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Date : 20071227

Dossier : IMM-5399-07

Référence : 2007 CF 1369

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 décembre 2007

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

hoang huy bui

demandeur

et

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

APERÇU

[1]               Le législateur n’avait certainement pas l’intention de permettre à tous les demandeurs d’un examen des risques avant renvoi (ERAR) défavorable de rester au Canada en attendant le résultat de tout litige lié à leurs décisions d’ERAR. Le législateur a choisi de prévoir un sursis au renvoi en attendant le résultat d’une demande d’interjeter appel d’une décision défavorable de la Section de la protection des réfugiés (SPR) au sujet de la demande d’asile. Le législateur a aussi envisagé un sursis prévu par la loi dans certaines circonstances précises relatives à des ERAR, de la manière présentée à l’article 232 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), dont aucune ne comportait de demande d’autorisation pour contester une décision d’ERAR défavorable.

[2]               Le législateur avait certainement l’intention que les personnes dont les demandes d’ERAR étaient rejetées puissent être renvoyées. C’est également conforme à l’article 48 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), qui prévoit que le ministre a l’obligation d’appliquer une mesure de renvoi valide dès que les circonstances le permettent. Toute autre interprétation placerait les droits d’un demandeur d’ERAR débouté avant l’obligation juridique imposée au ministre, droits et obligations que le législateur avait intentionnellement équilibrés par les dispositions législatives de la LIPR.

 

[3]               La Cour et la Cour d’appel fédérale rejettent couramment des requêtes en sursis d’exécution lorsque des demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire sont pendantes, même s’il s’agit de demandes ou d’appels à l’égard de décisions défavorables à l’issue d’un ERAR (Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 261, [2004] A.C.F. no 1200 (C.A.F.) (QL); El Ouardi c. Canada (Solliciteur général), 2005 CAF 42, [2005] A.C.F. no 189 (QL); Sivagnanansuntharam c. Canada (M. C. I.), (16 février 2004, dossier A-384-03); Tesoro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 148 (C.A.F.), [2005] A.C.F. no 1698 (QL)).

 

INTRODUCTION

[4]               Il s’agit d’une requête pour une ordonnance de sursis de l’exécution de la mesure d’expulsion à Hanoi délivrée contre le demandeur le 28 décembre 2007.

 

 

 

 

PROCÉDURE JUDICIAIRE

[5]               Le demandeur est arrivé au Canada à bord d’un navire de commerce en mai 2005. En novembre 2005, il a présenté une demande d’asile qui lui a été refusée en octobre 2006, principalement en raison de son manque de crédibilité et sa perte de crédibilité. Il a contesté cette décision, mais l’autorisation a été refusée en février 2007. Entre-temps, en décembre 2006, le demandeur a épousé une citoyenne canadienne. En juillet 2007, le demandeur a exercé son droit et a demandé une ERAR qui a été rejetée le 31 octobre 2007.

 

[6]               Malgré toute l’attention portée dans les documents du demandeur sur le fait qu’il a été trompé par M. Thomas Pham dans une demande dans la catégorie des époux au Canada, qui prétendait détenir des titres qu’il n’avait apparemment pas, la présente affaire concerne une décision défavorable à l’issue de l’ERAR. Le demandeur ne constate aucun problème avec la décision finale ou la justification utilisée pour l’étayer.

 

FAITS

[7]               Le demandeur, un citoyen du Vietnam et un marin, est arrivé au Canada à Point Tupper, en Nouvelle-Écosse, le 28 mai 2005, où il a déserté le navire.

 

[8]               La demande de statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur a été déposée le 15 novembre 2005. Elle a été rejetée par la SPR le 12 octobre 2006 en raison du manque de crédibilité et de la perte de crédibilité du demandeur. Il a contesté cette décision devant la Cour fédérale, mais l’autorisation a été rejetée le 7 février 2007.

 

[9]               Le demandeur a profité de l’occasion pour présenter une demande d’ERAR le 27 juillet 2007.

 

[10]           Le 31 octobre 2007, le demandeur n’a pas été jugé à risque dans son ERAR.

