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Date : 20080123

Dossier : T-643-07

Référence : 2008 CF 81

Montréal (Québec), le 23 janvier 2008

En présence de Me Richard Morneau, protonotaire

 

ENTRE :

ASSOCIATION DES EMPLOYEURS MARITIMES

demanderesse

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CANADA

(RESSOURCES HUMAINES ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA)

et

SYNDICAT DES DÉBARDEURS S.C.F.P.

SECTION LOCALE 375

et

ASSOCIATION INTERNATIONALE DES DÉBARDEURS,

ILA, SECTION LOCALE 1657

et

LOGISTEC STEVENDORING INC.

et

MONTREAL GATEWAY TERMINALS PARTNERSHIP

et

TERMONT MONTRÉAL INC.

et

EMPIRE STEVEDORING CO. LTD.

et

CERESCORP INC.

défendeurs

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               Il s’agit en l’espèce d’une requête du défendeur, le procureur général du Canada, aux fins de faire radier de l’intitulé de cause plusieurs autres défenderesses au motif que ces dernières épousent essentiellement les vues et remèdes recherchés par la demanderesse (l’AEM).  Ainsi, selon le procureur général du Canada, ces défenderesses, soit LOGISTEC STEVEDORING INC., MONTREAL GATEWAY TERMINALS PARTNERSHIP, TERMONT MONTRÉAL INC., EMPIRE STEVEDORING CO. LTD. et CERESCORP INC. (les défenderesses) ne seraient pas de véritables défenderesses dans l’instance puisqu’elles n’auraient aucun intérêt distinct ou opposé à celui de l’AEM.

[2]               À titre subsidiaire, si les défenderesses sont maintenues dans ce titre au dossier, le procureur général du Canada demande à ce que certaines conclusions soulevées en chef par ces défenderesses à leur mémoire au mérite soient radiées puisque ces conclusions seraient différentes de celles demandées par l’AEM dans sa demande de contrôle judiciaire (la demande de l’AEM) et que les défenderesses n’ont pas entrepris elles-mêmes une demande de contrôle judiciaire.

Contexte

[3]               Il ressort que les défenderesses sont toutes des entreprises de débardage situées dans le Port de Montréal où elles opèrent des terminaux de chargement et de déchargement de marchandises.  Elles emploient à cet effet des vérificateurs et débardeurs.

[4]               Les défenderesses sont toutes membres de l’AEM.  L’AEM se voit comme une association regroupant les employeurs des débardeurs œuvrant dans le Port de Montréal et elle serait désignée à titre de représentant patronal aux fins de la partie I du Code canadien du travail, L.R.C., 1985, ch. L-2, (le Code), par décision du Conseil canadien des relations industrielles en vertu de l’article 34 du Code.

[5]               Au sens du Code, l’AEM constituerait donc un représentant patronal assimilé à un employeur et habileté à négocier collectivement au nom des employeurs véritablement actifs dans le domaine du débardage au Port de Montréal, soit les défenderesses.  L’AEM ne conduirait donc elle-même aucune activité de débardage ou d’acheminement de marchandise.

[6]               Le 18 avril 2007, l’AEM a déposé sa demande par laquelle elle s’attaque à ce qu’elle voit comme une orientation unique et nouvelle prise à son égard par la division santé et sécurité du ministère fédéral des Ressources humaines et développement social Canada (les autorités fédérales), soit de considérer qu’elle, l’AEM, et non les défenderesses, est l’employeur aux fins de l’application de la Partie II du Code.

[7]               Suivant l’AEM, dans les autres ports situés au Canada, les entreprises de débardage sont correctement désignées à titre d’employeur en ce qui concerne la Partie II du Code, situation qui prévalait semble-t-il au Port de Montréal avant l’adoption de la nouvelle orientation mentionnée ci-haut.

[8]               Par sa demande, l’AEM recherche donc essentiellement à ne pas être désignée comme employeur aux fins de l’application de la Partie II du Code.

[9]               Le 17 septembre 2007, les défenderesses et le défendeur, le procureur général du Canada, ont signifié et déposé leurs mémoires respectifs.

[10]           À cet égard, les défenderesses demandent à cette Cour dans le cadre de leur mémoire de faire droit aux ordonnances demandées par l’AEM.

[11]           De plus, les défenderesses formulent également à leur mémoire des conclusions, soit les conclusions 73b) et c), que le procureur général du Canada voit comme leur étant propres et qui vont plus loin que ce qui est demandé par l’AEM.  Ces conclusions se lisent comme suit :

a)                  de déclarer nulle la demande de promesse de conformité volontaire de RHDSC remise le 4 avril 2007 à la demanderesse;

b)                  de déclarer que les défenderesses sont les employeurs des débardeurs affectés à leurs opérations respectives, aux fins de la partie II du Code canadien du travail.

Analyse

[12]           L’alinéa 303(1)a) des Règles des Cours fédérales (les règles) impose à l’auteur d’une demande de contrôle judiciaire l’obligation de désigner à titre de défendeur toute personne directement touchée par l’ordonnance sollicitée.  Tel que mentionné dans l’arrêt Richards Packaging Inc. v. Canada (Attorney General), 2006 FC 257, au paragraphe 13 (l’arrêt Richards Packaging) :

[13]      (…) Autrement dit, le demandeur doit désigner à titre de défendeur toute personne qui sera directement touchée par la décision qu’on rendra sur sa demande.

