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Date : 20080609

Dossier : IMM‑5221‑07

Référence : 2008 CF 720

Ottawa (Ontario), le 9 juin 2008

En présence de monsieur le juge Mosley

 

 

ENTRE :

 

EDGARDO MONTIVERO, ROSA NORA ROSALES DE MONTIVERO,

WALTER ALJANDRO MONTIVERO, YESICA PAULA MONTIVERO

ET JUAN GABRIEL MONTIVERO

 

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs voudraient faire annuler la décision d’un agent d’immigration qui a rejeté leur demande de dispense fondée sur des circonstances d’ordre humanitaire.

 

[2]               Les demandeurs sont arrivés au Canada en 2000 et ont revendiqué l’asile en alléguant la crainte d’être persécutés par des policiers corrompus qu’Edgardo avait dénoncés en Argentine. Leurs demandes d’asile ont été rejetées le 3 mai 2002. Le 9 avril 2003, ils ont demandé d’être dispensés de l’obligation de demander depuis l’étranger le statut de résident permanent. Les demandeurs ont présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (la demande d’ERAR) le 30 juin 2006, après avoir été informés de la possibilité pour eux de le faire. La décision concernant la demande d’ERAR a été rendue le 25 octobre 2007 et elle était défavorable aux demandeurs. Ils ont sollicité l’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire contre cette décision, autorisation qui leur a été refusée.

 

La décision contestée

 

[3]               Le 26 octobre 2007, le même agent d’immigration qui avait rejeté la demande d’ERAR a rejeté la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Cette dernière demande avait été fondée sur l’intérêt supérieur du fils mineur et de la fille mineure des demandeurs, sur celui de l’enfant de leur fille, citoyen canadien de naissance, sur le niveau d’établissement de la famille au Canada et sur le risque auquel ils disaient être personnellement exposés. Dans une décision approfondie d’une longueur de 13 pages, l’agent a évalué les difficultés auxquelles feraient face les demandeurs sur chaque point pour le cas où ils seraient renvoyés en Argentine d’où ils présenteraient une demande de résidence permanente.

 

Les questions en litige

 

[4]               Les demandeurs soulèvent deux questions :

a.       L’agent d’immigration a‑t‑il appliqué le bon critère?

b.      Les motifs exposés par l’agent sont‑ils suffisants?

La norme de contrôle

 

[5]               L’insuffisance de motifs est une question d’équité procédurale et, s’il est constaté qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale, la décision devra être annulée et l’affaire sera renvoyée au décideur pour nouvelle appréciation. Cependant, le choix du critère juridique applicable est une question de droit, qui pourra être tranchée selon la norme de la décision correcte si elle est d’une importance cruciale pour le système juridique tout entier et qu’elle échappe au domaine de spécialisation du décideur : arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] A.C.S. n° 9. Si une question de droit n’atteint pas ce seuil, elle pourra être revue selon la norme de la décision raisonnable.

 

[6]               Ma collègue la juge Eleanor R. Dawson a récemment jugé que le choix du critère applicable, dans le contexte d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, devrait être revu par la Cour selon la norme de la décision correcte : Zambrano c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 481, [2008] A.C.F. n° 601. Arrivant à cette conclusion, elle a noté l’importance pour les agents de s’en tenir aux critères fixés par le législateur. Cela décrit avec justesse un rôle essentiel à la Cour dans l’exercice de son pouvoir de surveillance et je reconnais que c’est la norme de la décision correcte qui devrait être appliquée ici.

 

Le caractère adéquat des motifs

 

[7]               Se fondant sur la décision Adu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 565, les demandeurs disent que les motifs exposés par l’agent étaient inadéquats. Comme je l’ai dit plus haut, je suis d’avis que les motifs exposés par l’agent dans cette affaire sont détaillés et approfondis. Il ne s’agit pas ici d’un cas assimilable à l’affaire Adu, où l’agent avait simplement décrit les faits importants et avait tiré une conclusion sans expliquer la manière dont il les avait analysés. Selon moi, les motifs exposés dans la présente affaire permettaient aux demandeurs de comprendre l’analyse qu’il avait faite des facteurs pertinents et ils répondaient à la norme fixée pour l’équité procédurale.

