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Date : 20080526

Dossier : IMM-4351-07

Référence : 2008 CF 661

Ottawa (Ontario), le 26 mai 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ORVILLE FRENETTE

 

ENTRE :

HISHAM SAID ABU LABAN

GULDRAN MARDAN

ALA ABU LABAN

MUAYYAD ABU LABAN

MOHAMMAD ABU LABAN

 

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) d’une décision en date du 18 juillet 2007 par laquelle l’agente de la citoyenneté et de l’immigration J. Wagner (l’agente) a conclu qu’il n’existait pas suffisamment de circonstances d’ordre humanitaire pour justifier l’examen au Canada de la demande de résidence permanente des demandeurs. L’autorisation d’introduire la demande de contrôle judiciaire a été accordée par le juge James O’Reilly le 3 mars 2008.

I. Les faits

 

[2]               Les demandeurs sont des citoyens de la Jordanie d’origine palestinienne. Ils ont demandé que leur demande de résidence permanente soit examinée au Canada pour des raisons d’ordre humanitaire. Les demandeurs sont composés du demandeur principal, de son ex-épouse, maintenant sa conjointe de fait actuelle, ainsi que de leurs trois enfants (une fille adulte, un fils adulte et un fils mineur).

 

[3]               Les demandeurs sont arrivés au Canada en 2004 après avoir passé un certain temps aux États-Unis où ils ont tenté d’immigrer. Le demandeur principal a depuis divorcé d’avec celle qui est depuis devenue sa conjointe de fait après leur arrivée aux États-Unis pour lui permettre d’épouser une citoyenne américaine afin de faciliter l’immigration du demandeur principal aux États‑Unis. Après que ses tentatives en vue d’immigrer aux États-Unis eurent échoué, le demandeur principal a divorcé d’avec son épouse américaine. Les demandeurs ont alors pris la direction du Canada en juin 2004, et ils ont demandé l’asile ici. Leur demande d’asile et leur demande subséquente d’examen des risques avant le renvoi (ERAR) ont été rejetées. En 2006, ils ont présenté une demande de résidence permanente en invoquant des raisons d’ordre humanitaire.

 

[4]               Depuis leur arrivée au Canada, les demandeurs ont travaillé de manière à s’intégrer à la communauté. Ainsi, l’épouse du demandeur principal a ouvert un commerce où elle et le demandeur principal travaillent tous les deux. Leurs enfants adultes ont également accepté un emploi et ils sont actifs au sein de la communauté, tandis que le demandeur mineur fréquente l’école et prend part à diverses activités parascolaires. 

 

II. Décision de l’agente

 

[5]               L’agente qui a examiné la demande présentée par les demandeurs sur le fondement de raisons d’ordre humanitaire a tenu compte de leur degré d’établissement au Canada, de l’intérêt supérieur du demandeur mineur et du risque auquel les membres de la famille affirmaient être exposés s’ils retournaient en Jordanie.

 

[6]               L’agente a d’abord examiné le degré d’établissement des demandeurs au Canada.

 

[7]                L’agente a fait remarquer que les demandeurs adultes travaillaient tous les deux et que l’épouse du demandeur principal exploitait une entreprise à propriétaire unique dont le demandeur principal était un des employés. L’agente a toutefois signalé que cette entreprise n’était ouverte que depuis juillet 2006, de sorte que le degré de dépendance de la clientèle envers eux ne pouvait être très élevé. L’agente a également fait observer qu’on ne peut se livrer à des spéculations sur l’incidence de tout projet futur d’embauche d’autres employés. L’agente a également fait observer que le fils mineur réussissait bien à l’école et que l’épouse du demandeur principal suivait des cours d’anglais langue seconde, qu’il existait des éléments de preuve suivant lesquels la fille adulte faisait du bénévolat et que tous les enfants participaient à des activités physiques (ainsi, le fils adulte joue au soccer). L’agente a également pris acte des lettres d’appui que la famille avait reçues, mais elle a cité deux décisions de la Cour fédérale qui semblent suggérer qu’il y a une différence entre une personne méritante et celle qui a besoin d’être protégée contre des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives.

