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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20080923

Dossier : T-107-07

Référence : 2008 CF 1074

Ottawa (Ontario), le 23 septembre 2008

En présence de madame la juge Simpson

 

 

ENTRE :

DR DONALD G. MACKAY

demandeur

et

 

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]   Dr Donald G. Mackay (le demandeur), qui n’est pas représenté par un avocat, sollicite le contrôle judiciaire, vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, d’une décision rendue le 13 décembre 2006 (la décision) par le ministre du Revenu national (le ministre) qui a rejeté une demande d’annulation fondée sur les dispositions d’équité et présentée en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (la Loi).

 

[2]   Dans sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur sollicite :

1.                  une ordonnance annulant les intérêts et les pénalités de son relevé de compte fiscal de 1997 jusqu’à aujourd’hui;

2.                  une ordonnance réduisant de 50 % l’impôt dû pour l’année d’imposition 1998;

3.                  les dépens.

 

[3]   Cependant, lors de l’audience, il est devenu clair que l’annulation que sollicite réellement Dr Mackay est plus limitée. Il serait satisfait de voir annuler les intérêts accumulés sur l’arriéré d’impôt sur le revenu des années d’imposition 1997 et 1998.

 

LE CONTEXTE

 

[4]   Le contexte est décrit de manière détaillée dans la décision Donald G. MacKay c. Sa Majesté la Reine, 2003 D.T.C. 748, rendue le 30 octobre 2002 par le juge Mogan de la Cour canadienne de l’impôt, dans laquelle le juge Mogan a affirmé ce qui suit :

[1] À toutes les périodes pertinentes, l’appelant était actionnaire de 426783 Ontario Limited (la société). Les trois années visées par l’appel sont les années 1994, 1995 et 1996. Au cours de ces années, l’appelant a prêté à la société 121 138 $, 120 839 $ et 127 614 $ respectivement. L’appelant a inclus les prêts à titre de pertes d’entreprise dans son revenu et il a demandé la déduction d’une perte admissible au titre d’un placement d’entreprise relativement à ces montants dans chacune des années en cause. Dans les nouvelles cotisations visées par l’appel, le ministre du Revenu national a refusé la déduction des pertes admissibles au titre d’un placement d’entreprise. L’appelant a interjeté appel de ces nouvelles cotisations. La principale question que la Cour est appelée à trancher est celle de savoir si les montants indiqués précédemment peuvent être considérés comme des pertes au titre d’un placement d’entreprise.

 

[2] L’appelant est né et a grandi à Port Elgin (Ontario), une petite ville située près de Southampton sur le bord du lac Huron. Après avoir obtenu son diplôme de dentiste en 1976 il est revenu vivre à Port Elgin, où il a ouvert son cabinet. Son épouse et lui se sont intéressés aux affaires municipales. Son épouse est devenue membre du conseil municipal et, en 1981, il a acheté (seul ou avec d’autres) un immeuble abritant des services médicaux. En 1983 environ, avec l’aide d’un ami, Donald McCulloch, il a formé un groupe de personnes pour construire un complexe sportif destiné principalement aux joueurs de squash et de racquetball. Ils ont trouvé 21 investisseurs, qui sont devenus des actionnaires de la société. L’appelant et Donald McCulloch détenaient chacun 25 % des actions et les 19 autres particuliers possédaient collectivement le reste.

 

[3] En 1983, les actionnaires ont versé 400 000 $ pour acquérir des actions privilégiées de la société. Cette dernière a utilisé le capital souscrit et des emprunts pour faire construire le complexe sportif, qui a coûté quelque 900 000 $ et dont les travaux ont été achevés en 1983 ou 1984. On y retrouvait deux courts de squash, trois courts de racquetball, une grande salle de musculation, une garderie pour les membres, un restaurant de 90 places ainsi qu’une salle de réception de 300 places. Le complexe sportif appartenait à la société, mais il était exploité sous la raison sociale Lakeshore Racquet and Recreation Centre (appelé ci-après LR&R).

