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Date : 20080620

Dossier : T‑1361‑07

Référence : 2008 CF 777

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 juin 2008

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

DANIEL KING

demandeur

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

(MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES

ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL)

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               La Cour statue sur une question préliminaire de droit énoncée par le juge Kelen dans son ordonnance du 22 février 2008. Cette question a été posée dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire concernant le refus de la ministre d’accorder des intérêts sur des prestations d’assurance‑invalidité. La ministre avait d’abord refusé la pension d’invalidité, mais la Commission d’appel des pensions avait par la suite accepté cette demande.

 

[2]               La question à laquelle la Cour est appelée à répondre en l’espèce est celle de savoir si la décision initiale niant le droit du demandeur à des prestations, qui a par la suite été infirmée en appel, était fondée sur un « avis erroné », ce qui permettait à la ministre, en vertu du paragraphe 66(4) du Régime de pensions du Canada (le Régime) de prendre des mesures correctives, en l’occurrence, d’accorder des intérêts sur le montant des prestations versées.

 

[3]               La question de droit précise posée par le juge Kelen et à laquelle nous devons répondre est la suivante :

La décision de la Commission d’appel des pensions selon laquelle le demandeur a droit à une pension d’invalidité implique‑t‑elle que la décision initiale de la ministre des Ressources humaines et du Développement social lui refusant une pension d’invalidité était fondée sur un « avis erroné » au sens du paragraphe 66(4) du Régime des pensions du Canada?

 

II.        CONTEXTE

[4]               Les faits détaillés de la présente affaire ont été exposés par le juge Kelen dans la décision King c Canada, 2007 CF 272, dans laquelle il a ajourné la requête présentée par la défenderesse en vue de faire radier l’action initiale. Voici un bref résumé des faits.

 

[5]               Le demandeur King a subi des blessures invalidantes en février 1985, en mars 1989 et en mai 1992. Il a présenté une demande de pension d’invalidité en vertu du paragraphe 60(6) du Régime le 10 mai 1996. Par lettre datée du 12 septembre 1996, Développement des ressources humaines Canada (DRHC) a rejeté sa demande en application du paragraphe 60(7) du Régime, au motif que son invalidité n’était pas « grave et prolongée ».

 

[6]               Le 26 septembre 1996, le demandeur a demandé la révision de la décision rendue relativement à sa demande en vertu de l’alinéa 81(1)b) du Régime. La ministre a refusé de réviser la décision au motif que le demandeur ne satisfaisait pas à toutes les conditions du Régime et qu’il était en mesure d’exercer d’autres fonctions adaptées à son état.

 

[7]               Le 20 décembre 1996, le demandeur a interjeté appel auprès du tribunal de révision en vertu du paragraphe 82(1) du Régime. Le 24 juillet 1998, le tribunal de révision a rejeté lui aussi la demande de prestations d’invalidité du demandeur au motif que son invalidité n’était pas grave et prolongée, contrairement à ce qu’exige l’alinéa 42(2)a) du Régime. La décision du tribunal de révision confirmait la première décision du ministre et celle que le ministre a rendue après révision.

 

[8]               Le 12 août 1998, le demandeur a demandé l’autorisation d’interjeter appel de la décision du tribunal de révision auprès de la Commission d’appel des pensions (la Commission). La Commission a accueilli l’appel dans une décision datée du 13 décembre 2002 et a accordé une pension d’invalidité au demandeur au motif qu’il avait subi des blessures « graves et prolongées ». Le demandeur a par la suite reçu une somme globale, représentant le total des prestations mensuelles qu’il aurait dû normalement recevoir de juin 1995 à janvier 2003. Il a aussi reçu une pension d’invalidité mensuelle à compter de février 2003. Aucun intérêt n’a été payé sur les montants rétroactifs.

 

[9]               Le 3 février 2003, l’avocat du demandeur a écrit au ministre pour réclamer des intérêts sur le montant de la pension d’invalidité payé rétroactivement. Les raisons avancées par le demandeur à l’époque  en l’occurrence, absence de pouvoir législatif, insuffisance de l’indemnité, violation d’un contrat créé par la loi et manquement à une obligation imposée par la loi par suite du défaut de la défenderesse de verser en temps utile des prestations de pension d’invalidité  ne sont pas utiles pour répondre à la question de droit précise que la Cour est appelée à trancher dans le cadre du présent renvoi.

