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                                                                                                                                                                                                                           Date : 20061005

         Dossier : IMM-6945-05

              Référence : 2006 CF 1190 Fredericton (Nouveau-Brunswick), le 5 octobre 2006

En présence de Monsieur le juge Martineau

ENTRE :

SIOBHAN DUPLESSIS

demanderesse

     et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET
DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]        La demanderesse conteste la légalité d'une décision rendue le 2 novembre 2005 par une agente d'immigration, selon laquelle sa demande de dispense de visa de résidence permanente fond& sur des considérations humanitaires a été rejetée.


[2]                La demanderesse est originaire de Ste-Lucie. Elle est arrivée au Canada en 1995 à rage de 20 ans. Elle a maintenant 31 ans. Depuis 1995, elle s'occupe de deux enfants a titre de gouvernante, qui ont maintenant 13 et 14 ans. Elle travaille sans permis. Le 28 mai 2003, la demanderesse a déposé une demande d'exemption de l'obligation d'obtenir un visa hors du Canada pour des considérations humanitaires. Le 2 novembre 2005, l'agente d'immigration a rendu une decision negative.

[3]                   Dans sa décision, l'agente d'immigration note que la demanderesse a su créer des liens significatifs avec la société canadienne. De plus, la demanderesse a toujours travaille, a fait du bénévolat dans plusieurs organismes, s'est fait plusieurs amis et n'a pas de criminalité L'agente note toutefois que l'établissement de la demanderesse au Canada est la conséquence d'un choix personnel et ne résulte pas de circonstances hors de son contrat. En effet, la demanderesse peut toujours retourner dans son pays d'origine comme elle 1'a déjà fait en 1996 et présenter sa demande de résidence là-bas.

[4]                   L'agente note également que la demanderesse a tisse des liens d'attachement significatifs avec la famine qui l'emploie, ainsi qu'avec sa filleule de 3 ans. Cependant, la demanderesse pourra garder contact avec ces derniers, notamment par le biais de lettres, de conversations téléphoniques, de l'internet et de visites. A cet égard, la demanderesse n'a soumis aucune information lui permettant de croire qu'un départ aurait des effets néfastes sur le développement des deux filles de son employeur ou de sa filleule.


[5]                Zone de Texte: décision raisonnable simpliciter (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration),La demanderesse a aussi mentionne avoir deux membres de sa famille qui sont citoyens canadiens : sa sœur et un cousin. L'agente note toutefois que la demanderesse n'a fourni aucune information sur les difficultés possibles résultant d'une séparation avec ces deux personnes. De plus, la mère et le frère de la demanderesse habitent toujours Sainte-Lucie.

[6]                L'agente fait remarquer aussi que la demanderesse ne semble avoir fait aucune démarche pour régulariser sa situation avant 1999, date a laquelle elle a rencontré un conseiller en immigration afin qu'il entreprenne des &marches en ce sens. Ce conseiller lui aurait déclaré avoir fait parvenir une demande de résidence aux autorités d'immigration, alors qu'il n'en était rien. La demanderesse a porté une plainte contre ce conseiller aux autorités policières en 2004. L'agente mentionne que la demanderesse n’a pas explique en quoi ces événements pouvaient influer sur sa capacité à déposer une demande de résidence a l'étranger. L'agente note aussi que rien ne lui indique que la présence de la demanderesse serait requise au Canada relativement à une quelconque procédure suite a la plainte déposée.

[7]                En conclusion, après avoir considéré tous les éléments qui lui ont été soumis, l'agente n'est pas satisfaite que les difficultés  auxquelles elle devrait faire face afin de présenter sa demande de résidence permanente hors du Canada sont « excessives, inhabituelles ou injustifiées ››. Elle refuse donc la demande d'exemption pour considérations humanitaires, d'où la présente demande de contrôle judiciaire.

[8]                   Les parties conviennent que la norme de contrôle à appliquer dans un tel cas est celle de la


 

 [1999] 2 R.C.S. 817 aux paras. 57 a 62; Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748 au para. 56 ). Bien entendu, s'il y a une violation d'un Principe de justice naturelle ou d'équité procédurale, cela suffit pour entrainer l'annulation de la décision et le renvoi de l'affaire a un autre décideur.

