document d'aviation canadien » au motif que le titulaire est inapte, qu’il ne répond plus aux conditions de délivrance ou de maintien en état de validité du document ou pour des motifs d’intérêt public.

 

[17]           Le paragraphe 3(1) de la Loi définit un DAC comme suit :

« document d'aviation canadien » Sous réserve du paragraphe (3), tout document — permis, licence, brevet, agrément, autorisation, certificat ou autre — délivré par le ministre sous le régime de la partie I et concernant des personnes, des aérodromes, ou des produits, installations ou services aéronautiques.

 

De plus, l’article 6.6 ajoute à cette définition que tout avantage octroyé par un DAC est assimilé à un DAC.

 

[18]           Toutefois, le paragraphe 3(3) exclut expressément certains documents de la catégorie des DAC, tels que :

a) une habilitation de sécurité;

b) un laissez-passer de zone réglementée délivré par le ministre à l'égard d'un aérodrome exploité par celui-ci;

c) un document d'aviation canadien précisé par les règlements sur la sûreté aérienne pour l'application du présent paragraphe.

 

Ainsi, la Loi établit les paramètres des types de documents qui peuvent être des DAC.

 


les Questions en litige

[19]           La présente demande soulève la question suivante :

1.                  Le Tribunal est-t-il compétent pour réviser la décision du ministre annulant une exemption accordée en vertu du paragraphe 5.9(2) de la Loi?

 

La norme de contrôle

[20]           Le demandeur, s’appuyant sur la jurisprudence antérieure de la Cour, (Air Nanavut Ltd. c. Canada (Ministre des Transports), [2001] 1 C.F. 138; Canada (Procureur général) c. Woods, [2002] A.C.F. no 1267), soutient que la norme de contrôle applicable est la décision correcte.

 

[21]           Bien qu’il ne fasse pas valoir ce qu’il estime être la norme de contrôle appropriée, l’intervenant soutient que [traduction] « la norme de contrôle applicable à une décision du Tribunal ne sera pas automatiquement celle de la décision correcte, même dans les cas où la nature de la décision est liée à la compétence ».

 

[22]           Je suis d’accord avec l’intervenant que la norme de contrôle ne doit pas être appliquée de façon automatique. Dans le récent arrêt de la Cour suprême ATCO Gas and Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy and Utilities Board), [2006] 1 R.C.S. 140, [2006] A.C.S. no 4 (QL), au paragraphe 23, le juge Bastarache a conclu ce qui suit :

Dans la présente affaire, il faut se garder de conclure hâtivement que la question en litige en est une de « compétence » puis de laisser tomber l’analyse pragmatique et fonctionnelle. L’examen exhaustif des facteurs s’impose.

 

[23]           Cependant, en m’appuyant sur l’analyse pragmatique et fonctionnelle qui suit, je conclus que la norme de contrôle applicable est la décision correcte.

·        La présence ou l’absence d’une clause privative. Ce facteur concerne généralement le mécanisme de contrôle prévu par la loi. (Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 27). Le paragraphe 7.2(1) de la Loi prévoit qu’une personne concernée par une décision du Tribunal peut faire appel de la décision à un comité d’appel du Tribunal. L’alinéa 7.2(3)a) prévoit de plus que le comité d’appel du Tribunal peut soit rejeter l’appel, soit renvoyer l’affaire au ministre pour réexamen. La Loi est muette en ce qui a trait à la possibilité d’un contrôle judiciaire. Cependant, le mutisme d’une loi sur ce point constitue un facteur neutre (Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, au paragraphe 30).

 

De plus, j’ai connaissance de l’affirmation du juge MacKay dans la décision Stewart Lake Airways Ltd. c. Canada (Ministre des Transports), [1995] A.C.F. no 358 (QL), au paragraphe 16, citée par l’intervenant, selon laquelle « les décisions du TAC [« Tribunal d’aviation civile », remplacé par le Tribunal d’appel des transports du Canada] ne devraient normalement être susceptibles de contrôle judiciaire que dans des cas exceptionnels. » Par conséquent, je conclus que ce facteur indique qu’une certaine déférence doit être accordée au Tribunal.

 

·        Expertise relative. L’évaluation de l’expertise relative « comporte trois dimensions : la cour doit qualifier l’expertise du tribunal en question; elle doit examiner sa propre expertise par rapport à celle du tribunal; et elle doit identifier la nature de la question précise dont était saisi le tribunal administratif par rapport à cette expertise. » (Arrêt Pushpanathan, précité, au paragraphe 33).

