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Date : 20080418

Dossier : IMM-3617-07

Référence : 2008 CF 511

Ottawa (Ontario), le 18 avril 2008

En présence de Monsieur le juge Phelan

 

Entre :

ALI REZA GOLESORKHI

demandeur

et

 

le ministre de la citoyenneté

et de l’immigration

défendeur

 

motifs du jugement et jugement

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Le demandeur avait déjà été jugé non crédible à l’égard de son affirmation selon laquelle il s’était converti au christianisme. Son affirmation à l’égard de sa conversion constituait la pierre angulaire de sa demande d’asile, qui reposait sur sa crainte d’être persécuté en Iran en raison de ses croyances chrétiennes. La décision faisant l’objet du présent contrôle est une décision d’ERAR défavorable. Les questions soulevées dans le cadre du présent contrôle portent sur l’équité procédurale en raison de l’utilisation d’éléments de preuve non divulgués, le critère juridique du risque personnalisé et le caractère raisonnable de la décision dans la mesure où elle repose sur l’hypothèse selon laquelle le demandeur ne fréquenterait vraisemblablement pas l’église même s’il était chrétien.

 

II.         LE contexte

[2]               M. Golesorkhi, un citoyen d’Iran, a présenté sa demande d’asile sous le régime de l’ancienne Loi sur l’immigration. Il a affirmé s’être converti au christianisme alors qu’il était au Canada.

 

[3]               La SSR d’alors a conclu, en s’appuyant sur son témoignage, que le demandeur avait fait preuve d’un manque de connaissances à propos de sa religion. La SSR a conclu qu’il n’existait pas de preuve crédible ou digne de foi selon laquelle il était chrétien, et même s’il l’était, il n’irait vraisemblablement pas à l’église en Iran. En conséquence, les autorités iraniennes ne le découvriraient pas et il n’avait rien à craindre.

 

[4]               Dans sa demande d’ERAR, le demandeur a présenté des lettres d’appui provenant de l’International Federation of Iranian Refugees, du Toronto Christian Resource Centre et du député de sa circonscription. M. Golesorkhi s’est également appuyé sur des rapports sur la situation ayant cours dans le pays faisant état du mauvais dossier de l’Iran en matière de droits de la personne, plus particulièrement en ce qui a trait à la liberté religieuse.

 

[5]               L’agent d’ERAR (l’agent) a supposé que le risque était la persécution religieuse parce que le demandeur a omis d’identifier un risque particulier. Après avoir examiné la décision de la SSR, l’agent a conclu que le demandeur n’avait pas démontré que sa connaissance des principes de la foi chrétienne s’était approfondie ni (à supposer qu’il était vraiment chrétien) qu’il irait à l’église et qu’il exposerait ainsi sa foi aux autorités iraniennes.

 

[6]               L’agent a également conclu que les lettres d’appui ne confirmaient pas la religion du demandeur ou son adhésion au christianisme. Malgré le dossier de l’Iran en matière des droits de la personne, l’agent a conclu que la réalité de la persécution religieuse ne constituait pas un risque personnalisé.

 

[7]               L’agent a également tenu compte du risque inhérent au retour d’un demandeur d’asile débouté, mais a estimé que les autorités iraniennes agissaient en fonction des circonstances et a conclu que les renseignements n’établissaient pas que le demandeur serait exposé à un risque comme rapatrié du Canada.

 

III.       ANALYSE

A.        La norme de contrôle

[8]               En raison de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, il est maintenant clairement établi que la norme de la décision correcte est la norme de contrôle applicable aux questions du critère juridique approprié et de l’équité procédurale et que la norme de la décision raisonnable s’applique aux conclusions de faits et à la décision même dans son ensemble.

 

B.         L’équité procédurale

[9]               À l’égard de l’équité procédurale, le demandeur a soutenu que l’utilisation du rapport de 2007 du Home Office du Royaume-Uni n’était pas équitable parce qu’il n’a pas eu l’occasion d’y répondre. Le demandeur s’appuie sur l’arrêt Mancia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 3 C.F. 461 (C.A.).

 

[10]           Toutefois, dans l’arrêt Mancia, lorsqu’elle a traité de documents devenus accessibles après le dépôt des observations, la Cour d’appel fédérale a statué que ces documents doivent être divulgués à un demandeur à condition qu’ils soient « inédits et importants et qu'ils fassent état de changements survenus dans la situation du pays qui risquent d'avoir une incidence sur [l]a décision ».

 

[11]           Le rapport de 2007 du Home Office du Royaume-Uni et, plus particulièrement les parties sur lesquelles l’agent s’est appuyé, étaient tirés d’un rapport de 2006 du Département d’État américain qui à son tour renvoyait à des renseignements que contenait un rapport de 2001 de l’UNHCR. Ces renseignements existaient dans le domaine public avant les observations du demandeur, provenaient de sources bien connues et étaient de nature générale.

 

[12]           Il n’était pas inéquitable de tenir compte de ces conditions bien connues en Iran. Il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale envers le demandeur.

