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Date : 20080421

Dossier : IMM-1513-07

Référence : 2008 CF 515

Ottawa (Ontario), le 21 avril 2008

En présence de monsieur le juge Blanchard

 

 

ENTRE :

MOHAMED MOUSSA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.    Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur, Mohamed Ibrahim Youssef Moussa, contre la décision datée du 1er février 2007 par laquelle un agent des visas (l’agent) a rejeté sa demande de résidence permanente.

 

II.   Le contexte

[2]               En juin 2000, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au Haut‑Commissariat du Canada à Londres (Angleterre). Il cherchait à venir au Canada depuis l’Arabie saoudite en tant que membre de la catégorie des travailleurs qualifiés, et plus particulièrement en qualité d’ingénieur civil. Sa demande a été rejetée parce qu’il n’a pas fourni les documents justificatifs demandés.

 

[3]               Voici une chronologie des faits qui sont survenus après que le demandeur ait pris part à son entrevue à Riyad le 16 mars 2006 :

·        18 avril 2006 : il a été demandé au demandeur de produire la traduction d’un certificat de bonne conduite délivré par la police saoudienne, des photographies récentes de lui‑même et de sa famille, de même qu’une version mise à jour des formulaires d’immigration (IMM8).

 

·        27 juin 2006 : la Section d’immigration du Haut-Commissariat a reçu du demandeur un certificat de bonne conduite délivré par la police de l’Arabie Saoudite, mais non accompagné d’une traduction officielle. La Section d’immigration a renvoyé le document au demandeur et lui a demandé une [traduction] « traduction officielle », de même que les photographies et les formulaires IMM8 mis à jour. Le demandeur avait  60 jours pour satisfaire à cette demande.

 

·        30 octobre 2006 : la Section d’immigration a rappelé au demandeur par la voie d’une lettre qu’elle n’avait pas reçu les documents demandés, que ces derniers étaient nécessaires pour pouvoir compléter l’évaluation et que l’omission de produire les documents en question pouvait entraîner le refus de sa demande.

 

·        9 novembre 2006 : le cabinet juridique du demandeur a reconnu, par la voie d’une télécopie envoyée à la Section d’immigration, qu’il avait reçu [traduction] « l’avis final » d’octobre 2006, mais pas les demandes datées du 18 avril et du 27 juin 2006. Le cabinet a demandé une prorogation de délai jusqu’au 30 décembre 2006 pour pouvoir produire les documents demandés car le demandeur travaillait dans une région éloignée et il était impossible de le joindre. La Section d’immigration a reçu la télécopie le 13 novembre 2006.

 

·        16 novembre 2006 : selon les notes que l’agent a consignées dans le STIDI, les demandes antérieures ont toutes été envoyées à l’adresse [traduction] « indiquée sur la dernière lettre du consultant ». La prorogation de délai demandée a néanmoins été accordée.

 

·        5 janvier 2007 : La Section d’immigration n’a toujours pas reçu les documents demandés; elle a prorogé le délai pour une période additionnelle de 30 jours.

 

·        26 janvier 2007 : l’agent a noté que le demandeur avait eu suffisamment de temps pour satisfaire aux demandes, et il a préparé la lettre de refus et le remboursement.

 

·        29 janvier 2007 : l’avocat du demandeur a informé la Section d’immigration par courrier électronique qu’il s’était entretenu avec son client une semaine plus tôt, qu’il satisferait le plus tôt possible à la demande et qu’il demandait une prorogation de délai additionnelle de trois mois.

 

·        1er février 2007 : une lettre de refus a été signée et envoyée par la poste au demandeur.

 

[4]               Le 12 avril 2007, le demandeur a présenté la demande de contrôle judiciaire dont il est question en l’espèce relativement à la décision de l’agent.

 

III.   La question en litige

[5]               La seule question soumise à la Cour consiste à savoir si l’agent des visas a manqué ou non à son obligation d’équité procédurale en ne prorogeant pas davantage le délai prévu pour produire les documents requis.

 

[6]               Lorsqu’il est question d’équité procédurale, il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse pragmatique et fonctionnelle en vue de déterminer la norme de contrôle applicable : Ha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2004 CAF 49, [2004] 3 R.C.F. 195, aux paragraphes 42 à 45. La cour de révision interviendra si elle est convaincue qu’un manquement à l’équité procédurale, déterminant pour l’issue de l’affaire, a été commis dans la prise d’une décision administrative.

 


IV.   Analyse

[7]               Le demandeur soutient que le défendeur a manqué à son obligation d’équité. Premièrement, il a refusé d’examiner les documents le concernant qui avaient été postés à la Section d’immigration par courrier express. Deuxièmement, il n’a pas pris en compte l’explication donnée par le demandeur pour le temps mis à fournir les documents additionnels et a refusé d’accorder une prorogation de délai en raison de cette explication. Troisièmement, il n’a pas tenu compte de l’omission du service portal de livrer les documents et, une fois de plus, il n’a pas accordé une prorogation de délai compte tenu de cette omission.

 

[8]               Le demandeur allègue par ailleurs que le défendeur a peut-être envoyé les demandes à la mauvaise adresse. À l’appui de cet argument, il fait état d’une lettre de la Section d’immigration dans laquelle l’adresse de son avocat est incomplète. À la face même de cette lettre, il manque le numéro de pièce du bureau de l’avocat.

