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Date : 20080918

Dossier : T-216-07

Référence : 2008 CF 1057

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 18 septembre 2008

En présence de madame la juge Heneghan

 

ENTRE :

DOMTAR INC. et
DOMTAR INDUSTRIES INC.

 

demanderesses

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE
DU CHEF DU CANADA et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

I.   Introduction

  • [1] Dans une déclaration déposée le 31 janvier 2007, Domtar Inc. (« Domtar ») et Domtar Industries Inc. (« Domtar Industries ») (collectivement « Domtar » ou « les demanderesses ») contestent la constitutionnalité de l’article 18 de la Loi de 2006 sur les droits d’exportation de produits de bois d’œuvre. LC 2006, ch 13 (la « LDEPBO » ou la « Loi »). Dans une déclaration modifiée, déposée le 13 février 2007, les demanderesses ont ajouté Sa Majesté la reine du chef du Canada à titre de défenderesse avec le procureur général du Canada (collectivement « les défendeurs »).

  • [2] Les défendeurs demandent maintenant la radiation des actes de procédure et, dans leur avis de requête déposé le 27 mars 2007, ils demandent les mesures de réparation suivantes :

    • a) Une ordonnance de radiation de la déclaration modifiée en l’espèce (la « déclaration ») sans autorisation de modification et de rejet des actes de procédures en tout ou en partie;

 

  • b) Subsidiairement, une ordonnance pour retirer le procureur général du Canada en tant que défendeur;

 

  • c) Troisièmement, si les paragraphes 17, 18, 20, 21, 22, 40 et 43 de la déclaration ne sont pas radiés, une ordonnance exigeant que les demanderesses fournissent des précisions supplémentaires en l’espèce dans les 30 jours de l’ordonnance;

 

  • d) Au besoin, une ordonnance prolongeant l’échéance pour signifier et déposer la défense à 30 jours après avoir produit les précisions supplémentaires ou les dernières dispositions de cette requête;

 

  • e) Une ordonnance pour les dépens de la présente requête;

 

  • f) Les mesures de réparation additionnelles que demanderaient les avocats et que la Cour estimerait appropriées.

 

  • [3] Chacune des parties en l’espèce a déposé des affidavits. Les défendeurs, la partie requérante, ont déposé les affidavits de Jacques Maheux et Elizabeth Macauley. Les demanderesses ont déposé l’affidavit de Patrick Belisle.

 

  • [4] M. Maheux atteste que les dossiers de l’Agence du revenu du Canada indiquent que les demanderesses ont fait une déclaration de revenus déclarant et versant des dépôts douaniers de 37 769 575,41 $ et que la déclaration indiquait que le paiement avait été fait « sous réserve ». M. Maheux a attesté davantage que, selon son examen du dossier, les demanderesses n’ont pas fait la demande du remboursement du montant versé, conformément au paragraphe 41(3) de la LDEPBO.

  • [5] Mme Elizabeth Macauley, une auxiliaire juridique à la Direction générale du droit commercial du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada, a également produit un affidavit. Les documents suivants étaient en pièces jointes comme éléments de preuve à son affidavit :

  • (i) une copie conforme de l’« entente de principe » du 27 avril 2006, intitulée « Modalités fondamentales concernant l’accord du bois d’œuvre résineux entre le Canada et les États-Unis », mentionnée au paragraphe 14 de la déclaration modifiée;

  • (ii) une copie conforme du texte de l’ABR signé par le Canada et les États-Unis le 12 septembre 2006;

  • (iii) une copie conforme de la modification à l’ABR signé le 12 octobre 2006;

  • (iv) une lettre datée du 12 octobre 2006 par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada, concernant l’entrée en vigueur de l’ABR conformément à l’article 11.1;

  • (v) une lettre datée du 12 octobre 2006 de l’ambassadeur des États-Unis d’Amérique adressée au Canada concernant l’entrée en vigueur de l’ABR conformément à l’article 11.1;

 

  • [6] Dans leur réponse au dossier, les demanderesses ont déposé l’affidavit de Patrick Belisle, contrôleur à la Division des produits forestiers chez Domtar Inc. Il a témoigné en disant que ni Domtar ni sa société subsidiaire Domtar Industries n’ont reçu d’examen en vertu de la LDEPBO, mais plutôt Domtar Inc. a reçu un formulaire générique de l’Agence du revenu du Canada. Le formulaire a été rempli par toutes les compagnies qui ont reçu un remboursement en vertu de la responsabilité créée à l’article 18 de la LDEPBO. Un exemplaire du formulaire était en pièce jointe comme élément de preuve. Au paragraphe 4 de son affidavit, M. Belisle a déclaré ce qui suit :

À la suite de la responsabilité imposée de payer en vertu de l’article 18 de la LDEPBO, Domtar Inc. a payé environ 37 millions $ (CA) en fonction du dépôt douanier reçu par Domtar Inc. et Domtar Industries Inc., conformément à la formule établie dans ce formulaire. Le versement n’a pas été effectué par erreur.

 

  • [7] M. Belisle a en plus témoigné en disant que Domtar Inc. a versé environ 37 millions $ CA au gouvernement du Canada et que le versement n’a pas été effectué par erreur.

 

II.   Allégations de la déclaration

  • [8] Domtar est un producteur de produits de pâtes et papier, entre autres produits du bois. C’est une société cotée en bourse qui est présente à la fois au Canada et aux États-Unis et a exporté des produits de bois d’œuvre canadien aux États-Unis depuis plusieurs décennies. À cause de certaines mesures de commerce des États-Unis, les exportations de produits de bois d’œuvre de Domtar aux États-Unis étaient assujetties à environ 160 millions $ (US) en droits antidumping (« AD ») et en droits compensateurs (« DC ») de 2002 au 11 octobre 2006.

 

  • [9] En tout temps, Domtar Industries était, et continue à être, l’importatrice attitrée pour les douanes aux É.-U. Bien que les droits soient payables par l’importatrice attitrée, Domtar a payé les droits aux douanes des É.-U. et la protection à la frontière, à la fois pour elle-même et pour Domtar Industries Inc.

 

  • [10] Les circonstances qui ont généré cette imposition des droits d’AD et de DC découlent d’un différend en matière de commerce international entre le Canada et les États-Unis. Le 2 avril 2001, la Coalition for Fair Lumber Imports des États-Unis, qui représente les producteurs de bois d’œuvre des États-Unis, a déposé des pétitions au département du Commerce des États-Unis (le « DDC ») et à la Commission du commerce international des États-Unis (la « CCI »). Par conséquent, des ordonnances d’AD et de DC ont été rendues. Ces ordonnances sont en vigueur jusqu’au 12 octobre 2006, entraînant une responsabilité d’AD et de DC sur les produits de bois d’œuvre du Canada aux É.-U. jusqu’au 12 octobre 2006. Pendant la période d’avril 2001, jusqu’en octobre 2006, environ 5,4 milliards $ (US) ont été recouvrés par les É.-U. en droits d’AD et de DC sur les importations de bois d’œuvre canadien.

 

  • [11] Les associations et les producteurs de bois d’œuvre canadiens ont contesté les ordonnances d’AD et de DC des É.-U. devant les cours des É.-U. et devant des tribunaux binationaux établis en vertu de l’Accord de libre-échange nord-américain (« ALÉNA »). Les associations et les producteurs canadiens soutenaient également les poursuites du gouvernement du Canada à l’Organisation mondiale du commerce (« OMC »), et les contestations de l’ALÉNA contre les mesures établies par les É.-U.

 

  • [12] À la suite des procédures devant les cours des É.-U., et les tribunaux de l’OMC et de l’ALÉNA, l’imposition des droits d’AD et de DC a été jugée comme étant contraire à la fois aux lois américaines et aux obligations des traités internationaux. En dépit de ces contestations réussies, le gouvernement des É.-U. a refusé d’agir selon ces décisions.

 

  • [13] En avril 2006, le gouvernement canadien et le gouvernement américain ont signé une entente de principe pour régler le litige concernant le bois d’œuvre. Cette entente est connue sous le nom d’« Accord sur le bois d’œuvre résineux » (« ABR »). L’ABR est officiellement entré en vigueur le 12 octobre 2006, et a mis fin aux ordonnances des É.-U. sur l’imposition de droits d’AD et de DC au bois d’œuvre importé du Canada.

 

  • [14] Dans le cadre de l’ABR, les É.-U. ont convenu de rembourser les droits d’AD et de DC qui avaient été perçus, soit un montant d’environ 5,4 milliards $ (US). Le gouvernement canadien a convenu qu’il payerait 1 milliard $ (US) du remboursement de 5,4 milliards $ (US) pour les intérêts en matière de bois d’œuvre des É.-U. Une partie, soit 500 millions $ (US), serait distribuée aux membres de la Coalition for Fair Lumber Imports, tandis que 450 millions $ (US) seraient dépensés pour des « initiatives méritoires », à établir par les É.-U. en consultation avec le Canada. Le solde de 50 millions $ (US) serait payable au conseil binational du secteur.

 

  • [15] L’ABR a été mis en vigueur dans le droit canadien par la LDEPBO, qui a reçu la sanction royale le 14 décembre 2006. Les dispositions pertinentes au litige sont entrées en vigueur le 12 octobre 2006.

 

  • [16] Le préambule de la LDEPBO déclare, entre autres, que l’objet de la Loi est d’imposer « des droits sur l’exportation aux États-Unis de certains produits de bois d’œuvre et des droits sur les remboursements de certains dépôts douaniers faits aux États-Unis [...] »

 

  • [17] Afin de mettre en œuvre ces changements, deux mécanismes ont été établis en vertu de la Loi : un mécanisme de remboursement volontaire et l’article 18 de la LDEPBO. Dans le cadre du mécanisme de remboursement volontaire, les compagnies de bois d’œuvre pouvaient céder leurs droits sur les remboursements de dépôts douaniers à Exportation et développement Canada (« EDC »), une société d’État fédérale. En échange, l’EDC rendrait au producteur 81,94 % du remboursement. Le solde de 18,06 % serait retenu par le gouvernement du Canada par l’entremise de EDC. Le gouvernement du Canada paierait ensuite les fonds, jusqu’à hauteur de 18,06 %, aux intérêts des É.-U. en matière de bois d’œuvre. Les sociétés canadiennes qui ne cédaient pas leurs droits sur les remboursements de dépôts douaniers à l’EDC étaient assujetties au taux applicable en vertu de l’article 18.

