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Date : 20080828

Dossier : IMM‑1146‑08

Référence : 2008 CF 977

Ottawa (Ontario), le 28 août 2008

En présence de madame la juge Dawson

 

ENTRE :

 

SANTIAGO COSME MONTEMAYOR ROMERO

MARIA SUSANA DE LA ROSA GOMEZ

MOISES MONTEMAYOR DE LA ROSA

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée parce que les demandeurs n’ont pas établi qu’il était déraisonnable pour la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (SPR) de conclure qu’une protection de l’État adéquate existait pour eux au Mexique.

 

Le contexte

[2]        Santiago Cosme Montemayor Romero, son épouse, Maria Susana De La Rosa Gomez, et leur fils, Moises Montemayor De La Rosa, sont citoyens du Mexique. M. Montemayor et sa famille demande la protection contre une personne (la personne) qui, soutiennent‑ils, est un homme d’affaires puissant qui a de l’influence dans le Parti de l’action nationale qui dirige le pays. M. Montemayor déclare que cette personne et ses associés l’ont menacé et ont menacé sa famille.

 

[3]        Le 28 novembre 2003, M. Montemayor a dénoncé cette personne auprès du ministère public du Bureau du procureur général (le ministère public), pour fraude et menace que cette personne aurait commises.

 

[4]        M. Montemayor a continué de recevoir des menaces de cette personne et de ses associés.

 

[5]        La dénonciation présentée au ministère public a entraîné la tenue d’un processus de conciliation, qui a été infructueux, et finalement, le conflit a été renvoyé à la Cour.

 

[6]        M. Montemayor déclare que, après que sa plainte ait été renvoyée à la Cour, les menaces de la personne et de ses associés ont augmenté. Le 19 février 2006, on a tenté, sans succès, d’entrer par effraction dans la maison de M. Montemayor. Les intrus ont laissé derrière eux une note de menaces. Le 3 mars 2006, des pierres ont été lancées sur la maison de M. Montemayor et ce dernier a reçu un appel téléphonique menaçant. Le 6 mars 2006, M. Montemayor a reçu un autre appel de menaces, dans lequel on déclarait qu’« on » connaissait la routine de son épouse et de son fils. M. Montemayor et sa famille ont immédiatement quitté leur maison pour aller habiter avec des amis. Peu de temps après, ils ont quitté le Mexique pour se rendre au Canada, où ils ont présenté une demande d’asile.

 

La décision de la SPR

[7]        À l’appui de sa conclusion selon laquelle M. Montemayor n’a pas fourni une preuve claire et convaincante de l’incapacité ou de la réticence du Mexique à lui offrir une protection, la SPR a tiré un certain nombre de conclusions :

 

·        Premièrement, la SPR a conclu que le ministère public a déployé des efforts afin de résoudre la plainte de M. Montemayor. La SPR a noté que les parties avaient participé au processus de conciliation, et lorsque ce processus a échoué, l’affaire a été renvoyée à la Cour pour que celle‑ci rende une décision.

 

·        Deuxièmement, la SPR a conclu que, après avoir reçu des menaces de la personne et de ses associés, M. Montemayor n’a aucunement tenté d’obtenir la protection des policiers ou de toute autre autorité de l’État.

 

·        Troisièmement, la SPR a conclu que M. Montemayor avait choisi de quitter le Mexique et de demander la protection du Canada avant que son conflit avec la personne soit tranché par la Cour.

 

·        Quatrièmement, la SPR a conclu qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que M. Montemayor demande la protection d’organisations de l’État au Mexique, y compris la commission des droits de la personne (la commission), l’Agence fédérale d’enquêtes et le Secrétariat de la fonction publique, avant de demander la protection internationale.

 

[8]        La SPR a aussi examiné la preuve documentaire. Elle a fait les observations suivantes :

 

·        Bien qu’elle ait reconnu qu’il existait toujours des problèmes au Mexique en ce qui a trait au crime, elle n’était pas persuadée que M. Montemayor n’aurait pas été protégé de la personne et de ses associés.

 

·        La SPR a aussi reconnu que la corruption était un problème continu au Mexique, mais elle a noté que la preuve documentaire indiquait que le Mexique avait adopté des lois sévères contre la corruption et les pots‑de‑vin.

 

·        Compte tenu de toute la preuve, la SPR a conclu que M. Montemayor et sa famille pouvaient se prévaloir d’une protection adéquate au Mexique, même si elle n’était pas nécessairement parfaite.