[9]                Bien que les arguments qui suivent n'ont pas nécessairement été présentée dans cet ordre par le procureur de la demanderesse, il est soumis : premièrement, l'agente a minis d'exercer sa compétence en fondant son refus sur les critères que l'on retrouve dans le chapitre 1P-5 des Directives (qui font état « aux difficultés excessives, inhabituelles ou injustifiées si la demande était présentée a l'extérieur du Canada »); deuxièmement, l'agente a tire des conclusions déraisonnables ou non fondées sur la preuve; troisièmement, l'obligation d'agir équitablement faisait en sorte que l'agente aurait du interviewer la demanderesse.

[10]            D'emblée, avant d'examiner les trois moyens susmentionnés, l'affidavit de l'employeur de la demanderesse doit être écarté, étant donne qu'a l'occasion d'une demande de contrôle judiciaire, la Cour n'accepte généralement pas de nouvelle preuve.

1. L'agente d'immigration a-t-elle omis d'exercer sa compétence en fondant son refus sur les critères mentionnes dans les Directives?

[11]               Une des pierres angulaires de la Loi est que, avant leur arrivée au Canada, les personnes qui souhaitent y vivre en permanence doivent présenter une demande l'extérieur du Canada et être


 

 

 


1"irnmigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27, permet au ministre de traiter et d'approuver les demandes de résidence permanente présentées au Canada dans les cas suivants :


25. (1) Le ministre doit, sur demande d'un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas a la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet &ranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s'il estime que des circonstances d'ordre humanitaire relatives a l'étranger — compte tenu de Pinter& supérieur de l'enfant directement touche — ou Pinter& public le justifient.


25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister's own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to

them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.


[12]            La demanderesse soumet que les décisions prises par les agents d’immigration aux termes du paragraphe 25(1) de la Loi sont actuellement « encadrées >> par les lignes directrices IP-05 émises, mais que le ministre peut les modifier de temps a autre a sa guise puisque celles-ci ne sans pas contenues dans un texte réglementaire.

[13]            Ces lignes directrices énoncent aux paragraphes 5.1, 6.7 et 6.8 ce qui suit :

incombe au demandeur de prouver au décideur que son cas particulier est tel que la difficulté de devoir obtenir un visa de résident permanent de l'extérieur du Canada serait

(i)                    soit inhabituelle et injustifiée;

(ii)                  soit excessive.


 

Le demandeur peut exposer les faits qu'il juge pertinents, quels qu'ils soient.

On appelle difficulté inhabituelle et injustifiée :

la difficulté (de devoir demander un visa de résident permanent hors du Canada) a laquelle le demandeur s'exposerait serait, dans la plupart des cas, inhabituelle ou, en d'autres termes, une difficulté non prévue a la Loi ou a son

Règlement; et

la difficulté (de devoir demander un visa de résident permanent hors du Canada) à laquelle le demandeur s'exposerait serait, dans la plupart des cas, le résultat de circonstances échappant au contrôle de cette personne.

Des motifs d'ordre humanitaire peuvent exister dans des cas n'étant pas considéré comme "inusités ou injustifiés", mais dont la difficulté (de présenter une demande de visa de résident permanent a l'extérieur du Canada) aurait des répercussions disproportionnées pour le demandeur, compte tenu des circonstances qui lui sont propres.

[14] La demanderesse soumet à cet égard que, bien que les guides et directives soient valables et utiles, ils ne doivent pas avoir pour effet de limiter le pouvoir discrétionnaire du décideur. Or, ni l'ancien paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, c. 1-2, ni le nouveau paragraphe 25(1) de la Loi ne font allusion aux difficultés excessives, inhabituelles ou

injustifiées ». En l'espèce, la demanderesse soumet que l'agente d'immigration s'est exclusivement posée la question de savoir si elle devait accorder ou refuser une exemption pour considérations humanitaires en fonction des critères exposes plus haut. II est donc clair qu'elle a abdiqué la discrétion que lui confère 1' article 25 de la Loi (voir Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), [2006] 3 R.C.F. 168 (C.F.), 2006 CF 16 aux paras. 106-116).


[15]            Ce motif de révision doit être rejeté pour les raisons suivantes.