 

[8]               L’agente a également tenu compte de la réussite financière de la famille. Elle a fait observer que leur succès financier était tout à leur honneur, mais qu’il [traduction] « n’y a rien d’exceptionnel à ce qu’ils atteignent de tels résultats compte tenu du temps depuis lequel ils se trouvent au Canada ». De plus, il n’aurait pas été possible de prévoir les difficultés entraînées par le fait qu’ils seraient forcés de vendre leur entreprise compte tenu du fait qu’ils l’avaient mise sur pied alors qu’ils savaient qu’ils risquaient d’être renvoyés.

 

[9]               L’agente a finalement conclu, vu ce qui précède, qu’il n’y avait rien dans le degré d’établissement des demandeurs qui démontrait qu’ils subiraient des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’ils devaient présenter leur demande de résidence permanente de l’extérieur du Canada.

 

[10]           En deuxième lieu, l’agente a tenu compte de l’intérêt supérieur du fils mineur du demandeur principal. L’agente a fait observer qu’il n’y avait pas d’évaluation, notamment d’évaluation psychologique, démontrant que le changement de système scolaire aurait des incidences négatives qui seraient susceptibles de causer un traumatisme psychologique, d’autant plus que dans leur affidavit, le fils mineur et le demandeur principal, avaient déclaré que le fils avait de la difficulté à parler l’arabe et qu’il ne pouvait ni le lire ni l’écrire. L’agente a également signalé que le demandeur mineur n’avait quitté la Jordanie qu’à l’âge de sept ans, ce qui permettait de penser qu’il avait commencé ses études en arabe. L’agente a présumé que, même si ses capacités linguistiques s’étaient peut-être émoussées avec le temps, le demandeur mineur avait intégré sans trop de difficulté le système américain et le système canadien dans une langue qui lui était étrangère. Le fils mineur serait donc vraisemblablement en mesure de réintégrer le système scolaire jordanien et de réapprendre l’arabe. L’agente a reconnu que le demandeur mineur pouvait rencontrer certaines difficultés (notamment laisser ses amis et s’adapter au système scolaire jordanien et à la langue arabe), mais elle a signalé qu’il pouvait compter sur l’appui de sa famille. L’agente a conclu que c’était le facteur d’ordre humanitaire le plus solide qui avait été invoqué au soutien de la demande, mais que ce facteur n’était pas déterminant et qu’il ne permettait pas de conclure à l’existence de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives.

 

[11]           Troisièmement, l’agente a également examiné les liens familiaux des demandeurs ainsi que les risques auxquels les demandeurs seraient exposés du fait de leur origine ethnique palestinienne.

 

[12]           Sur ce dernier point, l’agente a fait observer que les personnes d’origine palestinienne qui vivent en Jordanie (spécialement celles qui n’ont pas la citoyenneté jordanienne) font l’objet d’une certaine discrimination. L’agente a toutefois rappelé que le demandeur et son épouse étaient des cols blancs lorsqu’ils vivaient en Jordanie, qu’il y avait peu d’éléments de preuve permettant de penser que les demandeurs avait vécu dans un camp de réfugiés ou qu’ils seraient forcés d’y retourner et que rien ne permettait de penser que le fait qu’ils rentraient de l’Occident les exposerait à un risque quelconque. La demande a été refusée aux termes d’une décision datée du 18 juillet 2007.

III. Questions en litige

1.      Quelle est la norme de contrôle applicable?

2.      L’agente a-t-elle commis une erreur de droit en appréciant l’intérêt supérieur de l’enfant?

3.      Les motifs de l’agente sont-ils insuffisants, dans la mesure où ils n’expliquent pas pourquoi les demandeurs ne devraient pas obtenir une appréciation favorable du fait de leur excellente intégration?

4.      L’agente a-t-elle commis une erreur de droit en concluant qu’il n’y avait rien d’exceptionnel à ce que les demandeurs réussissent sur le plan financier compte tenu du temps depuis lequel ils étaient au Canada?