 

Les erreurs alléguées

[9]        Les demandeurs soutiennent que la SPR a commis trois erreurs :

 

1.         La SPR a mal évalué la preuve au sujet de la nature de la protection dont les demandeurs pouvaient se prévaloir au Mexique et elle a commis une erreur en se fondant sur le critère portant sur les efforts sérieux, sans tenir compte de l’efficacité de la protection qui était disponible.

 

2.         La SPR n’a pas tenu compte de la preuve au sujet de l’agent de persécution, ni du mandat, de la pertinence et de l’efficacité des organismes de protection de l’État spécifiques.

 

3.         La SPR a commis une erreur en exigeant que les demandeurs épuisent toutes les possibilités de protection, qu’ils demandent l’aide de l’État une fois de plus, même s’ils n’avaient pas reçu de protection la première fois, et qu’ils demandent l’aide de la commission des droits de la personne.

 

La norme de contrôle

[10]      La norme de la décision raisonnable simpliciter est applicable aux conclusions qui portent sur le caractère adéquat de la protection de l’État. Voir : Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2007), 362 N.R. 1, au paragraphe 38 (C.A.F.). À la suite de la décision rendue dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, la Cour a conclu qu’il convient toujours de faire preuve de déférence lorsqu’une conclusion est rendue au sujet de la protection de l’État et que la norme de la décision raisonnable doit être appliquée. Voir, par exemple, Eler c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] A.C.F. no 418, aux paragraphes 6 et 7, et Cervantes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] A.C.F. no 848, au paragraphe 7.

 

 

Application de la norme de contrôle à la décision de la SPR

1.  Principes généraux

[11]      Je commencerai en examinant brièvement les principes sous‑jacents du concept de la protection de l’État. Dans l’arrêt Hinzman, précité, la Cour d’appel fédérale a fait les observations suivantes :

41        L’examen des demandes d’asile des appelants doit avoir comme point de départ la directive énoncée par la Cour suprême du Canada selon laquelle l’asile est censé constituer une forme de protection auxiliaire qui ne doit être invoquée que dans les cas où le demandeur d’asile a tenté en vain d’obtenir la protection de son État d’origine. Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, à la page 709 (Ward), le juge La Forest, s’exprimant au nom de la Cour suprême, a expliqué ce concept comme suit :

Il est utile d’examiner, au départ, la raison d’être du régime international de protection des réfugiés, car cela influe sur l’interprétation des divers termes à l’étude.  Le droit international relatif aux réfugiés a été établi afin de suppléer à la protection qu’on s’attend à ce que l’État fournisse à ses ressortissants.  Il ne devait s’appliquer que si la protection ne pouvait pas être fournie, et même alors, dans certains cas seulement.  La communauté internationale voulait que les personnes persécutées soient tenues de s’adresser à leur État d’origine pour obtenir sa protection avant que la responsabilité d’autres États ne soit engagée. [Non souligné dans l’original.]

[…]

 

43        Dans l’arrêt Ward, la Cour suprême a expliqué à la page 725 que, en droit des réfugiés, il existe une présomption de protection de l’État :

[…] il y a lieu de présumer que les nations sont capables de protéger leurs citoyens.  La sécurité des ressortissants constitue, après tout, l’essence de la souveraineté.  En l’absence d’un effondrement complet de l’appareil étatique, comme celui qui a été reconnu au Liban dans l’arrêt Zalzali, il y a lieu de présumer que l’État est capable de protéger le demandeur.

 

44        La Cour suprême a déclaré que, pour réfuter cette présomption, « il faut confirmer d’une façon claire et convaincante l’incapacité de l’État d’assurer la protection » : Ward, à la page 724.

 

45          Dans l’arrêt Kadenko c. Canada (Solliciteur général) (1996), 143 D.L.R. (4th) 532, à la page 534 (C.A.F.), le juge Décary a donné des précisions sur ce principe et a souligné que, plus un pays est démocratique, plus le demandeur d’asile devra faire d’efforts pour obtenir la protection de son État d’origine :

Lorsque l’État en cause est un état démocratique comme en l’espèce, le revendicateur doit aller plus loin que de simplement démontrer qu’il s’est adressé à certains membres du corps policier et que ses démarches ont été infructueuses. Le fardeau de preuve qui incombe au revendicateur est en quelque sorte directement proportionnel au degré de démocratie atteint chez l’État en cause : plus les institutions de l’État seront démocratiques, plus le revendicateur devra avoir cherché à épuiser les recours qui s’offrent à lui. [Souligné dans l’arrêt Hinzman.]

