Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20080625

Dossier : IMM-4508-07

Référence : 2008 CF 808

Toronto (Ontario), le 25 juin 2008

En présence de monsieur le juge O'Keefe

 

 

ENTRE :

SYED FAHAD RAZZAK et

SHAZIA IDREES

demandeurs

 

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire déposée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR ou la Loi) relativement à la décision d’un agent d’évaluation des risques avant renvoi (l’agent) datée du 28 septembre 2007, par laquelle celui‑ci a rejeté la demande CH présentée par les demandeurs.

 

[2]               Les demandeurs ont demandé que cette décision soit annulée et que l’affaire soit renvoyée à un nouvel agent pour qu’une nouvelle décision soit rendue.

 

I. L’historique

 

[3]               Syed Fahad Razzak (le demandeur principal) et son épouse, Shazia Idrees (collectivement les demandeurs) sont des citoyens du Pakistan. Le demandeur principal est né et a grandi à Karachi, au Pakistan. Il a prétendu que, en 1998, il a été attaqué, enlevé et battu par des membres du Mouvement Mohajir Quami‑Haquiqui (MQM-H) en raison des liens étroits que sa famille entretenait avec le parti du peuple pakistanais (PPP). En raison de cet incident, le demandeur a quitté le Pakistan en août 1998 et s’est rendu aux États‑Unis. Pendant qu’il se trouvait aux États‑Unis, il a reçu la visite, en 2000, de celle qui est devenue son épouse; ils s’étaient déjà rencontrés au Pakistan. En juillet 2002, il semble que l’épouse du demandeur principal ait dit à sa famille, laquelle vivait à New York à l’époque, qu’elle voulait épouser le demandeur principal. Les demandeurs ont affirmé que la famille s’opposait au mariage et que, en conséquence, ils ont détenu et battu l’épouse du demandeur principal. Les demandeurs se sont alors enfuis en Californie.

 

[4]               Le 3 janvier 2003, les demandeurs se sont rendus au Canada et ils ont présenté une demande d’asile au point d’entrée à Fort Erie (Ontario). Dans une décision datée du 25 août 2003, la demande d’asile des demandeurs a été rejetée. L’autorisation d’interjeter appel de cette décision a été refusée le 28 novembre 2003. Les demandeurs ont alors présenté une demande d’évaluation des risques avant renvoi (demande d’ERAR) et une demande fondée sur des considérations humanitaires (demande CH). Ces demandes ont été examinées séparément par le même agent. Dans une décision datée du 27 septembre 2007, la demande d’ERAR des demandeurs a été rejetée et l’autorisation de contrôle judiciaire a été rejetée par la Cour le 22 janvier 2008. Dans une décision datée du 28 septembre 2007, la demande CH des demandeurs a également été rejetée. Il s’agit en l’espèce du contrôle judiciaire de la décision défavorable quant à la demande fondée sur des considérations humanitaires rendue par l’agent.

 

[5]               Les demandeurs ont deux enfants nés au Canada.

 

II. La décision de l’agent

 

[6]               L’agent a commencé sa décision en résumant sous les rubriques suivantes les arguments des parties ainsi que les procédures d’immigration antérieures :

a.       Les relations avec les familles des conjoints ou relations personnelles qui occasionneraient des difficultés si elles étaient rompues?

b.      Les enfants des demandeurs au Canada?

c.       Le degré d’établissement démontré depuis le 3 janvier 2003.

d.      L’établissement, les liens ou la résidence dans un autre pays?

e.       Les difficultés ou les sanctions lors du retour au pays d’origine?