 

[8]               En conséquence, au moment de prendre en délibéré la décision sur la question de savoir si le bon critère avait été appliqué, j’ai informé les parties que les motifs de l’agent ne seraient pas jugés inadéquats.

 

A‑t‑on appliqué le bon critère juridique?

 

[9]               Selon les demandeurs, le critère du risque personnalisé, selon les articles 96 et 97 de la LIPR, diffère du critère des difficultés excessives, qui concerne les demandes selon l’article 25 fondées sur des circonstances d’ordre humanitaire. Ils disent qu’il est inutile, dans une analyse des difficultés excessives selon l’article 25, de savoir si les demandeurs sont à même d’obtenir de l’État une protection. Selon eux, la manière dont l’agent a évalué ce facteur prouve qu’il a erronément appliqué à leurs demandes selon l’article 25 le critère plus rigoureux propre aux articles 96 et 97.

 

[10]           Le défendeur rétorque que l’agent a correctement appliqué la section 13.6 du chapitre IP 5 du Guide du traitement des demandes au Canada, où l’on peut lire que le risque, dans l’examen d’une demande fondée sur des circonstances d’ordre humanitaire, doit être examiné lorsqu’il est mentionné dans le contexte des difficultés alléguées par le demandeur. L’agent a examiné les difficultés susceptibles de découler des risques allégués par les demandeurs et a estimé qu’il ne s’agissait pas de difficultés injustifiées ou excessives. Cette analyse ne montre pas que l’agent a apprécié leur demande en se basant sur un mauvais critère.

 

[11]           Je reconnais avec le défendeur que les demandeurs n’ont pas montré que l’agent avait appliqué à leur demande le mauvais critère ou le mauvais seuil. J’observe que les demandeurs ont soulevé la question de la protection de l’État dans leurs observations accompagnant leur demande fondée sur des circonstances d’ordre humanitaire. Ils ne sauraient maintenant prétendre que cette question n’intéressait pas l’appréciation de leur demande.

 

[12]           L’agent ne s’est pas limité à dire, sans plus, que les demandeurs n’avaient pas suffisamment prouvé le risque allégué ou qu’ils n’avaient pas suffisamment prouvé les lacunes de la protection de l’État, comme cela avait été le cas dans la décision Ramirez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1404, [2006] A.C.F. n° 1763. S’il avait ainsi restreint son appréciation, j’aurais dit qu’il avait commis une erreur de droit entraînant l’annulation de sa décision. Or, l’agent écrit plusieurs fois dans son analyse que, dans l’appréciation d’une demande fondée sur des circonstances d’ordre humanitaire, la question du risque prétendu doit être examinée dans le contexte des difficultés alléguées par les demandeurs. Sa décision se termine par les propos suivants :

[traduction]

 

Je ne crois pas que les difficultés entraînées par un retour en Argentine constituent des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives.

 

[13]           Je ne crois donc pas que la décision de l’agent a été rendue d’après le mauvais critère juridique et elle ne sera pas annulée. Les parties n’ont proposé aucune question méritant d’être certifiée et aucune question semblable ne se pose ici.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE : la demande est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, juriste‑traducteur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                IMM‑5221‑07

 

INTITULÉ :                                                               EDGARDO MONTIVERO,

                                                                                    ROSA NORA ROSALES       DE MONTIVERO, WALTER ALJANDRO

                                                                                    MONTIVERO, YESICA PAULA

                                                                                    MONTIVERO ET JUAN GABRIEL

                                                                                    MONTIVERO

                                                                                    c.

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                                    ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 4 JUIN 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                               LE 9 JUIN 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Wennie Lee                                                                  POUR LES DEMANDEURS

 

Ricky Tang                                                                   POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Wennie Lee                                                                  POUR LES DEMANDEURS

Lee et Compagnie

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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