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Date :  20081110

Dossier :  IMM-825-08

Référence :  2008 CF 1250

Ottawa (Ontario), le  10 novembre 2008    

En présence de Monsieur le juge Blanchard 

 

ENTRE :

Bruno MUNGANZA

Partie demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

Partie défenderesse

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue le 29 janvier 2008 par la Section d’appel de l’immigration (section d’appel) qui rejetait l’appel du demandeur du refus de sa demande de parrainage de sa femme, ses deux filles ainsi que son fils adoptif (les requérants).  

 

 

I.   Faits

[2]               Le demandeur est citoyen congolais et aurait quitté ce pays lors du conflit civil qui y régnait. Il a obtenu sa résidence permanente au Canada le 2 octobre 2002. Il fut reconnu comme réfugié par le Haut Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés  (HCNUR) le 6 novembre 2001.

 

[3]               Le demandeur a marié Safi Pungu le 2 février 1998. Lors de son entrevue pour sa demande de résident permanent au Canada, effectuée en Tanzanie le 5 juin 2002, le demandeur n’avait pas déclaré son épouse, ses deux filles ni son fils adoptif comme étant membre de sa famille. Suite à des entretiens avec plusieurs personnes contactées au Congo et en Tanzanie, il pensait qu’ils étaient décédés. La preuve démontre aussi que le demandeur aurait, au moment de cet entretien, prétendu ne jamais avoir été marié par le passé. 

 

[4]               Le demandeur a obtenu sa résidence permanente au Canada le 2 octobre 2002. Il dépose une demande de parrainage le 31 juillet, 2006 dans la catégorie du regroupement familial en faveur de son épouse, ses deux filles ainsi que son fils adoptif. La demande est refusée le 1er octobre 2007 aux motifs que sa femme et ses enfants n’étaient pas des membres de la catégorie du regroupement familial au sens de l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) puisque ces derniers n’ont pas été déclarés lorsque le demandeur a déposé sa demande de résident permanent au Canada, ni qu’ils ont été soumis au contrôle.

 

 

II.   Questions en litige 

[5]               Le demandeur soulève les questions suivantes :

A.        Est-ce que la Section d’appel a erré en déterminant que les requérants sont exclus du regroupement familial tel que prévu à l’article 117(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés?

 

B.         Est-ce que la Section d’appel a vicié les principes de justice naturelle et d’équité procédurale en omettant de tenir une audience orale avant de rendre sa décision?

 

C.        Est-ce que la Section d’appel a erré en refusant d’exercer sa compétence discrétionnaire afin d’examiner les motifs d’ordre humanitaire?

 

 

III.       Norme de contrôle

[6]               Là où la question en litige porte sur l’interprétation de l’alinéa 117(1) du Règlement et de dispositions connexes du Règlement et de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi), la norme de contrôle est celle de la décision correcte. Voir Azizi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CAF 406, au paragraphe 7. En l’espèce, la première question porte plutôt sur l’application des articles pertinents du Règlement aux faits. La norme applicable à une telle question est celle de la décision raisonnable. Voir Dunsmuir c. New Brunswick, 2008 CSC 9, 1 R.C.S. 190 au paragraphe 51.  

 

[7]               En ce qui à trait à la deuxième question en litige, il est de jurisprudence constante que les questions qui portent sur un manquement aux principes de justice naturelle sont révisables sur la norme de la décision correcte. Voir Sketchley c. Canada (Procureur général) 2005 CAF 404, [2005] A.C.F. no 2056 (Lexis) au paragraphe 46,  et Olson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CF 458, [2007] A.C.F. no 631 (Lexis),  au paragraphe 27.

 

[8]               La dernière question en litige soulève essentiellement une question de compétence de la Section d’appel. La norme de contrôle est celle de la décision correcte. 

 

IV.  Analyse

[9]               Les articles pertinents de la Loi et du Règlement sont reproduits en annexe.

