Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20021126

 

Dossier : IMM-5896-01

 

Référence neutre : 2002 CFPI 1222

 

Ottawa (Ontario), le 26 novembre 2002

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

 

ENTRE :

 

MEHMET AKTAN

demandeur

 

 

 

 

- et-

 

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

                                MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) en date du 10 juillet 2001 par laquelle il a été décidé que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention. Cette demande est faite en application du paragraphe 82.1 de la Loi sur l’immigration.

 


LES FAITS

 

[2]               Le demandeur est un citoyen turc d’origine kurde. Il est né le 3 février 1972.

 

[3]               Le demandeur fonde sa revendication du statut de réfugié sur le fait qu’il craint d’être persécuté en Turquie du fait de sa religion, de son identité ethnique et de ses opinions politiques. À l’audience, le demandeur a également soulevé un autre point, à savoir qu’il ne veut pas faire son service militaire.

 

[4]               Dans son Formulaire de renseignements personnels, le demandeur a déclaré qu’il a subi plusieurs incidents du fait de son appartenance religieuse et de son origine ethnique. Dans sa décision, la Commission a porté toute son attention sur le premier et les deux derniers incidents. Les faits liés à ces incidents sont les suivants :

(a)        Le 21 mars 1995, le demandeur a pris part aux festivités kurdes du Newroz et tenait une pancarte portant « Démocratie pour les Kurdes ». Il a été arrêté, détenu pendant deux jours et il a reçu des électrochocs. On l’a prévenu de ne plus prendre part à de telles manifestations.

 

(b)        En février 1999, le parti politique kurde, HADEP, a programmé un événement pour sensibiliser les Kurdes à leur mode de vie en Turquie. Le président du HADEP pour la ville de Kulu a invité le demandeur à se joindre à lui pour solliciter du bureau du sous-gouverneur l’autorisation d’organiser l’événement. L’autorisation a été refusée et, après discussions houleuses, le demandeur et le président du HADEP ont été arrêtés et mis en détention. Le demandeur déclare qu’il a été mis en garde et maltraité.

 


(c)        L’incident qui a précipité le départ du demandeur de la Turquie pour le Canada a eu lieu en mars 2000. Le demandeur était assis dans un café appartenant à un Kurde et il s’entretenait en langue kurde avec un ami. Trois jeunes gens ont alors commencé à l’insulter et l’un d’entre eux a poignardé son ami. Lorsqu’il a appelé chez lui, le demandeur a appris que, sur la base de renseignements fournis par le propriétaire du café, la police le recherchait. Immédiatement après, il a pris les dispositions nécessaires pour fuir la Turquie.

 

LA QUESTION EN LITIGE                                   

 

[5]               La Commission a-t-elle commis une erreur de droit dans son évaluation de la crédibilité en faisant des déductions déraisonnables eu égard à la preuve soumise?

 

ANALYSE

 

[6]               Le demandeur prétend que la Commission faisait une erreur d’interprétation et rapportait incorrectement la preuve quant à son implication au HADEP.

 

[7]               Le défendeur prétend que la Commission n’a pas contredit la preuve manifeste présentée par le demandeur qu’il ne pouvait adhérer officiellement au HADEP puisqu’il était étudiant.

 

[8]               En fait, la Commission a posé plusieurs questions sur l’implication du demandeur au HADEP, essayant ainsi d’obtenir plus de précisions. La réponse fut :

[TRADUCTION] J’étais étudiant et pour cela j’étais un Kurde; je fréquentais régulièrement l’endroit, mais je n’étais pas formellement lié à eux. Je fréquentais seulement l’endroit. (transcription non officielle (dossier du demandeur, p.26) ) 

 

 

 

 


 

[9]        À mon avis, la Commission était fondée à poser des questions sur le profil réel et les responsabilités du demandeur au sein du HADEP, et elle a ainsi pu trouver invraisemblable et même incroyable que le demandeur accompagne le président à une importante rencontre, même s’il connaissait le président depuis 1995.