 

QUESTION

[11]                       Le demandeur a-t-il rempli le critère comportant trois volets pour justifier un sursis de la mesure de renvoi?

 

DISCUSSION

            Le critère pour accorder un sursis

[12]           La Cour suprême du Canada a établi un critère conjonctif comportant trois volets pour décider si des injonctions interlocutoires devraient être accordées en attendant qu’une affaire soit jugée sur le fond, à savoir : i) l’existence d’une question sérieuse à juger; ii) le préjudice irréparable que subirait la partie qui demande l’injonction interlocutoire en cas de refus; et iii) la partie favorisée par la prépondérance des inconvénients (en particulier, laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice du fait de l’octroi ou du refus d’une injonction interlocutoire en attendant une décision sur le fond) (R.J.R.-Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311).

 

QUESTION SÉRIEUSE

[13]           Le principal objectif de l’agent de l’ERAR est d’évaluer le poids de la preuve. Le juge Luc Martineau a confirmé dans Rajz c. Canada (M.C.I.), dossier no IMM-5263-03 (15 juillet 2003) que [traduction] « l’agent de l’ERAR a compétence exclusive sur les faits. La Cour ne doit pas s’adonner à la réévaluation de la preuve. » (Gonzalez c. Canada (M.C.I.), dossier no IMM-3659-03 (30 mai 2003); Mekolli c. Canada (M.C.I.), dossier IMM-4974-03 (le 9 septembre 2003); Karaman c. Canada (M.C.I.), dossier IMM-6676-03 (le 9 septembre 2003)).

 

[14]           L’agent de l’ERAR renvoie beaucoup à la décision de la SPR où l’agent a indiqué :

[traduction]

 

La SPR a fourni une analyse complète du témoignage du demandeur présenté à l’audition de sa demande d’asile du 2 août 2006. La SPR a remarqué ce qui suit :

 

Dans l’affaire Sheik, la Cour fédérale a soutenu une conclusion générale selon laquelle un manque de crédibilité du demandeur peut fort bien s’étendre à tous les éléments de preuve pertinents de son témoignage. La gravité des incohérences et des invraisemblances en l’absence d’une explication raisonnable, jumelée à l’élément de retard dans la revendication du statut de réfugié au Canada, ainsi que la réaffectation de telle sorte que cela amène le comité à conclure que ce manque de crédibilité s’étend à tous les éléments de preuve pertinents émanant du demandeur et rendent son témoignage entier non crédible.

 

Le tribunal a jugé, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur a inventé les allégations dans l’exposé des motifs pour prolonger une demande d’asile. Son manque de crédibilité mettait en doute l’existence de sa crainte subjective.

 

 

[15]           L’examen de la jurisprudence confirme que la décision de l’agent de l’ERAR commande un degré élevé de retenue. La décision du risque de retour dans un pays donné est une [traduction] « enquête fondée sur les faits » et cette décision suscite beaucoup de retenue. Comme l’a indiquée la Cour suprême dans Ahani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 CSC 72 :

[17]      [...] nous estimons que le tribunal ne peut modifier la décision du ministre que si elle n’est pas étayée par la preuve ou ne tient pas compte des facteurs appropriés. Le tribunal doit également reconnaître que la nature de l’examen peut limiter la preuve exigée. Même si l’expulsion d’une personne vers un pays où elle risque la torture met en jeu l’art. 7 de la Charte et, partant, revêt un caractère constitutionnel, la décision du ministre est en grande partie fondée sur les faits. Parmi les facteurs à considérer pour déterminer si M. Ahani s’expose à un risque sérieux de torture, il faut examiner les données sur le respect des droits de la personne dans le pays d’origine, le risque personnel couru par le demandeur, les assurances obtenues selon lesquelles il ne sera pas soumis à la torture, la valeur de ces assurances et, à cet égard, la capacité du pays d’origine de contrôler ses propres forces de sécurité. Ces questions échappent en grande partie au domaine d’expertise des tribunaux de révision et comportent un aspect juridique minime. Une grande retenue s’impose donc. (Non en gras dans l’original.)