 

  • [18] L’article 18 de la LDEPBO crée un taux applicable sur les remboursements de dépôts douaniers payés par le gouvernement américain. Selon la formule établie au paragraphe 18(1), un taux de 18,06 % s’applique aux remboursements de dépôts douaniers. Le taux s’applique à la « personne qui a présenté les documents et renseignements exigés par la législation américaine pour l’importation, aux États-Unis, de produits de bois d’œuvre durant la période commençant le 22 mai 2002 et se terminant le 11 octobre 2006. » Le taux s’applique à l’« intéressé » tel que défini à l’article 2 La Loi.

 

  • [19] En vertu du paragraphe 18(6) de la LDEPBO, si un « intéressé » vend ou cède son droit au remboursement à toute autre personne que Sa Majesté du chef du Canada, donc un intéressé qui ne participe pas au mécanisme de EDC, l’intéressé est « solidairement responsable » avec cette personne du paiement du droit et des intérêts et pénalités visés par la LDEPBO à cet égard.

 

  • [20] Au paragraphe 68(1), la LDEPBO impose une amende d’au plus 25 000 $ ou jusqu’à un an d’emprisonnement ou les deux, à toute personne qui ne dépose pas de remboursement en vertu du taux établi à l’article 18.

 

  • [21] Les demanderesses prétendent que le taux établi à l’article 18 est illégal selon les motifs qu’il est ultra vires à l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, ch 3 (R.U.), réimprimée en 1985 LRC, App. II, no 5 (la « Loi constitutionnelle de 1867 »). Elles déclarent que le taux représente un empiétement inconstitutionnel sur les pouvoirs provinciaux concernant les droits à la propriété et les droits civils dans les provinces comme l’autorise le paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867. En plus, elles prétendent que l’effet de l’article 18 est une ingérence illégale en vertu du paragraphe 92(5) sur l’administration et la vente des terres publiques appartenant à la province, et des bois et forêts qui s’y trouvent, et généralement toutes les matières d’une nature purement locale ou privée dans la province en vertu du paragraphe 92(16) de la Loi constitutionnelle de 1867.

 

  • [22] Les demanderesses déclarent en plus que l’article 18 constitue une taxe liée aux ressources forestières des provinces, et est contraire au paragraphe 92A(4) de la Loi constitutionnelle de 1867.

 

  • [23] Les demanderesses prétendent que l’article 18 contrevient aux articles 102 et 106 de la Loi constitutionnelle de 1867 étant donné que le revenu ainsi obtenu n’est pas à l’intention de la fonction publique du Canada. Elles prétendent que la disposition contrevient au droit particulier d’une personne à jouir de ses biens, au droit à l’application de la loi et au droit à l’égalité devant la loi que garantit la Déclaration canadienne des droits, LC 1960, ch 44, réimprimée en 1985 RSC, App. III, (« Déclaration canadienne des droits »). Elles soutiennent que l’article 18 contrevient à la Constitution et à la loi en étant trop large, disproportionné et arbitraire. Les demanderesses prétendent également que l’ABR et la LDEPBO sont le produit d’une influence politique.

 

  • [24] Dans leur réponse aux déclarations écrites des défendeurs, les demanderesses ont consenti au retrait du procureur général du Canada à titre de défendeur. Elles ont également déclaré qu’elles ne s’appuieraient sur leurs prétentions ni ne les poursuivraient en ce qui a trait à la Déclaration canadienne des droits.

 

III.   Observations

i)  Les observations des défendeurs

  • [25] Les défendeurs ont soulevé deux arguments généraux. Premièrement, ils soutiennent que la Cour n’a pas la compétence pour juger l’action en l’espèce selon les motifs que le régime législatif établi dans la Loi, avec l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, ch F-7, tel que modifié, signifie que la Cour canadienne de l’impôt possède la compétence exclusive sur la demande des demanderesses.

 

  • [26] Deuxièmement, les défendeurs soutiennent que la déclaration modifiée ne divulgue aucune cause d’action raisonnable. Ils prétendent que les attaques sur la constitutionnalité de l’article 18 de la LDEPBO faites par les demanderesses ne peuvent réussir étant donné que l’article représente un exercice approprié et légal des pouvoirs du législateur en matière de commerce international en vertu du paragraphe 91(2) de la Loi constitutionnelle de 1867. Selon les défendeurs, les déclarations des demanderesses sur l’impropriété et l’empiétement illégal du législateur dans la sphère des pouvoirs provinciaux obtiennent réponse dans la jurisprudence qui aborde le partage des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, y compris la doctrine de l’effet accessoire, le vaste pouvoir législatif du Parlement sur le plan des impôts, y compris la taxation indirecte, et le pouvoir fédéral de dispenser des fonds non seulement à des fins publiques.

 

  • [27] Également, les défendeurs soutiennent que la Loi, y compris l’article 18, représente l’exercice du pouvoir du Parlement à établir des traités. Puisque l’exercice de cet aspect des pouvoirs est de la prérogative du Parlement et qu’il a par conséquent l’immunité à l’égard de tout examen par les cours, les défendeurs soutiennent que la demande des demanderesses est vouée à l’échec.

 

  • [28] De plus, d’un autre côté, les défendeurs soutiennent que les déclarations faites aux paragraphes 17, 18, 20, 21, 22, 40 et 43 ne sont pas justiciables étant donné qu’elles contestent les motifs du Parlement ou sa justification d’appliquer l’article 18 de la Loi et qu’une telle motivation échappe au contrôle.

 

  • [29] À l’égard du supposé manque de compétence pour l’examen des déclarations des demanderesses, les défendeurs s’appuient sur la législation établie dans la Loi qui traite du recouvrement des fonds. Les défendeurs soutiennent essentiellement que l’action des demanderesses vise le recouvrement des fonds qu’ils ont payé au gouvernement du Canada au montant approximatif de 37 millions $ (CA), en fonction du taux créé par l’article 18.

 

  • [30] Les défendeurs affirment que les articles 39 à 44 de la Loi abordent le processus à suivre pour obtenir le remboursement des fonds payés en vertu de la Loi. L’article 39 de la Loi prévoit ce qui suit :

Droits de recouvrement créés par une loi

39. Il est interdit de recouvrer de l’argent qui a été versé à Sa Majesté du chef du Canada au titre d’une somme exigible en vertu de la présente loi ou qu’elle a pris en compte à ce titre, à moins qu’il ne soit expressément permis de le faire en vertu de la présente loi ou de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Statutory recovery rights

39. Except as specifically provided under this Act or the Financial Administration Act, no person has a right to recover any money paid to Her Majesty in right of Canada as or on account of, or that has been taken into account by Her Majesty in right of Canada as, an amount payable under this Act.

 

  • [31] L’article 41 de la Loi aborde également les remboursements comme suit :

Remboursement d’une somme payée par erreur

41. (1) Le ministre rembourse à toute personne la somme qu’elle a payée au titre des droits, pénalités, intérêts ou autres obligations en vertu de la présente loi, ou qui a été prise en compte à ce titre, alors qu’elle n’était pas exigible, qu’elle ait été payée par erreur ou autrement.

 

Restriction

(2) Le remboursement n’est pas effectué dans la mesure où le ministre a établi une cotisation à l’égard de la personne pour cette somme en application de l’article 50.

 

Demande de remboursement

(3) Le remboursement n’est effectué que si la personne présente, dans les deux ans suivant le paiement, une demande en la forme, selon les modalités et accompagnée des renseignements déterminés par le ministre.

 

 

Une demande par période de déclaration

(4) Sous réserve du paragraphe (5), la personne ne peut présenter plus d’une demande de remboursement par période de déclaration.

 

Demandes par succursales ou divisions

(5) La personne qui a droit au remboursement, qui exerce des activités dans des succursales ou divisions distinctes et qui est autorisée par le paragraphe 30(2) à présenter des déclarations distinctes relativement à des succursales ou divisions peut présenter des demandes de remboursement distinctes au titre du présent article relativement aux succursales ou divisions, mais ne peut en présenter plus d’une par période de déclaration relativement à la même succursale ou division.

 

Refund of payment

41. (1) If a person has paid an amount as or on account of, or that was taken into account as, a charge, a penalty, interest or other obligation under this Act in circumstances where the amount was not payable by the person, whether the amount was paid by mistake or otherwise, the Minister shall, subject to subsections (2) and (3), pay a refund of that amount to the person.

 

 

 

Restriction

(2) A refund in respect of an amount shall not be paid under subsection (1) to a person to the extent that the Minister has assessed the person for the amount under section 50.

 

Application for refund

(3) A refund in respect of an amount shall not be paid under subsection (1) to a person unless the person files, in the prescribed manner, an application for the refund in prescribed form and containing prescribed information within two years after the day on which the amount was paid by the person.

 

 

 

 

 

One application per reporting period

(4) Subject to subsection (5), not more than one application for a refund under this section may be made by a person in any reporting period.

 

Application by branches and divisions

(5) If a person who is entitled to a refund under this section is engaged in one or more activities in separate branches or divisions and is authorized under subsection 30(2) to file separate returns in relation to a branch or division, the person may file separate applications under this section in respect of the branch or division but not more than one application for a refund under this section in respect of the branch or division may be made by the person in any reporting period.

 

 

  • [32] Comme c’est le cas dans la Loi sur la taxe d’accise, LRC 1985, ch E-15, les défendeurs affirment que la Loi prévoit qu’une personne peut obtenir le remboursement d’un dépôt en suivant un processus de dépôt d’un avis d’opposition, pour enfin interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt. Les défendeurs observent que la compétence de la Cour canadienne de l’impôt, concernant les sujets soulevés en vertu de la Loi, a précisément été abordée dans la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, LRC 1985, ch T-2, à la suite de l’entrée en vigueur de la Loi. Le paragraphe 12(1) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt prévoit ce qui suit :

Compétence

12.(1) La Cour a compétence exclusive pour entendre les renvois et les appels portés devant elle sur les questions découlant de l’application de la Loi sur le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, du Régime de pensions du Canada, de la Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels, de la partie V.1 de la Loi sur les douanes, de la Loi sur l’assurance-emploi, de la Loi de 2001 sur l’accise, de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, de la Loi de l’impôt sur le revenu, de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, de la Loi de l’impôt sur les revenus pétroliers et de la Loi de 2006 sur les droits d’exportation de produits de bois d’œuvre, dans la mesure où ces lois prévoient un droit de renvoi ou d’appel devant elle.

