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Date : 20010529

 

Dossier : IMM-3686-00

 

Référence neutre: 2001 CFPI 537

 

Entre :

 

                                                       Arif MUHAMMAD

 

                                                                                                             Partie demanderesse

 

Et:

 

                                   LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

                                                    DE L’IMMIGRATION

 

                                                                                                               Partie défenderesse

 

 

                                            MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

LE JUGE TEITELBAUM

 

INTRODUCTION

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 82.1 de la Loi sur l’immigration (ci-après la «Loi»), à l’encontre d’une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (ci-après le «tribunal») rendue le 14 juin 2000, à l’effet que M. Arif Muhammad (ci-après le «demandeur») n’est pas un réfugié au sens de la Convention, pour le motif que son témoignage n’était pas crédible.

 


FAITS

[2]               Le demandeur déclare être né au Pakistan et réclame le statut de réfugié  alléguant avoir une crainte bien fondée de persécution de la part du Pakistan Muslim League (ci-après le «PML») advenant son retour dans son pays, en raison de ses opinions politiques, et son appartenance au Pakistan Peoples Party (ci après le «PPP») .

 

[3]               Au dire du demandeur, il est devenu membre du PPP en 1988 et a participé à la campagne électorale du PPP la même année. Il participait à toutes les réunions du PPP de sa région et coordonnait toutes les rencontres du quartier.

 

[4]               Le demandeur prétend qu’en 1991, il fut arrêté et détenu par la police pour une période de 36 heures.   

 

[5]               Le demandeur allègue que durant la campagne électorale de 1993, il était responsable de toutes les allocutions de Benazir Bhutto dans sa région.  Suite à l’élection, la police est venue à maintes reprises chez le demandeur ainsi qu’à son magasin. 

 

[6]               D’après le demandeur, le 4 avril 1997, le magasin de son père fut vandalisé et la police n’a rien fait.  Le 14 avril 1997, des membres du PML l’ont attaqué et l’ont battu.  Encore une fois, la police a refusé de l’aider. 

 


[7]               Le demandeur prétend avoir été détenu par la police pendant deux jours, durant la période des élections municipales de 1998 auxquelles il participait.

 

[8]               Le demandeur prétend que suite à une attaque des membres du PML en avril 1999, il fut sérieusement blessé et dû être hospitalisé.

 

[9]               Le demandeur prétend qu’en septembre 1999, son père l’a envoyé chez un «oncle» (un ami de la famille qu’il appelle oncle).  De plus, il prétend que la police a fait une descente chez son père et l’a battu.

 

[10]           Le demandeur prétend qu’il a  appris par la suite que le secrétaire général du PML avait fait enregistrer un «First Information Report» (ci-après un «FIR») contre le demandeur.  Le FIR est un rapport de plainte, une accusation présentée à la police sur la base de laquelle la police peut arrêter quelqu’un. Un agent à la station de police a déclaré à l’avocat du demandeur que quelqu’un de haut placé avait commandé le FIR.  Son avocat lui fit part du fait qu’il avait été incapable d’obtenir de l’information au sujet du FIR. 

 

[11]           Le 25 décembre 1999, le demandeur quitte le Pakistan pour le Canada.

 

 


DÉCISION DU TRIBUNAL

[12]           Le tribunal a conclu que le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention pour le motif qu’il n’était pas crédible.  Il n’a pas démontré qu’il avait souffert de la persécution de la part du PML ni de la police.  Il n’a pu non plus démontrer qu’il serait l’objet de persécution du PML ou de la police, advenant son retour au Pakistan.

 

[13]           Par ailleurs, le tribunal a conclu que compte tenu du fait qu’il n’était pas crédible, particulièrement en ce qui a trait aux éléments centraux, la revendication du demandeur n’a pas un minimum de fondement tel que décrit au paragraphe 69.1(9.1) de la Loi.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[14]           Le tribunal a-t-il commis une erreur en concluant que le demandeur n’était pas crédible?

 

[15]           Le tribunal a-t-il commis une erreur en concluant que la revendication n’avait pas un minimum de fondement?

 

 

 

 


PRÉTENTIONS DES PARTIES

a) Demandeur

[16]           Le demandeur prétend que le tribunal a commis une erreur en rejetant sa revendication malgré le fait qu’il ait déposé des documents corroborant son témoignage.

 

[17]           Le demandeur prétend que la crainte de persécution d’un revendicateur étant un élément essentiel à la revendication, le tribunal a l’obligation de considérer tous les éléments à l’appui de cette crainte.  En l’espèce, le demandeur  prétend que le tribunal a fait défaut de faire une analyse complète de la revendication, en n’évaluant pas sa crainte de persécution à la lumière de ses opinions politiques et de son appartenance au parti PPP.