 

 

(Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté de l’Immigration, [2002] 1 RCS 3, au paragraphe 39, est également mentionné).

 

[16]           Le défendeur affirme, dans son affidavit et dans l’Avis de requête, que la demande d’ERAR en son nom a été complétée en [traduction] « consultation avec » ou [traduction] « présentée par » M. Pham. M. Pham n’est apparemment pas autorisé à être représentant d’immigration et le demandeur affirme qu’il a été trompé par M. Pham pour qu’il fasse appel à ses services. Par conséquent, le demandeur affirme que le sursis devrait être accordé pour que la demande d’ERAR puisse être produite.

 

[17]           Il n’y a pas d’exigence selon laquelle les demandeurs d’ERAR doivent avoir un avocat juridique pour préparer leurs documents. Dans tous les cas, en ce qui concerne l’argument du demandeur, la jurisprudence indique de manière uniforme que, généralement, une personne est liée par les actions de son conseil, que le conseil soit un avocat ou non. Par conséquent, les plaintes du demandeur sont sans fondements. Dans Cove c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 FCT 266, [2001] A.C.F. no 482 (QL), le juge Denis Pelletier s’est prononcé en ces termes :

[6]        En général, les demandeurs devront subir les conséquences de leur choix en ce qui concerne le conseiller, même si celui-ci est avocat. Dans l’affaire Williams c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F no 258(1994) 74 F.T.R. 34, Madame le juge Reed s’est exprimée comme suit :

 

[20] [...] La règle générale observée par les tribunaux judiciaires pose que le client est réputé avoir autorisé les conclusions faites par son avocat en son nom, lesquelles conclusions l’engagent de ce fait. À mon avis, d’ordonner le sursis dans les circonstances où le seul préjudice que le requérant soit en mesure de prouver est qu’il est possible qu’il ait ou n’ait pas des motifs de contrôle judiciaire, mais qu’il ne le sait pas parce que sa première avocate n’a pas convenablement préparé le dossier, créerait un précédent impraticable. C’est aux organismes de réglementation professionnelle, comme le barreau, et non pas aux tribunaux judiciaires, de veiller aux prestations professionnelles de leurs membres.

 

[...]

 

[9]        Si la demanderesse s’était trouvée dans cette situation par suite d’une erreur de son avocat, cette erreur serait retenue contre elle.  Pourquoi ne devrait-il pas en être de même lorsque l’erreur est celle du consultant? Accepter cet argument de la demanderesse inciterait plusieurs personnes à retenir les services d’un consultant plutôt que d’un avocat, convaincues qu’elles pourraient obtenir réparation en rejetant la faute sur le consultant si les choses tournaient mal. Cette façon de procéder ne favorise pas un emploi rationnel des ressources juridiques et judiciaires.

 

[10]      Les particuliers qui se présentent à titre de personnes spécialisées en matière d’immigration et adoptent la désignation de « conseiller juridique », comme c’est de plus en plus souvent le cas, seront assujettis à la même norme que ceux qui se présentent régulièrement devant la Cour. Les conséquences découlant de l’inexécution de leurs obligations pour leurs clients seront les mêmes que dans le cas des clients des avocats spécialisés en matière d’immigration. Il n’y a aucune raison pour laquelle la Cour devrait protéger les consultants des allégations de négligence en fermant les yeux lorsqu’ils commettent des erreurs. Les avocats spécialisés en matière d’immigration paient des primes d’assurance responsabilité élevées afin d’obtenir une protection qui pourrait être invoquée chaque fois qu’un tribunal refuse de fermer les yeux sur leurs erreurs. Appliquer une norme différente à l’endroit des consultants équivaut à subventionner la concurrence à laquelle ceux-ci se livrent avec les avocats spécialisés en matière d’immigration.