                                                               i.      L’argument des risques du demandeur

                                                             ii.      Les conclusions de la Section de la protection des réfugiés

                                                            iii.      Recherche sur la situation actuelle dans le pays

 

[7]               L’agent a ensuite soumis une analyse de la preuve dans une section intitulée « Motif ». L’agent a d’abord examiné l’argument que les demandeurs seraient exposés à des difficultés s’ils étaient contraints de retourner au Pakistan en raison du fait que la famille de l’épouse n’acceptait pas le mariage. L’agent a souligné que, bien qu’une lettre de M. Ahmed (le voisin des demandeurs à Windsor) faisait état que les deux familles étaient mécontentes du mariage, le demandeur principal avait néanmoins mentionné qu’il était proche de son frère au Canada. L’agent a également déclaré que les membres du couple étaient ensemble depuis cinq ans et qu’ils n’avaient soumis aucun détail à savoir comment ils avaient été menacés depuis le dernier incident ou à savoir pourquoi leurs familles voudraient toujours leur faire du mal.

 

[8]               En ce qui concerne les risques que le MQM-H poserait pour le demandeur principal, l’agent a déclaré que la preuve versée au dossier [Traduction] « n’étayait pas l’allégation selon laquelle le demandeur présenterait un intérêt pour les membres du MQM-H car celui‑ci a quitté le pays en 1998 ». L’agent a également conclu que la preuve n’étayait pas l’allégation selon laquelle les demandeurs seraient exposés, au Pakistan, à des risques d’une importance telle que ceux‑ci constitueraient une difficulté inhabituelle, injustifiée ou excessive.

 

[9]               En ce qui concerne l’établissement au Canada, l’agent a convenu qu’un certain degré d’établissement avait été réalisé car les demandeurs avaient bénéficié du processus applicable aux demandeurs d’asile. L’agent a également convenu que les demandeurs avaient un bon dossier en tant que citoyens. L’agent a tenu compte de l’argument du demandeur principal selon lequel il est engagé dans sa collectivité, mais il a déclaré qu’aucun autre élément de preuve n’avait été soumis, hormis une lettre émanant d’un ami à Windsor.

 

[10]           En ce qui concerne l’intérêt supérieur des deux enfants nés au Canada des demandeurs, l’agent a souligné que ceux‑ci ont des parents au Canada, mais il a déclaré que les renseignements ne démontraient pas que les enfants avaient développé une relation à ce point particulière avec l’un ou l’autre de ces parents au Canada qu’un préjudice serait occasionné par une séparation. L’agent a également convenu que les enfants n’étaient pas encore d’âge scolaire et que les renseignements ne faisaient pas état qu’ils subiraient un préjudice sur le plan physique ou sur le plan émotif s’ils s’en allaient avec leurs parents au Pakistan.

 

[11]           Enfin, l’agent a souligné que, si on se fiait au passé, les demandeurs avaient démontré qu’ils étaient capables de s’adapter à de nouveaux endroits. L’agent a également déclaré que le retour au Pakistan était faisable et que les compétences acquises par les membres de la famille au Canada étaient exportables.

 

[12]           En refusant la demande, l’agent a conclu ce qui suit :

[Traduction]

 

J’ai examiné les facteurs individuellement et collectivement. Toutefois, l’idée que ceux‑ci quitteraient le Canada ainsi que les amis et la famille qu’ils ont ici est bouleversante, la difficulté que pose le fait d’avoir à présenter une demande à l’étranger n’est pas, selon moi, inhabituelle, injustifiée ou excessive et n’est pas prévue dans la loi.

 

 

III. Les questions en litige

 

[13]           Les demandeurs ont soumis les questions suivantes :

a.       L’agent a‑t‑il commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des droits des enfants directement touchés, comme l’exige l’article 25 de la Loi et la décision rendue par la Cour suprême dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817?

b.      L’agent a‑t‑il commis une erreur de droit en n’appliquant pas le critère approprié pour déterminer s’il existait des considérations humanitaires justifiant l’octroi du statut de résident permanent en application de l’article 25 de la Loi?

c.       L’agent a‑t‑il violé les principes de l’équité procédurale en ne fournissant pas aux demandeurs des motifs suffisants justifiant sa décision?

d.      L’agent a‑t‑il commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des risques auxquels les demandeurs seraient confrontés s’ils étaient renvoyés dans le pays de leur nationalité?