Jurisdiction

12.(1) The Court has exclusive original jurisdiction to hear and determine references and appeals to the Court on matters arising under the Air Travellers Security Charge Act, the Canada Pension Plan, the Cultural Property Export and Import Act, Part V.1 of the Customs Act, the Employment Insurance Act, the Excise Act, 2001, Part IX of the Excise Tax Act, the Income Tax Act, the Old Age Security Act, the Petroleum and Gas Revenue Tax Act and the Softwood Lumber Products Export Charge Act, 2006 when references or appeals to the Court are provided for in those Acts.

 

  • [33] Les défendeurs font référence aux décisions prises en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont les décisions dans Riverside Concrete Ltd. c. Canada, [1995] 2 CF 309 (T.D.), Federated Co-Operatives Ltd. c. Canada, [1999] FCJ no 1028 (QL), 165 FTR 135 (F.C.T.D.) et Papiers Scott Limitée c Canada, 2006, 355 NR 378 (CAF); autorisation de pourvoi refusée (2008), 370 NR 400 à l’appui de leur prétention afin que les cours canadiennes reconnaissent que la Loi sur la taxe d’accise prévoit un code procédural pour le recouvrement des paiements fait en vertu de la loi, avec un droit d’appel devant la Cour canadienne de l’impôt. Ils soutiennent que, par analogie, la LDEPBO prévoit un processus similaire et, encore une fois, la compétence à l’égard d’une demande de recouvrement relève de la compétence exclusive de la Cour canadienne de l’impôt en première instance.

 

  • [34] S’appuyant sur ce fondement, les défendeurs soutiennent qu’en vertu de l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales, la Cour n’a pas la compétence pour juger la demande des demanderesses. L’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales prévoit ce qui suit :

Dérogation aux art.

18.5 Par dérogation aux articles 18 et 18.1, lorsqu’une loi fédérale prévoit expressément qu’il peut être interjeté appel, devant la Cour fédérale, la Cour d’appel fédérale, la Cour suprême du Canada, la Cour d’appel de la cour martiale, la Cour canadienne de l’impôt, le gouverneur en conseil ou le Conseil du Trésor, d’une décision ou d’une ordonnance d’un office fédéral, rendue à tout stade des procédures, cette décision ou cette ordonnance ne peut, dans la mesure où elle est susceptible d’un tel appel, faire l’objet de contrôle, de restriction, de prohibition, d’évocation, d’annulation ni d’aucune autre intervention, sauf en conformité avec cette loi.

Exception to sections 18 and 18.1

 

18.5 Despite sections 18 and 18.1, if an Act of Parliament expressly provides for an appeal to the Federal Court, the Federal Court of Appeal, the Supreme Court of Canada, the Court Martial Appeal Court, the Tax Court of Canada, the Governor in Council or the Treasury Board from a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal made by or in the course of proceedings before that board, commission or tribunal, that decision or order is not, to the extent that it may be so appealed, subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with, except in accordance with that Act.

 

  • [35] Les défendeurs soutiennent que, tenant compte de la véritable nature de la demande des demanderesses, soit le recouvrement d’un paiement effectué en vertu de la LDEPBO, la conséquence conjointe du processus spécialisé exposé dans la loi et l’exclusion définie à l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales, il est « évident et manifeste » que la demande ne relève pas de la compétence du tribunal en l’espèce et qu’elle devrait être radiée. À cet égard, les défendeurs s’appuient sur la décision dans Canada c. Roitman (2006), 353 NR 75.

 

  • [36] Le deuxième fondement substantif sur lequel les défendeurs appuient leur demande de radiation de la déclaration des demanderesses en l’espèce, sur la prétendue inconstitutionnalité de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales, est qu’elle n’a pas de fondement étant donné qu’il est évident et manifeste que les dispositions de la loi concernent la réglementation du commerce international, un sujet qui concerne clairement la compétence législative du Parlement en vertu du paragraphe 91(2) de la Loi constitutionnelle de 1867.

 

  • [37] Le paragraphe 91(2) de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit ce qui suit :

91. Il sera loisible à la Reine, de l’avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par la présente loi exclusivement assignés aux législatures des provinces; mais, pour plus de garantie, sans toutefois restreindre la généralité des termes ci-haut employés dans le présent article, il est par la présente déclaré que (nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi) l’autorité législative exclusive du parlement du Canada s’étend à toutes les matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir :

[...]

2. La réglementation du trafic et du commerce.

 

91. It shall be lawful for the Queen, by and with the Advice and Consent of the Senate and House of Commons, to make laws for the Peace, Order, and good Government of Canada, in relation to all Matters not coming within the Classes of Subjects by this Act assigned exclusively to the Legislatures of the Provinces; and for greater Certainty, but not so as to restrict the Generality of the foregoing Terms of this Section, it is hereby declared that (notwithstanding anything in this Act) the exclusive Legislative Authority of the Parliament of Canada extends to all Matters coming within the Classes of Subjects next hereinafter enumerated;

...

 

2. The Regulation of Trade and Commerce.

 

 

  • [38] L’article 18 de la LDEPBO prévoit ce qui suit :

Définitions

18. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

 

 

« importation non tarifée »

 

« covered entry »

« importation non tarifée » Importation pour laquelle un dépôt douanier a été fait et à l’égard de laquelle les droits n’ont pas été déterminés au 12 octobre 2006.

 

« dépôt douanier »

 

« duty deposit »

« dépôt douanier » Somme donnée en dépôt au titre du décret douanier américain.

 

« remboursement »

 

« duty deposit refund »

« remboursement » S’agissant de l’intéressé, le remboursement de tout dépôt douanier et des intérêts afférents courus, selon le droit applicable aux États-Unis, jusqu’au premier en date des jours suivants :

 

 

a) le jour où le remboursement est fait à l’intéressé ou à la personne désignée par celui-ci;

 

b) le jour où l’intéressé cède à titre onéreux son droit au remboursement à Sa Majesté du chef du Canada.

 

« révocation »

 

« revocation »

« révocation » S’agissant de tout décret douanier américain, sont assimilées à la révocation l’instruction de mettre fin à toute suspension de la tarification des importations non tarifées et celle de rembourser tout dépôt douanier.

 

« intéressé »

 

« specified person »

« intéressé » Personne qui a présenté les documents et renseignements exigés par la législation américaine pour l’importation, aux États-Unis, de produits de bois d’œuvre durant la période commençant le 22 mai 2002 et se terminant le 11 octobre 2006.

 

« taux applicable »

 

« specified rate »

 « taux applicable » Taux obtenu par la formule suivante :

 

A / B

 

où :

 

A représente 1 milliard de dollars américains; et

 

B le total, en dollars américains, de tous les dépôts douaniers et des intérêts afférents courus, selon le droit applicable aux États-Unis, jusqu’au 12 octobre 2006.

 

« décret douanier américain »

 

« United States duty order »

« décret douanier américain » Selon le cas :

 

a) le texte intitulé Notice of Amended Final Determination of Sales at Less Than Fair Value and Antidumping Duty Order: Certain Softwood Lumber Products from Canada, 67 Fed. Reg. 36,068 (22 mai 2002), avec ses modifications;

 

b) le texte intitulé Notice of Amended Final Affirmative Countervailing Duty Determination and Notice of Countervailing Duty Order: Certain Softwood Lumber Products from Canada, 67 Fed. Reg. 36,070 (22 mai 2002), avec ses modifications.

 

Arrondissement

(2) Le taux applicable, exprimé en nombre décimal, est arrêté à la quatrième décimale, les résultats qui ont au moins cinq en cinquième décimale étant arrondis à la quatrième décimale supérieure.

 

Droit sur les remboursements de dépôts douaniers

 

(3) Tout intéressé à l’égard duquel une importation non tarifée sera tarifée, pour cause de révocation, est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada le droit au taux applicable sur le montant de tout remboursement relatif à l’importation non tarifée.

 

Obligation de payer

(4) Le droit est exigible de l’intéressé même si le remboursement est fait à la personne que celui-ci a désignée.

 

Paiement du droit

(5) Le droit devient exigible à celle des dates ci-après qui est postérieure à l’autre :

 

a) la date de sanction de la présente loi;

 

b) la date

 

du remboursement à l’intéressé ou à la personne désignée par lui ou, si elle lui est antérieure,

 

la date à laquelle l’intéressé a cédé à titre onéreux son droit au remboursement à Sa Majesté du chef du Canada.

 

 

Solidarité

(6) L’intéressé qui, après le 18 septembre 2006, cède son droit au remboursement à toute autre personne que Sa Majesté du chef du Canada est solidairement responsable avec cette personne du paiement du droit prévu au paragraphe (3) et des intérêts et pénalités visés par la présente loi à cet égard.

 

Definitions

18. (1) The following definitions apply in this section.

 

“United States duty order”

 

« décret douanier américain »

“United States duty order” means

(a) the Notice of Amended Final Determination of Sales at Less Than Fair Value and Antidumping Duty Order: Certain Softwood Lumber Products from Canada, 67 Fed. Reg. 36,068 (22 mai 2002), avec ses modifications;

 

(b) the Notice of Amended Final Affirmative Countervailing Duty Determination and Notice of Countervailing Duty Order: Certain Softwood Lumber Products from Canada, 67 Fed. Reg. 36,070 (22 mai 2002), avec ses modifications.

 

« duty deposit »

 

 

« dépôt douanier »

“duty deposit” means an amount deposited under a United States duty order.

 

“covered entry”

 

« importation non tarifée »

“covered entry” means an entry that, on October 12, 2006, has not been liquidated and in respect of which a duty deposit has been made.