 

[11]      Il n’appartient pas à la Cour de décider quelles sont les personnes que les clients devraient consulter au sujet de leurs problèmes liés à l’immigration. Si les consultants en matière d’immigration n’étaient ni nécessaires ni demandés, ils n’existeraient pas. Toutefois, il n’appartient pas non plus à la Cour de défavoriser ses propres fonctionnaires en appliquant une norme différente au profit de ceux qui les supplanteraient.

 

 

[18]           Il y a une preuve qui suggère que le demandeur n’est pas communicatif sur sa relation avec M. Pham. L’agente responsable des renvois indique qu’elle a rencontré le demandeur et M. Pham à trois occasions et que, lorsqu’elle a demandé des renseignements sur leur relation, elle a été informée que M. Pham était un ami qui agissait en tant qu’interprète du demandeur. De plus, l’allégation selon laquelle M. Pham n’a pas présenté la demande dans la catégorie des époux au Canada était mise en doute par l’entrée de l’agente dans ses Notes au dossier, où elle indique que le demandeur a indiqué qu’il attendait les résultats de l’ERAR avant de présenter un parrainage par l’époux. Par conséquent, la crédibilité du demandeur sur l’enjeu est en question. (Affidavit de Lisa Levy, établi sous serment le 24 décembre 2007, Notes au dossier de l’agente des renvois, Kristen Gale, déclaration solennelle de l’agente, datée du 24 décembre 2007, jointe à l’affidavit de Lisa Levy à la pièce « A »).

 

[19]                       La Cour a reçu des renseignements fondés sur des notes de l’agent d’exécution V. Ducas selon lesquelles M. Bui a fréquenté le Centre d’exécution de la loi du Grand Toronto (CELGT), accompagné d’un M. Pham aux dates suivantes : 27NOV2007, 13DEC2007, 14DEC2007. M. Bui avait également indiqué que M. Pam était un ami et un interprète. Toute enquête éventuelle sur cette affaire n’a aucun effet sur la mesure de renvoi prise par M. Bui ou sur sa directive lui enjoignant de se présenter à son renvoi. La Cour n’est pas convaincue qu’un report de l’exécution d’une mesure de renvoi est approprié dans les circonstances de l’espèce.

 

PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

[20]           Le demandeur affirme qu’il subirait un préjudice irréparable s’il était renvoyé parce qu’il ne serait pas en mesure de recouvrer les sommes que M. Pham lui a indûment prises.

 

[21]           Si le demandeur estime que des poursuites devraient être intentées contre M. Pham à l’égard des sommes qui auraient été prises de façon abusive, la conjointe du demandeur est en mesure de prendre les mesures juridiques nécessaires. La présence physique du demandeur au Canada n’est pas requise.

 

[22]           Il est injustifié, selon tous les éléments de preuve présentés, de déterminer la manière dont les allégations de faute du demandeur de la part d’une personne précise dans l’ERAR du demandeur auraient, dans tous les cas, en ce qui concerne une demande de sursis du demandeur, démontré un motif de dommages irréparables.

 

[23]           Le demandeur indique que sa demande sous-jacente de contrôle judiciaire sera rendue illusoire si le préjudice est irréparable. Or, tel n’est pas le cas.

 

[24]           Comme l’a jugé le juge O’Reilly dans Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 FCT 321, [2003] A.C.F. no 452 (QL) : « [...] rien dans la Loi ou dans le Règlement qui fasse obstacle au droit d’un demandeur d’un ERAR qui a été renvoyé du Canada et dont la demande de contrôle judiciaire a été accueillie d’obtenir un nouvel examen de sa demande ». De plus, comme l’a indiqué le juge Martineau dans Akyol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 FC 931, [2003] A.C.F. no 452 (QL) :   

[11]      Sixièmement, l’expulsion de personnes alors qu’elles ont présenté des demandes d’autorisation ou engagé d’autres instances devant la Cour ne constitue ni une question sérieuse ni un préjudice irréparable : Ward c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)[1997] A.C.F. no 86 (1re inst.), au paragraphe 12; Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 1166 (1re inst.). Je note également que le traitement de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire continuera peu importe où les demandeurs se trouvent et qu’ils peuvent donner à leur avocat, à partir des États-Unis ou à partir de la Turquie, s’ils se retrouvaient là [...].