 

[14]           Je reformulerais comme suit les questions en litige :

a.       Quelle est la norme de contrôle applicable?

b.      L’agent a‑t‑il commis une erreur dans le cadre de son examen de l’intérêt supérieur des enfants?

c.       L’agent a‑t‑il commis une erreur dans le cadre de son examen des risques auxquels les demandeurs seraient exposés s’ils retournaient au Pakistan?

d.      L’agent a‑t‑il manqué à l’équité procédurale en ne fournissant pas de motifs suffisants justifiant sa décision?

e.       L’agent a‑t‑il commis une erreur dans le cadre de son examen de la protection que le Pakistan peut offrir aux demandeurs?

 

IV. Les arguments des demandeurs

 

[15]           Les demandeurs ont prétendu que l’agent n’a pas dûment tenu compte des droits des enfants directement touchés. Ils ont prétendu que l’agent a bel et bien tenu compte de l’intérêt supérieur des enfants, mais que son examen fut tout à fait inadéquat. Les demandeurs ont prétendu que l’agent n’a pas du tout tenu compte de l’effet de la situation socio-politique qui a cours au Pakistan. Les demandeurs conviennent que l’intérêt supérieur des enfants n’est pas déterminant, mais ils ont prétendu que c’est une erreur de droit que de ne pas en tenir suffisamment compte. Le décideur doit être réceptif, attentif et sensible aux droits des enfants, particulièrement lorsque ces enfants sont canadiens (Kimotho c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1004). Les demandeurs ont de plus prétendu que l’agent était tenu d’obtenir d’autres renseignements concernant l’intérêt supérieur des enfants canadiens (Del Cid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. no 416).

 

[16]           Les demandeurs ont prétendu que l’agent a commis une erreur de droit en n’appliquant pas le critère juridique approprié pour déterminer si les demandeurs seraient exposés à des risques s’ils retournaient au Pakistan. Ils ont prétendu que l’agent a appliqué le critère le plus exigeant quant aux risques aux termes des articles 96 et 97 de la Loi et qu’il s’agissait là d’une erreur susceptible de révision (Melchor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 1600). Les demandeurs ont de plus prétendu qu’il n’était pas nécessaire que l’agent procède à une analyse de la protection de l’État car il est question de cette analyse aux articles 96 et 97 et non pas à l’article 25 de la Loi.

 

[17]           Les demandeurs ont également prétendu que l’agent avait manqué à l’équité procédurale en ne fournissant pas aux demandeurs des motifs appropriés justifiant sa décision. Les demandeurs ont prétendu que les motifs fournis par l’agent ne donnaient pas vraiment d’explications quant au raisonnement du décideur. Des motifs sont inadéquats lorsqu’ils consistent en un résumé des faits, puis énoncent une conclusion sans qu’aucune analyse n’ait été faite (Adu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 693).

 

[18]           Enfin, les demandeurs ont prétendu que l’agent n’a procédé à aucune analyse contextuelle de la protection de l’État et n’a donc pas examiné la capacité réelle du Pakistan à protéger ses citoyens. Les demandeurs ont prétendu que la jurisprudence mentionne de façon assez précise que la protection offerte par un état, même un état démocratique, doit être efficace et réelle, et non pas seulement théorique.

 

V. Les prétentions du défendeur

 

[19]           Le défendeur a prétendu que, dans le cadre des demandes CH, il incombe aux demandeurs de démontrer qu’ils subiraient des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’ils devaient présenter une demande de résidence permanente à l’extérieur du Canada (Arumugam cCanada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no 1360; Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 94). Le défendeur a également prétendu que, pour contester avec succès une décision défavorable, le demandeur doit établir que le décideur a commis une erreur de droit, a agi de mauvaise foi, ou a appliqué un mauvais principe (Tartchinska c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 373 (1re inst.); Baker, susmentionné; Bandzar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 772 (1re inst.); Ogunfowora c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 456 (1re inst.)). En ce qui concerne la norme de contrôle applicable, le défendeur a prétendu que les décisions CH sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Par conséquent, si la décision contestée est fondée sur des motifs qui sont capables de résister à un examen assez poussé, la Cour n’est pas habilitée à modifier cette décision.

