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Date : 20080107

Dossier : T-24-06

Référence : 2008 CF 16

Ottawa (Ontario), le 7 janvier 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’REILLY

 

 

ENTRE :

RITA MAKRI

demanderesse

et

 

GARDA DU CANADA

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               En 2002, Mme Rita Makri a commencé à travailler comme agente de contrôle de la sécurité à l’Aéroport international Pearson. En 2004, son employeur, Garda du Canada, l’a congédiée. Mme Makri a déposé une plainte contre Garda auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) alléguant une discrimination fondée sur sa race, sur ses origines nationale et ethnique et sur son sexe. La Commission a conclu que la tenue d’une audience relative à la plainte de Mme Makri n’était pas justifiée eu égard à la conclusion d’une enquêteuse selon laquelle la plainte n’était pas étayée par la preuve (conformément à l’alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6; voir l’annexe).

 

[2]               Mme Makri soutient que la Commission a commis une erreur; elle veut que je lui ordonne d’étudier à nouveau sa plainte. Je ne puis trouver aucun motif justifiant l’annulation de la décision de la Commission. Par conséquent, je devrai rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

I.        La question en litige

 

[3]               La Commission a-t-elle commis une erreur en décidant de rejeter la plainte de Mme Makri au motif qu’il n’y avait pas suffisamment de preuve à l’appui?

 

I.        Analyse

 

(1)  Les faits

 

[4]               Lorsque que Mme Makri commença à travailler à l’Aéroport international Pearson, elle était l’employée d’une entreprise nommée Group 4 Falck (Canada). En 2004, Garda a obtenu le contrat pour fournir des services de sécurité à l’aéroport et, le 1er avril 2004, elle devint l’employeur de Mme Makri. Garda a embauché des personnes qui étaient des employés de l’ancien entrepreneur, mais les avait assujetties à une période de probation de 120 jours. Mme Makri a été congédié au cours de cette période, soit le 12 juillet 2004.

 

 

 

(2)  Le rapport de l’enquêteuse

 

[5]               L’enquêteuse a examiné les observations présentées tant par Mme Makri que par Garda. Elle a également interviewé plusieurs témoins. Dans son rapport, elle a résumé les raisons pour lesquelles Garda avait décidé de congédier Mme Makri : elle avait fait des appels téléphoniques personnels avec son cellulaire pendant ses heures de travail, elle ne s’était pas présentée ou était arrivée en retard au travail à plusieurs reprises, elle avait fait des pauses non autorisées, elle avait oublié quelquefois de vérifier les cartes d’embarquement des passagers, elle avait séché des séances de formation et elle avait omis de suivre les directives de son superviseur. Plus particulièrement, en juin 2004, Mme Makri avait apparemment refusé de changer de poste de travail à la demande de son superviseur. Elle avait alors été suspendue temporairement de ses fonctions

 

[6]               L’enquêteuse a aussi noté l’observation de Mme Makri selon laquelle ses superviseurs, qui étaient originaires des Indes orientales, la traitaient différemment parce qu’elle était Albanaise. Mme Makri a allégué avoir été maltraitée et harcelée par des collègues et qu’elle s’était vu refuser des possibilités de formation qui lui auraient permis d’améliorer ses compétences.

 

[7]               L’enquêteuse a conclu que la preuve étayait l’allégation de Garda selon laquelle Mme Makri [traduction] « présentait des difficultés de rendement au travail ». Cependant, des éléments de preuve démontraient que Mme Makri s’était vu refuser des pauses et qu’elle avait été maltraitée par son superviseur. Par contre, vu que bien d’autres employés avaient été traités de la même façon qu’elle, il n’existait aucun fondement permettant de conclure que Mme Makri avait été visée en raison de sa race, de son origine nationale ou ethnique ou de son sexe. De plus, aucune preuve ne démontrait que Mme Makri avait été congédiée pour l’un de ces motifs.