 

[4] Quand le LR&R était exploité à son maximum, on y dénombrait 40 employés, même si bon nombre d’entre eux travaillaient probablement à temps partiel. Selon le témoignage de l’appelant, il y avait une quinzaine d’employés à temps partiel. Le LR&R jouissait d’un avantage en ce sens qu’il n’y avait pas d’autre installation offrant des courts de racquetball dans la ville de Port Elgin. La société a éprouvé des difficultés financières dès l’ouverture du complexe en 1983 ou 1984 et jusqu’en 1990 parce qu’il y avait chaque année des pertes d’exploitation de l’ordre de 20 000 $. L’appelant considérait que ces pertes étaient raisonnables.

 

[5] Afin d’améliorer la situation financière de la société, les premiers actionnaires ont convenu en 1989 d’y injecter à nouveau 400 000 $ pour acquérir de nouvelles actions et d’utiliser le nouveau capital pour rembourser la banque et liquider un prêt très onéreux. À ce moment-là, ils avaient déjà investi collectivement 800 000 $ dans la société. Ainsi qu’il a été précisé, les deux principaux actionnaires étaient l’appelant et M. McCulloch, qui possédaient chacun 25% des actions.

 

[6] En 1990, la société a embauché un nouveau gestionnaire dans l’espoir de mettre un terme aux pertes et de devenir rentable. Or, il s’est produit un événement important en 1990, qui a eu un effet direct sur l’économie de Port Elgin et, partant, sur la société. La population de l’Ontario a élu un nouveau gouvernement qui avait promis de fermer toutes les centrales nucléaires. Peu de temps après son accession au pouvoir, ce nouveau gouvernement a entrepris de fermer le complexe nucléaire de Bruce, situé à proximité de la ville de Port Elgin. Un grand nombre d’employés ont ainsi perdu leur emploi. L’appelant a déclaré que, dans les 20 années précédentes, le complexe nucléaire de Bruce avait été l’un des principaux employeurs de la ville de Port Elgin et des alentours et que l’économie était étroitement liée à son existence. Après que le gouvernement de l’Ontario eut annoncé qu’il entendait fermer la centrale nucléaire en totalité ou presque, les citoyens de la ville se sont mis à moins dépenser; ils sont devenus plus prudents; ils ont délaissé quelque peu le LR&R et la société a commencé à éprouver d’énormes difficultés financières.

 

[7] Le nouveau gestionnaire embauché en 1990 ne faisait pas l’affaire, et certains membres du personnel n’étaient pas particulièrement honnêtes. Les actionnaires n’en savaient rien à ce moment-là et c’est ainsi qu’au cours des trois ou quatre années suivantes, soit de 1990 à 1994, la société a éprouvé de réelles difficultés financières, perdant une centaine de milliers de dollars chaque année. En 1991, par suite du ralentissement de l’économie de Port Elgin, la plupart des autres actionnaires avaient cessé de croire dans l’utilité d’injecter des fonds supplémentaires dans la société. Ils voulaient continuer d’exploiter l’entreprise parce qu’ils espéraient récupérer leur investissement initial, mais ils n’avaient pas les moyens de continuer à éponger des pertes annuelles de l’ordre de 100 000 $.

 

[8] L’appelant a pris une décision commerciale, soit celle de financer lui-même les activités de LR&R, parce qu’il croyait que l’économie de la ville allait se redresser un jour et que la société pourrait alors devenir rentable. En 1990 ou 1991, l’appelant a commencé à consentir des avances de fonds importantes à la société, de l’ordre de 100 000 $ par année. Il a demandé la déduction de ces avances à titre de pertes au titre d’un placement d’entreprise, lesquelles ont été admises par Revenu Canada. Il a expliqué de quelle manière il avait calculé le montant des pertes. L’exercice de la société se terminait le 30 septembre. L’appelant déterminait le montant qu’il avait avancé à la société au cours de l’exercice se terminant dans une année particulière, en 1992 par exemple, et quand il produisait sa déclaration de revenus au printemps 1993 pour l’exercice 1992 , il demandait la déduction de 75% de ce montant à titre de perte admissible au titre d’un placement d’entreprise. C’est de cette manière qu’il a procédé de 1991 à 1996. Comme je l’ai déjà dit, Revenu Canada a admis 75 % des montants prêtés à la société à titre de pertes admissibles au titre d’un placement d’entreprise pour chaque année jusqu’en 1997, quand il a remis en cause la qualification des montants prêtés à la société. Un peu plus tard dans l’année civile 1997, de nouvelles cotisations ont été établies à l’égard de [l’appelant] lui refusant la déduction des pertes admissibles au titre d’un placement d’entreprise pour l’année 1996, ainsi que pour les années 1995 et 1994.