 

“specified person”

 

« intéressé »

“specified person” means a person that filed the documents and information required under the applicable United States law in respect of the importation of any softwood lumber product into the United States during the period beginning on May 22, 2002 and ending on October 11, 2006.

 

“duty deposit refund”

 

« remboursement »

“duty deposit refund” of a specified person means the refund of a duty deposit and all interest on that deposit accrued under United States law up to the earlier of

 

(a) the day on which the refund is issued to the specified person or a designate of the specified person, and

 

(b) the day on which the specified person sells the rights to the refund to Her Majesty in right of Canada.

 

“revocation”

 

« révocation »

“revocation” means a revocation of a United States duty order including any direction to end any suspension of liquidation of a covered entry or to refund any duty deposit.

 

“specified rate”

 

« taux applicable »

“specified rate” means the rate determined by the formula

 

A/B

 

where

 

A is US$1,000,000,000;

 

B is the total, expressed in United States dollars, of all duty deposits and all interest accrued on them under United States law as of October 12, 2006.

 

Rounding

(2) The specified rate shall be expressed as a decimal fraction rounded off to four digits after the decimal point, but if the fifth digit is five or greater, the fourth digit is increased by one.

 

Imposition of charge on duty deposit refund

(3) Every specified person in respect of whom a covered entry is to be liquidated as a result of a revocation shall pay to Her Majesty in Right of Canada a charge at the specified rate on the amount of any duty deposit refund that relates to the covered entry.

 

Liability for charge

(4) The charge under subsection (3) is payable by the specified person even if the refund is issued to a designate of the specified person.

 

When charge payable

(5) The charge under subsection (3) becomes payable by the specified person on the later of

 

(a) the day on which this Act is assented to, and

 

(b) the day that is the earlier of (i) the day on which the duty deposit refund is issued to the specified person or a designate of the specified person, and (ii) the day on which the specified person sells the rights to the duty deposit refund to Her Majesty in right of Canada.

 

Joint and several or solidary liability

(6) If, at any time after September 18, 2006, a specified person sells or otherwise disposes of the rights to a duty deposit refund to a person other than Her Majesty in right of Canada, the specified person and the other person are jointly and severally, or solidarily, liable to pay the charge under subsection (3) and any penalties and interest payable under this Act in relation to that charge.

 

 

  • [39] Les défendeurs font référence à la décision de la Cour suprême dans Ward c. Canada (Procureur général), [2002] 1 RCS 569, sur laquelle ils s’appuient et où la Cour suprême a établi la première étape pour aborder l’analyse du « caractère véritable » de la loi lorsque sa validité constitutionnelle est contestée. Au paragraphe 17, la Cour suprême a déclaré ce qui suit :

17.  La première étape de l’analyse du caractère véritable consiste à déterminer le caractère véritable ou essentiel de la loi. Quelle est le sens véritable ou la caractéristique dominante de la mesure législative attaquée? Pour répondre à cette question, il faut examiner l’objet et l’effet juridique du règlement ou de la loi en cause : voir le Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu, précité, par. 16. L’objet désigne ce que le législateur a voulu accomplir.  Il est pertinent pour déterminer si, en l’espèce, le Parlement réglementait les pêcheries ou s’il s’aventurait dans le domaine de compétence provinciale de la propriété et des droits civils. L’effet juridique désigne la façon dont la loi influe sur des droits et des obligations, et il est également utile pour comprendre le sens premier de la loi : voir le Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu, précité, par. 17-18, et l’arrêt Morgentaler, précité, p. 482-483. Les effets peuvent également indiquer si une loi comporte un « motif déguisé », c’est-à-dire montrer que même si, de par sa forme, la loi paraît porter sur un sujet relevant de la compétence du législateur, elle porte, au fond, sur un sujet qui ne relève pas de cette compétence : voir l’arrêt Morgentaler, précité, p. 496. Dans sa plaidoirie, M. Ward a précisé clairement que sa contestation de la loi n’était pas fondée sur l’existence d’un motif déguisé.

 

 

  • [40] Les défendeurs soutiennent qu’en ce qui a trait au cœur de l’article 18 de la LDEPBO, il est évident et manifeste que cette disposition est liée à la réglementation du commerce international. La Loi vise la mise en œuvre de certaines obligations du Canada en vertu de l’ABR, un accord qui a mis fin au différend sur le bois d’œuvre résineux avec les États-Unis. Selon les défendeurs, l’objectif de l’article 18 de cet accord est important puisque cette disposition traite du prélèvement de fonds pour payer un montant de 1 milliard $ (US) à partir des dépôts douaniers remboursés aux exportateurs canadiens.

 

  • [41] Les défendeurs soutiennent que l’application d’un taux fait partie d’une réglementation « nécessairement accessoire » à un tel régime réglementaire. À cet égard, ils s’appuient sur les décisions dans Re : Exported Natural Gas, [1982] 1 SCR 1004 et Première nation de Westbank c. British Columbia Hydro and Power Authority, [1999] 3 RCS 134.

 

  • [42] Les défendeurs affirment que l’article 18 est nécessairement accessoire concernant les droits à la propriété et les droits civils, mais soutiennent qu’un tel impact accessoire ne porte pas atteinte à sa validité constitutionnelle. Ils se sont appuyés sur la décision de la Cour suprême du Canada dans Fédération des producteurs de volailles du Québec c. Pelland, [2005] 1 RCS 292, au paragraphe 31, dans laquelle la Cour a déclaré ce qui suit :

Cette analyse met en relief la préoccupation que le juge en chef Laskin a exprimée dans le Renvoi sur les œufs et qui survient chaque fois qu’il y a chevauchement de compétences. Des lois relevant de la compétence d’un ordre de gouvernement débordent souvent sur celle d’un autre ordre ou ont des répercussions indirectes sur elle. C’est pourquoi la cour de révision doit se concentrer sur le caractère fondamental de la loi en cause, comme ce fut le cas dans Carnation, dans Procureur général du Manitoba c. Manitoba Egg and Poultry Assn., 1971 CanLII 135 (CSC), [1971] R.C.S. 689, dans le Renvoi sur les œufs, dans Canadian Industrial Gas & Oil Ltd. c. Gouvernement de la Saskatchewan, 1977 CanLII 210 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 545, et dans Central Canada Potash Co. c. Gouvernement de la Saskatchewan, 1978 CanLII 21 (CSC), [1979] 1 R.C.S. 42.689; 545; 42.

 

  • [43] Les défendeurs s’appuient également sur la décision dans Murphy c. Canadian Pacific Railway Company, [1958] SCR 626, où le juge Locke a conclu qu’un impact sur les droits à la propriété et les droits civils est inévitable, en disant ce qui suit aux pages 631 et 632 :

[traduction]

 

[...] il me semble que l’on ne saurait nier le fait que la Loi sur la Commission canadienne du blé, dans la mesure où ses dispositions ont trait à l’exportation du grain à partir d’une province, aux fins de la vente, constitue une loi ayant trait à la réglementation du trafic et du commerce selon le sens qu’a cette expression à l’art. 91. Comme l’a indiqué le compétent juge en chef du Manitoba, il est bien établi en droit que les provinces ne peuvent réglementer ou restreindre l’exportation des produits naturels comme les céréales au-delà de leurs frontières. [...]

 

Cela étant établi, et à mon avis à cause de cette nécessité accessoire, le fait qu’il y a interférence avec les droits à la propriété et aux droits civils dans la province comme l’indique le paragraphe 13 de l’article 92, est immatériel. Pour les motifs qui ont été établis dans un grand nombre de décisions du comité judiciaire ainsi que, dans notre Cour, il a été décidé que, si un sujet fait l’objet d’une des catégories exposées à l’article 91, il ne peut être traité dans le cadre d’aucune des catégories de l’article 92 [...] Il est alors évident qu’il serait impossible pour le législateur d’exercer pleinement sa compétence exclusive accordée au paragraphe 2 et à plusieurs autres paragraphes de l’article 91 sans contrevenir aux droits à la propriété et aux droits civils dans certaines ou dans toutes les provinces.

 

 

  • [44] Les défendeurs soutiennent que les paragraphes 37 et 38 de la déclaration modifiée devraient être radiés étant donné qu’ils contestent la sagesse de l’ABR.

 

  • [45] Les paragraphes 37 et 38 de la déclaration modifiée se lisent comme suit :

[traduction]

 

L’article 18 de la LDEPBO est ultra vires à l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, étant donné qu’il traite de sujets sous la seule compétence des provinces. Plus précisément, le taux de l’article 18 ne concerne pas « le prélèvement de deniers par tous modes ou systèmes de taxation », comme il est accordé au gouvernement fédéral au paragraphe 91(3). Le taux prescrit à l’article 18 concerne plutôt un montant réglementaire dû par un gouvernement étranger aux sociétés canadiennes, à être prélevé seulement pour être redistribué à des intérêts étrangers.

 

Le taux réglementaire prescrit à l’article 18 concerne les « droits à la propriété et droits civils dans la province » dans le cadre de la compétence provinciale en vertu du paragraphe 92(3). De plus ou d’un autre côté, le taux est lié à

  • a) « l’administration et la vente des terres publiques appartenant à la province, et des bois et forêts qui s’y trouvent », sous la compétence provinciale en vertu du paragraphe 92(5);

  • b) « Généralement toutes les matières d’une nature purement locale ou privée dans la province » sous la compétence provinciale en vertu du paragraphe 92(16);

  • c) « Le prélèvement de deniers par tous modes ou systèmes de taxation [...] des ressources forestières de la province, ainsi que de la production primaire qui en est tirée », sous la compétence provinciale en vertu du paragraphe 92A(4).