 

IV. Norme de contrôle

 

[13]           Jusqu’à maintenant, la norme de contrôle applicable dans le cas d’une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire était celle de la décision raisonnable simpliciter (Baker c. Canada (MCI), [1999] 2 R.C.S. 817, aux paragraphes 57 à 62, 174 D.L.R. (4th) 193). Dans l’arrêt récent Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a bien précisé qu’il n’existe désormais que deux normes de contrôle : celle de la décision correcte et celle de la décision raisonnable. Aucune des parties n’a formulé d’observations au sujet de la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer depuis le prononcé de l’arrêt Dunsmuir.

 

[14]           Notre Cour a toutefois déjà eu l’occasion de se pencher sur la question et elle a jugé que la norme de contrôle qui s’applique dans le cas d’une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaires est celle de la décision raisonnable (Zambrano c. Canada (MCI), 2008 CF 481, au paragraphe 31, [2008] A.C.F. no 601 (QL)).

 

[15]           Quant à la norme de contrôle qui s’applique à la question de la suffisance des motifs, comme il s’agit d’une question d’équité procédurale (Thomas c. Canada (MCI), 2007 CF 838, au paragraphe 14, 62 Imm. L.R. (3d) 291; Adu c. Canada (MCI), 2005 CF 565, au paragraphe 9, 139 A.C.W.S. (3d) 164), c’est la norme de la décision correcte qui s’applique, conformément à l’arrêt Syndicat canadien de la Fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539 au paragraphe 100).

 

V. Analyse

            a) Intérêt supérieur de l’enfant

[16]           Suivant les demandeurs, l’agente a confondu l’appréciation de l’intérêt supérieur de l’enfant avec l’examen de la question de savoir si le renvoi de l’enfant lui causerait des difficultés excessives. Les demandeurs affirment également qu’il n’est pas nécessaire de recourir à un rapport psychologique pour déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant. Ils ajoutent que l’agente a minimisé les difficultés et les conséquences qu’un renvoi aurait sur le demandeur mineur sur le plan émotif, et ils affirment que l’agente n’a pas tenu compte des éléments de preuve portés à sa connaissance au sujet de discrimination dont les Palestiniens sont victimes. Ils estiment que l’intérêt supérieur de l’enfant milite en faveur d’une appréciation favorable.

 

[17]           Pour sa part, le défendeur affirme que l’agente a tenu compte de tous les facteurs appropriés et il ajoute que les demandeurs cherchent simplement à obtenir une réévaluation de la preuve. Le défendeur affirme en outre que l’agente a tenu compte des risques auquel l’enfant serait exposé en Jordanie dans la partie de sa décision portant sur les risques en général. Suivant le défendeur, les demandeurs s’en prennent seulement à la forme plutôt qu’au fond de la décision.

 

[18]           Dans l’arrêt Legault c. Canada (MCI), 2002 CAF 125, [2002] 4 C.F. 358, aux paragraphes 11 et 12, la Cour d’appel fédérale a bien précisé que l’appréciation des facteurs pertinents est une tâche qui continue à relever du ministre ou de son délégué, et qu’il n’appartient pas à la Cour de réexaminer la valeur que l’agent d’immigration a attribuée à ces facteurs. Bref, l’agent d'immigration doit se montrer « réceptif, attentif et sensible à cet intérêt » (Baker, para. 75), mais une fois qu'il l'a bien identifié et défini, il lui appartient de lui accorder le poids qu'à son avis cet intérêt mérite dans les circonstances de l'espèce. Par ailleurs, il ne suffit pas d’affirmer que l’on a tenu compte de l'intérêt supérieur des enfants. Enfin, ce facteur n’est pas décisif en soi; il n’est qu’un des facteurs qui entre en ligne de compte

 

VI. La question centrale

 

[19]           L’importante question à trancher en l’espèce est celle de savoir si les demandeurs ont le droit d’attaquer une décision par laquelle la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire qu’ils ont présentée alors qu’ils se trouvaient au Canada a été refusée.