 

[…]

 

[5]   La nouvelle cotisation de 1997 concernant les pertes au titre d’un placement d’entreprise (les PTPE) réclamées pour les années d’imposition 1994, 1995 et 1996 (la première nouvelle cotisation) et la nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1999 (la seconde nouvelle cotisation) (ci‑après collectivement nommées les nouvelles cotisations), faisaient en sorte que le demandeur ne pouvait plus tenir pour acquis que les PTPE causées par le LR&R seraient acceptées. Néanmoins, en plus des années mentionnées dans les nouvelles cotisations, il a réclamé des PTPE en 1997, 2000 et 2001.

 

[6]   Le juge Mogan a continué de la façon suivante :

 

[10] L’appelant fait valoir que les montants prêtés à la société étaient effectivement des créances devenues irrécouvrables à la fin de chaque exercice de la société. Comme il n’y avait aucune possibilité de recouvrer les montants prêtés au 30 septembre d’un exercice particulier, ces montants devraient être considérés comme des pertes au titre d’un placement d’entreprise. Revenu Canada fait valoir que, tant que la société était exploitée, ces montants ne pouvaient pas être considérés comme des créances irrécouvrables et l’appelant aurait dû prendre des mesures afin de les recouvrer, soit en mettant un terme aux activités de la société soit en l’acculant à la faillite.

 

[11] Après 1991, l’appelant était l’unique actionnaire qui finançait les activités de la société. Il a toutefois précisé que les autres actionnaires n’avaient pas abandonné l’idée de récupérer leur investissement; c’est juste qu’ils avaient perdu la capacité ou la volonté d’injecter des fonds supplémentaires dans la société. Il y avait des assemblées des actionnaires chaque année et les participants étaient nombreux, aux dires de l’appelant. Chaque année, ils avaient droit à un rapport sur la situation financière de la société; ils élisaient un nouveau conseil d’administration composé chaque fois de membres différents, exclusion faite de l’appelant et de M. McCulloch, l’autre actionnaire majoritaire, qui étaient toujours réélus. C’est ainsi que, pendant toutes les périodes pertinentes, l’appelant a occupé le poste d’administrateur de la société alors que les autres administrateurs étaient désignés à tour de rôle par les actionnaires. Les autres administrateurs ont participé activement à l’exploitation de la société à partir de sa création et jusqu’en 1997 environ.

 

 [12] L’appelant a déclaré que les membres du conseil d’administration prenaient une telle part active à l’exploitation de la société qu’en 1994 ils avaient congédié le gestionnaire du club et avaient déterminé qu’ils n’avaient pas les moyens de lui trouver un remplaçant. Ils ont constitué un « comité d’exploitation » composé du préposé à la tenue des livres, du chef de l’entretien, de la réceptionniste et du directeur du service des banquets et lui ont confié le mandat d’exploiter le club et de rendre compte directement au conseil d’administration. L’appelant a toutefois précisé que, vu qu’il était le seul administrateur qui finançait les activités de la société, le comité d’exploitation s’adressait habituellement à lui au quotidien pour régler les problèmes courants mais rendait compte de temps à autre aux administrateurs quand le conseil d’administration se réunissait.

 

[13] La société a été exploitée de cette manière à compter du moment où le nouveau comité a été créé en 1994 et jusqu’au début de 1997, lorsque s’est produit un événement d’une importance capitale. Il y avait eu une période de froid et de neige au début de février 1997 suivie de plusieurs jours de fortes pluies. Il en est résulté des inondations dans la ville de Port Elgin qui ont eu des conséquences désastreuses. L’immeuble qui abritait le LR&R a été inondé, ce qui a lourdement endommagé le revêtement en bois des courts de squash et de racquetball, qui ont été recouverts d’eau.

