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Date : 20021115

 

Dossier : T-919-02

 

Référence neutre : 2002 CFPI 1185

 

 

 

Ottawa (Ontario), le 15 novembre 2002

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O’KEEFE

 

 

ENTRE :

 

                                                   GIDEON MC.GUIRE AUGIER

 

                                                                                                                                          demandeur

 

                                                                             et

 

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

                                                                                                                                           défendeur

 

 

                                MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

LE JUGE O’KEEFE

 

 

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance par laquelle le protonotaire a radié, en date du 19 août 2002, l’avis de requête déposé le 17 juin 2002 par le demandeur.

 

[2]               Le demandeur sollicite une ordonnance modifiant la décision du protonotaire afin qu’il soit donné suite à l’avis de requête qu’il a déposé le 17 juin 2002.


 

[3]               Le défendeur n’était pas présent à l’audience.

 

Contexte

 

[4]               Le demandeur a présenté une demande en vue d’obtenir la citoyenneté canadienne. Le juge de la citoyenneté dans la décision qu’il a rendue le 8 novembre 2001 a rejeté sa demande.

 

[5]               Le défendeur a d’abord allégué que la décision a été envoyée au demandeur par courrier recommandé et qu’elle a été reçue au plus tard le 16 novembre 2001.

 

[6]               Le demandeur soutient que la décision lui a été envoyée par courrier « XPRESSPOST » et qu’il ne l’a pas reçue avant le 5 juin 2002.

 

[7]               Dans un premier temps, le défendeur a déclaré que le demandeur a reçu la décision rendue par le juge de la citoyenneté au plus tard le 16 novembre 2001, avec à l’appui la pièce C annexée à l’affidavit de Jillian Schneider portant la date du 11 juillet 2002. La pièce C fait preuve de la date à laquelle la Société canadienne des postes a pris en charge l’envoi de l’expéditeur.

 


[8]               Le défendeur a par la suite obtenu de la Société canadienne des postes la pièce D annexée à l’affidavit de Jillian Schneider portant la date du 23 juillet 2002. La pièce D est la signature numérisée du destinataire de l’envoi décrit sur la pièce C, à laquelle il est fait référence au paragraphe 7 ci‑dessus. La signature est illisible, mais le nom « Glen Augier » y est inscrit en caractères d’imprimerie.

 

[9]               Le demandeur et sa mère ont affirmé sous serment que la décision a été reçue en juin 2002.

 

[10]           L’enveloppe renfermant la décision du juge de la citoyenneté était adressée au nom de « Gideon McGuire Augier ».

 

Question en litige

 

[11]           L’appel interjeté à l’encontre de la décision du protonotaire doit‑il être accueilli?

 

Analyse et décision

 

[12]           Le droit appliqué par notre Cour dans les cas de contrôle ou d’appel d’une décision discrétionnaire d’un protonotaire a clairement été énoncé par le juge MacGuigan dans Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd. [1993] 2 C.F. 425 (C.A.F.) aux pages 462 et 463 :

 


Je souscris aussi en partie à l'avis du juge en chef au sujet de la norme de révision à appliquer par le juge des requêtes à l'égard des décisions discrétionnaires de protonotaire. Selon en particulier la conclusion tirée par lord Wright dans Evans c. Bartlam, [1937] A.C. 473 (H.L.) à la page 484, et par le juge Lacourcière, J.C.A., dans Stoicevski c. Casement (1983), 43 O.R. (2d) 436 (C. div.), le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

 

 

 a)            l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits,

 

 

 b)           l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.

 

 

Si l'ordonnance discrétionnaire est manifestement erronée parce que le protonotaire a commis une erreur de droit (concept qui, à mon avis, embrasse aussi la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits) ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.

 

 

 

Puis le juge MacGuigan a écrit aux pages 464 et 465 :

 

Dans Canada c. « Jala Godavari » (Le) (1991), 40 C.P.R. (3d) 127 (C.A.F.), notre Cour, dans une observation incidente, a énoncé la règle contraire, en mettant l'accent sur la nécessité pour le juge d'exercer son pouvoir discrétionnaire par instruction de novo, par contraste avec la vue qui avait cours à l'époque à la Section de première instance, savoir qu'il ne fallait pas toucher à la décision discrétionnaire du protonotaire sauf le cas d'erreur de droit. Il ne faut pas, à mon avis, interpréter l'arrêt Jala Godavari comme signifiant que la décision discrétionnaire du protonotaire ne doit jamais être respectée, mais qu'elle est subordonnée à l'appréciation discrétionnaire d'un juge si la question visée a une influence déterminante sur l'issue de la cause principale. (L'erreur de droit, bien entendu, est toujours un motif d'intervention du juge, et ne prête pas à controverse).

 

 

La question se pose donc de savoir quel genre d'ordonnance interlocutoire est en cause en l'espèce. L'appelante engage la Cour à suivre le précédent Stoicevski, mais n'a pas été en mesure d'expliquer que la décision du protonotaire en l'espèce ne portât pas sur une question ayant une influence déterminante sur l'issue du principal. Les conclusions de lord Wright comme du juge Lacourcière, J.C.A., soulignent le contraste entre « les questions de procédure courantes » (lord Wright) et « la modification sans importance des actes de procédure » (le juge Lacourcière, J.C.A.) [non mis en italique dans le texte] d'une part, et les questions ayant une influence déterminante sur l'issue de la cause principale, c'est‑à‑dire sa solution, de l'autre.