[16]            Je note en premier lieu que la demanderesse ne remet pas en cause la validité des lignes directrices adoptées par le ministre. Or, dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, la juge L'Heureux-Dube a commente les lignes directrices de la façon suivante au paragraphe 72 :

Comme il est dit plus haut, les agents d'immigration sont censés rendre la décision qu'une personne raisonnable rendrait, en portant une attention particulière a des considérations humanitaires comme maintenir des liens entre les membres dune famille et éviter de renvoyer des gens a des endroits ou ils n'ont plus d'attaches. Les directives révèlent ce que le ministre considère comme une décision d'ordre humanitaire, et elles sont très utiles à notre Cour pour décider si les motifs de l'agent Lorenz sont valables. Elles soulignent que le décideur devrait être conscient des considérations humanitaires possibles, devrait tenir compte des difficultés qu'une décision défavorable imposerait au demandeur ou aux membres de sa famille proche, et devrait considérer comme un facteur important les liens entre les membres d'une famille. Les directives sont une indication utile de ce qui constitue une interprétation raisonnable du pouvoir conféré par l’article, et le fait que cette décision était contraire aux directives est dune grande utilité pour évaluer si la décision constituait un exercice déraisonnable du pouvoir en matière humanitaire.

[17]            Dans la décision Dhillon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1067, la Cour a examine les décisions prises par les agents d'immigration aux termes du paragraphe 25(1) a la lumière des lignes directrices. La Cour a reconnu que ces dernières accordaient une grande latitude à l'agent d'immigration pour apprécier les éléments de preuve portant sur les expressions qui y sont utilisées. Voici ce que note à cet égard le juge Gibson au paragraphe 22


 

L'avocate du demandeur a soutenu qu'au cours du contre-interrogatoire au sujet de son affidavit, l'agente n'a pas fourni des réponses claires aux questions concernant l'interprétation des expressions "difficulté inhabituelle", "difficulté injustifiée" et "difficulté disproportionnée", comme elles sont utilisées dans les lignes directrices ministérielles. L'avocate elle-même a reconnu, a la question 24 de la transcription de l’interrogatoire de l'agente, qu'elle savait que [TRADUCTION] "... ces expressions ne sont pas vraiment très bien définies". 11 est exact qu'elles ne sont pas "très bien définies". J'estime que l'agente a eu tout a fait raison de souligner que ces expressions n'ont pas un sens absolu, que l'agent dispose d'une grande latitude pour apprécier les éléments de preuve portant sur ces diverses expressions et pour les appliquer aux faits d'une demande particulière, et qu'il appartient a l'agent de se prononcer au sujet de la demande, la encore en se fondant sur les faits particuliers de chaque demande et sur la force probante qu'il convient de leur attribuer. Je suis tout a fait en faveur de la position qu'a adoptée l'agente au cours de son contre-interrogatoire et j'estime qu'elle n'a pas commis d'erreur susceptible de contrôle pour ce qui est de la compréhension des lignes directrices et de leur application aux faits de la demande.

[18]             A mon avis, l'agente d'immigration n'a commis aucune erreur révisable en se fondant sur les directives du ministre. Celles-ci constituent un guide utile dans l’ exercice de la discrétion ministérielle; une discrétion qui est déléguée ici a l'agente d'immigration (Irimie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de ('Immigration) (2000), 10 Imm. L.R. (3d) 206; Pashulya c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de ('Immigration) (2004), 257 F.T.R. 143, 2004 CF 1275).

[19]            Dans le cas présent, la demanderesse n'est pas en mesure d'indiquer quels’ autres critères, s'il en est, l'agente d'immigration aurait do considérer en sus ou en lieu et place des critères que l'on retrouve aux Directives. La demanderesse ne m'a pas convaincu ici qu'il était déraisonnable pour l'agente d'immigration de se demander si les difficultés sont inhabituelles, excessives ou injustifiées >> dans le cadre d'une demande de dispense de visa fondée sur des considérations humanitaires. Par conséquent, le reproche formule ici par la demanderesse m'apparait donc plus


 

théorique que pratique, puisque la véritable question se posant en l'espèce est de déterminer si la décision en cause est raisonnable dans les circonstances, ce qui m'amène donc a traité du deuxième argument de la demanderesse.