 

[10]           Le demandeur prétend qu’il n’était sincèrement pas au courant que son épouse et ses enfants étaient toujours vivants au moment du dépôt de sa demande de résident permanent. Compte tenu de la situation difficile qui régnait au Congo à l’époque, on peut comprendre pourquoi le demandeur aurait pu penser que sa famille avait disparu. La preuve démontre que ce dernier travaillait dans une autre ville lors de l’entrée des rebelles. La famille était séparée et aucun ne savait ce qui était arrivé à l’autre. La preuve démontre aussi, que le demandeur a appris pour la première fois, en 2004, par un prêtre congolais, l’abbé Constantin Kazadi, que sa famille était vivante et qu’elle se trouvait au Congo. Le demandeur a pris contact avec sa famille en mai 2004 et subvient financièrement aux besoins de la famille depuis les retrouvailles.

 

[11]           La procureure du demandeur explique que le demandeur a été suivi par son médecin de famille et un psychiatre en raison de ce qu’il a vécu au Congo et la perte de sa famille, qu’il croyait décimée par la guerre. Elle prétend que le demandeur, lors de son entretien, vivait une dépression et voulait oublier les atrocités qui ont mené à la perte de sa famille. Ceci explique selon elle, le fait que le demandeur aurait nié être marié lors de son entrevue de demande de résident permanent effectuée en Tanzanie en 2002.

 

[12]           Quant aux prétentions se rapportant à l’état psychiatrique du demandeur, aucun rapport de psychiatre ne fut déposé devant les autorités qui ont traité de la demande de parrainage. La procureure du demandeur explique qu’il est difficile de faire ce genre de preuve quand on se retrouve dans un camp de réfugiés. Le défendeur s’est objecté que je reçoive un rapport de psychiatre à l’audience de cette demande de contrôle judiciaire. Puisque cette preuve n’était pas devant le décideur, elle ne fut pas reçue.

 

[13]           Les prétentions du demandeur en l’espèce, ne peuvent servir de motifs pour justifier l’intervention de la Cour. Je suis prêt à accepter que le demandeur n’était pas au courant que son épouse et ses enfants étaient toujours vivants au moment du dépôt de sa demande de résident permanent. Cette situation n’a aucune incidence pour l’application de l’alinéa 117(9)d) du Règlement. Le Règlement est clair : l’alinéa 117(9)d) ne fait aucune distinction quant à la raison pour laquelle les membres de la famille qui n’accompagnaient pas le répondant n’ont pas été mentionnés dans la demande de résident permanent. Ce qui importe, c’est que la non-divulgation a entraîné le fait que ces membres n’ont pas fait l’objet d’un contrôle par un agent d’immigration. En l’espèce, il est vrai que le demandeur ne pouvait divulguer ce qu’il ne savait pas, mais le libellé du Règlement est clair et non équivoque, la connaissance subjective au sujet de la fausse déclaration ou de la non-divulgation n’est pas prévue dans le Règlement. (Voir : Azizi c. (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 406, Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 678, et De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1276.)

 

[14]           La section d’appel n’a donc pas erré en refusant l’appel. La section d’appel a correctement déterminé que les requérants sont exclus du regroupement familial compte tenu de l’application de l’article 117(9)d) du Règlement.

 

[15]           Compte tenu de circonstances exceptionnelles en l’espèce où les motifs d’ordre humanitaire sont présents, le demandeur peut demander, en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi, une exemption ministérielle des critères législatifs et réglementaires d’entrée au Canada, le demandeur peut toujours présenter une telle demande avec preuve à l’appui.

 

[16]           En ce qui a trait à la deuxième question en litige, je suis d’avis que la section d’appel n’a pas porté atteinte à un principe d’équité procédurale en ne tenant pas d’audience orale avant de rendre sa décision. L’alinéa 175(1)a) de la Loi prévoit que la section d’appel doit tenir une audience lorsqu’il s’agit de la question de l’obligation de résidence au regard du paragraphe 63(4) de la Loi, notamment quand il y a question de fausses déclarations. Cette question n’est pas en cause en l’espèce (Raymond c. M.C.I., 2005 CF 1350).