 

VII. Dispositions législatives applicables

            a) Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR)

Responsabilité provinciale exclusive : résidents permanents

 

9. (1) Lorsqu’une province a, sous le régime d’un accord, la responsabilité exclusive de sélection de l’étranger qui cherche à s’y établir comme résident permanent, les règles suivantes s’appliquent à celui-ci sauf stipulation contraire de l’accord :

 

 

a) le statut de résident permanent est octroyé à l’étranger qui répond aux critères de sélection de la province et n’est pas interdit de territoire;

 

b) le statut de résident permanent ne peut être octroyé à l’étranger qui ne répond pas aux critères de sélection de la province;

 

c) le statut de résident permanent ne peut être octroyé contrairement aux dispositions de la législation de la province régissant le nombre — qu’il s’agisse d’estimations ou de plafonds — des étrangers qui peuvent s’y établir comme résidents permanents, ainsi que leur répartition par catégorie;

 

d) les conditions imposées à l’étranger, avant ou à l’octroi du statut de résident permanent, en vertu de la législation de la province ont le même effet que celles prévues sous le régime de la présente loi.

 

 

 

 

 

Responsabilité provinciale exclusive : droit d’appel

 

(2) L’accord qui confère à une province la responsabilité exclusive de l’établissement et de la mise en oeuvre des normes financières applicables à l’engagement qu’un répondant qui y réside peut prendre quant à l’étranger qui demande à devenir résident permanent a notamment, sauf stipulation contraire, pour effet que le droit d’appel prévu par la législation de la province quant au rejet par le fonctionnaire provincial compétent d’une demande d’engagement, pour non-conformité à ces normes, ou manquement à un engagement antérieur, prive le répondant, sauf sur des motifs d’ordre humanitaire, du droit d’en appeler au titre de la présente loi du refus, pour ces mêmes raisons, du visa ou du statut de résident permanent.

 

 

 

Visa et documents

 

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d’un contrôle, qu’il n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

 

 

Cas de la demande parrainée

 

(2) Ils ne peuvent être délivrés à l’étranger dont le répondant ne se conforme pas aux exigences applicables au parrainage.

 

 

 

Séjour pour motif d’ordre humanitaire

 

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — ou l’intérêt public le justifient.

 

 

 

 

 

Critères provinciaux

 

(2) Le statut ne peut toutefois être octroyé à l’étranger visé au paragraphe 9(1) qui ne répond pas aux critères de sélection de la province en cause qui lui sont applicables.

 

 

 

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

 

 

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

Personne à protéger

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

 

Poursuite des infractions désignées

 

Formulaire de contravention

 

(2) L’agent :

a) remplit les deux parties — sommation et dénonciation — du formulaire de contravention;

 

b) remet la sommation à l’accusé ou la lui envoie par la poste à sa dernière adresse connue;

 

c) dépose la dénonciation auprès du tribunal compétent avant, ou dès que possible après, la remise ou l’envoi par la poste de la sommation.

Sole provincial responsibility — permanent residents

 

 

9. (1) Where a province has, under a federal-provincial agreement, sole responsibility for the selection of a foreign national who intends to reside in that province as a permanent resident, the following provisions apply to that foreign national, unless the agreement provides otherwise:

 

(a) the foreign national, unless inadmissible under this Act, shall be granted permanent resident status if the foreign national meets the province’s selection criteria;

 

(b) the foreign national shall not be granted permanent resident status if the foreign national does not meet the province’s selection criteria;

 

(c) the foreign national shall not be granted permanent resident status contrary to the provisions of the law of the province governing the number of foreign nationals who may settle in the province as permanent residents, whether that number is an estimate or a maximum, or governing the distribution of that number among classes of foreign nationals; and

 

(d) conditions imposed in accordance with the law of the province have the same force and effect as if they were made under this Act, if they are imposed on a foreign national on or before the grant of permanent resident status.

 

Sole provincial responsibility — appeals

 

(2) If a federal-provincial agreement gives a province sole responsibility to establish and apply financial criteria with respect to undertakings that sponsors living in that province may make in respect of a foreign national who applies to become a permanent resident, then, unless the agreement provides otherwise, the existence of a right of appeal under the law of that province respecting rejections by provincial officials of applications for sponsorship, for reasons of failing to meet financial criteria or failing to comply with a prior undertaking, prevents the sponsor, except on humanitarian and compassionate grounds, from appealing under this Act against a refusal, based on those reasons, of a visa or permanent resident status.

 

Application before entering Canada

 

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document shall be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

If sponsor does not meet requirements

 

(2) The officer may not issue a visa or other document to a foreign national whose sponsor does not meet the sponsorship requirements of this Act.