 

[9]               Enfin, le demandeur déclare qu’étant donné qu’il n’a pas reçu les demandes du 18 avril et du 27 juin 2007, il ignorait que l’on demandait une traduction [traduction] « officielle » du certificat de bonne conduite établi par la police saoudienne. Il avait l’impression, prétend-t-il, qu’une copie traduite avait été produite et livrée.

 

[10]           À l’appui de ses arguments, le demandeur a produit l’affidavit de Wanda Enman, technicienne juridique au service de son avocat. Ce document confirme essentiellement les difficultés que le cabinet a eues pour communiquer avec le demandeur. Il confirme aussi que le demandeur a reçu en mai 2006, directement de l’agent, une demande concernant la production des documents contestés. La technicienne juridique atteste que le demandeur l’a informée qu’il avait envoyé les documents demandés à la Section d’immigration le 14 juin 2006 par courrier express. Aucune preuve n’indique que la Section d’immigration a reçu cet envoi.

 

[11]           Le demandeur n’a pas produit d’affidavit, pas plus qu’une autre preuve n’a été produite à l’appui de ses arguments dans le cadre de la présente demande.

 

[12]           Même si l’on me convainquait que le demandeur avait bel et bien envoyé les documents demandés le 14 juin 2006, et qu’il ignorait que l’agent voulait une traduction [traduction] « officielle » du certificat de bonne conduite établi par la police saoudienne - et je ne tire aucune conclusion de ce genre - je ne suis toujours pas persuadé, pour les motifs qui suivent, que l’agent a manqué à son obligation d’équité envers le demandeur.

 

[13]           Le dossier certifié, dans lequel figurent les notes consignées dans le STIDI à propos du demandeur, a été envoyé à ce dernier le 8 novembre 2007. Il était donc au courant des renseignements que contenaient les notes. Celles-ci indiquent clairement, d’une part, que le certificat de bonne conduite établi par la police saoudienne et envoyé en juin 2006 a été refusé parce que sa traduction n’était pas officielle et, d’autre part, que la Section d’immigration n’a jamais reçu les photographies et les formulaires mis à jour. Il n’est question de ces faits ni dans la preuve que le demandeur a produite dans le cadre de la présente demande, ni dans ses observations écrites. À l’audience, l’avocate du demandeur a fait valoir que son client n’était pas au courant de la nature de la demande, c’est-à-dire le problème de traduction [traduction] « officielle », car il n’avait pas reçu les demandes du 18 avril et du 27 juin 2006.

 

[14]           Quoi qu'il en soit, il n’est pas contesté que le demandeur connaissait, depuis le 9 novembre 2006, la nature précise des questions qui n’étaient toujours pas réglées quant à sa demande. À cette époque, il était au courant de la teneur des demandes que l’agent avait faites le 18 avril et le 27 juin 2006. Il savait à ce moment-là que l’on exigeait une traduction officielle du certificat de police et que celle-ci n’avait pas été reçue, pas plus que les formulaires IMM8 et les photographies mis à jour. Il savait également que l’agent avait demandé pour la première fois ces documents en avril 2006. Malgré ces retards, l’agent a accordé au demandeur deux prorogations additionnelles afin qu’il puisse produire les documents : la première jusqu’au 30 décembre 2006, et la seconde, jusqu’à la fin de janvier 2007. La Section d’immigration n’a jamais reçu du demandeur les documents demandés. Dans les circonstances, ce dernier aurait dû se rendre compte qu’il était urgent de satisfaire à la demande. Le 29 janvier 2007, la Section d’immigration a effectivement reçu de l’avocat du demandeur une demande de prorogation additionnelle de trois mois. Cet avocat a expliqué qu’il leur était impossible de joindre le demandeur, mais a néanmoins déclaré qu’il s’était entretenu avec lui une semaine plus tôt. Aucune autre preuve précise n’a été produite pour expliquer l’incapacité du demandeur de communiquer avec son avocat ou la Section d’immigration. La Cour ignore où se trouve le demandeur. Tout ce que nous savons est tiré de l’affidavit de la technicienne juridique, c’est-à-dire que le demandeur travaille dans une région éloignée et qu’il était impossible de le joindre.

 

[15]           Dans ces circonstances, l’agent n’a pas manqué à son obligation d’équité envers le demandeur. Ce dernier a eu amplement l’occasion de satisfaire à la demande de l’agent concernant la production des documents. Je suis convaincu que les documents demandés étaient pertinents dans le cadre de la demande et qu’il était raisonnable pour l’agent de les exiger en vertu du paragraphe 16(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27. Le demandeur se trouvait dans l’obligation de produire les documents demandés. Comme il ne l’a pas fait, l’agent pouvait à juste titre rejeter la demande pour les motifs pour lesquels il l’a fait. En agissant ainsi, l’agent n’a pas manqué à son obligation d’équité envers le demandeur.

 

[16]           Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire concernant la décision que l’agent d’immigration a rendue le 1er février 2007 est rejetée.

 

 

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-1513-07

 

INTITULÉ :                                                   MOHAMED MOUSSA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 7 AVRIL 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE BLANCHARD

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                   LE 21 AVRIL 2008

                                                                       

 

 

COMPARUTIONS :

 

Zahara Khedri

416-690-3444

 

POUR LE DEMANDEUR

Asha Gafar

416-973-3151

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Zahara Khedri

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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