 

[12]      Récemment, la Cour d’appel fédérale a appliqué ces principes au contrôle d’une décision de la SPR, dans laquelle celle‑ci avait conclu qu’il existait une protection de l’État adéquate au Mexique. Dans Carillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] A.C.F. no 399 la Cour d’appel a écrit :

31      Après avoir reconnu la fréquence de la violence familiale au Mexique, la Commission a recensé les diverses mesures prises par les autorités pour résoudre ce problème (voir les motifs de la décision de la Commission, pages 43 à 49 du cahier d’appel).

32     Elle a ensuite récapitulé le droit régissant la présomption de la protection de l’État. Elle a fait observer que le fait de ne pas assurer localement une exécution efficace des lois ne constitue pas un défaut de protection de l’État. Invoquant les conclusions établies par notre Cour dans l’arrêt Kadenko c. Canada (Solliciteur général) (1996), 143 D.L.R. (4th) 532, autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada refusée le 8 mai 1997, elle a ajouté que « [p]lus les institutions de l’État sont démocratiques, plus la demandeure d’asile devra avoir cherché à épuiser les recours qui s’offrent à elle » (ibid.). Elle a constaté que le Mexique est une nouvelle démocratie et un État de droit (ibid., pages 43 et 44).

33     La Commission a conclu que l’intimée n’avait pas déployé d’efforts soutenus pour obtenir la protection de l’État. Pendant quatre années de prétendus mauvais traitements, elle n’avait eu recours à la police qu’une seule fois (ibid., page 45).

34     En outre, la Commission a conclu, sur le fondement de la preuve produite devant elle, que l’intimée n’avait pas fait d’efforts additionnels pour obtenir la protection des autorités lorsqu’il se fut avéré, selon ses dires, que la police locale ne lui offrirait pas la protection qu’elle recherchait (ibid.). Elle aurait pu alors s’adresser à la Commission nationale ou d’État des droits de la personne, au Secrétariat de l’administration publique, au Programme contre l’impunité ou à la Direction de l’assistance du Contrôleur général, ou encore recourir à la procédure de plainte offerte par le Bureau du procureur général de la République (ibid., page 49).

35     Enfin, la Commission fait observer que l’intimée n’avait pas porté plainte contre le frère de son agresseur, qui serait un agent de la police judiciaire fédérale, alors que la preuve indique que les autorités fédérales ont déployé, souvent avec succès, des efforts concrets et considérables pour combattre le crime et la corruption (ibid., pages 46 et 49).

36     Étant donné les principes relatifs à la charge de la preuve, à la norme de preuve et à la qualité de la preuve nécessaire pour satisfaire à cette norme, définie comme étant celle de la prépondérance des probabilités selon le contexte factuel, je ne vois rien d’erroné ou de déraisonnable dans la conclusion de la Commission selon laquelle l’intimée n’a pas établi l’insuffisance de la protection de l’État.

 

[13]      J’examinerai maintenant les observations des demandeurs en l’espèce.

 

2.  La SPR a‑t‑elle mal examiné la preuve au sujet de la nature de la protection dont les demandeurs pouvaient se prévaloir au Mexique et a‑t‑elle commis une erreur en se fondant sur le critère portant sur les efforts sérieux, sans tenir compte de l’efficacité de la protection qui était offerte?

[14]      Les demandeurs soutiennent que la SPR [traduction] « a mal examiné et a exagéré la preuve au sujet des mesures que l’État prenait » en ce qui a trait à leur situation et qu’elle a commis une autre erreur en se fondant [traduction] « sur le critère portant sur les efforts sérieux, sans examiner si la protection qui avait été offerte par le passé était efficace. »

 

[15]      À mon avis, la SPR n’a ni mal examiné, ni exagéré les mesures que les autorités mexicaines avaient prises. M. Montemayor a lui‑même témoigné du fait qu’il avait déposé une dénonciation au ministère public, que le ministère public avait organisé un processus de conciliation entre les parties et, que lorsque ce processus s’était avéré infructueux, que le conflit avait été renvoyé à la Cour pour que celle‑ci rende une décision. Comme la SPR l’a noté, le processus, même s’il a possiblement été retardé, était en cours au moment où M. Montemayor et sa famille ont quitté le Mexique pour venir au Canada. Bien que des efforts plus importants aient pu été déployés plus rapidement, aucun État n’a l’obligation de fournir une protection parfaite à ses citoyens en tout temps. Voir : Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Villafranca (1992), 150 N.R. 232 (C.A.F.).