 

Humanitarian and compassionate considerations

 

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister’s own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

 

Provincial criteria

 

(2) The Minister may not grant permanent resident status to a foreign national referred to in subsection 9(1) if the foreign national does not meet the province’s selection criteria applicable to that foreign national.

 

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

 

 

 

Person in need of protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

Person in need of protection

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

Prosecution of designated offences

 

Procedure

 

(2) An officer may commence a proceeding by

(a) completing a ticket that consists of a summons portion and an information portion;

 

(b) delivering the summons portion of the ticket to the accused or mailing it to the accused at the accused’s latest known address; and

 

(c) filing the information portion of the ticket with a court of competent jurisdiction before or as soon as practicable after the summons portion has been delivered or mailed.

 

 

[20]           L’article 25 de la LIPR autorise le ministre à faciliter l’admission de certaines personnes au Canada en levant les critères et obligations prévus par la LIPR. Le ministre est investi d’un vaste pouvoir discrétionnaire qui lui permet de traiter depuis le Canada une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire après avoir dispensé l’intéressé de l’obligation d’obtenir un document d’entrée à l’étranger comme l’exigent les articles 11 et 25 de LIPR.

 

[21]           Dans l’affaire Hawthorne c. Canada (MCI), 2002 CAF 475, [2003] 2 C.F. 555, la Cour d’appel fédérale a passé en revue les conditions régissant les demandes d’examen au Canada fondées sur des raisons d’ordre humanitaire. Les définitions qu’elle a suggérées ne se voulaient pas des règles inflexibles, mais bien des balises destinées à aider les agents à exercer leur pouvoir discrétionnaire. Pour que les conditions prévues soient remplies, il faut qu’il existe à la fois :

1.      des difficultés inhabituelles et injustifiées;

2.      des difficultés excessives;

La séparation des parents d’avec leurs enfants à charge et l’intérêt supérieur de ceux-ci constituent également des considérations importantes (Baker c. Canada (MCI), (1999) 2 R.C.S. 817).

 

[22]           La personne chargée de prendre la décision doit se montrer réceptive, attentive et sensible à l'intérêt supérieur de l’enfant (Hawthorne, précité, aux paragraphes 44 et 52, et Ahmad c. Canada (MCI), 2003 CFPI 592, 30 Imm. L.R. (3d) 4).

 

VIII. Facteurs dont il faut tenir compte pour apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant

 

[23]           Voici les facteurs suggérés par le juge Douglas Campbell dans le jugement Kolosovs c. (MCI), 2008 CF 165, au paragraphe 9 :

1.  l’âge de l’enfant;

2. le niveau de dépendance entre l’enfant et la personne qui présente une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire;

3. le degré d’établissement de l’enfant au Canada;

4.  les liens de l’enfant avec le pays concerné par la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire;

5.  les problèmes de santé ou les besoins spéciaux de l’enfant, le cas échéant;

6.  les questions relatives au sexe de l’enfant.

 

IX. L’intérêt supérieur des enfants en l’espèce

 

[24]           Parmi les enfants des demandeurs, deux sont des adultes et un est un mineur, maintenant âgé de 16 ans. L’enfant mineur fréquente l’école et il s’est bien intégré aux activités de l’école. Les deux enfants adultes travaillent. L’enfant mineur a fréquenté l’école aux États-Unis et au Canada (depuis trois ans). Il a quitté la Jordanie alors qu’il avait sept ans et il ne peut plus lire ou écrire l’arabe; s’il retourne en Jordanie, il devra réapprendre l’arabe et se réadapter à une culture et à un système scolaire différents.

 

[25]           Tous les demandeurs pourraient être arrêtés s’ils retournaient en Jordanie parce qu’ils n’y ont aucun statut légal et ne sont titulaires d’aucun titre de résidence. Suivant leurs affirmations, lesquelles sont appuyées par des documents internationaux, les demandeurs risqueraient d’être expulsés et d’être persécutés.