 

[20]           Le défendeur a prétendu que l’agent a pris en compte l’intérêt supérieur des enfants de façon adéquate. Le défendeur a prétendu que, compte tenu de l’insuffisance de la preuve fournie par les demandeurs quant à l’intérêt supérieur de leurs enfants, la décision de l’agent était raisonnable. Si les demandeurs n’ont pas suffisamment insisté sur l’incidence du renvoi sur leurs enfants, l’agent n’est pas tenu d’en tenir compte (Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38). En outre, l’agent n’est pas tenu d’examiner des faits que les demandeurs ne soulèvent pas ou de remédier aux lacunes figurant dans les prétentions des demandeurs (Gallardo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 45; Baisie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 953). Le défendeur a prétendu que, compte tenu de l’insuffisance des renseignements et des documents fournis par les demandeurs quant à la question de l’intérêt supérieur des enfants, l’appréciation de l’agent a été adéquate.

 

[21]           En ce qui concerne le risque auquel les demandeurs seraient exposés, le défendeur a prétendu que, là encore, il incombe aux demandeurs de soulever le facteur des risques et de prouver le bien‑fondé de leur argument. L’agent doit trancher la question au vu de la preuve qui lui est soumise car il n’y a aucune obligation de chercher d’autres éléments de preuve (Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 1134). Le défendeur a prétendu que l’agent a tenu compte de la preuve documentaire concernant le Pakistan, particulièrement de la situation politique et qu’il a conclu que les demandeurs pouvaient bénéficier d’une protection de l’État adéquate. L’agent a également raisonnablement conclu que rien dans la preuve n’indiquait que le MQM-H constituait toujours un danger pour le demandeur principal car il a quitté le Pakistan en 1998 et n’a fourni aucune preuve qu’il existait toujours une menace. En ce qui concerne la situation des femmes au Pakistan, l’agent a tenu compte d’améliorations dans le droit et, une fois de plus, il a conclu qu’aucune preuve n’étayait la prétention que les demandeurs risquaient toujours d’être victimes d’un préjudice de la part de leur famille. Le défendeur a prétendu que les conclusions de l’agent quant à la prétendue crainte des demandeurs étaient raisonnables compte tenu que les demandeurs n’ont présenté aucune preuve à l’appui de leur prétention.

 

VI. La réponse des demandeurs

 

[22]           Les demandeurs ont répondu que le fait que les enfants en question possèdent peut‑être également la citoyenneté pakistanaise ne devrait avoir aucune influence sur le présent contrôle judiciaire car ils sont d’abord et avant tout des citoyens canadiens. Les demandeurs ont également répondu aux prétentions du défendeur quant à la norme de contrôle applicable. Les demandeurs ont prétendu que la norme de contrôle applicable aux questions de droit est la norme de la décision correcte alors que l’ensemble des décisions rendues par les agents d’immigration sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S 982).

 

VII. L’analyse et la décision

 

A.  La première question en litige

            (1) Quelle est la norme de contrôle applicable?

 

[23]           Les conclusions de l’agent quant à l’intérêt supérieur des enfants directement touchés par la décision sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Baker, susmentionné). Les conclusions de l’agent quant à savoir si les demandeurs seraient exposés au Pakistan à des risques à ce point importants qu’ils causeraient des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives et quant à savoir si l’État pouvait les protéger sont également susceptibles de contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable. Le caractère adéquat des motifs de l’agent est une question d’équité procédurale et elle est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (C.U.P.E. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539.

