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Date : 20080826

Dossier : T-1248-07

Référence : 2008 CF 968

Toronto (Ontario), le 26 août 2008

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

ANTHONY MOODIE

demandeur

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA représentée par le

 MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

 

défenderesse

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               M. Moodie, un ancien mécanicien d’entretien des Forces armées canadiennes, a introduit une action en dommages-intérêts contre Sa Majesté, représentée par le ministre de la Défense nationale, en raison du traitement qu’il a subi en tant que membre des Forces. Il réclame des dommages-intérêts sous un certain nombre de rubriques distinctes, notamment : la perte de réputation et la diffamation, la souffrance morale infligée, la négligence et le manquement à l’obligation fiduciaire. Cependant, il réclame aussi expressément à titre de dommages-intérêts une somme de 500 000 $ pour une prétendue atteinte au droit à la sécurité de sa personne garanti par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, et une somme additionnelle de 1 000 000 $ pour une prétendue atteinte aux droits à l’égalité qui lui sont garantis par l’article 15 de la Charte.

 

[2]               La protonotaire Milczynski a accueilli la requête présentée par la défenderesse visant l’obtention d’une ordonnance radiant l’action dans son ensemble pour absence de compétence. Elle a conclu que l’article 29 de la Loi sur la défense nationale et les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes constituaient un régime législatif complet et exclusif pour le règlement des conflits liés au service entre les membres des Forces armées canadiennes et Sa Majesté. Lorsque la protonotaire Milczynski a rendu sa décision, il y avait au moins six griefs en attente d’une conclusion définitive. Elle s’est plus particulièrement fondée sur la décision Sandiford c. Canada, 2007 CF 225, 309 F.T.R. 233, dans laquelle la juge Layden‑Stevenson a affirmé qu’il était nécessaire d’épuiser tous les recours du régime de règlement des griefs prévu par la loi avant d’introduire une action.

 

[3]               M. Moodie a demandé à son avocat d’interjeter appel de l’ordonnance de la protonotaire Milczynski. Son avocat a tenté de déposer un avis d’appel auprès de la Cour d’appel fédérale dans les 30 jours suivant l’ordonnance. Cette façon de procéder aurait été appropriée si l’ordonnance de rejet avait été rendue par un juge (article 27 de la Loi sur les Cours fédérales). Cependant, il existe une règle particulière qui s’applique aux appels interjetés à l’égard d’ordonnances rendues par des protonotaires. L’article 51 des Règles des Cours fédérales prévoit qu’un appel peut être interjeté dans les dix jours suivant l’ordonnance par le dépôt d’une requête auprès d’un juge de la Cour fédérale. Par conséquent, l’avis d’appel était vicié à la fois à l’égard de la Cour auprès de laquelle il avait été déposé et du délai dans lequel il avait été déposé.

 

[4]               M. Moodie demande maintenant une ordonnance prorogeant le délai dans lequel il peut déposer son appel auprès de la Cour. Sa Majesté s’oppose à cette demande.

 

[5]               La raison pour laquelle la requête n’a pas été déposée dans le délai prévu est claire. L’avocat de M. Moodie n’a pas tenu compte de l’article 51 des Règles.

 

[6]               L’article 8 des Règles des Cours fédérales prévoit que la Cour peut proroger un délai avant ou après l’expiration du délai. Le pouvoir discrétionnaire de la Cour repose en grande partie sur les faits. Selon des arrêts tels que Canada (Procureur général) c. Hennelly (1999), 244 N.R. 399 (C.A.F.), et Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, (2007) 359 N.R. 156, il faut se demander : a) s’il y a une intention constante de poursuivre l’appel; b) s’il y a une cause défendable; c) s’il y a une explication raisonnable pour le retard; et d) si la prorogation du délai causerait un préjudice à l’autre partie.

 

[7]               Toutefois, le critère fondamental applicable est de savoir si la prorogation du délai est nécessaire pour que justice soit faite entre les parties (Grewal c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] 2 C.F. 263 (C.A.F.)).

 

[8]               Je ne crois pas que la prorogation du délai causerait un préjudice à l’une ou l’autre des parties. La protonotaire Milczynski a conclu :

[traduction] La déclaration est radiée et l’action est rejetée sans qu’il soit porté atteinte au droit du demandeur d’introduire une autre action en dommages-intérêts après le règlement complet et définitif de ses griefs, y compris de toute autre question faisant l’objet à juste titre de la procédure de règlement des griefs.

 

[9]               Compte tenu de l’arrêt récent Canada c. Bernath, 2007 CAF 400, 290 D.L.R. (4th) 357, rendu par la Cour d’appel fédérale, il est raisonnablement possible d’affirmer que, malgré la règle générale selon laquelle on ne peut présenter une demande de contrôle judiciaire sans avoir au préalable épuisé les recours de la procédure de règlement des griefs prévue par la loi applicable, et selon laquelle on ne peut présenter une réclamation en dommages-intérêts sans avoir tout au moins demandé le contrôle judiciaire de la décision définitive de l’office fédéral (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Hinton, 2008 CAF 215), rien dans la procédure de règlement des griefs susmentionnée ne permet d’accorder une réparation pécuniaire à un membre des Forces canadiennes alléguant qu’il y a eu atteinte aux droits qui lui sont garantis par la Charte. Il est donc possible de soutenir qu’une personne n’a pas à attendre une réparation qui ne peut lui être accordée.

 

[10]           Il se peut sur ce fondement qu’au moins certains des paragraphes de la déclaration modifiée auraient pu survivre à la requête en radiation.

 

[11]           Compte tenu du court délai et pour ces motifs, j’accorde la prorogation.


ORDONNANCE

 

            VU LA REQUÊTE présentée par écrit en application des paragraphes 8(1) et 369(1) des Règles des Cours fédérales, visant l’obtention d’une ordonnance prorogeant le délai prévu pour le dépôt d’un avis de requête interjetant appel de l’ordonnance du 27 mai 2008 dans laquelle la protonotaire Milczynski a radié la déclaration et rejeté l’action;

 

            LA COUR ORDONNE que la requête soit accueillie sans frais.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Isabelle D’Souza, LL.B., M.A.Trad.jur.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1248-07

 

INTITULÉ :                                       ANTHONY MOODIE c. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA représentée par le MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

 

 

REQUÊTE EXAMINÉE À TORONTO (ONTARIO) CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             LE 26 AOÛT 2008

 

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Charles C. Roach

 

POUR LE DEMANDEUR

Michelle Ratpan

Jacqueline Dais-Visca

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Roach, Schwartz & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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