 

[10]           Le demandeur avait introduit une action devant notre Cour et devant la Cour supérieure de l’Ontario. Le 8 mars 2007, le juge Kelen a ajourné la requête en radiation présentée par la défenderesse en vue de faire radier l’action dont notre Cour était saisie, expliquant que la bonne façon de répondre à la demande d’intérêts du demandeur avait été exposée dans l’arrêt Scheuneman c Canada (Développement des ressources humaines), 2005 CAF 254. Essentiellement, le demandeur devait présenter sa demande d’intérêts conformément au paragraphe 66(4) du Régime.

 

[11]           Le 9 mars 2007, le demandeur a soumis au ministre, en vertu du paragraphe 66(4) du Régime, une demande dans laquelle il exprimait son souhait que le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire au motif que le refus initial de sa demande de prestations de retraite s’expliquait par une « erreur administrative » ou un « avis erroné ».

 

[12]           Le paragraphe 66(4) dispose :

66. (4) Dans le cas où le ministre est convaincu qu’un avis erroné ou une erreur administrative survenus dans le cadre de l’application de la présente loi a eu pour résultat que soit refusé à cette personne, selon le cas :

 

a) en tout ou en partie, une prestation à laquelle elle aurait eu droit en vertu de la présente loi,

 

b) le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension en application de l’article 55 ou 55.1,

 

c) la cession d’une pension de retraite conformément à l’article 65.1,

 

le ministre prend les mesures correctives qu’il estime indiquées pour placer la personne en question dans la situation où cette dernière se retrouverait sous l’autorité de la présente loi s’il n’y avait pas eu avis erroné ou erreur administrative.

66. (4) Where the Minister is satisfied that, as a result of erroneous advice or administrative error in the administration of this Act, any person has been denied

 

 

 

(a) a benefit, or portion thereof, to which that person would have been entitled under this Act,

 

(b) a division of unadjusted pensionable earnings under section 55 or 55.1, or

 

 

(c) an assignment of a retirement pension under section 65.1,

 

the Minister shall take such remedial action as the Minister considers appropriate to place the person in the position that the person would be in under this Act had the erroneous advice not been given or the administrative error not been made.

 

[13]           En réponse, le Ministère a exigé du demandeur qu’il fournisse tous les renseignements, éléments de preuve et arguments à l’appui de cette allégation. Le Ministère a expliqué dans les termes les plus nets que le demandeur devait démontrer quel avis erroné ou erreur administrative étaient survenus.

 

[14]           L’avocat du demandeur a ensuite réclamé une copie de toutes les communications qui se trouvaient au dossier en ce qui concerne la demande de prestations d’invalidité du demandeur. Le Ministère a refusé de communiquer tout autre renseignement, estimant que le demandeur avait déjà reçu tous les renseignements concernant sa demande de prestations au cours du déroulement normal du processus d’appel. Cette position du Ministère semble contredire celle qu’il a adoptée devant notre Cour, suivant laquelle l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré au ministre par le paragraphe 66(4) du Régime constitue un processus distinct du contrôle judiciaire et du processus d’appel légal prévu par le Régime. Il est difficile de comprendre comment le demandeur peut établir le bien‑fondé de sa cause sans avoir accès au dossier du Ministère.

 

[15]           Le 5 juin 2007, le demandeur a de nouveau réclamé toutes les communications se rapportant au traitement de sa demande, ainsi que tout avis [traduction] « qui a pu être produit, transmis au cours du traitement de sa demande ou sur lequel on a pu se fier ».

 

[16]           Comme aucun autre document n’avait été communiqué, le Ministère a, le 18 juillet 2007, avisé le demandeur que l’examen de son dossier était terminé et qu’aucune erreur administrative ou avis erroné n’avaient été démontrés. Voici les extraits pertinents de la lettre en question :

[traduction]

Une fonctionnaire du Ministère qui connaît bien les méthodes de prise de décisions et qui possède quatorze années d’expérience a procédé à l’examen ministériel. Elle a procédé à un examen détaillé de tous les renseignements versés au dossier de M. King. Chaque page a été scrutée et la date de sa réception a été inscrite. La fonctionnaire en question n’a décelé aucune irrégularité dans la façon dont le dossier avait été traité.

 

Vu ce qui précède, nous n’avons constaté aucune erreur administrative et/ou avis erroné.

 

[17]           La lettre du Ministère abordait ensuite quelques‑uns des arguments invoqués par le demandeur. La dernière phrase renferme le passage crucial suivant :

[traduction]

En plus de l’examen ministériel, nous avons également examiné attentivement les observations que vous aviez formulées dans vos lettres du 9 mai 2007 et du 5 juin 2007. Aucun des motifs que vous avez soulevés dans vos lettres ne démontre l’existence d’une erreur administrative ou d’un avis erroné au sens du paragraphe 66(4) du RPC.