 

C.        Le critère juridique

[13]           Le demandeur prétend que l’agent a commis une erreur en s’attachant au risque de persécution personnalisé du demandeur plutôt qu’à un risque généralisé de persécution. L’argument du demandeur peut être ramené à un argument selon lequel l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés utilise, à l’égard d’une personne, les mots « serait personnellement [...] exposée » au risque d’être soumise à la torture et ainsi de suite, alors que l’article 96 n’utilise pas d’expression qui personnalise le risque.

 

[14]           Il s’agit d’une interprétation erronée de la loi. Selon les deux dispositions, la personne doit établir qu’elle tombera vraisemblablement sous le coup d’une des circonstances visées par la disposition particulière. Le demandeur doit démontrer qu’il a, en tant que personne, une crainte bien fondée au sens de l’article 96 ou qu’il serait personnellement exposé au risque visé à l’article 97.

 

[15]           Le demandeur soutient que l’agent a omis de tenir compte du risque pour les personnes [traduction] « qui se trouvent dans une situation semblable ». Le recours à l’analyse fondée sur « une situation semblable » est pertinent parce que souvent l’affirmation de la personne est fondée sur des hypothèses concernant ce qui « arrivera » à son retour. Puisque l’événement qu’il craint ne s’est pas encore produit, un demandeur peut faire valoir ce qui est arrivé à des personnes qui se trouvaient dans une situation semblable pour prédire ce qui lui arrivera. L’analyse fondée sur « une situation semblable » est également pertinente à l’égard de la crédibilité d’une affirmation selon laquelle une personne a subi un certain traitement s’il existe une preuve convaincante que d’autres personnes dans la même situation ont subi le même traitement.

 

[16]           En ce qui a trait à la position du demandeur, la difficulté ne réside pas dans le fait que l’agent a ignoré l’analyse d’une personne se trouvant dans « une situation semblable », mais dans le fait que le demandeur ne se trouvait pas dans une situation semblable à celle des personnes auxquelles il s’identifiait. Il ne se trouvait pas dans une situation semblable aux chrétiens qui retournaient en Iran parce que selon la conclusion de fait, il n’était pas chrétien.

 

D.        Le bien-fondé de la décision

[17]           En dernier lieu, le demandeur soutient que la décision est déraisonnable. Un élément essentiel de son argument repose sur la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur n’irait pas à l’église une fois en Iran et, par conséquent, sa conversion ne serait pas connue et il ne serait pas persécuté.

 

[18]           S’il s’agissait là de la principale raison auant mené à la conclusion d’absence de risque, je conviendrais que la décision est juridiquement mal fondée. Cette analyse fondée sur le [traduction] « chrétien discret » est viciée parce que la persécution religieuse peut exister du fait qu’un demandeur d’asile ne peut pratiquer sa religion en raison de ses craintes. On ne peut pas réfuter une allégation de risque de persécution religieuse en déclarant qu’il n’y a pas de risque si une personne ne pratique pas sa religion ou ne peut pas la pratiquer ouvertement (voir Fosu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 90 F.T.R. 182; Irripugge c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 182 F.T.R. 47).

 

[19]           La conclusion de l’agent doit toutefois être prise dans son contexte. L’agent a conclu que le demandeur n’avait pas réussi à démontrer qu’il était chrétien. La conclusion selon laquelle il ne fréquenterait pas l’église était une conclusion subsidiaire et, au mieux, une remarque incidente. La conclusion principale était que le demandeur n’était pas à risque parce qu’il n’était pas chrétien, non parce qu’il n’irait pas à l’église.

 

[20]           Les lettres d’appui présentées pour établir la bonne foi de la conversion et de la pratique du demandeur étaient dénuées de détails. Bien que le bénévolat à une église puisse constituer l’expression d’une foi, ce fait seul n’établit pas nécessairement une croyance de bonne foi. Compte tenu de la conclusion de la SSR et du manque de preuves réelles de l’adhésion à la foi chrétienne et de la pratique de celle-ci, il était loisible à l’agent de conclure que le demandeur n’avait pas réussi à prouver qu’il était chrétien.

 

[21]           Compte tenu du caractère raisonnable de la conclusion de l’agent à propos de la conversion au christianisme, la conclusion de l’agent quant à l’absence de risque est également raisonnable.

 

IV.       CONCLUSION

[22]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 

jugement

La cour statue que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, traductrice


Cour fédérale

 

Avocats inscrits au dossier

 

 

 

dossier :                                        IMM-3617-07

 

Intitulé :                                       ALI REZA GOLESORKHI

 

                                                            et

 

                                                            LE ministre de la citoyenneté et de l’immigration

 

 

 

Lieu de l’audience :                 Toronto (Ontario)

 

DATE de l’audience :               le 10 avril 2008

 

Motifs du jugement

Et jugement :                              le juge Phelan

 

Date des motifs :                      le 18 avril 2008

 

 

 

Comparutions :

 

Ali Amini

 

Pour le demandeur

David Cranton

 

Pour le défendeur

 

Avocats inscrits au dossier :

 

Ali Amini

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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