[13]           Cet alinéa 303(1)a) des règles se lit :

303.(1)    Défendeurs – Sous réserve du paragraphe 2, le demandeur désigne à titre de défendeur :

303.(1)     Respondents – Subject to sub-section (2), an applicant shall name as a respondent every person

      a)  toute personne directement touchée par l’ordonnance recherchée, autre que l’office fédéral visé par la demande;

     (a)  directly affected by the order sought in the application, other than a tribunal in respect of which the application is brought; or

[14]           Ici, il ne fait aucun doute que la décision qui sera rendue sur la demande de l’AEM touchera directement les défenderesses puisque tel qu’elles le font valoir au paragraphe 24 de leur représentations écrites :

(…) la décision sera de nature à déterminer qui, entre les défenderesses et la demanderesse, sera titulaire de l’obligation de veiller à la santé et à la sécurité des débardeurs au sein du Port de Montréal.

[15]           Puisque c’est l’AEM qui a entrepris la demande, celle-ci n’avait en somme pas le choix et elle devait inclure les défenderesses à l’intitulé de cause de par les termes même de l’alinéa 303(1)a) des règles.  Il est par ailleurs difficile de conclure en l’espèce que les défenderesses auraient pu se porter en avril 2007 à titre de demanderesses dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire à l’égard d’une décision qui ne leur était pas adressée.

[16]           De plus, il n’y a pas lieu ici pour tirer cette conclusion de se référer aux enseignements jurisprudentiels où cet alinéa a pu être regardé en combinaison avec les règles 104 ou 109 puisqu’ici (contrairement aux situations, par exemple, dans les arrêts Richards Packaging et Nu‑Pharm Inc. v. Canada (Attorney General) (2001), 14 C.P.R. (4th) 280 et la décision y examinée Merck & Co. v. Canada (Attorney General) (1993), 48 C.P.R. (3d) 54) les défenderesses sont déjà incluses à l’intitulé de cause et ne cherchent donc pas à être incluses par requête.

[17]           Enfin, il est vrai que le résultat final peut laisser perplexe en ce que les défenderesses recherchent à ce que la demande de l’AEM soit accueillie.  Toutefois, il est clair ici que le procureur général du Canada entend jouer son rôle de défendeur à plein et que la Cour au mérite comprendra la dynamique entourant la présence des défenderesses à ce titre.

[18]           Le remède principal recherché par le procureur général du Canada, soit la radiation des défenderesses et leur mémoire, sera donc rejeté.

[19]           Quant aux conclusions formulées en chef par ces mêmes défenderesses au paragraphe 73 b) et c) de leur mémoire (voir supra, paragraphe [11]), j’abonde dans le même sens que le procureur général du Canada pour soutenir que comme défenderesses à une demande de contrôle judiciaire, ces défenderesses ne peuvent directement ou indirectement rechercher contre le procureur général du Canada des ordonnances qui ne sont pas réclamées par la seule partie qui est autorisée à le faire, ici l’AEM (voir à cet effet l’arrêt de la Cour d’appel fédérale GKO Engineering c. Canada, 2001 CAF 73, au paragraphe 3, et l’application de cette décision dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Pépin, 2006 CF 950, aux paragraphes 29 et 30).

[20]           Bien que l’on puisse admettre que les conclusions 73 b) et c) des défenderesses complètent en pratique d’une certaine manière les conclusions 84 a) et b) formulées par l’AEM à son mémoire au mérite, lesdites conclusions 73 b) et c) ajoutent néanmoins des aspects ou volets qui ne sont pas comme tels réclamés par l’AEM.  En ce sens, il n’appartient donc pas aux défenderesses dans une demande de contrôle judiciaire de rechercher ou prévoir des conclusions que l’AEM elle-même ne réclame pas.

[21]           Il sera donc ordonné que soient considérées comme rayées les conclusions 73 b) et c) apparaissant en page 74 du mémoire au mérite des défenderesses.

[22]           Comme le succès est divisé quant à la présente requête, aucuns dépens ne seront accordés.


ORDONNANCE

            Le remède principal recherché par le procureur général du Canada, soit la radiation des défenderesses et leur mémoire, est rejeté.

            Il est par ailleurs ordonné que soient considérées comme rayées les conclusions 73 b) et c) apparaissant en page 74 du mémoire au mérite des défenderesses.

            Comme le succès est divisé quant à la présente requête, aucuns dépens ne sont accordés.

 

 

« Richard Morneau »

Protonotaire

 


COUR FÉDÉRALE

                                                          

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T-643-07

 

INTITULÉ :               ASSOCIATION DES EMPLOYEURS MARITIMES

                                                            demanderesse

                                    et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CANADA

(RESSOURCES HUMAINES ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA)

SYNDICAT DES DÉBARDEURS S.C.F.P.

SECTION LOCALE 375

ASSOCIATION INTERNATIONALE DES DÉBARDEURS,

ILA, SECTION LOCALE 1657

LOGISTEC STEVENDORING INC.

MONTREAL GATEWAY TERMINALS PARTNERSHIP

TERMONT MONTRÉAL INC.

EMPIRE STEVEDORING CO. LTD.

CERESCORP INC.

défendeurs

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               21 janvier 2008

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      23 janvier 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Me André C. Giroux

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Nadine Perron

Me Nadia Hudon

 

POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Me Philippe C. Vachon

POUR LES DÉFENDERESSES

LOGISTEC STEVEDORING INC.,

MONTREAL GATEWAY TERMINALS PARTNERSHIP,

TERMONT MONTRÉAL INC.,

EMPIRE STEVEDORING CO. LTD.,

et CERESCORP INC.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ogilvy Renault

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Borden Ladner Gervais

Montréal (Québec)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

LOGISTEC STEVEDORING INC.,

MONTREAL GATEWAY TERMINALS PARTNERSHIP,

TERMONT MONTRÉAL INC.,

EMPIRE STEVEDORING CO. LTD.,

et CERESCORP INC

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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