 

Pour étayer son argument, l’intervenant renvoie à l’arrêt Seprotech Systems Inc. c. Peacock Inc., [2003] CAF 71, [2003] A.C.F. 205 (QL), au paragraphe 18, dans lequel le juge Evans a conclu que « [l]a compétence des tribunaux administratifs spécialisés est particulièrement pertinente pour résoudre des ambiguïtés et combler des lacunes dans le texte des lois et d'autres documents qu'ils doivent interpréter ». Bien qu’il soit vrai que le Tribunal est un organisme spécialisé qui possède un niveau élevé d’expertise institutionnelle dans son domaine, la question en cause est une pure question de droit et d’interprétation législative générale, ce que reconnaît explicitement le juge Evans dans le même arrêt comme étant des exceptions à la retenue habituellement manifestée. Par conséquent, je conclus que ce facteur ne justifie pas la retenue.

 

·        L’objet de la loi. Le Tribunal exécute une fonction d’adjudication et cherche à résoudre les différends ou à établir les droits entre deux parties. À mon avis, la pondération d’une foule d’intérêts n’est pas la principale fonction du Tribunal dans l’exécution de son mandat. En conséquence, ce facteur ne justifie aucune retenue.

 

·        La nature du problème. Comme il est indiqué plus haut, la nature du présent problème est de droit pur portant sur la compétence. Ainsi, aucune retenue n’est justifiée.

 

[24]           Dans la jurisprudence concernant le contrôle d’une décision rendue par un tribunal dans des affaires d’aéronautique, la Cour a appliqué la norme de la décision correcte : voir Canada (Procureur général) c. Woods, 2002 CFPI 928, [2002] A.C.F. no 1267; Air Nunavut Ltd. c. Canada (Ministre des Transports) (1re instance), [2000] A.C.F. no 1115, [2001] 1 C.F. 138.

 

[25]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la norme de contrôle applicable est la décision correcte.

 

Les pouvoirs et les fonctions du tribunal d’appel des transports du Canada

[26]           L’article 24 de la Loi sur le Tribunal d’appel des transports du Canada, L.C. 2001, ch. 29, accorde de vastes pouvoirs au Tribunal d’appel des transports.

24. Les attributions conférées, sous le régime d’une loi fédérale ou au titre d’un contrat, bail, permis ou autre document à l’ancien Tribunal sont exercées par le nouveau Tribunal.

 

L’ANALYSE

 

[27]           L’essentiel de la question dont est saisie la Cour consiste à trancher la question de savoir si une « exemption » octroyée par le ministre est un DAC selon la définition de la Loi. Si une exemption en vertu du paragraphe 5.9(2) est un DAC, la décision du Tribunal est correcte et doit être maintenue. Si elle n’est pas un DAC, l’intervention de la Cour est justifiée.

 

[28]           La Cour s’est prononcée antérieurement sur la question de savoir si certains documents constituaient des DAC.

 

[29]           Dans la décision Canada c. Cooper, [1995] A.C.F. no 1653 (QL), le juge Gibson a conclu que des lettres du ministre aux requérants qui leur déléguaient le pouvoir d’agir comme examinateurs étaient des autorisations ou autres documents assimilables, dont l’annulation pouvait être contrôlée par le Tribunal. Le juge Gibson a écrit ce qui suit au paragraphe 5 :

L'expression « document d'aviation canadien » est définie de manière très large dans la Loi. La définition englobe non seulement tous les documents qui y sont précisés, mais aussi tout « autre » document que délivre le ministre sous le régime de la Partie 1 de la Loi sur l'aéronautique. À l'évidence, les délégations de pouvoir délivrées aux requérants en mars et en mai 1994 figuraient dans des documents écrits, c'est-à-dire les lettres contenant les délégations en question.

 

[30]           De plus, au paragraphe 11, le juge Gibson a affirmé que « [l]e fait que le ministre des Transports n'ait peut-être pas envisagé que les lettres constituent des 'documents d'aviation canadiens' est sans conséquence aucune. »

 

[31]           Dans la décision Canada (Ministre des Transports) c. Beingessner,  [1996] A.C.F. no 787 (QL), le juge Rothstein a conclu que la décision d’un examinateur de faire échouer un pilote à l’occasion du contrôle de la compétence du pilote relève de la compétence du Tribunal. Dans cette affaire, bien qu’aucune licence ni aucun permis n’a été suspendu, la décision de faire échouer le pilote avait entraîné l’interdiction de l’assigner à piloter un aéronef A‑320. Ainsi, par application de la loi, il y avait perte d’un privilège qui avait été autrement octroyé par une annotation de qualification sur les licences des pilotes. Par conséquent, un privilège octroyé par un DAC était concerné et, aux termes de l’article 6.6, la décision pouvait faire l’objet d’un contrôle.