 

(Ryan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no 1939, au paragraphe 8, est également mentionné).

 

[25]           La Cour et la Cour d’appel fédérale rejettent couramment des requêtes en sursis d’exécution lorsque des demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire sont pendantes, même s’il s’agit de demandes ou d’appels à l’égard de décisions défavorables à l’issue d’un ERAR. (Selliah, précitée; El Ouardi, précitée; Sivagnanansuntharam, précitée; Tesoro, précitée.)

 

[26]           L’approche convenable et persuasive qui fait autorité est celle présentée par la Cour d’appel fédérale qui a soutenu que le retrait d’un demandeur du Canada alors que son appel d’une décision défavorable à l’issue de son ERAR est pendant ne rend pas son droit illusoire. Dans Selliah, précitée, le juge John Maxwell Evan s’est prononcé en ces termes :

[20]      Puisque l’appel pourra être habilement plaidé par une avocate d’expérience, en l’absence des appelants, et puisque, si les appelants obtiennent gain de cause en appel, ils seront probablement autorisés à revenir au Canada aux frais de l’État, je ne puis souscrire à l’idée que leur renvoi rendra illusoire leur droit d’appel.

 

 

[27]           De plus, la juge Snider a examiné un argument semblable à celui présenté par le demandeur, mais l’a rejeté et a finalement conclu que la demande n’est pas rendue illusoire par le retrait. La juge Snider s’est fiée à Kim, précitée, et à la décision de la Cour d’appel dans Selliah. Elle a également noté ce qui suit, dans Nalliah c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 1649, [2004] A.C.F. no 2005 (QL) :

[30]      Le deuxième volet de l’argument de M. Nalliah est que la perte du droit de poursuivre le litige constitue un préjudice irréparable. Contrairement à ces prétentions, si l’injonction est refusée, le droit à un recours efficace ne deviendra pas illusoire. Comme le juge O’Reilly l’a dit dans la décision Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 321, paragraphe 9 : « [...] rien dans la Loi ou dans le Règlement [ne fait] obstacle au droit d’un demandeur d’un ERAR qui a été renvoyé du Canada et dont la demande de contrôle judiciaire a été accueillie d’obtenir un nouvel examen de sa demande ».

 

Dans l’arrêt Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 1200, paragraphe 20, (C.A.F.) (QL), le juge Evans, de la Cour d’appel, a dit ce qui suit :

 

Puisque l’appel pourra être habilement plaidé par une avocate d’expérience, en l’absence des appelants, et puisque, si les appelants obtiennent gain de cause en appel, ils seront probablement autorisés à revenir au Canada aux frais de l’État, je ne puis souscrire à l’idée que leur renvoi rendra illusoire leur droit d’appel.

 

[32]      Il est possible de faire une distinction à l’égard des décisions Suresh et Resulaj, précitées, dont M. Nalliah a fait mention pour le motif que, dans les deux cas, bon nombre d’éléments de preuve étayaient l’existence d’un risque personnel. En me fondant sur un examen de la jurisprudence, je conclus que le préjudice irréparable ne peut pas uniquement être fondé sur le fait qu’il est difficile pour l’intéressé qui a été renvoyé du Canada de faire valoir ses droits de contestation.

 

[28]           De plus, le législateur n’avait certainement pas l’intention de permettre à tous les demandeurs d’ERAR défavorable de rester au Canada en attendant le résultat de tout litige lié à leurs décisions d’ERAR. Le législateur a choisi de prévoir un sursis au renvoi en attendant le résultat d’une demande d’interjeter appel de la décision défavorable de la SPR au sujet de la demande d’asile. Le législateur a également envisagé un sursis prévu par la loi dans certaines circonstances relatives à des ERAR, de la manière établie à l’article 232 du Règlement, dont aucune ne comportait de demande d’autorisation pour contester une décision d’ERAR défavorable (Règlement, articles 231 et 232).