 

[16]      Je suis aussi d’avis que, contrairement aux observations des demandeurs, la SPR n’a pas omis d’examiner l’efficacité des efforts du Mexique en ce qui a trait à la protection. Par exemple :

 

·        À la page 6 de ses motifs, après que la SPR ait mentionné les efforts de réforme de la police fédérale, elle a examiné les mesures prises de façon opérationnelle pour mettre en pratique les règlements internes de la police fédérale préventive;

·        à la page 7 de ses motifs, après avoir mentionné l’intention de l’administration Fox de viser la corruption, la SPR a mentionné les mesures qui étaient prises afin de mettre cette intention en pratique. Ces mesures comprennent les enquêtes, l’imposition de sanctions, l’amélioration du salaire et des avantages pour les fonctionnaires qui risquent d’être corrompus et l’amélioration des pratiques d’embauche;

 

·        à la page 8 de ses motifs, après avoir mentionné l’entrée en vigueur de lois visant l’élimination de la corruption et des pots‑de‑vin, la SPR a examiné les mesures prises pour faire respecter ces lois.

 

3.  La SPR a‑t‑elle omis de tenir compte de la preuve au sujet de l’agent de persécution et des mandats, de la pertinence et de l’efficacité des organismes de protection de l’État spécifiques?

[17]      Les demandeurs soutiennent pour l’essentiel que la SPR s’est fondée sur l’existence d’organismes de protection de l’État qui n’avaient pas la compétence de protéger les demandeurs, et qu’elle a omis de tenir compte du fait que l’agent de persécution était une personne. De plus, les demandeurs soutiennent que la SPR a omis de tenir compte de l’efficacité de la protection fournie en ne traitant pas les contradictions dans la preuve documentaire.

 

[18]      Une fois de plus, je suis d’un autre avis. Selon moi, la SPR n’a pas commis les erreurs alléguées, pour les motifs suivants.

 

[19]      Premièrement, les observations des demandeurs ne contestent pas le fait que l’une des conclusions de la SPR portait sur le fait que les demandeurs n’avaient pas demandé la protection de l’État en présentant une plainte à la police au sujet des menaces et du vandalisme. Sans aucun doute, la police constituait un organisme de protection de l’État pertinent.

 

[20]      Deuxièmement, les observations des demandeurs ne tiennent pas compte de leur propre témoignage au sujet de la nature du pouvoir et de l’influence exercés par la personne. Ils ont dit que la personne avait une [traduction] « influence politique » tels que les demandeurs n’auraient obtenu aucune protection de la police ou de l’État, en raison du [traduction] « pouvoir politique et financier » de cette personne. Compte tenu de la présumée nature de l’influence de cette personne, et de la nature de la corruption présumée, il était raisonnable que la SPR mentionne des organismes d’État tels que l’Agence fédérale d’enquêtes, le Secrétariat de la fonction publique, la commission et le système d’aide téléphonique aux citoyens. À ce sujet, la SPR a noté que l’Agence fédérale d’enquêtes s’occupait des « fonctionnaires corrompus de l’État », que le Secrétariat de la fonction publique s’occupait des « plaintes concernant l’inconduite et la corruption », que la commission s’occupait des cas « d’inconduite de la part de la police », et que le système d’aide téléphonique aux citoyens recevait « les plaintes des citoyens contre les fonctionnaires ».

 

[21]      Troisièmement, en reconnaissant la nature de l’influence que cette personne possédait supposément, la SPR a reconnu que l’agent persécuteur présumé était une personne.

 

[22]      Finalement, la SPR a reconnu la preuve documentaire et les observations qui lui avaient été présentées, qui portaient sur le fait que « la criminalité et la corruption continuent de poser problème au Mexique ». Cependant, la SPR a conclu que « [c]ompte tenu de l’ensemble de la preuve produite, […] le demandeur d’asile peut bénéficier, au Mexique, d’une protection qui sans être nécessairement parfaite, est adéquate ». Il existait des preuves documentaires à l’appui de la conclusion de la SPR et cette conclusion était raisonnablement justifiée par la preuve documentaire.

 

4.  La SPR a‑t‑elle commis une erreur en exigeant que les demandeurs épuisent toutes les possibilités de protection, qu’ils redemandent l’aide de l’État alors qu’ils n’avaient pas reçu de protection au départ et qu’ils demandent l’aide de la commission des droits de la personne?

[23]      Pour les motifs suivants, je conclus que la SPR n’a pas commis ces erreurs.