 

[26]           L’agente a tenu compte de l’intérêt supérieur du demandeur mineur, mais elle n’a pas tenu compte des conséquences en découlant. À mon sens, l’agente ne s’est pas montrée suffisamment « réceptive, attentive et sensible » aux besoins de l’enfant, ce qui constitue une erreur justifiant notre intervention (Raudales c. Canada (MCI), 2003 CFPI 385, 121 A.C.W.S. (3d) 932; Jamrich c. Canada (MCI), 2003 CFPI 804, 29 Imm. L.R. (3d) 253).

 

X. L’intérêt supérieur des enfants n’est qu’un des facteurs dont il faut tenir compte

 

[27]           Suivant mon interprétation de l’arrêt Legault c. MCI, 2002 CAF 125, [2002] 4 C.F. 358, de la Cour d’appel fédérale, dans le cas d’une décision impliquant l’interprétation du paragraphe 114(2) de la LIPR, l’intérêt supérieur de l’enfant n’est qu’un des facteurs que l’agent chargé de prendre la décision doit examiner et apprécier, mais ce facteur n’a pas préséance en soi sur les autres facteurs. Tous les facteurs doivent être examinés ensemble en fonction des circonstances de l’espèce. Ce facteur ne revêt pas plus d’importance que les autres pour déterminer ce qui constituent « des difficultés inhabituelles et injustifiées » et des « difficultés excessives ». Chaque facteur individuel doit être examiné en fonction de l’ensemble (voir aussi les jugements Kim c. Canada (MCI), 2004 CF 1461, 259 F.T.R. 259, l’arrêt Owusu c. Canada (MCI), 2004 CAF 38, [2004] 2 R.C.F. 635, et Thiara c. Canada (MCI), 2007 CF 387, 61 Imm. L.R. (3d) 75)).

 

XI. Liens familiaux

 

[28]           L’agente a estimé que le facteur des liens familiaux était neutre, étant donné que les éléments de preuve présentés par le demandeur démontraient que ses proches, c’est-à-dire sa femme et ses enfants, avaient habité illégalement en Jordanie et souhaitaient être avec lui au Canada.

 

XII. Degré d’établissement au Canada

 

[29]           Il a été démontré que les demandeurs se sont bien établis au Canada, à Windsor (Ontario), où ils habitent depuis trois ans. Ils travaillent et, depuis 2006, le demandeur principal, qui est expert‑comptable, exploite à Windsor une entreprise de services comptables et fiscaux dont son épouse est une des employés.

 

[30]           Suivant les lettres rédigées par d’anciens employeurs, le demandeur principal et son épouse sont de bons employés et ils sont fiables et travaillants. L’agente a conclu qu’elle ne pouvait spéculer sur les conséquences qu’une fermeture du cabinet d’experts-comptables pouvait entraîner, mais une consultation des pages jaunes de l’annuaire téléphonique permet de constater qu’il existe un grand nombre d’entreprises semblables dans la région.

 

[31]           L’agente a considéré que ce facteur était négatif parce que le succès financier que le demandeur a connu au cours d’un séjour illégal au Canada ne peut être invoqué à l’appui d’une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire (Tartchinska c. Canada (MCI), 2000 A.C.F. no 373, 185 F.T.R. 161).

 

[32]           J’estime toutefois qu’il s’agit d’un facteur important dont on doit tenir compte pour déterminer le degré d’établissement au Canada.

 

XIII. Participation communautaire

 

[33]           Il ressort des lettres versées au dossier que la fille adulte a fait du bénévolat au sein de la collectivité, dans une halte-garderie et dans une clinique de soins au laser. Les deux enfants plus âgés fréquentent assidûment un centre de conditionnement physique et le fils adulte s’adonne activement à divers sports. Des lettres d’amis, d’anciens employeurs et de concitoyens confirment l’excellence des rapports que les demandeurs entretiennent avec leur entourage.

 

XIV. Réussite financière

 

[34]           Il ressort du dossier que les demandeurs principaux ont atteint l’autonomie sur le plan économique et qu’ils ont connu le succès dans leur nouvelle entreprise depuis qu’ils sont au Canada.

 

[35]           L’agente a conclu que les difficultés auxquelles les demandeurs seraient confrontés s’ils retournaient en Jordanie ne seraient ni inhabituelles, injustifiées ou excessives.