B.  La deuxième question en litige

(2) L’agent a‑t‑il commis une erreur dans le cadre de son examen de l’intérêt supérieur des enfants?

 

[24]           Les demandeurs ont prétendu que l’appréciation faite par l’agent de l’intérêt supérieur des enfants a été insuffisante et incomplète et que l’agent aurait dû demander aux demandeurs de fournir plus de renseignements. La partie pertinente de la décision de l’agent est ainsi libellée :

[Traduction]

 

Le demandeur prétend qu’il serait dans le meilleur intérêt des enfants nés au Canada de rester au Canada. Je relève que les enfants ont des parents au Canada mais les renseignements dont je suis saisi ne démontrent pas que les enfants ont développé une relation à ce point particulière avec l’un ou l’autre des parents qu’ils subiraient un préjudice si elle était brisée. Les enfants ne sont pas encore d’âge scolaire. Les renseignements dont je suis saisi ne font pas état qu’ils subiraient un préjudice physique ou émotionnel s’ils partaient pour le Pakistan avec leurs parents.

 

 

[25]           En ce qui concerne la prétention des demandeurs selon laquelle, si on se fie au raisonnement exposé dans la décision Del Cid, susmentionnée, l’agent aurait dû demander des renseignements supplémentaires, je crois que l’affaire en instance se distingue de cette cause. Dans Del Cid, susmentionnée, l’agent a conclu que les renseignements soumis par les demandeurs étaient insuffisants pour que l’on puisse apprécier l’intérêt supérieur des enfants (Del Cid, susmentionnée, au paragraphe 30). On ne peut pas dire la même chose en ce qui a trait à la décision dont la Cour est saisie; l’agent en l’espèce n’a tiré aucune conclusion en ce sens.

 

[26]           Les demandeurs n’ont pas réussi à me convaincre de la véracité de leur prétention selon laquelle l’agent a commis une erreur en n’examinant pas si la situation socio-politique au Pakistan causerait un préjudice aux enfants. Premièrement, l’agent a bel et bien tenu compte de la situation socio‑politique au Pakistan et, deuxièmement, les demandeurs n’ont présenté aucun élément de preuve établissant que, compte tenu de la situation socio‑politique au Pakistan, les enfants seraient exposés à un risque particulier. Enfin, en ce qui concerne le caractère adéquat de l’appréciation faite par l’agent de l’intérêt supérieur des enfants, je suis convaincu qu’elle était adéquate. L’agent a manifestement tenu compte de l’ensemble de la preuve au dossier et il a tiré une conclusion raisonnable. Je suis d’avis de ne pas accueillir la demande de contrôle judiciaire fondée sur ce motif.

 

C.  La troisième question en litige

               (3) L’agent a‑t‑il commis une erreur dans le cadre de son examen des risques auxquels les demandeurs seraient exposés s’ils retournaient au Pakistan?

 

[27]           Les demandeurs ont prétendu que l’agent a commis une erreur de droit lorsqu’il a appliqué le critère le plus exigeant quant aux risques aux termes des articles 96 et 97 de la Loi. À mon avis, cet argument est sans fondement. Lorsqu’il a apprécié les risques auxquels les demandeurs seraient exposés s’ils retournaient au Pakistan, l’agent a déclaré ce qui suit : [Traduction] « La preuve n’étaye pas l’allégation que les demandeurs seraient exposés, au Pakistan, à des risques à ce point importants que ceux‑ci constitueraient une difficulté inhabituelle, injustifiée ou excessive ». Il ressort clairement de cette déclaration que l’agent a appliqué la norme appropriée en ce qui a trait à l’analyse prévue à l’article 25. Je suis d’avis de ne pas accueillir la demande de contrôle judiciaire fondée sur ce motif.

 

D.  La quatrième question en litige

              (4) L’agent a‑t‑il manqué à l’équité procédurale en ne fournissant pas de motifs suffisants justifiant sa décision?

