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Date :  20081117

Dossier :  IMM-1174-08

Référence :  2008 CF 1274

Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2008

En présence de Monsieur le juge Beaudry

 

ENTRE :

MARIAM AHMAT MAHAMAT ALI

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la loi) à l’encontre de la décision de la Section de protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) rendue le 14 février 2008, qui a conclu que la demanderesse n’avait pas la qualité de réfugiée au sens de la Convention ni de personne à protéger.

 

 

 

I.          Question en litige

[2]               Est-ce que le tribunal a erré en décidant que la demanderesse n’est pas crédible et qu’elle n’a pas fait la preuve qu’elle a des motifs valables soutenant sa crainte d’un retour au Tchad?

 

II.        Contexte factuel

[3]               La demanderesse, Mariam Ahmat Mahamat Ali est une citoyenne de la République du Tchad née le 17 août 1987 à N’djamena. Elle est issue d’une famille musulmane patriarcale fortement dominée par les croyances religieuses et les traditions.

 

[4]               Le soir du 15 mai 2006, le père de la demanderesse la donne en mariage à Mahamat Nour Idriss, sans son consentement ni celui de sa mère, en faisant le Fathia. Le Fathia consiste en l’union religieuse devant les marabouts qui a lieu à la mosquée.

 

[5]               Mahamat Nour Idriss est polygame et a plusieurs enfants, dont certains ont l’âge de la demanderesse.

 

[6]               Malgré le refus catégorique de cette dernière à ce mariage, son père refuse de reconsidérer sa décision.

 

[7]               Le 6 octobre 2006, cinq mois après le Fathia, les parents de Mahamat Nour Idris, munis de biens matériels, viennent en grande délégation après le coucher du soleil au domicile des parents de la demanderesse. Elle est alors conduite de force dans la demeure de Mahamat Nour Idriss. Durant les dix premiers jours, son mari l’insulte, la bat et la viole.

 

[8]               Le 26 octobre 2006, la demanderesse fui le domicile de son époux et elle se réfugie chez son oncle maternel Mbodou Adamou Mahamat.

 

[9]               Quelques jours plus tard, son mari, accompagné des marabouts et du père de la demanderesse font irruption chez l’oncle et la demanderesse est reconduite chez son mari le même soir. Elle est encore battue par son époux.

 

[10]           Aidée par son oncle et sa mère, la demanderesse quitte frauduleusement le Tchad le 11 mars 2007 pour arriver aux États-Unis deux jours plus tard. Elle se présente à la frontière de Lacolle, et demande l'asile au Canada le 20 mars 2007.

 

III.       Décision contestée

[11]           Le tribunal conclut que la demanderesse n’est pas crédible et digne de foi car son témoignage contient de nombreuses omissions, contradictions et incohérences.

 

[12]           À titre d'exemple, lorsque le tribunal lui demande si d'autres membres de sa famille ont été contraints de se marier contre leur volonté, la demanderesse répond qu'il en avait été ainsi pour la majorité d'entre eux. Elle cite comme exemple la fille de sa tante. Elle déclare aussi que sa sœur Soureya a subi le même sort. Mais cette sœur n'apparaît pas sur la liste dans le narratif de la demanderesse. L'explication de cette omission par la demanderesse n'est pas retenue par le tribunal. La demanderesse avait prétendu qu'elle est avait omis de la mentionner car elle ne s'entendait pas bien avec elle.

 

[13]           Un autre exemple concerne sa sœur Fanna qui était selon la demanderesse de trop dans la liste parce qu’elle n’avait pas la même mère. Cependant, un peu plus tard, elle se ravise et déclare que Fanna possède la même mère qu’elle.

 

[14]           D'autres exemples sont mentionnés par le tribunal. Il s'agit de contradictions concernant ceux et celles à qui elle a eu recours pour lui aider le 15 mai 2006. Ensuite, la date de ses fiançailles ou de son mariage a fait l'objet de critiques de la part du tribunal. Dans un premier temps, elle déclare que c'est lors de la cérémonie Fathia (15 mai 2006) pour ensuite dire que c'est le 6 octobre 2006 lorsqu'elle avait été conduite chez son époux.

 

IV.       Analyse

A.        Norme de contrôle

[15]           Lorsqu’il est question de crédibilité et d’appréciation de la preuve, il est bien établi en vertu du paragraphe 18.1(4)(d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7, que la Cour, n’interviendra que si la décision est basée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon arbitraire ou abusive ou si la décision est rendue sans égard à la preuve.

 

[16]           L’évaluation de la crédibilité et l’appréciation de la preuve relève de la compétence du tribunal administratif qui a à apprécier l'allégation d'une crainte subjective d’un demandeur d’asile (Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1998) 157 F.T.R. 35 (C.F. 1ère inst.), 83 A.C.W.S. (3d) 264 au paragraphe 14).

 

[17]           Avant la décision Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la norme de contrôle applicable dans des circonstances semblables était celle de la décision manifestement déraisonnable. Depuis, il s'agit de la décision raisonnable.

 

Est-ce que le tribunal a erré en décidant que la demanderesse n’est pas crédible et qu’elle n’a pas fait la preuve qu’elle a des motifs valables soutenant sa crainte d’un retour au Tchad?

 

[18]           La question que doit se poser une cour de révision confrontée à des faits similaires doit être la suivante : « Est-ce que la décision du tribunal inférieur est basée sur la preuve? »

 

[19]           N'ayant pas eu le bénéfice d'avoir entendu et de voir la demanderesse, la Cour analyse les documents qui ont été déposés en preuve ainsi que les notes sténographiques de l'audition. Après cette démarche, la Cour peut constater si les motifs qui sont à la base de la décision sont appuyés par la preuve ou non.

 

[20]           Il ne s'agit pas ici de savoir si la Cour en viendrait à une autre conclusion. Dans le cas sous étude et après une analyse des documents ci-haut mentionnés, la Cour considère que la décision du tribunal contient tous les éléments d'une décision raisonnable.

[21]           Les omissions, contradictions et les incohérences relevées par le tribunal sont soutenues par la preuve. Que ce soit sur la date des fiançailles ou mariage forcé (pages 44, 135 à 153 et 160, dossier du tribunal), composition de la famille (page 125, dossier du tribunal) ou l'aide sollicitée par la demanderesse (pages 144 à 146, dossier du tribunal), il n'était pas déraisonnable pour le tribunal de douter de la crédibilité de la demanderesse.

 

[22]           La Cour ne peut intervenir en l'absence de la démonstration d'une erreur révisable.

 

[23]           Les parties n'ont soulevé aucune question pour être certifiée et ce dossier n’en contient aucune.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1174-08

 

INTITULÉ :                                       MARIAM AHMAT MAHAMAT ALI

                                                            et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                           L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 28 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS :                      le 17 novembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :                       

 

Stéphanie Valois                                                           POUR LA DEMANDERESSE

 

Émilie Tremblay                                                            POUR LE DÉFENDEUR

Alexandre Tavadian

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stéphanie Valois                                                           POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

 

John Sims, c.r.                                                              POUR LE DÉFENDEUR       

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

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