 

[14] La société ne pouvait plus exploiter les installations sportives, mais elle avait encore la salle de réception située à l’étage supérieur, qui avait été épargnée par les inondations. La société a effectivement suspendu ses activités du 21 février 1997 jusqu’à la fin de l’année. […]

 

[15] Après l’inondation de février 1997, beaucoup d’actionnaires ont baissé les bras et conclu qu’ils n’allaient jamais récupérer l’argent investi dans la société. L’immeuble du LR&R est demeuré fermé de février à novembre 1997 et plus personne n’était disposé à investir à nouveau de l’argent dans la société. À cette époque-là, l’appelant avait déjà prêté plusieurs centaines de milliers de dollars à la société, et, de tous les actionnaires, c’est certainement lui qui risquait de perdre le plus d’argent si le complexe était vendu comme un immeuble endommagé et que le produit de la vente était utilisé pour payer les arriérés de taxes municipales, qui atteignaient environ 150 000 $, et rembourser un emprunt consenti par la Banque de développement du Canada, que l’appelant a qualifié d’« emprunt de dernier ressort ».

 

[16] L’appelant et son épouse étaient d’avis qu’ils avaient trop investi dans la société pour abandonner la partie. Ils ont décidé de prendre leur propre argent pour remettre l’immeuble en état et rouvrir le complexe. L’épouse de l’appelante a accepté de laisser l’emploi qu’elle occupait ailleurs à Port Elgin pour s’occuper, sans aucune contrepartie, de la gestion du club de raquettes, la salle de réception devant demeurer fermée. En outre, l’appelant a convenu de tenir le bar du club deux ou trois soirs par semaine sans aucune contrepartie pour réduire les frais d’exploitation.

 

[17] En utilisant ses propres fonds, l’appelant a fait effectuer les réparations nécessaires à l’immeuble au cours des deux derniers mois de 1997 et au début de 1998 et le complexe a pu rouvrir ses portes. L’immeuble continuait toutefois d’appartenir à la société et il restait encore des actionnaires minoritaires, même s’ils avaient abandonné tout espoir de récupérer l’argent de leurs actions. L’appelant a décidé que, s’il était pour injecter seul de nouveaux fonds au lendemain de l’inondation, l’immeuble devrait lui appartenir. Vers la fin de 1999, une entente a été conclue entre la société et une nouvelle société constituée par l’appelant uniquement (ou avec son épouse et ses enfants) sous la raison sociale 1117636 Ontario Limited, que j’appellerai simplement la « nouvelle société ».

 

[18] Une convention d’achat et de vente a été signée en décembre 1999 en vertu de laquelle la société cédait le bien immobilier, le bien fonds et l’immeuble à la nouvelle société pour 400 000 $. L’opération n’a pu être conclue ou mise en œuvre en décembre 1999 en raison de la poursuite intentée contre la ville de Port Elgin. Cette poursuite a été réglée au printemps 2000 et la société a transféré le bien fonds et l’immeuble à la nouvelle société. Selon le témoignage de l’appelant, c’est la nouvelle société qui gère toujours le complexe.

 

[19] La société a utilisé le produit de la vente, s’établissant à 400 000 $, pour verser environ 178 000 $ à la Banque de développement du Canada, 110 00 $ à la ville de Port Elgin au titre des taxes municipales impayées et le solde, environ 111 000 $, à l’appelant au titre des nombreux prêts qu’il avait consentis à la société. […]

 

[…]

 

[33] Je suis impressionné par le train de mesures que l’appelant a mis en œuvre pour recouvrer l’argent qu’il avait investi. Il a affirmé que, de 1990 à 1995, il avait grevé sa maison d’une nouvelle hypothèque, fait rehausser sa marge de crédit, utilisé sa carte de crédit à pleine capacité, emprunté de l’argent à des amis et encaissé son REER afin d’obtenir les fonds nécessaires pour remettre la société à flots et recouvrer l’argent investi. Il a déclaré qu’il était à toutes fins utiles en faillite même s’il avait une pratique dentaire florissante, laquelle lui avait d’ailleurs permis de subsister pendant toute cette période, mais que ses dettes étaient égales à ses actifs, en excluant son cabinet de dentiste.