 

[36]           La principale question demeure : la décision de l’agente peut-elle être qualifiée de raisonnable et peut-on dire qu’elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (arrêt Dunsmuir, précité)? Ainsi que je l’ai déjà mentionné, j’estime que l’agente n’a pas été suffisamment attentive à l’intérêt supérieur des enfants.

 

XV. Degré d’établissement

 

[37]           Le demandeur affirme que l’agente n’a pas suffisamment motivé sa conclusion au sujet du degré d’établissement des demandeurs car les motifs qu’elle a exposés ne permettent pas de savoir comment elle en est arrivée à la conclusion que le rejet de leur demande ne leur causerait pas de difficultés excessives.

 

[38]           Prises globalement, je suis convaincu que les deux pages de motifs portant sur la question du degré d’établissement des demandeurs sont suffisamment claires, précises et intelligibles pour que les demandeurs puissent savoir pourquoi leur demande a été rejetée (Ogunfowora c. Canada (MCI), 2007 CF 471, au paragraphe 58, 63 Imm. L.R. (3d) 157, citant le jugement Mendoza c. Canada (MCI), 2004 CF 687, 131 A.C.W.S. (3d) 323; voir également le jugement Adu c. Canada (MCI), 2005 CF 565, aux paragraphes 10-11, 139 A.C.W.S. (3d) 164). Il est clair que l’agente a examiné en détail tous les facteurs pertinents et qu’elle s’est demandée jusqu’à quel point ils démontraient que les demandeurs s’étaient établis.

 

[39]           Les demandeurs ont également fait brièvement valoir que l’agente avait commis une erreur en mentionnant que l’épouse du demandeur principal avait lancé une entreprise en sachant qu’il existait une possibilité qu’ils soient renvoyés du Canada. Le demandeur affirme que la menace de renvoi ne constitue pas une raison qui justifie de nier le degré d’établissement de l’auteur d’une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire. Cet aspect est cependant tout à fait secondaire en l’espèce. Il n’a été mentionné qu’en rapport avec un aspect de l’analyse du degré d’établissement du demandeur.

 

XVI. « Caractère exceptionnel »

 

[40]           Les demandeurs signalent également que l’agente a estimé qu’il n’y avait rien d’exceptionnel à ce que les demandeurs connaissent un tel succès sur le plan financier compte tenu du temps depuis lequel ils se trouvaient au Canada. Le demandeur estime que cette conclusion est déraisonnable.

 

[41]           Les demandeurs citent les décisions Raudales et Jamrich, précitées, à l’appui de leur argument qu’il est déraisonnable de conclure que le degré d’établissement d’une personne n'est pas supérieur à celui auquel on peut s'attendre à l'égard d'un réfugié qui aurait eu les mêmes possibilités et que leur degré d'établissement n’est pas suffisamment différent ou important pour que l'on puisse le distinguer de celui d’autres personnes faisant aussi l’objet du processus d’octroi du droit d’asile. Ces deux affaires portaient sur des décisions qui avaient été annulées parce qu’elles étaient considérées déraisonnables vu l’ensemble de la preuve dont l’agent d’immigration disposait. Ainsi, dans le jugement Raudales, aux paragraphes 18 et 19, la juge Eleanor R. Dawson a signalé certains éléments de preuve précis dont disposait l’agent d’immigration et qui contredisaient carrément sa conclusion finale que le degré d’établissement du demandeur n’avait rien d’exceptionnel.

 

[42]           J’estime qu’en l’espèce, les demandeurs ont démontré qu’ils avaient obtenu des succès financiers qui sont à mon sens « exceptionnels » compte tenu du temps depuis lequel ils se trouvent au Canada.

 

[43]           L’agente a commis une erreur qui justifie notre intervention et qui commande un nouvel examen.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ACCUEILLE la présente demande. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-4351-07

 

INTITULÉ :                                                   Hisham Said Abu Laban et al.

                                                                        c.

                                                                        MCI

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 13 mai 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE SUPPLÉANT FRENETTE

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 26 mai 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Krassina Kostadinov

 

POUR LES DEMANDEURS

Marghertia Braccio

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lorne Waldman

Avocat

281, avenue Eglinton Est

Toronto (Ontario)  M4P 1L3

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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