 

[28]           Les demandeurs ont fait valoir que les motifs de l’agent étaient insuffisants car celui‑ci n’a tout simplement fait état que de la preuve, puis il a rendu une décision sans fournir aucune précision quant à l’analyse qu’il avait faite. En formulant cette prétention, les demandeurs ont invoqué la décision Adu, susmentionnée. J’accepte le principe formulé dans Adu, susmentionnée, que les demandeurs ont mentionné. Je ne souscris pas à l’opinion selon laquelle les motifs en l’espèce peuvent être comparés aux motifs formulés par le décideur dans Adu, susmentionnée. L’agent a commencé sa décision en résumant les prétentions des demandeurs, mais il a ensuite créé une partie intitulée « Raisonnement » dans laquelle il a fait état de son analyse de la preuve.

 

[29]           Par exemple, en ce qui concerne les risques posés par la famille des demandeurs, l’agent s’est manifestement insurgé contre l’insuffisance de la preuve présentée par les demandeurs quant aux menaces qu’ils auraient reçues de la part de leur famille depuis qu’ils sont arrivés au Canada et quant à la raison pour laquelle ils craignent toujours d’être persécutés par celle‑ci. En outre, l’agent a également conclu que rien dans la preuve n’étayait la prétention que les demandeurs seraient ciblés par le MQM-H. En ce qui concerne l’intérêt supérieur des enfants, l’agent a reconnu que ceux‑ci avaient des parents au Canada, mais il a conclu que les renseignements n’indiquaient pas qu’ils subiraient un préjudice physique ou moral s’ils s’en allaient au Pakistan avec leurs parents. Selon moi, il ressort clairement des motifs formulés que l’agent a rendu une décision défavorable parce que les demandeurs n’ont pas produit suffisamment d’éléments de preuve convaincants. Il incombe aux demandeurs de produire suffisamment d’éléments de preuve pour convaincre l’agent qu’il est justifié d’accorder une exemption en vertu de la Loi. Je suis convaincu que les motifs fournis étaient suffisants et je suis donc d’avis, pour ce motif, de ne pas accueillir la demande de contrôle judiciaire.

 

E.  La cinquième question en litige

(5)   L’agent a‑t‑il commis une erreur dans le cadre de son examen de la protection que le Pakistan peut offrir aux demandeurs?

 

[30]           Les demandeurs ont prétendu que l’agent a commis une erreur lorsqu’il a examiné la question de la protection de l’État et lorsqu’il a conclu que les demandeurs bénéficieraient d’une protection de l’État adéquate au Pakistan. Selon moi, les demandeurs ont mal compris l’examen fait par l’agent quant à la situation actuelle au Pakistan. L’agent a examiné la preuve documentaire afin de savoir si les demandeurs seraient exposés à des risques à ce point importants qu’ils subiraient des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’ils retournaient au Pakistan et demandaient la résidence permanente. Cela n’est pas la même chose qu’une conclusion sur la protection de l’État dans une affaire de réfugié. Je ne relève rien de déraisonnable dans l’examen effectué par l’agent sur la situation au Pakistan. Je suis d’avis de ne pas accueillir la demande de contrôle judiciaire fondée sur ce motif.

 

[31]           La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

 

[32]           Aucune des parties n’a souhaité me soumettre une question grave de portée générale à certifier.

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.


ANNEXE

 

Les dispositions législatives pertinentes

 

Les dispositions législatives pertinentes sont énoncées dans la présente partie.

 

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) :

 

 

25.(1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — ou l’intérêt public le justifient.

25.(1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister’s own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4508-07

 

INTITULÉ :                                       SYED FAHAD RAZZAK et

                                                            SHAZIA IDREES

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 14 mai 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 25 juin 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Wennie Lee

 

POUR LES DEMANDEURS

Leanne Briscoe

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lee & Company

North York (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général  du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.