 

  • [46] Les défendeurs soutiennent que la sagesse ou les avantages de l’ABR en tant que tel ne peuvent faire l’objet d’un litige. Les allégations faites aux paragraphes 37 et 38 « ne nuisent pas au caractère évident lié au commerce » de l’ABR et de la loi pertinente. Les défendeurs font référence à la décision dans Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu (Can.), [2000] 1 RCS 783, au paragraphe 18, où la Cour suprême a dit ce qui suit :

Les effets juridiques d’une loi sont déterminés par l’examen de son application et de ses effets sur les Canadiens. Le procureur général de l’Alberta dit que la loi ne réussira pas à atteindre son but. Selon lui, pour ce qui a trait à un objet de droit criminel, le régime législatif sera inefficace (p. ex. les criminels n’enregistreront pas leurs armes); là où elle aura un effet, la loi ne contribuera pas à la lutte contre le crime (p. ex. en imposant aux agriculteurs de la paperasserie inutile).  Ces préoccupations ont été adressées, comme il se doit, au Parlement qui les a examinées. Dans le cadre de ses compétences constitutionnelles, c’est au Parlement qu’il appartient de juger s’il est probable qu’une mesure atteindra le but poursuivi; l’efficacité n’est pas pertinente dans le cadre de l’analyse du partage des pouvoirs par notre Cour: Morgentaler, précité, aux pp. 487 et 488, et Renvoi: Loi anti-inflation, 1976 CanLII 16 (CSC), [1976] 2 R.C.S. 373.  L’examen vise plutôt à déterminer comment la loi cherche à atteindre son but afin de mieux comprendre son [traduction] « entière portée »: W. R.  Lederman, Continuing Canadian Constitutional Dilemmas (1981), aux pp. 239 et 240. Dans certains cas, les effets de la loi peuvent indiquer un objet autre que celui qu’elle énonce:  Morgentaler, précité, aux pp. 482 et 483; Attorney-General for Alberta c. Attorney-General for Canada, 1938 CanLII 251 (UK JCPC), [1939] A.C. 117 (C.P.) (Alberta Bank Taxation Reference); et Texada Mines Ltd. c. Attorney-General of British Columbia, 1960 CanLII 43 (SCC), [1960] R.C.S. 713; et, de façon générale, P. W. Hogg, Constitutional Law of Canada (éd. feuilles mobiles), aux pp. 15-14 à 15-16. En d’autres termes, une loi peut dire qu’elle vise une chose et, en réalité, faire autre chose. Lorsque les effets de la loi diffèrent de façon importante de l’objet déclaré, on parle parfois de « motif déguisé ».

 

 

  • [47] D’un autre côté, les défendeurs soutiennent que l’article 18 est un exercice valeur du pouvoir législatif en vertu du paragraphe 91(3) de la Loi constitutionnelle de 1867 qui instruit comme suit :

POUVOIRS DU PARLEMENT

Autorité législative du parlement du Canada

 

91. Il sera loisible à la Reine, de l’avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par la présente loi exclusivement assignés aux législatures des provinces; mais, pour plus de garantie, sans toutefois restreindre la généralité des termes ci-haut employés dans le présent article, il est par la présente déclaré que (nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi) l’autorité législative exclusive du parlement du Canada s’étend à toutes les matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir :

 

[...]

 

3. Le prélèvement de deniers par tous modes ou systèmes de taxation.

 

 

POWERS OF THE PARLIAMENT

 

Legislative Authority of Parliament of Canada

 

91. It shall be lawful for the Queen, by and with the Advice and Consent of the Senate and House of Commons, to make laws for the Peace, Order, and good Government of Canada, in relation to all Matters not coming within the Classes of Subjects by this Act assigned exclusively to the Legislatures of the Provinces; and for greater Certainty, but not so as to restrict the Generality of the foregoing Terms of this Section, it is hereby declared that (notwithstanding anything in this Act) the exclusive Legislative Authority of the Parliament of Canada extends to all Matters coming within the Classes of Subjects next hereinafter enumerated;

 

[...]

 

3. The raising of Money by any Mode or System of Taxation.

 

  • [48] Les défendeurs font appel à la décision de la Cour suprême du Canada dans Première nation de Westbank, où la Cour expose les facteurs dont il faut tenir compte pour décider si une taxe doit être payée ou non, en déclarant ce qui suit, aux paragraphes 21 et 22 :

Le point de départ naturel en matière de qualification des prélèvements gouvernementaux est l’arrêt de notre Cour Lawson c. Interior Tree Fruit and Vegetable Committee of Direction, 1930 CanLII 91 (SCC), [1931] R.C.S. 357, aux pp. 362 et 363.  Dans cet arrêt, le juge Duff, plus tard Juge en chef, a expliqué que les redevances contestées étaient des taxes parce qu’elles étaient : (1) exigibles en vertu de la loi, (2) imposées sous l’autorité de la législature, (3) imposées par un organisme public, (4) pour une fin d’intérêt public.  Le juge Duff a également souligné que les redevances en cause étaient obligatoires et touchaient un grand nombre de personnes.

 

Ces indicateurs d’une « taxation » ont récemment été adoptés par notre Cour dans Succession Eurig, précité, au par. 15. Le juge Major, pour la majorité de la Cour, a ajouté un autre élément possible pour qualifier un prélèvement gouvernemental, disant au par. 21 qu’« [i]l est un autre facteur qui permet généralement de distinguer des frais d’une taxe : il doit y avoir un rapport entre la somme exigée et le coût du service fourni ». Il s’agit d’une précision utile, car elle aide à faire la distinction entre les taxes et les frais d’utilisation qui sont un sous‑ensemble des « redevances de nature réglementaire ».

 

 

  • [49] Les défendeurs soutiennent que le taux prescrit dans l’article 18 « porte toutes les caractéristiques de la taxation » étant donné qu’elle est exécutoire en vertu de la loi; le défaut de produire ou de rembourser ou de payer le taux peut mener à des sanctions conformément à la loi. Le taux est imposé par le Parlement qui est un « organisme public ». L’« objectif additionnel » du taux vise à rembourser le trésor public au montant de 1 milliard $ (US) payé par le Canada pour donner effet à l’ABR.

 

  • [50] Les défendeurs soutiennent que l’effet accessoire sur la compétence provinciale, conformément à l’exercice d’une taxation valable sous la compétence fédérale, ne crée pas un problème inconstitutionnel et s’appuient sur la décision à cet égard dans Renvoi relatif à la taxe sur les produits et services, [1992] 2 RCS 445 et 469.

 

  • [51] Les défendeurs soutiennent que l’article 18 n’est pas contraire à l’article 102 de la Loi constitutionnelle de 1867 comme le prétendent les demanderesses au paragraphe 39 de leur déclaration modifiée comme suit :

[traduction]

 

En outre ou d’un autre côté, l’article 18 de la LDEPBO est contraire aux articles 102 et 106 de la Loi constitutionnelle de 1967, étant donné que les fonds levés le sont pour et à l’avantage des intérêts du bois d’œuvre des É.-U. et ne le sont pas « pour la fonction publique du Canada ».

 

 

  • [52] L’article 102 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit ce qui suit :

VIII. REVENUS; DETTES; ACTIFS; TAXE

 

Création d’un fonds consolidé de revenu

 

102. Tous les droits et revenus que les législatures respectives du Canada, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, avant et à l’époque de l’union, avaient le pouvoir d’approprier, sauf ceux réservés par la présente loi aux législatures respectives des provinces, ou qui seront perçus par elles conformément aux pouvoirs spéciaux qui leur sont conférés par la présente loi, formeront un fonds consolidé de revenu pour être approprié au service public du Canada de la manière et soumis aux charges prévues par la présente loi.

VIII. REVENUES; DEBTS; ASSETS; TAXATION

 

Creation of Consolidated Revenue Fund

 

All Duties and Revenues over which the respective Legislatures of Canada, Nova Scotia, and New Brunswick before and at the Union had and have Power of Appropriation, except such Portions thereof as are by this Act reserved to the respective Legislatures of the Provinces, or are raised by them in accordance with the special Powers conferred on them by this Act, shall form One Consolidated Revenue Fund, to be appropriated for the Public Service of Canada in the Manner and subject to the Charges in this Act provided.

 

  • [53] Les défendeurs soutiennent que l’article 102 n’a pas pour objet de limiter le pouvoir du législateur en vertu de l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 et ils s’appuient sur la décision du Conseil privé à cet égard dans Procureur général de la Colombie-Britannique c. Procureur général du Canada et le Procureur général de l’Ontario, [1923] 4 D.L.R. 669 (C.P.), aux pages 670 et 671, comme suit :

Celui-ci fait partie d’une série d’articles qui, à commencer par l’art. 102, partagent entre le Dominion et les provinces certaines catégories distinctes de biens et confient aux provinces le contrôle de la part qui leur est attribuée. Mais cela n’exclut pas l’application des lois fédérales adoptées dans l’exercice du pouvoir conféré par l’art. 91. Le Dominion a le pouvoir de réglementer les échanges et le commerce partout sur son territoire et, dans la mesure où ce pouvoir s’applique, cela se fait de façon impartiale. Il faut donc interpréter l’art. 125 de manière à empêcher que l’on fasse échec à cet objet prépondérant.

 

  • [54] De plus, les défendeurs soutiennent que la prétention des demanderesses, selon laquelle l’article 18 contrevient la règle de droit, n’est pas raisonnable. Premièrement, ils affirment que les demanderesses n’ont pas plaidé suffisamment de faits pour soutenir leur demande. De plus, ils soutiennent que les demanderesses s’appuient sur l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés pour appuyer leur demande et se trompent en l’invoquant puisqu’il est bien établi en droit que les sociétés comme les demanderesses ne peuvent invoquer de protection en vertu de cette disposition; voir Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 RCS 927, au paragraphe 96.

 

  • [55] Les défendeurs contestent également la demande des demanderesses au paragraphe 43 de leur déclaration modifiée, qui prétend que l’article 18 exproprie effectivement les demanderesses de leur propriété « pour aucun objectif public légitime ». Les défendeurs soutiennent qu’il n’y a aucune protection constitutionnelle contre l’expropriation et, par conséquent, le paragraphe 43 ne divulgue aucune cause d’action raisonnable.

 

  • [56] Enfin, les défendeurs soutiennent qu’au cas où l’action n’est pas radiée en entier, que les paragraphes 17, 18, 20, 21, 22, 40 et 43 le soient alors tous, pour les motifs qu’ils font des allusions non pertinentes et immatérielles, scandaleuses, frivoles et vexatoires ou ne révèlent aucune cause d’action valable. De toute façon, les défendeurs affirment que les questions soulevées dans ces paragraphes ne sont pas justiciables.