 

M. King a obtenu des prestations d’invalidité du RPC à la faveur du processus d’appel qui s’est soldé par la décision que la CAP a rendue en sa faveur. Le fait que la demande de M. King ait été d’abord refusée par la ministre et que ce refus ait été de nouveau confirmé après révision ne constitue pas une erreur administrative ou un avis erroné.

[Non souligné dans l’original.]

 

[18]           Le 7 novembre 2007, après avoir déposé une requête en radiation de la demande de contrôle judiciaire au motif qu’elle était vouée à l’échec, le juge Kelen a reporté à plus tard le prononcé de sa décision sur cette requête en attendant l’issue du présent renvoi.

 

III.       ANALYSE

[19]           La question de droit qui est posée porte sur la question de savoir si les conditions préalables à l’exercice par le ministre du pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 66(4) et qui lui permet de prendre des mesures correctives sont réunies en l’espèce. Contrairement à ce qu’a prétendu le ministre, une réponse positive à cette question n’a pas pour effet d’entraver son pouvoir discrétionnaire. En pareil cas, le ministre doit se demander quelle réparation est, le cas échéant, appropriée.

 

[20]           Soyons clairs : la Cour n’est pas appelée en l’espèce à se demander si une « erreur administrative » est survenue. Elle n’a pas non plus à se demander, à cette étape‑ci, si la ministre s’est véritablement concentrée sur l’existence d’une « erreur administrative » lorsqu’elle a rendu sa décision en vertu du paragraphe 66(4) ou si la question de l’« avis erroné » a été occultée. Dans le cas du présent renvoi, la Cour est simplement appelée à interpréter le sens de l’expression « avis erroné » au paragraphe 66(4).

 

[21]           Lorsqu’elle examine le sens de l’expression « avis erroné », la Cour doit tenir compte de l’article 12 de la Loi d’interprétation pour interpréter cette expression de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

12. Tout texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

12. Every enactment is deemed remedial, and shall be given such fair, large and liberal construction and interpretation as best ensures the attainment of its objects.

 

[22]           Le principal objectif du Régime est de verser aux citoyens qui y ont droit les prestations qui y sont prévues.

 

[23]           Le paragraphe 66(4) vise à apporter une solution de droit. Il est censé remettre le demandeur dans la situation où il se retrouverait s’il n’y avait pas eu avis erroné ou erreur administrative. Compte tenu de cet objectif, rien ne justifie de donner à l’expression « avis erroné »  ni, du reste, à l’expression « erreur administrative »  une signification, une portée ou une application limitées, techniques ou étroites.

 

[24]           Le mot « erroné » peut avoir deux sens dans le cas qui nous occupe. Le premier est le sens courant, en l’occurrence « inexact », « mal fondé », « incorrect ». Le second est le sens juridique, à savoir « incorrect au sens de ce avec quoi une autorité supérieure est en désaccord ». Un constat juridique d’« erreur de droit », par exemple, peut vouloir dire qu’on s’est mépris en ne tenant pas compte d’un précédent ou qu’une autorité supérieure n’est pas d’accord avec cette conclusion. La première acception dénote un certain degré de faute tandis que la seconde évoque un désaccord ou l’idée d’une conclusion mal fondée en droit. Compte tenu du caractère réparateur du paragraphe 66(4), on peut tenir compte des deux sens en question pour interpréter et appliquer cette disposition.

 

[25]           Le mot « conseil » est relativement simple; il désigne l’opinion sur ce qui peut être fait ou a été fait ou devrait être fait. L’aspect le plus important est la question de savoir si l’« avis » ne visait qu’un simple citoyen ou s’il s’étendait à l’ensemble du ministère et plus particulièrement s’il était destiné au ministre ou à l’un de ses délégués chargés de prendre une décision.

 

[26]           La défenderesse affirme que la disposition ne vise que les avis donnés à un simple citoyen. Bien que la disposition englobe effectivement ce type d’avis, rien dans la loi ou dans la disposition qui nous intéresse ne permet de conclure à une telle restriction.

 

[27]           La défenderesse admet que, si un citoyen a reçu par téléphone un avis l’informant qu’il n’a pas droit à une pension ou a reçu des renseignements erronés au sujet des délais prescrits pour communiquer des renseignements et qu’il en a résulté pour lui une perte de son droit à une pension, la situation tombe sous le coup du paragraphe 66(4). La défenderesse affirme toutefois que, si le ministre reçoit un avis erroné qui a pour effet de nier à une personne son droit à une pension, il n’est pas possible de recourir au paragraphe 66(4).