2. L'agente d'immigration a-t-elle tire des conclusions déraisonnables ou non fondées sur la preuve?

[20]            La demanderesse soumet qu'en raison de ['absence de communication avec la demanderesse, l'agente d'immigration a tire des conclusions gratuites et déraisonnables qui ne découlent pas des informations qu'elle avait devant elle, ce qui constitue une erreur révisable (Ramprashad-Joseph c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2004 CF 1715).

[21]            A cet égard, la demanderesse soumet que la conclusion d'absence de difficultés  excessives regard d' une personne qui vit au Canada depuis plus de 10 ans et qui n'a plus aucun lien avec son pays d'origine, prise sans communiquer réellement avec la demanderesse, est arbitraire et constitue une erreur déterminante. Elle soumet également qu'elle ne pourra pas aider sa mère et son frère si elle retourne a Sainte-Lucie. De plus, contrairement a ce qu'a écrit l'agente d'immigration dans ses motifs, il sera presque impossible pour la demanderesse de garder contact avec la famille de son employeur, compte tenu des délais de distribution du courrier et les coûts élevées associes aux frais téléphoniques et l'internet. Elle soumet aussi que l'agente d'immigration a erronément conclu que sa présence ne sera pas requise au Canada pour une quelconque procédure suite a la plainte déposée a l'encontre du conseiller en immigration.


[22]            Malgré toute la sympathie que cette Cour peut avoir à l’ endroit de la demanderesse, qui pourra être placée dans une situation difficile advenant l'exécution d'une mesure de renvoi, cette Cour ne peut substituer son jugement à celui du décideur. La décision d'accorder une dispense de visa pour raisons d'ordre humanitaire est une décision discrétionnaire et l'agente d'immigration a tenu compte de tous les facteurs pertinents, incluant la question de l'intérêt supérieur de tout enfant touché par la décision. A mon avis, la preuve et les motifs fournis par l'agente d'immigration appuient raisonnablement sa conclusion. La décision de l'agente d'immigration est de nature essentiellement factuelle. Après révision du dossier, les conclusions ne sont ni arbitraires ni capricieuses ici. Les motifs de la décision de l'agente révèlent qu'elle a considéré toute la preuve.

[23]            Il est vrai que la demanderesse a soumis deux lettres de son employeur qui mentionnaient que la famille la considérait comme étant membre de leur famille, mais son employeur n'a pas élaboré sur l'effet qu'aurait le départ de la demanderesse sur ses deux enfants. Dans la lettre qu'elle a &rite a l'appui de sa demande d'exemption de visa, la demanderesse n'a pas insisté sur intérêt supérieur des enfants de son employeur et n'a pas soumis beaucoup de détails à ce sujet.

[24]            La demanderesse n'a pas non plus invoque qu'elle subvenait aux besoins pécuniaires de sa famille a Sainte-Lucie. La seule mention qu'elle fait a ce sujet est la suivante : « In august [sic] 1996,1 returned to canada [sic]. Lucky for me, I had not been replaced [sic] job wise. The kids were delighted. I worked and was no longer stressed. I was even able to send money every now and then back to my mother in St-Lucia to help her and my little brother out >> (Dossier certifié du tribunal a la p. 37). La demanderesse ne mentionne pas qu'elle continue d'envoyer de l'argent, ni que sa famille est présentement a sa charge financièrement.


[25]            Enfin, bien qu'elle ait soumis en preuve le rapport d'événement de la police de Montréal, date du 19 mai 2004, elle n'a pas présenté de preuve a l'effet que sa présence sera requise au Canada dans le cadre de procédures reliées a cette plainte.

[26]            Essentiellement, la demanderesse soutient que la conclusion d'absence de difficultés excessives a regard d'une personne qui vit au Canada depuis plus de dix ans et qui n'a plus aucun lien avec son pays d'origine, prise sans communiquer réellement avec la partie requérante, est arbitraire et constitue une erreur déterminante. Bien que la demanderesse subira des difficultés, celles-ci n'ont pas été jugées « excessives, et inhabituelles ou injustifiées ». L'évaluation des difficultés par l'agent est conforme aux critères habituels, m'apparait raisonnable dans les circonstances et résiste a un examen pousse de la Cour (voir Kawtharani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 162 au para. 34). 11 reste donc a examiner le dernier argument de la demanderesse, qui a trait au fait que Celle-ci n'a pas été convoquée a une entrevue avant la décision de refus.