 

  • [57] Selon les défendeurs, les demanderesses contestent la sagesse de l’ABR aux paragraphes 17 et 18. Les défendeurs contestent les paragraphes 20 à 27, pour les motifs que les demanderesses attaquent la motivation du Parlement concernant l’adoption de l’ABR et de la LDEPBO.

 

  • [58] Enfin, en faisant référence au paragraphe 43 de la déclaration modifiée, les défendeurs soutiennent que la déclaration des demanderesses indiquant que l’article 18 de la Loi est contraire à la règle de droit, n’est pas une cause d’action raisonnable.

 

ii)  Les observations des demanderesses

  • [59] De leur côté, les demanderesses soutiennent que les défendeurs n’ont pas établi que la Cour n’a pas la compétence de juger leur demande ou que la déclaration modifiée n’est pas une cause d’action raisonnable. Elles soutiennent encore que les défendeurs n’ont pas établi, dans leur note de service, que leurs observations concernant certains paragraphes de la déclaration modifiée étaient scandaleuses, frivoles et vexatoires ou autrement un abus de procédure, et que la Cour ne devrait pas aborder la question.

 

  • [60] Les demanderesses soutiennent que les défendeurs n’ont pas établi qu’il était évident et manifeste que la Cour n’avait pas la compétence pour juger leur cause. Elles soutiennent que leur déclaration conteste la validité constitutionnelle de l’article 18 de la Loi; elles ne demandent pas de remboursement pécuniaire de montants payés en vertu de la Loi conformément au régime établi à cet égard. Les demanderesses affirment que l’argent n’a pas été payé par erreur, mais en vertu des responsabilités créées conformément à la Loi et pour éviter les pénalités importantes qui s’y appliqueraient dans l’éventualité de sa non-conformité.

 

  • [61] S’appuyant sur les décisions dans British Columbia Native Women’s Society c. Canada, [2001] 4 CF 191 (T.D.) et Amway of Canada c. La Reine, [1986] 2 CF 312 (T.D.), modifiées sur d’autres motifs [1987] 2 CF 524 (CAF), les demanderesses soutiennent que les questions de droit sérieuses ne peuvent être décidées sommairement.

 

  • [62] Les demanderesses soutiennent que la jurisprudence pertinente à la Loi sur la taxe d’accise est pertinente. Elles soutiennent que les processus d’opposition et d’appel de la Loi, qui peuvent faire l’objet d’un appel devant la Cour canadienne de l’impôt, ne s’appliquent pas au sujet de leur demande. En s’appuyant sur la décision dans Thorson c. Procureur Général du Canada, [1975] 1 RCS 138, elles soutiennent que la validité constitutionnelle de la législation a toujours été justiciable.

 

  • [63] En outre, les demanderesses soutiennent que l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales n’interdit pas la présente action. L’action est déposée conformément à l’article 17 de la Loi sur les Cours fédérales. L’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales ne s’applique pas étant donné que les demanderesses ne contestent pas une décision ou une ordonnance du tribunal fédéral.

 

  • [64] Les demanderesses soutiennent que la décision dans Roitman, sur laquelle s’appuient les défendeurs, est sans objet. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale fait référence à l’article 18.5 comme étant une façon de limiter la compétence de contester la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, ch 1 (5e suppl.) devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

  • [65] De plus, les demanderesses soutiennent que le processus d’appel contenu dans la LDEPBO s’applique aux « examens » effectués en vertu de la Loi et non au taux spécial créé par l’article 18.

 

  • [66] Les défendeurs soutiennent que le taux décrit à l’article 18 concerne en substance cette réglementation du commerce international conformément au paragraphe 91(2) de la Loi constitutionnelle de 1867 ou, d’un autre côté, au pouvoir d’impôt fédéral en vertu du paragraphe 91(3). En réponse, les demanderesses soutiennent que cette affirmation des défendeurs soulève des questions complexes de fait et de droit qui ne peuvent être régler sommairement. Elles s’appuient à cet égard sur la décision dans Reference Re Alberta Bills, [1938] 4 D.L.R. 433 (C.P.).

 

  • [67] Les demanderesses reconnaissent que la doctrine de l’exclusivité des compétences pourrait être invoquée pour protéger les pouvoirs d’un niveau du gouvernement contre l’intrusion par un autre niveau de gouvernement, y compris les pouvoirs accessoires, en s’appuyant sur leur décision dans Canadian Western Bank c. Alberta, [2007] 2 RCS 3. Une adoption qui est en substance ultra vires des pouvoirs du Parlement et qui n’est pas « nécessairement accessoire » à l’exercice efficace, par le Parlement, de son pouvoir législatif, peut être séparée de la législation ambiante; voir Peel (Municipalité régionale) c. MacKenzie et al., [1982] 2 RCS 9.

  • [68] Les demanderesses soutiennent que l’article 18 est en substance un taux réglementaire et non une taxe. De plus, elles disent que les défendeurs reconnaissent cette catégorisation dans leurs observations écrites.

 

  • [69] Les demanderesses font référence à la décision dans Lawson c. Interior Tree Fruit and Vegetable Committee of Direction, [1931] RCS 357 et dans Succession Eurig (Re), [1998] 2 RCS 565 où la Cour suprême du Canada décrit cinq critères qui catégorisent un prélèvement gouvernemental comme suit :

    1. Le prélèvement est-il exécutoire en vertu de la loi;

    2. Le prélèvement est-il imposé en vertu de la présente compétence législative;

    3. Le prélèvement est-il imposé par un organisme public;

    4. Le prélèvement est-il perçu pour une fin d’intérêt public;

    5. Le prélèvement est-il séparé de toute forme de régime de réglementation.

 

 

  • [70] Les demanderesses soutiennent que le cinquième critère est le plus important en l’espèce concernant les deux objectifs substantiels de la Loi qui sont décrits dans son préambule prévoient ce qui suit :

Loi imposant des droits sur l’exportation aux États-Unis de certains produits de bois d’œuvre et des droits sur les remboursements de certains dépôts douaniers faits aux États-Unis, autorisant certains paiements et modifiant la Loi sur les licences d’exportation et d’importation et d’autres lois en conséquence.

 

 

  • [71] Les demanderesses soutiennent que l’article 18 crée un code réglementaire détaillé lié aux dettes que le gouvernement des États-Unis doit aux exportateurs de bois d’œuvre canadiens et que l’article 18 est conçu pour éteindre une partie de la dette par l’entremise de l’expropriation de certains fonds par le gouvernement du Canada au bénéfice des intérêts de bois d’œuvre américains.

 

  • [72] De plus, les demanderesses soutiennent que le coût du régime réglementaire est défini selon une formule exposée dans l’article 18. Le montant, soit 18,06 % du remboursement des dépôts douaniers à payer aux exportateurs canadiens de bois d’œuvre reviendra à 1 milliard $ US. Les demanderesses soutiennent que ce montant fournit un lien avec le coût du régime. En l’absence de l’article 18, les demanderesses pourraient continuer à prélever le montant total du remboursement des dépôts douaniers, étant une dette qui leur est due par le gouvernement des États-Unis, tandis qu’ils poursuivent le prélèvement de toute autre dette.

 

  • [73] Les demanderesses soutiennent que l’article 18 est un taux réglementaire, alors il est ultra vires de la compétence du Parlement en vertu du paragraphe 91(2) de la Loi constitutionnelle de 1867. Elles soutiennent que le taux de l’article 18 ne réglemente pas le commerce, mais est plutôt conçu pour réglementer la dette d’un secteur particulier. Étant donné que la Loi vise deux objectifs, soit d’imposer un taux sur les exportations de bois d’œuvre et d’imposer un taux sur les remboursements des dépôts douaniers, les demanderesses soutiennent qu’il serait approprié de séparer du reste de la Loi le régime de l’article 18.

 

  • [74] D’un autre côté, les demanderesses soutiennent que le taux de l’article 18 est sui generis et même si le régime réglementaire qui l’entoure est intra vires à la compétence du gouvernement fédéral, l’article 18 n’est pas nécessairement accessoire à l’exercice approprié de ce pouvoir.

 

  • [75] En résumé, les demanderesses soutiennent que le taux de l’article 18 est du ressort des pouvoirs provinciaux en vertu du paragraphe 93(13) de la Loi constitutionnelle de 1867 en ce qui a trait aux droits à la propriété et aux droits civils, y compris la création et l’amortissement des dettes. À cet égard, les demanderesses s’appuient sur la décision dans Ladore c. Bennett, [1939] A.C. 468 (C.P.). Encore d’un autre côté, les demanderesses soutiennent que l’article 18 revient aux pouvoirs provinciaux conformément au paragraphe 92(16) de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant généralement toutes les matières d’une nature purement locale ou privée dans la province, dont les dettes et la réglementation de la relation créancier-débiteur, comme il a déjà été établi. Voir Ontario (Procureur général) c. Scott, [1956] RCS 137.

 

  • [76] Et encore d’un autre côté, les demanderesses soutiennent que le taux de l’article 18 appartient au pouvoir provincial en vertu du paragraphe 92(5) de la Loi constitutionnelle de 1867 soit le pouvoir de légiférer sur l’administration et la vente des terres publiques appartenant à la province, et des bois et forêts qui s’y trouvent. Les demanderesses soutiennent que la dette qui fait l’objet du taux de l’article 18 est intégralement liée au pouvoir des provinces en vertu du paragraphe 92(5) étant donné que la dette est issue de la vente du bois d’œuvre provenant des terres qui appartiennent aux provinces. Elles soutiennent que le taux de l’article 18 pourrait être adéquatement catégorisé en vertu du paragraphe 92(5).

 

  • [77] En outre, d’un autre côté, les demanderesses soutiennent que, si le taux de l’article 18 est une taxe, alors il n’est pas évident et manifeste que l’article 18 est ultra cires aux pouvoirs des provinces en vertu du paragraphe 92(4) de la Loi constitutionnelle de 1867. En vertu de ce paragraphe, les provinces ont l’autorisation de prélever les fonds par n’importe quel régime de taxation lié aux ressources forestières dans la province et principalement la production de ces ressources. Elles disent qu’il peut être débattu que le taux de l’article 18 revient aux pouvoirs de taxation provinciale en vertu du paragraphe 92A(4).