 

[28]           Vu l’objectif du paragraphe 66(4), qui est de remettre l’intéressé dans la situation où il se retrouverait s’il n’y avait pas eu avis erroné, rien ne justifie l’interprétation étroite que la défenderesse donne de l’expression « avis erroné ». Si l’avis erroné donné par le Ministère a causé la perte, cet avis relève du paragraphe 66(4), et ce, peu importe qu’il ait été communiqué directement à un citoyen ou que le Ministère y ait donné suite.

 

[29]           La défenderesse affirme également qu’il n’y a pas eu d’« avis », étant donné qu’il s’agit en l’espèce d’une décision prise par un ministre (ou par son délégué) de son propre chef. Or, l’examen de l’économie de la loi donne plutôt à penser le contraire.

 

[30]           Si l’on applique le critère énoncé dans l’arrêt Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.) c Coopers and Lybrand Ltd., [1979] 1 RCS 495, qui portait sur la question de savoir si une fonction est administrative ou quasi judicaire – une distinction qui revêt moins d’importance en droit administratif moderne –, le rôle que joue le personnel d’un ministère lorsqu’il obtient et analyse des renseignements présentés à l’appui d’une demande de pension est un rôle administratif. Il en est ainsi même dans le cas d’un évaluateur médical qui joue un rôle crucial en rapport avec la décision du ministre.

 

[31]           Aux termes du paragraphe 60(6) du Régime, la demande de prestation doit être présentée au ministre :

60. (6) Une demande de prestation doit être présentée au ministre en la manière et à l’endroit prescrits.

60. (6) An application for a benefit shall be made to the Minister in prescribed manner and at the prescribed location.

 

 

[32]           Le paragraphe 60(7) oblige le ministre à examiner la demande de prestation et à aviser le requérant de sa décision par écrit.

 

60. (7) Le ministre examine, dès qu’il la reçoit, toute demande de prestation; il peut en approuver le paiement et en déterminer le montant payable aux termes de la présente loi, ou il peut arrêter qu’aucune prestation n’est payable et avise dès lors par écrit le requérant de sa décision.

60. (7) The Minister shall forthwith on receiving an application for a benefit consider it and may approve payment of the benefit and determine the amount thereof payable under this Act or may determine that no benefit is payable, and he shall thereupon in writing notify the applicant of his decision.

 

[33]           Le fait que le ministre délègue certains aspects de sa décision ne change rien au fait qu’il est légalement obligé de prendre la décision d’octroyer ou de refuser une pension d’invalidité. Suivant la loi, c’est le ministre qui prend la décision, mais dans les faits, il la prend sur la foi de l’avis reçu du ministère et notamment de son délégué. C’est la procédure qui a été suivie en l’espèce.

 

[34]           Cette analyse suivant laquelle, selon la loi, c’est le ministre qui agit sur la foi de l’avis reçu a été confirmée par la Cour d’appel dans l’arrêt Whitton c Canada (Procureur général), 2002 CAF 46. Dans cette affaire, le ministre était arrivé à la conclusion que Whitton avait reçu les prestations de pension de sa mère  malgré le décès de celle‑ci  et qu’il avait personnellement encaissé les chèques de pension. Le Ministère avait par conséquent suspendu les prestations de vieillesse de M. Whitton en attendant l’issue de l’enquête menée par le Ministère au sujet des chèques de pension. La suspension des prestations de sécurité de la vieillesse visait à compenser les paiements suspendus par les prestations de pension que Whitton avait illégalement reçues à la place de sa mère décédée. En fin de compte, le Ministère n’avait pas réussi à démontrer que Whitton avait mal agi.

 

[35]           Pendant toute la durée de la saga Whitton, des fonctionnaires du Ministère avaient pris des mesures, ce qui n’a cependant pas empêché la Cour d’appel de conclure que c’était le ministre qui avait l’obligation de verser à Whitton sa pension et que c’était le ministre qui, sur la foi de conseils erronés, avait suspendu les prestations de pension.

 

[36]           La Cour d’appel a conclu, au paragraphe 37, que le ministre ne pouvait qu’être convaincu que l’appelant s’était vu refuser des prestations de retraite par suite d’un « avis erroné » suivant lequel il s’était approprié les chèques de pension de sa mère. La Cour d’appel s’est fondée sur l’article 32 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, qui est pratiquement identique au paragraphe 66(4) du Régime, pour obliger le ministre à remettre Whitton dans la situation où il se retrouverait s’il n’y avait pas eu de suspension.