 

[32]           Le demandeur tente de faire une distinction entre la jurisprudence antérieure et la présente affaire en affirmant que les décisions antérieures visaient essentiellement des décisions administratives, alors qu’une exemption accordée en vertu du paragraphe 5.9(2) de la Loi est faite conformément aux pouvoirs de réglementation du ministre.

 

[33]           À l’appui de sa prétention, le demandeur cite le paragraphe 6.2(1) de la Loi qui prévoit ce qui suit :

Sont soustraits à l'application des articles 3, 5 et 11 de la Loi sur les textes réglementaires :

[...]

d) toute exemption accordée sous le régime du paragraphe 5.9(2); [...]

 

Le demandeur soutient qu’en vertu de cette disposition, une exemption constitue un texte réglementaire. Comme une exemption accordée en vertu du paragraphe 5.9(2) de la Loi est explicitement soustraite à l’application des articles 3, 5 et 11 de la Loi sur les textes réglementaires, il s’ensuit donc que l’exemption doit être considérée comme étant par ailleurs un texte réglementaire. Je ne suis toutefois pas d’accord avec ce qui précède.

 

[34]           Selon mon interprétation, le paragraphe 6.2(1) de la Loi indique que les exemptions en vertu du paragraphe 5.9(2) ne doivent pas être considérées comme des textes réglementaires. Le libellé du paragraphe 6.2(1) soustrait précisément une exemption en vertu du paragraphe 5.9(2) à l’application de la Loi sur les textes réglementaires.

 

[35]           De plus, j’estime que l’arrêt Recherches marines Inc. / Marine Research Inc. c. Canada (Procureur général), [2006] CAF 425, [2006] A.C.F. no 1946 (QL), dans lequel la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur la différence entre un acte administratif et un acte législatif, est particulièrement instructif. La cour a cité un extrait de l’ouvrage de S.A. de Smith, Judicial Review of Administrative Action, 4th ed., 1980, qui se lit comme suit :

[traduction]

                        Une distinction souvent faite entre les actes législatifs et les actes administratifs est celle établie entre les mesures générales et les mesures particulières. Un acte législatif est un acte qui consiste à créer et à promulguer une règle de conduite générale sans faire allusion à des cas particuliers; un acte administratif ne peut être défini avec exactitude, mais il comprend l'adoption d'une politique, la formulation et l'adoption d'une directive précise et l'application d'une règle générale à un cas particulier conformément aux exigences liées à la politique, à la convenance ou à la pratique administrative.

 

Je suis d’avis que l’exemption en vertu du paragraphe 5.9(2) est assimilable à l’adoption d’une politique conformément à la convenance ou à la pratique administrative. Cette exemption visait les exploitants aériens canadiens et les membres d’équipage et se rapporte précisément à la consigne de navigabilité (CN) 2005-21-02 de la FAA.

 

[36]           De plus, dans l’arrêt Liberty Home Products c. Canada (Ministre du Revenu national), [1990] A.C.F. no 555, au paragraphe 3, la Cour d’appel fédérale a conclu que, « pour qu'un texte soit un texte réglementaire au sens de cette définition [de la Loi sur les textes réglementaires], il doit être pris en application d'une disposition législative qui prévoit expressément que le pouvoir qu'elle confère doit être exercé par la prise d'un type précis de texte ».

 

[37]           Les exemptions octroyées en vertu du paragraphe 5.9(2) ne prévoient pas que le ministre accorde une exemption au moyen d’un type de texte particulier. Il faut distinguer cette situation de celle prévue au paragraphe 5.9(1) qui dispose que le gouverneur en conseil « peut, par règlement [...], soustraire, [...] à l'application des règlements ou arrêtés pris sous le régime de la présente partie ». Ce paragraphe établit ainsi une forme précise selon laquelle les exemptions doivent être accordées.

 

[38]           À la lumière de ce qui précède, je conclus qu’une exemption octroyée en vertu du paragraphe 5.9(2) n’est pas un texte réglementaire.

