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Date : 20080710

Dossier : T-1286-07

Référence : 2008 CF 860

Ottawa (Ontario), le 10 juillet 2008

En présence de monsieur le juge Orville Frenette

 

 

ENTRE :

AHMED BASEM ABDEL RAHMAN

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, Ahmed Basem Abdel Rahman (le demandeur), interjette appel, conformément au paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29 (la Loi) et à l’article 21 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, de la décision, rendue le 8 juin 2008 en vertu du paragraphe 14(3) de la Loi, par laquelle une juge de la citoyenneté a rejeté sa demande de citoyenneté.

 

I. Contexte

 

[2]               Le demandeur, citoyen égyptien, a obtenu la résidence permanente au Canada le 18 juillet 2001. Il a présenté une demande de citoyenneté le 15 août 2004. La période dont il faut tenir compte pour déterminer la présence effective au Canada va donc du 15 août 2000 au 15 août 2004 (la période).

 

[3]               Cependant, dans ses observations à la juge de la citoyenneté, le demandeur n’a pas indiqué s’il était effectivement présent au Canada durant la partie de la période précédant la date à laquelle il a obtenu la résidence permanente. Ses observations se rapportaient seulement aux 1 123 jours suivant la date à laquelle il a obtenu la résidence permanente. Pendant ce temps, le demandeur était absent 29 jours, ce qui veut dire qu’il était présent 1 094 jours. Il lui manque un des 1 095 jours imposés par l’alinéa 5(1)c) de la Loi.

 

[4]               Malheureusement pour le demandeur, il a fait une erreur arithmétique lorsqu’il a préparé sa demande de citoyenneté et il croyait à tort qu’il avait accumulé les 1 095 jours de présence effective requis. Si le demandeur avait attendu un jour de plus avant de déposer sa demande de citoyenneté, il aurait accumulé le nombre requis de jours de présence effective.

 

[5]               Le formulaire de demande de citoyenneté indique bel et bien qu’une demi-journée « pour chaque journée où vous avez vécu au Canada avant d’avoir obtenu le statut de résident permanent » durant la période compte aux fins du critère de la résidence. Les deux questions suivantes figurent à la partie 7 du formulaire :

a)   Date à laquelle vous êtes devenu(e) résident(e) permanent(e)?

b)   Quand êtes-vous arrivé(e) au Canada pour y habiter, si différent de a)?

 

[6]               Un Questionnaire sur la résidence a été envoyé au demandeur le 28 juin 2006. Selon les consignes du Questionnaire sur la résidence, le demandeur devait remplir le questionnaire « de façon détaillée » et « fournir tout document pouvant confirmer [ses] déclarations ».  Le Questionnaire sur la résidence indiquait que :

La notion de résidence est liée à la qualité des liens que vous avez établis avec le Canada […] C’est à vous de convaincre le juge que vous répondez à toutes les exigences de la Loi sur la citoyenneté et des Règlements.

 

 

[7]               Le Questionnaire sur la résidence demandait au demandeur d’indiquer en détail tous ses « voyages à l’étranger depuis [son] arrivée au Canada ». Le demandeur a énuméré ses absences qui ont suivi la date à laquelle il a obtenu sa résidence permanente, mais il n’a pas indiqué s’il avait habité au Canada avant cette date.

 

[8]               Le demandeur a également répondu aux autres questions figurant au Questionnaire sur la résidence et déposé des documents, y compris des photocopies de son passeport.

 

[9]               Le 5 juin 2007, le demandeur s’est présenté à une audience devant la juge de la citoyenneté. Le demandeur soutient qu’il a répondu aux questions de la juge de la citoyenneté, mais qu’il n’a pas eu l’occasion de présenter des observations ou de fournir des explications sur des sujets autres que ceux sur lesquels la juge de la citoyenneté l’interrogeait. Le demandeur soutient, de plus, que la juge ne l’a à aucun moment informé qu’il lui manquait un jour de présence effective ni ne l’a interrogé relativement au temps qu’il aurait passé à l’extérieur du Canada avant la date à laquelle il a obtenu sa résidence permanente.   

 

[10]           Dans sa décision, la juge de la citoyenneté a conclu que le demandeur avait été présent pendant seulement 1 094 jours. Elle a ensuite appliqué le critère établi par la juge Barbara Reed dans Re Koo, [1993] 1 C.F. 286, 59 F.T.R. 27 (1re inst.). Après avoir examine les six questions du critère, elle a conclu que, [traduction]  « [s]uivant la prépondérance de la preuve, je conclus que vous n’avez pas centralisé votre mode d’existence au Canada ».

 

II. Loi applicable

 

[11]           Voici le texte du paragraphe 5(1) de la Loi :

Attribution de la citoyenneté

 

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

a) en fait la demande;

 

 

b) est âgée d’au moins dix‑huit ans;

 

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

 

 

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

 

 

 

 

 

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

 

 

 

 

 

 

d) a une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada;

 

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

 

f) n’est pas sous le coup d’une mesure de renvoi et n’est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l’article 20.

 

Grant of citizenship

 

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

 

 

(a) makes application for citizenship;

 

(b) is eighteen years of age or over;

 

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

 

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

 

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

 

 

(d) has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada;

 

 

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

 

(f) is not under a removal order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20.

 

 

 

III. Analyse

 

i)          L’argument concernant l’année bissextile

[12]           Le demandeur soutient qu’il a été présent pendant les 1 095 jours requis. Toutefois, selon les calculs effectués par la juge de la citoyenneté, le demandeur était effectivement présent pendant 1 094 jours parce que le jour bissextil, soit le 29 février 2004, ne comptait pas à titre de jour de présence effective.  