 

  • [78] Les demanderesses soutiennent également qu’il n’est ni évident ni manifeste que l’article 18 est cohérent avec les articles 102 et 106 de la Loi constitutionnelle de 1867. L’article 102 crée le fonds consolidé de revenu pour prélever tous les fonds qui appartiennent au Canada. Les articles 103 à 105 de la Loi constitutionnelle prévoient l’appropriation de fonds précis sans la nécessité de votes parlementaires annuels. L’article 106 prévoit l’appropriation par le parlement du Canada pour trois motifs qui ne sont pas abordés aux articles 103 à 105, dans la mesure où « ce fonds sera approprié par le parlement du Canada au service public ».

 

  • [79] Les demanderesses soutiennent que la question concernant les articles 102 à 106 de la Loi constitutionnelle de 1867 sur les limites imposées au pouvoir de dépenser du Parlement n’a pas été tranchée de façon concluante. Elles soutiennent que c’est une question d’interprétation du droit et d’analyse des faits de décider si le paiement de 1 milliard $ US aux intérêts américains en matière de bois d’œuvre est contraire aux articles 102 et 106 de la Loi constitutionnelle de 1867. Par conséquent, les demanderesses soutiennent qu’il n’est pas évident et manifeste que leur action contre l’article 18, selon les articles 102 et 106, soit vouée à l’échec.

 

  • [80] Les demanderesses soutiennent de plus qu’il n’est pas évident et manifeste que l’article 18 soit cohérent avec la règle de droit. Elles reconnaissent que le fait d’invoquer la règle de droit pour invalider une loi est litigieux; elles s’appuient toutefois sur la décision dans Shubenacadie Indian Band c. Canada (Procureur général et al.), (2001), 202 FTR 30 (T.D.), conf. (2002), 228 FTR, 317 (note), où notre Cour a déclaré qu’une déclaration ne peut être radiée parce que la loi est en évolution ou incertaine s’il y a « une lueur de cause d’action, même si elle est vague ou imparfaite ».

 

  • [81] Les demanderesses font également référence à la décision dans Babcock c. Canada (Procureur général), [2002] 3 RCS 3 et Colombie-Britannique c. Imperial Tobacco Canada Ltée, [2005] 2 RCS 473 pour appuyer leur déclaration concernant la règle de droit.

 

  • [82] Les principes de la règle de droit sont également abordés par la Cour suprême du Canada dans Colombie-Britannique (Procureur général) c. Christie, [2007] 1 RCS 873. En s’appuyant sur cette décision, les demanderesses soutiennent que la Cour suprême a reconnu que le principe de la règle de droit, pour aborder les actions constitutionnelles, est encore en voie de développement.

 

  • [83] Les demanderesses soutiennent que les principes sur lesquels elles s’appuient pour appuyer leur déclaration de la règle de droit, sa portée excessive, sa proportionnalité et son arbitraire, sont appropriés étant donné que la question de la capacité de la règle de droit à contester et à limiter l’autorité du gouvernement n’est pas réglée. Elles soutiennent qu’il n’est ni évident ni manifeste que cette cause d’action soit vouée à l’échec.

 

  • [84] La réponse des demanderesses à l’affirmation des défendeurs concernant la nature non justiciable des paragraphes 17, 18, 20, 21, 40 et 43 de la déclaration modifiée est que les défendeurs n’ont pas démontré qu’il était évident et manifeste que ces déclarations sont vouées à l’échec. S’appuyant sur la décision dans Chiasson c. Canada, (2001), 215 FTR 293, les demanderesses soutiennent que notre Cour a déjà décidé que la question justiciable ne peut être traitée sommairement dans une demande de radiation, mais devrait être décidée sur le fond, par un juge après une audience complète devant un tribunal.

 

  • [85] De plus, les demanderesses soutiennent que la Cour ne devrait pas refuser de décider une question à cause d’un contexte de politique, s’appuyant à cet égard sur la décision dans Operation Dismantle c. La Reine, [1985] 1 RCS 441.

 

  • [86] Également, les demanderesses s’appuient sur la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans Black c. Canada (Premier ministre) (2001), 54 OR (3e) 215 (C.A.) en réponse aux observations des défendeurs concernant la nature non justiciable de la déclaration mentionnée dans les paragraphes ci-dessus. Les demanderesses soutiennent que l’exercice du pouvoir de prorogation est justiciable dans la mesure que l’objet de ce pouvoir est « susceptible d’une action en justice ».

 

  • [87] Enfin, les demanderesses soutiennent que, s’il y a des lacunes dans leur déclaration modifiée, il est possible d’y remédier soit par l’adjonction de détails ou de modifications. Elles soutiennent que l’autorisation de modifier doit être accordée lorsqu’il y a une « étincelle » d’une cause d’action véritable, malgré la nature vague du plaidoyer.

 

IV. Discussion et disposition

  • [88] La requête des défendeurs s’appuie sur le paragraphe 221(1) des Règles qui prévoient ce qui suit :

Requête en radiation

221. (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable;

b) qu’il n’est pas pertinent ou qu’il est redondant;

c) qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire;

d) qu’il risque de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder;

e) qu’il diverge d’un acte de procédure antérieur;

f) qu’il constitue autrement un abus de procédure.

Elle peut aussi ordonner que l’action soit rejetée ou qu’un jugement soit enregistré en conséquence.

 

Motion to strike

221. (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

(a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,

(b) is immaterial or redundant,

(c) is scandalous, frivolous or vexatious,

(d) may prejudice or delay the fair trial of the action,

(e) constitutes a departure from a previous pleading, or

(f) is otherwise an abuse of the process of the Court,

and may order the action be dismissed or judgment entered accordingly.

 

 

  • [89] Le critère requis pour radier une action est élevé et le fardeau de la preuve sur la partie requérante est lourd, puisqu’elle doit démontrer sans le moindre doute que la cause est complètement vouée à l’échec au procès.

 

  • [90] La décision dans Hunt c Carey Canada Inc., [1990] 2 RCS 959 a été adoptée pour exposer le critère sur lequel repose une demande de radiation d’un plaidoyer. À la page 980, la Cour suprême dit ce qui suit :

Plus récemment, dans l’arrêt Dumont c. Canada (Procureur général), 1990 CanLII 131 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 279, j’ai expliqué clairement, à la p. 280, que j’estimais que le critère formulé dans l’arrêt Inuit Tapirisat était le bon critère. Le critère est toujours de savoir si l’issue de l’affaire est « évidente et manifeste » ou « au-delà de tout doute raisonnable ».

 

Ainsi, au Canada, le critère régissant l’application de dispositions comme l’alinéa 19(24)a) des Rules of Court de la Colombie-Britannique est le même que celui régissant une requête présentée en vertu de l’article 19 de l’ordonnance 18 des LRC : dans l’hypothèse où les faits mentionnés dans la déclaration peuvent être prouvés, est-il « évident et manifeste » que la déclaration du demandeur ne révèle aucune cause d’action raisonnable? Comme en Angleterre, s’il y a une chance que le demandeur ait gain de cause, alors il ne devrait pas être « privé d’un jugement ». La longueur et la complexité des questions, la nouveauté de la cause d’action ou la possibilité que les défendeurs présentent une défense solide ne devraient pas empêcher le demandeur d’intenter son action. Ce n’est que si l’action est vouée à l’échec parce qu’elle contient un vice fondamental qui se range parmi les autres énumérés au paragraphe 19(24) des Rules of Court de la Colombie-Britannique que les parties pertinentes de la déclaration du demandeur devraient être radiées en application de l’alinéa19(24)a) des Règles.

 

 

 

  • [91] Le critère « évident et manifeste » s’applique également quand la partie requérante demande la radiation à cause d’un manque de compétence. À cet égard, je fais référence à la décision dans Hodgson c. Ermineskin Indian Band No. 942, (2000), 180 FTR 285 (T.D.), dans laquelle la Cour d’appel fédérale affirme ce qui suit au paragraphe 5 :

Bien que nous ne soyons aucunement convaincus que la Cour a compétence pour trancher les demandes formulées par les demandeurs contre les défendeurs d’Ermineskin en vertu de l’article 17 de la Loi sur la Cour fédérale, nous ne sommes pas disposés à affirmer que le défaut de compétence de la Cour est manifeste et établi hors de tout doute. L’affaire comporte des demandes dirigées contre une bande indienne et un conseil de bande, ainsi que contre la Couronne. Il est certes clair que la Cour a compétence pour procéder au contrôle judiciaire des décisions des conseils de bande indienne, mais il est beaucoup moins clair qu’elle a compétence pour entendre une action dirigée contre les bandes. En ce qui a trait à l’allégation de manquement à une obligation de fiduciaire, la prétention de la Bande portant qu’elle n’a aucune obligation de fiduciaire envers les personnes qui ne sont pas membres de la Bande semble manifestement bien fondée à première vue, mais elle repose sur l’hypothèse que les demandeurs n’ont jamais été membres de la Bande et n’ont jamais eu le droit d’en être membres. L’absence d’obligation de fiduciaire envers eux n’est pas manifeste si les demandeurs ou leurs ancêtres ont été à tort rayés de la liste des membres ou n’y ont pas été inscrits alors qu’ils auraient dû l’être.

 

  • [92] À l’égard d’une requête en radiation à cause d’un manque de compétence, la preuve doit être déposée dans le but d’établir les faits sur la compétence; voir Mil Davie Inc. dans laquelle la Cour d’appel fédérale affirme ce qui suit à la page 374 :

[...] renvoyaient tous à des faits précis qui étaient pertinents en ce qui concerne les faits juridictionnels nécessaires en vertu des art. 36 et 45 de la Loi sur la concurrence pour établir la compétence de la Section de première instance, ou encore tendaient à établir l’existence d’une cause raisonnable d’action.

 

 

  • [93] Les affidavits déposés par les parties, soit les affidavits de Mme Macauley, M. Maheux et M. Belisle, exposent les faits fondamentaux à cette action, soit l’existence d’une responsabilité en vertu de l’article 18 de la loi à payer un taux et au paiement de cette responsabilité par les demanderesses. La déclaration exposée par les demanderesses est que la disposition qui crée le taux à l’article 18 est inconstitutionnelle. La question soulevée par la requête en l’espèce est si les défendeurs ont démontré qu’il est « évident et manifeste » que l’action des demanderesses n’est pas assujettie à la compétence de la Cour ou que cette action n’arrive pas à divulguer une cause d’action raisonnable.