 

[8]               Par conséquent, l’enquêteuse a recommandé à la Commission de rejeter la plainte de Mme Makri parce qu’elle n’était étayée par aucune preuve de discrimination et parce qu’il y avait des preuves que son congédiement était en fait justifié. Après avoir invité les parties à présenter des observations supplémentaires et après les avoir examinées, la Commission a accepté la recommandation de l’enquêteuse et a rédigé une lettre à l’intention de Mme Makri le 29 novembre 2005 l’informant de sa décision.

 

(3)   Les problèmes soulevés par Mme Makri

 

[9]               Mme Makri soutient que l’enquêteuse a commis de nombreuses erreurs de fait. Elle fait observer que l’enquêteuse a accepté injustement toutes les observations de Garda et a cru sans réserve les déclarations de témoins qui étaient portés à mentir à son sujet par crainte de perdre leur propre emploi. De plus, Mme Makri déclare que l’enquêteuse n’a pas tenu compte d’éléments de preuve importants, particulièrement en ce qui concerne le motif de sa suspension en juin 2004.

 

[10]           Évidemment, Mme Makri estime qu’elle a été traitée injustement au travail et que bon nombre de ses collègues et superviseurs ont porté atteinte à sa dignité et à sa valeur comme personne. À cet égard, dans son rapport, l’enquêteuse semble appuyer, du moins en partie, la description fournie par Mme Makri de son milieu de travail.

 

[11]           Toutefois, l’enquêteuse devait simplement décider s’il existait des motifs justifiant une plainte de discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique ou le sexe. Il est clair que l’enquêteuse n’a trouvé aucun motif justifiant la plainte en question. Il s’avère que d’autres employés avaient été traités de la même façon que Mme Makri, quels que soit leur race, leur origine nationale ou ethnique ou leur sexe. Malgré l’affirmation de Mme Makri selon laquelle les personnes originaires des Indes orientales avaient joui d’un meilleur traitement, l’enquêteuse ne disposait d’aucune preuve qui étayait cette affirmation.

 

[12]           J’ai examiné attentivement le rapport de l’enquêteuse ainsi que toute la preuve documentaire dont elle disposait. Je ne trouve aucun motif me permettant de conclure que l’enquêteuse ne s’est pas acquittée de son obligation de réaliser une enquête rigoureuse et neutre sur la plainte de Mme Makri; voir Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 C.F. 574, [1994] A.C.F. no 181 (1re inst.) (QL). Il n’y a donc pas non plus de motif me permettant de conclure que la Commission a commis une erreur en se fondant sur ce rapport pour décider qu’un examen plus approfondi de la plainte de Mme Makri n’était pas justifié dans les circonstances.

 

III. Conclusion

[13]           La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Garda a demandé la somme de 1 200 $ à titre de dépens. Compte tenu des circonstances, y compris le fait que l’enquêteuse a trouvé que Mme Makri avait certaines raisons de se plaindre, je refuse d’adjuger des dépens.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Il n’y a pas d’adjudication de dépens.

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Annie Beaulieu

 


Annexe

 

Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R. 1985, ch. H-6

 

Rapport

44. (1) L’enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l’enquête.

 

[…]

 

Idem

(3) Sur réception du rapport d’enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

 

[…]

 

b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle-ci n’est pas justifié,

(ii) soit que la plainte doit être rejetée pour l’un des motifs énoncés aux alinéas 41c) à e).

 

Canadian Human Rights Act, R.S.C. 1985, c. H-6

 

 

Report

44. (1) An investigator shall, as soon as possible after the conclusion of an investigation, submit to the Commission a report of the findings of the investigation.

 

Idem

(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

 

 

(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

(ii) that the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e).

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-24-06

 

INTITULÉ :                                       RITA MAKRI c. GARDA DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 19 septembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 7 janvier 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Rita Makri

 

 

LA DEMANDERESSE, EN SON PROPRE NOM

 

 

Nadia Pazzano

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

RITA MAKRI

Toronto (Ontario)

 

LA DEMANDERESSE, EN SON PROPRE NOM

 

 

GAUTHIER & ASSOCIATES

Toronto (Ontario)

 

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

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