 

[17]           En ce qui a trait à la troisième question soulevée par le demandeur, je suis d’avis que la section d’appel n’a pas erré en n’exerçant pas sa compétence discrétionnaire afin d’examiner la suffisance des motifs d’ordre humanitaire dans le dossier. L’article 65 de la Loi établit clairement que les motifs d’ordre humanitaire « ne peuvent être pris en considération » par la section d’appel que s’il a été statué que l’étranger fait partie de la catégorie du regroupement familial. Ici, il fut déterminé que les requérants n’appartiennent pas à ce regroupement (Tse c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 393). 

 

V.   Conclusion

[18]           Pour ces motifs, je suis d’avis que la section d’appel n’a pas erré en décidant que les requérants sont exclus de regroupement familial et rejetant l’appel. L’intervention de la Cour n’est pas justifiée. La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

 

[19]           Les parties n’ont pas proposé la certification d’une question grave de portée générale telle qu’envisagée à l’alinéa 74(d) de la Loi. Je suis satisfait qu’une telle question ne soit soulevée en l’espèce. Donc, aucune question ne sera certifiée.

 


 

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

2.         Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

 


ANNEXE

 

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés /

Immigration and Refugee Protection Act

 

63.(4) Le résident permanent peut interjeter appel de la décision rendue hors du Canada sur l’obligation de résidence.

63.(4)  A permanent resident may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision made outside of Canada on the residency obligation under section 28.

 

 

65.   Dans le cas de l’appel visé aux paragraphes 63(1) ou (2) d’une décision portant sur une demande au titre du regroupement familial, les motifs d’ordre humanitaire ne peuvent être pris en considération que s’il a été statué que l’étranger fait bien partie de cette catégorie et que le répondant a bien la qualité réglementaire.

65.  In an appeal under subsection 63(1) or (2) respecting an application based on membership in the family class, the Immigration Appeal Division may not consider humanitarian and compassionate consideration unless it has decided that the foreign national is a member of the family class and that their sponsor is a sponsor within the meaning of the regulations.

 

 

 

175.(1)  Dans toute affaire dont elle est saisie, la Section d’appel de l’immigration :

 

   a)  dispose de l’appel formé au titre du paragraphe 63(4) par la tenue d’une audience;

 

    b)  n’est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve;

 

   c)  peut recevoir les éléments qu’elle juge crédibles ou dignes de foi en l’occurrence et fonder sur eux sa décision.

175.(1) The Immigration Appeal Division, in any proceeding before it,

 

   (a)  must, in the case of an appeal under subsection 63(4), hold a hearing;

 

   (b)  is not bound by any legal or technical rules of evidence; and

 

   (c)  may receive and base a decision on evidence adduced in the proceeding that it considers credible or trustworthy in the circumstances.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés /

Immigration and Refugee Protection Regulations

 

117.(1)  Appartiennent à la catégorie du regroupement familial du fait de la relation qu’ils ont avec le répondant les étrangers suivants :

a) son époux, conjoint de fait ou partenaire conjugal;

b) ses enfants à charge;

c) ses parents;

d) les parents de l’un ou l’autre de ses parents;

e) [Abrogé, DORS/2005-61, art. 3]

f) s’ils sont âgés de moins de dix-huit ans, si leurs parents sont décédés et s’ils n’ont pas d’époux ni de conjoint de fait :

(i) les enfants de l’un ou l’autre des parents du répondant,

(ii) les enfants des enfants de l’un ou l’autre de ses parents,

(iii) les enfants de ses enfants;

g) la personne âgée de moins de dix-huit ans que le répondant veut adopter au Canada, si les conditions suivantes sont réunies :

(i) l’adoption ne vise pas principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi,

(ii) s’il s’agit d’une adoption internationale et que le pays où la personne réside et la province de destination sont parties à la Convention sur l’adoption, les autorités compétentes de ce pays et celles de cette province ont déclaré, par écrit, qu’elles estimaient que l’adoption était conforme à cette convention,