 

 


La matière soumise en l'espèce au protonotaire peut être considérée comme interlocutoire seulement parce qu'il a prononcé en faveur de l'appelante. Eût‑il prononcé en faveur de l'intimée, sa décision aurait résolu définitivement la cause; Voir P‑G du Canada c. S.F. Enterprises Inc. et autre (1990), 90 DTC 6195 (C.A.F.) aux pages 6197 et 6198; Ainsworth v. Bickersteth et al., [1947] O.R. 525 (C.A.). Il me semble qu'une décision qui peut être ainsi soit interlocutoire soit définitive selon la manière dont elle est rendue, même si elle est interlocutoire en raison du résultat, doit néanmoins être considérée comme déterminante pour la solution définitive de la cause principale. Autrement dit, pour savoir si le résultat de la procédure est un facteur déterminant de l'issue du principal, il faut examiner le point à trancher avant que le protonotaire ne réponde à la question, alors que pour savoir si la décision est interlocutoire ou définitive (ce qui est purement une question de forme), la question doit se poser après la décision du protonotaire. Il me semble que toute autre approche réduirait la question de fond de « l'influence déterminante sur l'issue du principal » à une question purement procédurale de distinction entre décision interlocutoire et décision définitive, et protégerait toutes les décisions interlocutoires contre les attaques (sauf le cas d'erreur de droit).

 

 

 

[13]           Dans cette requête, on demandait au protonotaire de prononcer une ordonnance radiant l’avis de requête du demandeur. Il s’agissait d’une question ayant une influence déterminante sur l'issue du principal. Je me dois par conséquent d’exercer le pouvoir discrétionnaire qui m’est conféré en reprenant l'affaire depuis le début.

 

[14]           Le protonotaire a correctement cerné la question cruciale à trancher, à savoir si la demande de contrôle judiciaire du demandeur a été présentée dans le délai prescrit. Si la décision a été signifiée au demandeur le 21 novembre 2001, la demande n’a pas été présentée en temps opportun étant donné que l’avis d’appel d’une décision rendue par le juge de la citoyenneté doit être déposé dans les 60 jours suivant la date de sa communication, par courrier ou tout autre moyen.

 

[15]           Le protonotaire affirme dans sa décision que la question de savoir si la décision avait été envoyée au demandeur par courrier recommandé n’était pas contestée. J’ai examiné les documents produits par les parties et je ne saurais être en accord avec le protonotaire sur ce point. La preuve démontre que la décision a été envoyée dans une enveloppe « XPRESSPOST ». De plus, la mention « Courrier recommandé » a été inscrite sur l’enveloppe. Cela signifie‑t‑il que le courrier recommandé est acheminé dans une enveloppe « XPRESSPOST » portant la mention « Courrier recommandé »? Aucun élément de preuve n’a été présenté à cet égard. Par conséquent, il m’est impossible de dire si la décision a été envoyée ou non par courrier recommandé au demandeur.

 

[16]           Lorsque la signification est autorisée par courrier recommandé, il importe, à mon avis, que la Cour soit en mesure de conclure que l’envoi a été fait par courrier recommandé. Les éléments de preuve présentés ne me permettent pas de tirer cette conclusion. J’ai examiné les affidavits sous serment de Mme Jillian Schneider et rien n’indique que la lettre a été envoyée par courrier recommandé, mis à part le paragraphe 3 de l’affidavit du 11 juillet 2002, et il n’y a aucune indication de la source des renseignements qu’elle a fournis.

 


[17]           J’estime que le protonotaire a commis une erreur en concluant que la décision a été envoyée par courrier recommandé. Compte tenu des autres éléments de preuve présentés, la date de signification de la décision du juge de la citoyenneté serait au plus tôt le 5 juin 2002. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire a été déposée dans le délai prescrit et la radiation de l’avis de requête du demandeur était une erreur.

 

[18]           L’appel du demandeur est accueilli.

 

ORDONNANCE

 

[19]           LA COUR ORDONNE QUE la requête (appel) soit accueillie et que la décision du protonotaire de radier l’avis de requête du demandeur soit annulée.

 

 

 

 

                                                                            « John A. O’Keefe »             

                                                                                                                         Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 15 novembre 2002

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :               T-919-02

 

INTITULÉ :              GIDEON MC.GUIRE AUGIER

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

                                                     

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le lundi 9 septembre 2002

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   MONSIEUR LE JUGE O’KEEFE  

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le vendredi 15 novembre 2002

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Gideon Mc.Guire Augier                             POUR LE DEMANDEUR (pour son propre compte)

 

 

Personne                     POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

M. Gideon Mc.Guire Augier                             POUR LE DEMANDEUR (pour son propre compte)

271, promenade Carson

Hamilton (Ontario)

L8T 2X8

 

Ministère de la Justice POUR LE DÉFENDEUR

The Exchange Tower

130, rue King Ouest

Bureau 3400, B.P. 36

Toronto (Ontario)

M5X 1K6


                                               

 

                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

              SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

 

Date : 20021115

 

Dossier : T-919-02

 

 

 

ENTRE :

 

 

GIDEON MC.GUIRE AUGIER

 

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

                                                                                                                      

 

 

 

                    MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

 

 

                                                                                                                      

 

 


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