 

[10]      Quant à la conclusion que le demandeur est resté à Kulu et a participé aux célébrations du Newroz en mars 1999 même après la prétendue mise en détention de février 1999, je pense encore une fois que la Commission était fondée à conclure à l’invraisemblance de cet incident.

 

[11]      Le demandeur prétend que les conclusions de la Commission concernant l’incident de mars 2000 au café rapportent la preuve de façon manifestement incorrecte. Un examen de la transcription révèle que le demandeur a en partie raison sur ce point.

 

[12]      En effet, il n’y a aucune preuve attestant que le propriétaire du café a dénoncé le demandeur et son ami à la police, pour les motifs exposés aux pages 2 et 3 de la décision.

 

[13]      Néanmoins, après avoir attentivement examiné les faits entourant cet incident, la transcription et la décision, je ne peux conclure à une erreur fatale.

 

[14]      Dans Martinez c. Canada, [1981] A.C.F. no 1132, le juge Heald a conclu au nom de la Cour d’appel :


Bien que nous ne soyons pas nécessairement d’accord avec toutes les déductions que la Commission a faites à partir de la preuve présentée devant elle, nous estimons que cette dernière était fondée, compte tenu du dossier, de faire ces déductions et de tirer ces conclusions, et que le requérant n’a pas fait la preuve d’une erreur pouvant donner lieu à une révision. Pour ces motifs, la demande fondée sur l’article 28 est rejetée.

 

 

 

[15]      Je n’accepte pas non plus la prétention du demandeur selon laquelle la conclusion de la Commission qu’il était invraisemblable que la police ait saisi l’occasion (c’est-à-dire l’incident du café) pour poursuivre le demandeur, est déraisonnable. Bien qu’on puisse arriver à une autre conclusion quant aux faits, la Commission était fondée à arriver à cette conclusion.

 

[16]      La Commission a également conclu à l’insuffisance de la preuve en ce qui a trait au fait que le demandeur a été persécuté en raison du service militaire obligatoire. Je devrais relever la déclaration du demandeur selon laquelle le service militaire obligatoire était son principal motif de crainte de retourner en Turquie.

[TRADUCTION]

 

 

Avocat : Qui craignez-vous en Turquie?

 

 

Revendicateur : Le premier motif est que je crains de faire le service militaire obligatoire parce que les militaires sont des oppresseurs et je ne voudrais pas en faire partie, particulièrement, ils oppriment le peuple kurde. Deuxièmement, ils m’accusent d’aider le PKK. Ils affirment que mes visites au HADEP étaient presque synonymes de participation à une organisation interdite.

 

 

Avocat : Qui croit cela?

 

 

Revendicateur : Je le crois. Si je retourne, je n’aurai aucune sécurité, ma vie est en danger et je ne veux pas aller faire le service militaire.

 

 

(Dossier du Tribunal, pages 189 et 190)

 

 

 


[17]      À mon avis, le demandeur n’a pas convaincu la Cour que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle justifiant l’intervention de la Cour.

 

 

ORDONNANCE

 

-           En conséquence, pour les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

-           Aucune question grave ne sera certifiée.

 

 

 

 

 

 

« Pierre Blais »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

Jean Maurice Djossou, LL.D.                                                            


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Avocats inscrits au dossier

 

DOSSIER :                                                      IMM-5896-01

 

INTITULÉ :                                                     Mehmet Aktan c. MCI

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                              Le 13 novembre 2002

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                 Le juge Blais

 

DATE DES MOTIFS :                         Le 26 novembre 2002

 

 

COMPARUTIONS :                         Lorne Waldman

 

pour le demandeur

 

Negar Hashemi

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      Waldman & Associates

Avocats

281, avenue  Eglinton Est

Toronto (Ontario)

M4P 1L3

 

pour le demandeur

 

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

130, rue King Ouest

Bureau 3400, C.P. 36

Toronto (Ontario)

M5X 1K6

 

pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.