 

[39]           Pour trancher la question de savoir si une exemption en vertu du paragraphe 5.9(2) est un « permis » ou une « autorisation », je crois qu’il est utile de se reporter à la définition de ces termes utilisés par le Tribunal. Dans ses motifs, le Tribunal a cité une décision antérieure qui définissait les mots « accréditation » et « permettre » :

La deuxième édition de l'anglais actuel du Dictionnaire Oxford ne définit pas l'« accréditation » mais définit « accrédité » comme « officiellement reconnu » ou « généralement accepté ». Le thésaurus de langue anglaise de Webster dresse une liste de synonymes pour « accrédité », incluant « qualifié », « licencié », « habilité » et « certifié ». « Permettre » désigne « donner la permission » ou « consentir à », « autoriser » ou « un document qui donne la permission d'agir ». (Aurora Helicopters Ltd. c. Canada (Ministre des Transports), [2005] Dossier no W-3011-98 (TATC), [2005] D.T.A.T.C. no 8 (QL)).

 

[40]           Je suis d’avis que, compte tenu que la Loi énonce explicitement les paramètres de ce que constitue un DAC, y compris les documents qui sont expressément exclus de cette catégorie, la détermination de ce que constitue un permis ou une autorisation devrait être effectuée de façon large. Conformément à cette interprétation large, la détermination de ce que constitue un DAC comporte l’examen de l’effet particulier du document en cause. En l’espèce, l’exemption avait pour effet d’accorder à la défenderesse un permis pour effectuer certaines tâches qui étaient interdites avant son octroi. Ce permis accordait un privilège à la défenderesse sous la forme d’une renonciation au respect de certaines exigences réglementaires. En conséquence, je ne vois aucune erreur dans la décision du Tribunal.

 

[41]           Comme je conclus que l’exemption en cause octroyée en vertu du paragraphe 5.9(2) est un permis ou une autorisation, il n’est pas nécessaire d’examiner en profondeur l’autre prétention du demandeur voulant que les exemptions soient exclues de la définition des DAC selon la règle ejusdem generis.

 

L’Applicabilité de la règle d’interprétation EJUSDEM GENERIS DES LOIS

[42]           Le demandeur invoque la règle d’interprétation ejusdem generis des lois pour soutenir que la définition d’un DAC se trouve dans la Loi et qu’un DAC doit être limité à la catégorie de documents énumérés au paragraphe 3(1) de la Loi.

 

[43]           Dans l’arrêt Renault c. Bell Asbestos Mines Ltd., [1980] C.A. 370, à la page 372, le juge Turgeon de la Cour d’appel a bien expliqué cette règle comme suit :

[...] un terme générique ou collectif qui complète une énumération se restreint à des choses de même genre que celles qui sont énumérées, même si, de par sa nature, ce terme générique ou collectif, cette expression générale, est susceptible d'embrasser beaucoup plus [...]

 

 

[44]           Cette règle doit être lue de concert avec une autre règle d’interprétation législative énoncée par E.A. Driedger dans Construction of Statutes (2nd ed. 1983), à la page 87 :

[traduction]

Aujourd'hui, il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

 

[45]           La réponse à la question du demandeur se trouve dans le raisonnement du juge Gibson, dans la décision Cooper, précitée, où il a écrit ce qui suit au paragraphe 9 :

Comme je suis persuadé que les lettres sont des autorisations ou des documents assimilables, la question de savoir si elles peuvent être exclues de la définition par l'application de la règle d'interprétation ejusdem generis ne se pose pas.

 

 

[46]           À mon avis, le même raisonnement s’applique aux documents d’exemption qui appartiennent à la catégorie prévue au paragraphe 3(1) de la Loi. Par conséquent, l’argument du demandeur sur ce point n’est pas fondé.

 

CONCLUSION

[47]           En conséquence, pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire de la décision du Tribunal sera rejetée.

 


JUGEMENT

La cour statue que la demande de contrôle judiciaire de la décision du Tribunal est rejetée.

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


 

 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                               T-693-07

 

INTITULÉ :                                              LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                   c.

                                                                   Prism Helicopters et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     LE 5 DÉCEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                    LE JUGE SUPPLÉANT FRENETTE

 

DATE DES MOTIFS :                            LE 20 DÉCEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Tzemenakis

POUR LE DEMANDEUR

 

Absence de comparution

POUR LA DÉFENDERESSE

 

Gerry H. Stobo

Jack Hughes

POUR L’INTERVENANT

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

Agissant pour son propre compte

 

DÉFENDERESSE

Borden Ladner Gervais, s.r.l. Avocats

World Exchange Plaza

100, rue Queen, bureau 1100

Ottawa (Ontario)  K1P 1J9

 

POUR L’INTERVENANT

 

 

 

 

 

                                                                                               

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.