 

[…]

 

[7]   Le juge Mogan a conclu que les prêts accordés par le demandeur à LR&R en 1994, 1995 et 1996 étaient irrécouvrables et qu’ils pouvaient être déclarés comme étant des PTPE et qu'ils étaient admissibles à la déduction.

 

[8]   En raison de la décision rendue par le juge Mogan, tous frais découlant des nouvelles cotisations ont été annulés.

 

[9]   Même si les montants déduits pour PEPT ont été acceptés pour toutes les années d'imposition où ils ont été demandés et même si on a porté à son crédit tous les frais liés aux nouvelles cotisations, le demandeur affirme qu'il a également droit à l'annulation des intérêts pour les raisons exposées ci‑dessous.

 

[10]           En 1997, son relevé de compte fiscal avait pour solde zéro et il n'avait pas d'antécédent d'arriéré important.

 

[11]           En 1997 et en 1998, le demandeur a travaillé beaucoup plus que par les années précédentes parce qu'il avait besoin d'argent pour reconstruire le LR&R après l'inondation et qu’on lui avait dit que les PTPE qu'il réclamait ne seraient pas déductibles. En 1997 et 1998, ses revenus de profession libérale ont augmenté respectivement d'environ 150 000 $ et 200 000 $ (ci-après collectivement nommés les augmentations de revenus). Pendant l'audience, le demandeur a reconnu qu'il devait de l'impôt sur le revenu sur les augmentations de revenu et qu'il avait été incapable de le payer parce qu'il avait choisi de sauver son investissement dans le LR&R. L’impôt non payé sur les augmentations de revenu sera ci‑après « nommé les arriérés ». Le demandeur ne demande pas l'annulation des arriérés. Il ne demande que l'annulation des intérêts qui découlent des arriérés. La somme des intérêts sera ci-après nommée « les intérêts ». Le demandeur affirme que même s'il effectue maintenant des paiements importants (soit 12 000 $ tous les trois mois et 6 000 $ par mois), il ne peut faire aucun progrès raisonnable quant à la réduction du montant qu’il doit au fisc en raison des intérêts.

 

[12]           Dans une lettre datée du 15 avril 2005, le demandeur a demandé l'annulation des intérêts invoquant des difficultés financières, ce qui a été rejeté.

 

[13]           Le 19 août 2005, sur le fondement de circonstances extraordinaires, le demandeur a présenté une autre demande d'annulation fondée sur les dispositions d'équité, qui a également été rejetée.

 

[14]           Le 6 mars 2006, le demandeur a sollicité une révision administrative des décisions défavorables relatives à ses demandes fondées sur les dispositions d'équité. Le ministre a dit non le 13 décembre 2006 : il s'agit de la décision qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire.

 

[15]           Les lignes directrices applicables (qui ont depuis été remplacées) se trouvent dans la Circulaire d'information 92-2, datée du 18 mars 1992 et nommée Lignes directrices concernant l'annulation des intérêts et des pénalités (les lignes directrices).

 

[16]           Les mesures législatives mentionnées au point 3 des lignes directrices visent le paragraphe 220(3.1) de la Loi.

220 (3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour-là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

                        [Non souligné dans l’original.]

220 (3.1) The Minister may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partnership) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwithstanding subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

                        [my emphasis]

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[17]           Sur le fondement de deux arrêts rendus par la Cour d’appel fédérale, je suis convaincue que la norme de contrôle applicable à la décision est la raisonnabilité. Voir Lanno c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 153, 2005 D.T.C. 5245, et Hillier c. Procureur général du Canada, 2001 D.T.C. 5399 (C.A.F.).

 

LA DÉCISION

 

[18]           Le ministre a tiré les conclusions qui suivent dans sa décision :

a)                  étant donné que tous les intérêts, toutes les pénalités et tous les impôts additionnels attribuables aux nouvelles cotisations ont été annulés, la longue durée de l’instance devant la CCI et l’erreur que constituait l’établissement des nouvelles cotisations n’ont pas causé de préjudice en définitive;

b)                  étant donné que le demandeur n’a pas présenté de preuve relative à des difficultés financières, cet élément des dispositions d'équité n'a pas été examiné;

c)                  étant donné que le demandeur n'a pas établi l'existence de circonstances extraordinaires qui l'auraient empêché de payer son impôt, cet élément des dispositions d'équité ne s'appliquait pas;

d)                  étant donné que le demandeur a choisi de travailler davantage et d'augmenter son revenu de profession libérale en 1997 et en 1998, il a la responsabilité de payer l'impôt lié à l'augmentation de son revenu ainsi que les intérêts sur tout arriéré.