 

[24]      Premièrement, la SPR pouvait raisonnablement conclure que le dépôt d’une dénonciation et que le départ subséquent du Mexique alors que le processus était toujours en cours ne constituaient pas une preuve claire et convaincante de l’incapacité du Mexique à protéger les demandeurs. En ce qui a trait à l’efficacité de ce processus, M. Montemayor a témoigné que la personne, en dernier ressort, s’était conformée à un avis de comparution qui lui avait été signifié parce que [traduction] « s’il ne s’était pas présenté après avoir reçu le troisième avis de comparution, alors la police l’aurait arrêté ». Il a aussi témoigné que les menaces et la violence qui avaient eu lieu en 2006 étaient arrivées :

[traduction]

DEMANDEUR :       Parce que [la personne] savait que si le ministère public renvoyait l’affaire aux cours, les cours devraient émettre un mandat d’arrestation contre lui.

 

MEMBRE :               Désolé, qu’est‑ce qu’ils feraient?

 

DEMANDEUR :       Que parce qu’il savait que si le ministère public renvoyait l’affaire aux cours, les cours devraient émettre un mandat d’arrestation contre lui.

 

[25]      Deuxièmement, dans l’arrêt Carillo, précité, la Cour d’appel fédérale a appuyé les conclusions de la SPR, qui avaient été tirées dans des circonstances quelque peu analogues, selon lesquelles, si un premier effort visant à obtenir la protection de l’État était infructueux, le demandeur était tenu de faire des « efforts soutenus pour obtenir la protection de l’État » et des « efforts additionnels », pouvaient être nécessaires (voir les paragraphes 33 et 34 de la décision). Cela ne veut pas dire que dans chaque affaire, il faut absolument faire des efforts répétés ou soutenus pour obtenir la protection de l’État, un tel résultat serait contraire aux enseignements de la Cour suprême du Canada énoncés dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689 selon lesquels un demandeur d’asile n’a seulement l’obligation de demander la protection que lorsque l’État déploie des efforts sérieux pour offrir une telle protection. Cependant, lorsque, comme en l’espèce, l’État a lancé une procédure contre l’agent de persécution, la SPR peut raisonnablement conclure que la présentation d’une première plainte n’est pas suffisante pour réfuter la présomption de l’existence d’une protection de l’État. Comme la Cour d’appel l’a noté dans l’arrêt Hinzman, au paragraphe 57, « le demandeur d’asile provenant d’un pays démocratique devra s’acquitter d’un lourd fardeau pour démontrer qu’il n’était pas tenu d’épuiser tous les recours dont il pouvait disposer dans son pays avant de demander l’asile. »

 

[26]      Finalement, en ce qui a trait à la pertinence de la Commission, je fais miens, les commentaires de mon collègue le juge Barnes dans la décision Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] A.C.F. no 182. Au paragraphe 10, il a écrit :

10     Je ne peux non plus accepter que la Commission a commis une erreur en faisant mention d’agences qui n’étaient pas nécessairement directement responsables d’assurer une protection, telles que la Commission des droits de la personne du Mexique. Les agences d’État qui ne font pas partie du système de justice pénale, et même l’employeur d’une personne, peuvent jouer un rôle utile dans des affaires comme celle qui nous occupe où l’intervention initiale de la police locale n’est peut‑être pas adéquate. En l’espèce, la Commission a souligné un certain nombre d’autres agences auxquelles les demandeurs auraient pu s’adresser, et il est surprenant qu’ils aient choisi de ne pas le faire eu égard aux incidents qu’ils ont décrits.

 

Conclusion

[27]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[28]      L’avocat des demandeurs a présenté la question suivante pour certification : [traduction] « L’arrêt Carillo exige‑t‑il que les demandeurs fassent des efforts soutenus pour demander la protection de l’État, même s’ils croient que cette approche inviterait la persécution? » L’avocat du ministre s’est opposé à la certification de cette question.

 

[29]      À mon avis, la jurisprudence à ce sujet est bien établie et la question ne serait pas déterminante en l’espèce. Aucune question ne sera certifiée.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑1146‑08

 

INTITULÉ :                                       SANTIAGO COSME MONTEMAYOR ROMERO ET AL.

 

                                                            c.

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 13 AOÛT 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 28 AOÛT 2008

 

COMPARUTIONS :

 

LEIGH SALSBERG                                                                POUR LES DEMANDEURS

 

LAOURA CHRISTODOULIDES                                           POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

JACKMAN & ASSOCIATES                                                POUR LES DEMANDEURS

TORONTO (ONTARIO)

 

JOHN H. SIMS, C.R.                                                              POUR LE DÉFENDEUR

SOUS‑PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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