3. L'obligation d'agir équitablement faisait-elle en sorte que l'agente aurait di interviewer la demanderesse?

[27]               Selon l'affidavit, en date du 19 décembre 2005, de Me Diane Belanger, l'ancienne avocate char* de présenter la demande de résidence permanente de la demanderesse, les représentants autorises du ministère de 'Immigration ont fait, lors d'une réunion en novembre 1995, certaines déclarations dont l'effet a été de créer une expectative légitime d'être convoque a une entrevue dans les cas semblables a celui de la demanderesse.


[28]            Ainsi, selon le compte rendu de la réunion en question, dans le cadre d'une demande de résidence permanente faite au Canada pour des motifs humanitaires, une entrevue ne sera pas nécessairement accord& dans les cas où il n'y a pas avantage à procéder par entrevue, y compris les cas de refus technique ou dans les cas d'inadmissibilité pour motif criminel. En revanche, l'agent d'immigration pourra convoquer le client Tors de situations « ou il faut exercer un jugement (Compte rendu : Groupe de travail CIC-ONG sur la qualité des services 29 novembre 1995, document produit sous la cote DB-1).

[29]            La demanderesse soumet également que cette politique susmentionnée a été suivie a Montréal et qu'elle n'a pas été modifiée officiellement. D'ailleurs, Me Belanger mentionne qu'au cours de sa carrière, dans une centaine de cas semblables où elle a agi comme procureur, il n'y a eu que deux décisions négatives qui n'avaient pas été précédées d'une entrevue en personne. Ceci crée donc une expectative légitime d'avoir une entrevue, au sens des arrêts Baker, ci-dessus, au para. 26 et Congrégation des témoins de Jéhovah de St-Jérôme-Lafontaine c. Lafontaine (Village), [2004] 2 R.C.S. 650, 2004 CSC 48 au para. 10.

[30]               D' autre part, dans son affidavit du 18 avril 2006, Me Belanger affirme qu'une conversation téléphonique avec la directrice de CIC Montréal ayant eu lieu en mars 2006 a confirme ses soupçons que la suppression des entrevues au CIC Montréal est dicta par des contingences relevant de la commodité administrative, et que c'est l'inventaire des dossiers (arriéré « back log ») plutôt que les considérations relevant de réévaluation du dossier, qui détermine aujourd'hui la tenue d'une entrevue.


[31]            La demanderesse soumet également que lorsqu'un agent s’apprête à tirer des inférences défavorables malgré la preuve documentaire, alors même que l'intérêt des enfants est soulevé, devrait communiquer avec la partie requérante. En l'espèce, l'agente d'immigration n'a parlé avec la demanderesse que pour cinq minutes au téléphone et les questions qu'elle a posses ne portaient pas sur les éléments essentiels du dossier de la demanderesse.

[32]             A mon avis, il n'y a eu aucun manquement aux règles d'équité procédurale.

[33]            ire suis d'accord avec le défendeur lorsqu'il soumet que la demanderesse tente de renverser le fardeau de preuve en plaidant que l'agente aurait du communiquer avec la demanderesse pour s’assurer qu'elle n’avait rien à ajouter.

[34]            D'autre part, selon la jurisprudence, la demanderesse n'a pas un droit absolu a une entrevue et elle a aussi l'obligation de communiquer au décideur tous les faits pertinents a sa demande. Dans l'affaire Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)(C.A.F.), [2004] 2 R.C.F. 635, 2004 CAF 38 au paragraphe 8, le juge Evans &fit :

Le demandeur qui invoque des raisons d'ordre humanitaire n'a pas un droit d'être interviews ni même une attente légitime a cet égard. Et, puisque le demandeur a le fardeau de présenter les faits sur lesquels sa demande repose, c'est à ses risques et périls qu'il omet des renseignements pertinents dans ses observations &rites. Selon nous, dans sa demande pour des raisons humanitaires, M. Owusu n'a pas suffisamment insisté sur les répercussions de son expulsion potentielle sur Pinter& supérieur de ses enfants de manière a ce que l'agente n'ait d'autre choix que d'en tenir compte.