 

[29]           Le législateur avait certainement l’intention que les personnes dont les demandes d’ERAR ont été rejetées puissent être renvoyées. C’est également conforme à l’article 48 de la LIPR, qui prévoit que le ministre a l’obligation d’appliquer une mesure de renvoi valide dès que les circonstances le permettent. Toute autre interprétation placerait les droits d’un demandeur d’ERAR débouté avant l’obligation juridique imposée au ministre, droits et obligations que le législateur avait intentionnellement équilibrés au moyen des dispositions législatives de la LIPR. La juge Snider l’a reconnu dans Nalliah, précitée.

 

[30]           Le demandeur a omis d’établir une preuve d’un préjudice irréparable.

 

PRÉPONDÉRANCE DES INCONVÉNIENTS

[31]           L’intérêt public doit être pris en considération dans l’examen de la prépondérance des inconvénients en même temps que l’intérêt des plaideurs privés (Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110).

 

[32]           Dans Dugonitsch c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1992 53 F.T.R. 314, [1992] A.C.F. no 320 (C.F. 1re inst.). (QL), le juge Andrew MacKay établit les considérations pertinentes à l’évaluation de la prépondérance des probabilités :

En l’absence d’un préjudice irréparable, il est, à strictement parler, inutile d’examiner la question de la prépondérance des inconvénients. Il est néanmoins utile de rappeler que, dans la discussion du critère de l’octroi d’une suspension d’instance ou d’une injonction interlocutoire dans l’affaire Metropolitan Stores, le juge Beetz a insisté sur l’importance d’attribuer un poids approprié à l’intérêt public dans un cas où une suspension d’instance est demandée à l’encontre d’un organisme agissant en vertu de lois et de règlements publics dont on n’a pas encore déterminé qu’ils sont inopérants ou inapplicables à l’espèce. Cet intérêt public appuie le maintien des programmes prévus par la loi et des efforts de ceux qui sont chargés de les appliquer. C’est seulement dans des cas exceptionnels que l’intérêt du particulier, qui, selon la preuve, pourrait subir un préjudice irréparable, l’emportera sur l’intérêt public.

 

(Aquila c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 36 (C.F. 1re inst.) (QL), est également mentionné.)

 

[33]           De plus, la Cour d’appel fédérale, dans Cuskic c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no 1631 (QL), une affaire jugée sous le régime de la Loi sur l’immigration, a soutenu que le ministre a une obligation d’exécuter une mesure de renvoi rapidement et efficacement. Pareillement, l’article 48 de la LIPR impose au défendeur une obligation générale d’exécuter la mesure de renvoi le plus rapidement possible en prévoyant qu’il doit agir dès que les circonstances le permettent.

 

[34]           Le demandeur a eu le privilège que sa réclamation du statut de réfugié et son évaluation du risque soient entendues au Canada.  Il a fait l’objet d’une décision défavorable de la SPR reposant sur le manque de crédibilité et la perte de crédibilité du demandeur, qui a été confirmée par notre Cour. Le demandeur a également eu l’avantage complet et équitable de la loi pour l’évaluation de ses risques. 

 

[35]           Ces facteurs, pris tous ensemble, font pencher la balance en faveur du ministre. La prépondérance des inconvénients dont le demandeur peut souffrir en conséquence de son retrait du Canada ne l’emporte pas sur l’intérêt public que le défendeur tente de maintenir dans l’application de la LIPR, en particulier l’intérêt pour exécuter les ordonnances de déportation, dès que raisonnablement praticable.

 

CONCLUSION

[36]           Pour tous les motifs qui précèdent, la requête du demandeur pour un sursis à la mesure de renvoi est rejetée.

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la requête du demandeur pour un sursis à la mesure de renvoi soit rejetée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5399-07

 

INTITULÉ :                                       HOANG HUY BUI c.

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEN DE L’AUDIENCE :                Ottawa (Ontario)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Le 27 décembre 2007 (par téléconférnce)

 

MOTIFS DE JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 27 décembre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mme Mary Lam

 

POUR LE DEMANDEUR

M. Michael Butterfield

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

MARY LAM

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, Q.C.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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