 

[37]           La Cour d’appel a qualifié cette erreur d’« erreur administrative », mais je ne vois rien dans cette conclusion qui affaiblit la constatation que le ministre agissait sur la foi de conseils qu’il avait reçus. L’avis que le Ministère avait donné au ministre et suivant lequel Whitton avait agi de façon illicite était erroné et avait entraîné la suspension des prestations de pension.

 

[38]           Si l’on applique le raisonnement suivi par la Cour d’appel dans l’arrêt Whitton à la présente affaire, le ministre a refusé à M. King ses prestations de pension sur la foi de l’« avis » suivant lequel les blessures qu’il avait subies n’étaient pas « graves et prolongées ». Ainsi que la Commission d’appel des pensions l’a jugé, cette conclusion était erronée. Elle était erronée, à tout le moins, selon la seconde acception de ce terme dont nous avons discuté au paragraphe 24 des présents motifs. Elle était également erronée en ce sens qu’elle était inexacte sur le plan factuel.

 

[39]           Le fait qu’un organisme d’examen intermédiaire – le tribunal – soit parvenu à une conclusion semblable à celle du ministre n’enlève rien au fait que l’avis donné au ministre était erroné et qu’il avait été donné au détriment de M. King. Le débat porte sur l’existence d’un avis erroné qui est à l’origine de la décision du ministre et non sur le bien‑fondé des mécanismes de révision.

 

[40]           Ce n’est pas parce que l’on conclut que l’avis donné était erroné, ainsi qu’il ressort de la décision de la Commission d’appel des pensions, qu’il s’ensuit nécessairement que, chaque fois que le ministre perd une cause devant la Commission d’appel des pensions, la décision initiale du ministre était fondée sur un avis erroné ou sur une erreur administrative. On peut reprendre l’examen de l’affaire depuis le début dans le cadre d’un appel au cours duquel des faits nouveaux, ou encore d’anciens faits appréciés dans un nouveau contexte peuvent être présentés, ce qui ne signifie pas nécessairement que l’avis original était erroné au moment où il a été donné. Les faits déterminants portés à la connaissance de la Commission d’appel des pensions peuvent être différents de ceux sur lesquels l’avis était fondé.

 

[41]           Toutefois, en l’espèce, suivant le dossier, les faits dont disposait la ministre et ceux dont disposait la CAP étaient « essentiellement les mêmes » en ce qui a trait aux blessures « graves et prolongées » de M. King. Par conséquent, l’avis était erroné.

 

IV.       CONCLUSION

[42]           Vu l’objet de la disposition, le sens courant qui lui a été donné et l’existence d’un précédent pertinent portant sur une disposition analogue, la Cour répond par l’AFFIRMATIVE à la question suivante :

La décision de la Commission d’appel des pensions selon laquelle le demandeur a droit à une pension d’invalidité implique‑t‑elle que la décision initiale de la ministre des Ressources humaines et du Développement social lui refusant une pension d’invalidité était fondée sur un « avis erroné » au sens du paragraphe 66(4) du Régime des pensions du Canada?

 

 

[43]           Il reviendra au juge Kelen ou au juge qui examinera la demande de contrôle judiciaire de statuer le cas échéant sur la question des dépens.

 

 


JUGEMENT

LA COUR RÉPOND PAR L’AFFIRMATIVE à la question de droit suivant :

La décision de la Commission d’appel des pensions selon laquelle le demandeur a droit à une pension d’invalidité implique‑t‑elle que la décision initiale de la ministre des Ressources humaines et du Développement social lui refusant une pension d’invalidité était fondée sur un « avis erroné » au sens du paragraphe 66(4) du Régime des pensions du Canada?

 

Il reviendra au juge Kelen ou au juge qui examinera la demande de contrôle judiciaire de statuer le cas échéant sur la question des dépens.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 

 


 

 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T‑1361‑07

 

INTITULÉ :                                      DANIEL KING

 

                                                            et

 

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                            (Ministre des Ressources humaines et du Développement social)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 27 mai 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 20 juin 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Frank Provenzano

Peter Sengbusch

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Joël Robichaud

Jacques‑Michel Cyr

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

FRANK PROVENZANO

Avocat

Sault‑Sainte‑Marie (Ontario)

 

PETER SENGBUSCH

Avocat

London (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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