 

[13]           Le défendeur conteste cet argument au motif qu’il n’a pas été soulevé dans les actes de procédure. Étant donné qu’il s’agit d’un argument textuel, j’estime qu’il a été présenté comme il faut.

 

[14]           Le défendeur soutient également que le raisonnement du demandeur est erroné, car l’alinéa 5(1)c) de la Loi fait référence aux « ans ». Je suis d’accord. Pour remplir les conditions imposées par la Loi, le demandeur doit démontrer qu’il était effectivement présent au Canada pendant trois ans, et non pendant 1 095 jours. Trois ans n’équivalent à 1 095 jours que si les jours bissextils ne sont pas inclus dans le calcul. À titre d’exemple, une personne présente au Canada du 1er mars 2001 au 29 février 2004 serait présente pendant 1 095 jours si le jour bissextil était inclus dans le calcul, mais il lui manquerait tout de même un jour pour accumuler les trois ans de présence effective.  

 

[15]           Le défendeur détermine si les trois années requises par la loi sont accumulées en comptant les jours de présence effective, à l’exception des jours bissextils. Selon le défendeur, les conditions imposées par l’alinéa 5(1)c) sont remplies lorsque le demandeur accumule 1 095 jours (à l’exception des jours bissextils) de présence effective. Le défendeur explique la méthode de calcul sur le site Web de Citoyenneté et Immigration Canada. Le demandeur n’a aucunement fait valoir pourquoi cette méthode va à l’encontre de la Loi.  

 

[16]           Il y a également lieu de souligner que le demandeur n’a lui-même pas compté le jour bissextil dans les calculs initiaux de sa présence effective au Canada. Dans sa demande initiale, le demandeur a déclaré 1 123 jours de résidence et 28 jours d’absence, ce qui donne 1 095 jours de présence effective. Si le demandeur avait compté le 29 février 2004 et bien calculé ses absences, il aurait déclaré 1 124 jours de résidence et 29 jours d’absence, ce qui donne 1 095 jours de présence effective. Rien au dossier n’indique que le demandeur souhaitait que la juge de la citoyenneté compte le jour bissextil dans le calcul du nombre de jours de présence effective au Canada.  

 

ii)         L’équité procédurale

[17]           Le demandeur soutient également que la juge de la citoyenneté a manqué à son obligation d’équité procédurale en n’informant pas le demandeur qu’il n’avait pas accumulé le nombre de jours req1uis et que l’audience était tenue afin de déterminer si le demandeur avait des liens suffisants avec le Canada, conformément au critère établi dans la décision Koo. Les questions d’équité procédurale sont assujetties à la norme de la décision correcte.

 

[18]           Dans Stine c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 173 F.T.R. 298, 2 Imm. L.R. (3d) 280, au paragraphe 8, le juge Pelletier a statué que, dans une affaire de citoyenneté, le juge de la citoyenneté a l’obligation de faire part  de ses réserves au demandeur. Cependant, selon d’autres décisions, la charge de fournir des renseignements ou des éléments de preuve à l’appui d’une demande incombe au demandeur, et le juge de la citoyenneté n’a aucune obligation de faire part de quelque réserve que ce soit ou de demander au demandeur des preuves appuyant la demande. Le juge de la citoyenneté n’est pas tenu de mener une enquête ou une entrevue pour obtenir des renseignements (voir, par exemple, Poon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 232, 202 F.T.R. 45; So c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 733, 107 A.C.W.S. (3d) 736).

 

[19]           Le demandeur a eu plusieurs occasions – y compris dans le formulaire de demande et le Questionnaire sur la résidence – de produire la preuve de sa présence effective au Canada avant l’obtention du statut de résident permanent. De même, le demandeur a eu l’occasion – et il en a profité – de déposer de la preuve ainsi que fournir des renseignements complémentaires concernant ses liens avec le Canada. Le demandeur connaissait le critère à remplir ainsi que les éléments de preuve qu’il lui fallait produire à l’appui de sa demande.

 

[20]           En outre, je ne suis pas convaincu qu’une occasion additionnelle aurait change quoi que ce soit. Le demandeur déclare, dans les observations écrites qu’il a présentées devant moi, avoir été au Canada à [traduction] « maintes reprises » avant de devenir résident permanent, mais il ne donne aucune date en particulier ni ne produit de la preuve pour appuyer cette vague déclaration.  

 

[21]           L’obligation d’équité procédurale a été satisfaite en l’espèce par le formulaire de demande, le Questionnaire sur la résidence et l’entrevue menée par la juge de la citoyenneté. De plus, la juge de la citoyenneté a consciencieusement examiné les conditions du critère établi dans Koo. Pour ces motifs, je conclu que la décision ne comporte aucune erreur susceptible de contrôle.

 


JUGEMENT

APRÈS avoir examiné les documents déposés et avoir entendu, le mercredi 11 juin 2008, à Toronto, les observations des avocats des deux parties;

 

LA COUR STATUE que, pour les motifs qui précèdent, la demande est par la présente rejetée sans dépens.

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1286-07

 

INTITULÉ :                                       AHMED BASEM ABDEL RAHMAN c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 11 juin 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge suppléant Frenette

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 10 juillet 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Waikwa Wanyoike

 

POUR LE DEMANDEUR

Rick Tang

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waikwa Wanyoike

Avocat

281, avenue Eglinton Est

Toronto (Ontario)  M4P 1L3

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

                                                                                   

 

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