 

ANALYSE

 

[19]           Étant donné que le demandeur n'était pas représenté par un avocat, il n'a pas exprimé clairement ses doléances et le défendeur ne l'a pas interrogé pour s'assurer de comprendre sa position.

 

[20]           Je ne critique pas la situation, mais il en résulte que, comme l'avocate du défendeur l'a fait savoir lors de l'audience, le défendeur ne savait pas que la demande d'annulation ne concernait que les intérêts sur les arriérés (voir la page 28 de la transcription du 28 février 2008) et ne savait apparemment pas qu'avant 1997 le demandeur avait de bonnes habitudes de paiement. L'avocate du défendeur a donné un mauvais renseignement à la Cour, selon lequel Dr Mackay devait 120 290 $ à titre d'impôt, alors qu'en fait il ne devait rien, comme en a convenu plus tard l'avocate.

 

[21]           Il semble que la décision n'ait pas toujours porté sur les arguments du demandeur. Par exemple, le demandeur n'affirmait pas qu'il était en difficulté financière dans sa demande fondée sur les dispositions d'équité. Il affirmait plutôt dans sa demande qu'il avait été au bord de la faillite en 1997 et en 1998. De façon semblable, la demande d'annulation fondée sur les circonstances extraordinaires n'a pas été bien comprise. La circonstance extraordinaire en question était l'inondation de l'immeuble abritant le LR&R. S'il voulait sauver son investissement, le demandeur ne pouvait pas payer à temps son impôt sur le revenu, et, par conséquent, l’intérêt s’est accumulé.

 

[22]           Le demandeur a également demandé l'annulation au motif que les intérêts constituent une partie démesurée de ses paiements actuels et qu'il est donc incapable de prendre des arrangements de paiement, mais il n'en a pas été question dans la décision.

 

[23]           Il ne s'agit pas d'une situation où le contribuable a négligé ses obligations fiscales. Le demandeur sait qu’il a de l’impôt à payer, et il tente seulement d'obtenir l'annulation des intérêts pour pouvoir éliminer ses arriérés.

 

[24]           La façon dont le demandeur s'y est pris pour mettre en œuvre sa décision de sauver sa « fortune familiale », pour reprendre les mots du juge Mogan, témoigne d'efforts impressionnants. Il a poussé son engagement professionnel jusqu'à risquer de compromettre sa santé, et tant lui que sa femme ont travaillé au LR&R sans rémunération.

 

CONCLUSION

 

[25]           Dans les circonstances inédites de la présente affaire - dans laquelle il a été admis que le défendeur n'avait pas compris que le demandeur avait seulement demandé l'annulation des intérêts sur les arriérés et que le demandeur avait de bonnes habitudes de paiement, et dans laquelle les arguments du demandeur ont été mal compris ou négligés -, je conclus que la décision n'est pas raisonnable et que l'affaire doit être réexaminée par un autre délégué du ministre, qui devra d'abord examiner la transcription de la présente audience, puis procéder à une entrevue avec le demandeur.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que, pour les motifs exposés ci-dessus, la décision est par le présent jugement infirmée.

 

La demande d'annulation des intérêts courus sur les arriérés d'impôt provenant des années d'imposition 1997 et 1998 doit être réexaminée à la lumière du paragraphe 25 des présents motifs.

 

Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

 

« Sandra J. Simpson »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme,

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-107-07

 

INTITULÉ :                                                   DR DONALD G. MACKAY c.

                                                                        MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 28 FÉVRIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 23 SEPTEMBRE 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Donald G. MacKay

 

POUR SON PROPRE COMPTE

Andrea Jackett

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Donald G. MacKay

 

POUR SON PROPRE COMPTE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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