 

  • [94] Je suis convaincue que les défendeurs ne sont pas arrivés à s’acquitter de leur fardeau.

 

  • [95] Premièrement, en ce qui a trait à la question sur la compétence, il n’est pas « évident et manifeste » que l’objet de la déclaration des demanderesses relève seulement de la compétence de la Cour canadienne de l’impôt. Il n’est pas évident et manifeste que les processus d’examen, d’objection et d’appel prévus en vertu de la LDEPBO entrent en jeu. À mon avis, en décrivant l’action des demanderesses comme étant un recouvrement d’argent, les défendeurs font une caractérisation erronée de la déclaration exposée dans la déclaration modifiée.

 

  • [96] Les demanderesses contestent la constitutionnalité de l’article 18 de la Loi. Si elle est accueillie, il semblerait que les paiements faits sous réserve pourraient être remboursés. Toutefois, les demanderesses n’appuient pas l’action en l’espèce sur une déclaration de remboursement des dépôts en tant que tel.

 

  • [97] Les observations faites par les défendeurs concernant la compétence exclusive de la Cour canadienne de l’impôt, à l’exclusion de la compétence de notre Cour, démontrent la complexité des questions de faits et d’interprétation de la loi qui sont soulevées. À plusieurs reprises, notre Cour et la Cour d’appel fédérale ont confirmé que les questions d’interprétation de la loi ne devraient pas être décidées de manière sommaire. Une affirmation récente à cet égard a été faite par la Cour d’appel fédérale dans Apotex Inc. c. Laboratoires Servier, (2007), 370 NR 200.

 

  • [98] La question suivante est de savoir s’il est « évident et manifeste » que la déclaration modifiée ne divulgue pas une cause d’action raisonnable. Encore, j’observe que les défendeurs ont adopté une perspective très étroite sur la nature de la déclaration qui a été soulevée. Les demanderesses contestent la constitutionnalité de l’article 18 sur les motifs liés à la division des pouvoirs, principalement celle mentionnée au paragraphe 91(2) et au paragraphe 91(3) de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant respectivement la réglementation du commerce international et le pouvoir fédéral de taxation.

 

  • [99] Les demanderesses prétendent que ces dispositions concernent les allégations subsidiaires des paragraphes 92(16), 92(5) et 92A(4) de la Loi constitutionnelle de 1867 à l’égard du pouvoir provisionnel sur les matières d’une nature purement locale ou privée dans la province, le pouvoir de légiférer l’administration et la vente des terres publiques appartenant à la province, et des bois et forêts qui s’y trouvent, et la compétence d’une province à prélever une taxe sur les ressources forestières de la province, ainsi que de la production primaire qui en est tirée.

 

  • [100] Comme le soutiennent les demanderesses, la constitutionnalité d’une loi a toujours été justiciable. Je fais référence au jugement de la Cour suprême du Canada dans Thorson où le juge Laskin (comme il l’était à l’époque) a dit ce qui suit à la page 145 :

[...] La question de fond soulevée par l’action du demandeur est de la compétence des tribunaux; et, prima facie, il serait étrange et même alarmant qu’il n’y ait aucun moyen par lequel une question d’abus de pouvoir législatif, matière traditionnellement de la compétence des cours de justice, puisse être soumise à une décision de justice.

 

  • [101] À mon avis, les demanderesses ont indiqué les diverses déclarations qui contestent la validité constitutionnelle de l’article 18. Il n’est pas « évident et manifeste » que ces déclarations sont vouées à l’échec. Il n’est pas approprié que toutes ces déclarations soient radiées, à ce stade.

 

  • [102] Les défendeurs soutiennent qu’en s’appuyant sur la règle de droit, pour contester la validité de l’article 18, les demanderesses n’arrivent pas à divulguer une cause d’action raisonnable. Je ne suis pas d’accord.

 

  • [103] Dans Christie, aux paragraphes 20 et 21, la Cour suprême du Canada discute de la règle de droit et sa décision dans Imperial Tobacco, sur laquelle s’appuient les demanderesses, comme suit :

La primauté du droit recouvre au moins trois principes. [...]  [...]

 

Il ressort nettement de l’examen de ces principes que, à l’heure actuelle, l’accès général aux services juridiques n’est pas considéré comme un aspect de la primauté du droit. Dans Imperial Tobacco, toutefois, notre Cour n’a pas écarté la possibilité que la primauté du droit puisse englober d’autres principes. Il est donc nécessaire de décider si l’accès général à des services juridiques lors de procédures de tribunaux judiciaires ou administratifs portant sur des droits et des obligations constitue un aspect fondamental de la primauté du droit.

 

  • [104] Je suis d’accord avec les observations des demanderesses qu’il n’est pas « évident et manifeste » que leur plaidoyer concernant la règle de droit serait voué à l’échec. Le plaidoyer en l’espèce fait par les demanderesses dans le cadre de leur contestation de la validité constitutionnelle de l’article 18 et devrait être décidé par une Cour sur l’ensemble du dossier.

 

  • [105] Je rejette les arguments des défendeurs que les questions soulevées aux paragraphes 17, 18, 20, 21,22, 40 et 43 de la déclaration modifiée ne sont pas justiciables. Dans Chiasson, notre Cour affirme au paragraphe 12 :

12.  Je ne ferai pas de remarques au sujet de la force de la preuve présentée par l’intimé, ou de fait par l’appelante; j’ai entendu les parties et j’ai examiné les documents et je ne suis pas convaincu qu’il soit clair et évident que la demande de l’intimé sera rejetée. À mon avis, la demande n’est pas si futile ou dépourvue de toute possibilité de succès qu’elle justifie la radiation. Je souscris à la conclusion tirée par le protonotaire Aronovitch. La principale question soulevée en l’espèce se rapporte à la détermination de l’étendue du pouvoir que possède le Conseil compte tenu des lettres patentes et du Règlement. L’intimé affirme que cette question est justiciable. Selon moi, il n’est pas clair et évident que la question n’est pas justiciable. L’affaire devrait être réglée par le juge qui aura l’avantage de procéder à une audition pleine et complète au fond.

 

 

  • [106] Les paragraphes 17, 18, 20 et 22 pourraient être interprétés comme exposant le contexte factuel du passage de la Loi, y compris l’article 18. Il reviendra à l’examinateur des faits de décider des conséquences de ces allégations.

 

  • [107] Aucune observation n’a été faite par les défendeurs concernant la déclaration des paragraphes 17, 18, 20, 21, 22 et 43 en vertu de l’alinéa 221(1)c) des Règles, sur les motifs que les allégations de ces paragraphes sont scandaleuses, frivoles et vexatoires. Les paragraphes demeureront parce que je ne suis pas convaincue que les défendeurs ont démontré qu’il était « évident et manifeste » qu’il n’y avait pas de cause d’action raisonnable qui ait été divulguée.

 

  • [108] Le paragraphe 40 de la déclaration modifiée soulève un plaidoyer concernant la Déclaration canadienne des droits. Les demanderesses étaient d’accord de retirer ce plaidoyer et il n’y a rien à ajouter à cet égard.

 

  • [109] Les demanderesses ont également accepté l’ordonnance de retirer le procureur général du Canada à titre de défendeur. La seule défenderesse sera Sa Majesté la Reine du chef du Canada.

 

  • [110] Dans l’éventualité qu’ils n’aient pas réussi leur requête de radier les paragraphes 17, 18, 20, 21, 22, 40 et 43 de la déclaration modifiée, les défendeurs ont demandé une prolongation de 30 jours pour produire de meilleures preuves avant de déposer leur défense.

 

  • [111] Les défendeurs n’ont produit aucune preuve pour démontrer qu’ils ne comprenaient pas la nature des déclarations soulevées aux paragraphes 17, 18, 20, 21, 22 et 43. À la lumière de l’accord des demanderesses d’abandonner toute déclaration concernant la Déclaration canadienne des droits, rien n’a à être ajouté au sujet du paragraphe 40.

  • [112] Je ne suis pas convaincue que des preuves additionnelles de la part des demanderesses soient requises et aucune ordonnance pour les preuves ne sera rendue.

 

  • [113] Toutefois, une prolongation est accordée aux défendeurs pour déposer leur défense, soit une période de 30 jours après avoir reçu la déclaration modifiée des demanderesses.

 

  • [114] Dans le résultat, la requête des défendeurs est rejetée. Une autorisation pour déposer une déclaration modifiée additionnelle est accordée aux demanderesses, pour indiquer que le procureur général n’est plus une des parties et pour retirer la demande liée à la Déclaration canadienne des droits. La nouvelle déclaration modifiée doit être déposée dans les 30 jours après réception de la présente ordonnance.

 

  • [115] Les dépens des demanderesses leur seront taxés.

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR STATUE que :

1)  La demande de radiation des défendeurs est rejetée.

2)   L’autorisation pour déposer une déclaration modifiée additionnelle est accordée aux demanderesses, pour indiquer que le procureur général n’est plus une des parties et pour retirer la demande liée à la Déclaration canadienne des droits comme exposée au paragraphe 40.

3)   La demande de preuves additionnelles des défendeurs par rapport aux paragraphes 17, 18, 20, 21, 22 et 43 est rejetée.

4)  Les demanderesses devront déposer leur déclaration modifiée additionnelle dans les 30 jours qui suivent la réception de la présente ordonnance.

5)  Une prolongation de 30 jours est accordée aux défendeurs à partir de la réception de la nouvelle déclaration modifiée des demanderesses pour déposer leur défense.

6)  Les dépens des demanderesses leur seront taxés.

 

 

« E. Heneghan »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :   T-216-07

 

INTITULÉ :  DOMTAR INC. et DOMTAR INDUSTRIES

   c. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :   Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Les 11 et 12 septembre 2007

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  LA JUGE HENEGHAN

 

 

DATE DES MOTIFS :   Le 18 septembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Gregory Somers

Me Benjamin Bedard

Me Alison Fitzgerald

 

POUR LES DEMANDERESSES

Me John Tyhurst

Me David Jacyk

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ogilvy Renault LLP
Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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