(iii) s’il s’agit d’une adoption internationale et que le pays où la personne réside ou la province de destination n’est pas partie à la Convention sur l’adoption :

(A) la personne a été placée en vue de son adoption dans ce pays ou peut par ailleurs y être légitimement adoptée et rien n’indique que l’adoption projetée a pour objet la traite de l’enfant ou la réalisation d’un gain indu au sens de cette convention,

(B) les autorités compétentes de la province de destination ont déclaré, par écrit, qu’elles ne s’opposaient pas à l’adoption;

h) tout autre membre de sa parenté, sans égard à son âge, à défaut d’époux, de conjoint de fait, de partenaire conjugal, d’enfant, de parents, de membre de sa famille qui est l’enfant de l’un ou l’autre de ses parents, de membre de sa famille qui est l’enfant d’un enfant de l’un ou l’autre de ses parents, de parents de l’un ou l’autre de ses parents ou de membre de sa famille qui est l’enfant de l’un ou l’autre des parents de l’un ou l’autre de ses parents, qui est :

(i) soit un citoyen canadien, un Indien ou un résident permanent,

(ii) soit une personne susceptible de voir sa demande d’entrée et de séjour au Canada à titre de résident permanent par ailleurs parrainée par le répondant.

 

 

 

 

 

 

117.(1)  A foreign national is a member of the family class if, with respect to a sponsor, the foreign national is

(a) the sponsor's spouse, common-law partner or conjugal partner;

(b) a dependent child of the sponsor;

(c) the sponsor's mother or father;

(d) the mother or father of the sponsor's mother or father;

(e) [Repealed, SOR/2005-61, s. 3]

(f) a person whose parents are deceased, who is under 18 years of age, who is not a spouse or common-law partner and who is

(i) a child of the sponsor's mother or father,

(ii) a child of a child of the sponsor's mother or father, or

(iii) a child of the sponsor's child;

(g) a person under 18 years of age whom the sponsor intends to adopt in Canada if

(i) the adoption is not primarily for the purpose of acquiring any privilege or status under the Act,

(ii) where the adoption is an international adoption and the country in which the person resides and their province of intended destination are parties to the Hague Convention on Adoption, the competent authority of the country and of the province have approved the adoption in writing as conforming to that Convention, and

 

(iii) where the adoption is an international adoption and either the country in which the person resides or the person's province of intended destination is not a party to the Hague Convention on Adoption

(A) the person has been placed for adoption in the country in which they reside or is otherwise legally available in that country for adoption and there is no evidence that the intended adoption is for the purpose of child trafficking or undue gain within the meaning of the Hague Convention on Adoption, and

(B) the competent authority of the person's province of intended destination has stated in writing that it does not object to the adoption; or

(h) a relative of the sponsor, regardless of age, if the sponsor does not have a spouse, a common-law partner, a conjugal partner, a child, a mother or father, a relative who is a child of that mother or father, a relative who is a child of a child of that mother or father, a mother or father of that mother or father or a relative who is a child of the mother or father of that mother or father

 

(i) who is a Canadian citizen, Indian or permanent resident, or

(ii) whose application to enter and remain in Canada as a permanent resident the sponsor may otherwise sponsor.

 

 

[…]                                                                   …

 

 

Restrictions

117.(9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

[…]

      d)   sous réserve du paragraphe (10), dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d’une demande à cet effet, l’étranger qui, à l’époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n’accompagnant pas ce dernier et n’a pas fait l’objet d’un contrôle.

 

Excluded relationships

117.(9) A foreign national shall not be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if

   

 …

 

     (d)   subject to subsection (10), the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non-accompanying family member of the sponsor and was not examined.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-825-08

 

INTITULÉ :                                       BRUNO MUNGANZA c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 18 septembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET

JUGEMENT :                                    Le juge Blanchard        

 

DATE DES MOTIFS :                      le 10 novembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Idil Abdi

819-820-8586

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Mario Blanchard

514-283-6514

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Idil Abdi

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

John J. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

p

 

 

 

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