 

[18]           Le demandeur a soumis en preuve une carte de membre du PPP et deux lettres de membres du PPP.  Le demandeur prétend que le tribunal a commis une erreur en omettant d’indiquer dans ses motifs les raisons pour lesquelles il rejetait des preuves directement reliées à sa revendication qui corroboraient son témoignage.

 

[19]           Le demandeur signale que la preuve documentaire produite à l’audience, à l’effet qu’il existe beaucoup de tensions politiques au Pakistan et à l’effet que les membres du PPP font régulièrement l’objet de violence de la part du PML, est abondante.

 


[20]           Le demandeur prétend que la conclusion du tribunal à l’effet que sa revendication n’a pas un minimum de fondement est déraisonnable, puisqu’il avait des documents personnels confirmant son appartenance au parti PPP ainsi que deux lettres confirmant ses activités au sein du PPP et les problèmes qu’il aurait eu à cause de ses activités au sein du parti.

 

[21]           Le demandeur prétend que  le tribunal a commis une erreur ouvrant droit au contrôle en concluant à l’absence de minimum de fondement à cette revendication parce qu’il existait au moins un élément de preuve crédible autre que le témoignage du demandeur, qui permettait de corroborer ses prétentions à l’effet que les membres du PPP subissent la persécution au Pakistan. 

 

b) Défendeur

[22]           Le défendeur allègue que les prétentions du demandeur ne sont pas de nature à justifier l’intervention de la Cour.  En effet, le tribunal a énuméré de nombreuses raisons au soutien de sa conclusion générale d’absence de crédibilité concernant tant le témoignage du demandeur que les documents qu’il a soumis au soutien de sa revendication.  Par ailleurs, le défendeur prétend que la perception du tribunal qu’un demandeur n’est pas crédible équivaut à la conclusion qu’il n’existe aucun élément crédible pouvant justifier qu’on lui reconnaisse le statut de réfugié. 

 


[23]           Quant aux prétentions du demandeur fondées sur son appartenance au PPP, le défendeur soutient qu’elles n’ont pas été crues et que même si elles avaient été crues, cette appartenance au PPP aurait été insuffisante compte tenu du fait que le demandeur n’a déposé aucun extrait de preuve documentaire attestant que les membres du PPP sont persécutés au Pakistan.

 

[24]           De plus, même si le demandeur avait apporté une preuve à l’effet que les membres du PPP sont persécutés, cela n’aurait pas justifié l’intervention de la Cour, puisque la crainte alléguée se doit d’être distincte.

 

[25]           Le défendeur prétend également que le tribunal ayant conclu que le demandeur n’était pas crédible, il s’ensuit qu’il n’existait aucun élément de preuve crédible pouvant appuyer la revendication du demandeur.  Par conséquent, le tribunal n’a pas commis d’erreur en concluant que la revendication n’avait pas un minimum de fondement. 

 

ORDONNANCE RECHERCHÉE

[26]           Le demandeur réclame que la Cour casse la décision du tribunal et renvoie l’affaire au tribunal pour une nouvelle audition devant une formation différemment constituée.

 

 


DÉCISION

[27]           J’ai décidé d’accorder la présente demande de contrôle judiciaire et de renvoyer cette affaire pour une nouvelle audition devant un tribunal différemment constitué.  Le tribunal ne devra pas se servir de la décision antérieure que j’ai rejetée.  Le demandeur aura droit à une nouvelle audition.

 

[28]           De plus, la nouvelle audition devra se tenir en français si les membres du tribunal sont francophones ou en anglais si les membres sont anglophones.

 

[29]           La raison pour laquelle je fais la remarque précédente est la suivante.  Au début de l’audition du contrôle judiciaire, j’ai lu, ou du moins j’ai tenté de lire, la transcription de l’audition devant le tribunal.  J’ai trouvé tellement de notations “inaudible” que je n’ai pu comprendre le sens des questions ou des réponses.

 

[30]           J’ai également trouvé, et je crois que ceci résulte du fait que les membres du tribunal étaient des francophones, que la grammaire était telle que, parfois, j’ai eu de la difficulté à comprendre les questions adressées au demandeur, l’audition s’étant tenue en anglais.   Je ne comprends pas pourquoi l’audition s’est tenue en anglais et de ce fait, le demandeur a été forcé de recourir aux services d’un interprète.

 


[31]           Ce n’est pas mon intention de dénigrer les membres du tribunal.  Les membres ont déterminé que le demandeur n’avait aucune crédibilité.  Ceci est une décision très importante pour le demandeur.  Si je ne comprends pas totalement ce qui a été dit par le demandeur et si je ne peux totalement comprendre les questions des membres, je ne peux donc déterminer si la Cour devrait ou non intervenir dans la décision du tribunal.

 

[32]           Donc, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour une nouvelle audition conformément aux présents motifs.

 

 

“Max M. Teitelbaum”

                                                                       

J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 29 mai 2001

 

 


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