[35]            Ii est vrai que la décision Owusu a été rendue dans le cadre de l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. 1-2, aujourd'hui abrogée. Cependant, je note aussi que la Cour s'est referee a cette décision pour interpréter l’article 25 (voir Hussain c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration, 2006 FC 719 aux paras. 10-11).

[36]            Quanta la pratique antérieure d'accorder des entrevues, cet aspect a été aborde par cette Cour dans l'affaire Etienne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1314. Voici ce qu'écrit le juge Pinard au paragraphe 9 :

Il n'y a rien dans le dossier qui suggère que l'agente aurait affirme, implicitement ou explicitement, que les demandeurs auraient une entrevue. Rien dans la preuve n'établit l'existence dune pratique systématique d'accorder une entrevue. Best peut-être vrai qu'une entrevue a toujours été accordée, dans le passé, dans d'autres cas, l'ancienne avocate des demandeurs. Cependant, cela n'établit aucune "expectative légitime" a une entrevue. La jurisprudence de cette Cour est constante a l'effet qu'une entrevue n'est pas exigée afin d'assurer l'équité de la procédure dans le traitement des demandes de dispense de visa pour considérations humanitaires (voir, par exemple, Cheema (Tuteur a ]'instance) c. ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le 4 juin 2002), M4-2187-01, [2002] A.C.F. no 847, 2002 CFPI 638, Ming c. ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le 15 novembre 2001), 1MM-5953-00, [2001] A.C.F. no 1702, 2001 CFPI 1253, et Sellaklcandu c. ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1993] A.C.F. no 1041, (le 13 octobre 1993), 92-T-2029).

[37]            Selon la preuve au dossier, je suis satisfait que la demanderesse ait eu la possibilité raisonnable d'exposer son cas. Je conclus donc que l'agente d'immigration n’avait aucune obligation d'accorder une entrevue à la demanderesse.

[38]               Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.


 

 [39] La demanderesse a propose les deux questions suivantes pour certification :

1.      Un agent d'immigration peut-il valablement refuser une demande de résidence permanente fond& sur des circonstances d'ordre humanitaire, présentée au Canada en application de l'article 25 de la Loi sur l'immigration et la protection des refugies, uniquement parce que le départ du demandeur ne lui causerait pas de difficultés excessives, inhabituelles ou injustifiées, tel que requis par le chapitre 1P-5 des directives du Ministre de l'immigration?

2.      Des circonstances relevant de contingences administratives telles que les arrières dans le traitement des dossiers — qui varient au surplus d' un CIC a l'autre — peuvent-elles justifier la décision ou la pratique de tenir ou non une entrevue pour l'examen d'une demande de résidence permanente fond& sur des circonstances d'ordre humanitaire, présentée au Canada en application de l'article 25 de la Loi sur l'immigration et la protection des refugies?

[40] La première question est purement théorique et n'a pas id un caract6re déterminant étant donne ma conclusion a l'effet qu'après un examen assez pousse des motifs donnés par l'agente d'immigration, la décision d'accorder une dispense de visa pour motifs humanitaires m' apparait raisonnable dans les circonstances. La deuxième question a nettement un caractère factuel et ne soulève aucune question d'importance générale.


 

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

Aucune question n'est certifiée.                

                            

                                                                                               « Luc  Martineau »

                                                                                                        Juge


COUR FEDERALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-6945-05

INTITULÉ :                                       SIOBHAN DUPLESSIS c. LE MINTSTRE DE LA CITOYENNETE ET DE L'IMMIGRATION et LE MTNISTRE DE LA SECURTTE DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Fredericton (Nouveau-Brunswick)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 12 septembre 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :                      Le 5 octobre 2006

COMPARUTIONS :

Me Jean El Masri                                                        POUR LA DEMANDERESSE

Me Diane Lemery                                                       POUR LES DEFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Jean El Masri                                                        POUR LA DEMANDERESSE Montréal (Québec)

John H. Sims, c.r.                                                        POUR LES DEFENDEURS Sous-procureur général du Canada

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