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Date : 20050903

Dossier : T-346-05

Ottawa (Ontario), le 2 septembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

ENTRE :

NEW ERA CAP COMPANY, INC.

et NEW ERA CAP COMPANY

demanderesses

et

MADAME UNETELLE et MONSIEUR UNTEL et AUTRES PERSONNES,

NOMS INCONNUS, QUI FONT LE COMMERCE DE MARCHANDISES

ROCAWEAR NON AUTORISÉES OU CONTREFAITES, ET LES PERSONNES

ÉNUMÉRÉES DANS L'ANNEXE « A » DE LA DÉCLARATION

défendeurs

DIRECTIVE MODIFIÉE

            La présente directive est émise pour faire en sorte que chacune des parties intéressées par la présente affaire soit informée de chaque procédure se rapportant à la requête des demanderesses présentée en vue d'obtenir une prorogation d'une ordonnance provisoire de protection et ait la possibilité d'y participer, et que l'ordonnance ne soit accordée que sur la foi de la garantie précisée. (Cette directive fait suite à des directives orales se rapportant à ladite procédure).

            Les extraits suivants de la décision Ridgewood Electric Limited (1990) c. Robbie et al., 74 O.R. (3d) 514, Cour supérieure de justice, juge Corbett, en date du 18 février 2005, reflètent simplement quelques-uns des motifs justifiant un examen plus minutieux des ordonnances Anton Piller et de tout renouvellement de telles ordonnances :

[traduction]

[...] le pouvoir de rendre une ordonnance Anton Piller s'inscrit dans le pouvoir intrinsèque du tribunal de préserver sa propre procédure. Mais la source du pouvoir de rendre l'ordonnance et le fond de l'ordonnance sont deux choses différentes. Le fond de l'ordonnance concerne la prise de possession, la perquisition et la saisie de biens privés. Puisque le fond d'une ordonnance Anton Piller est la prise de possession, la perquisition et la saisie, la distinction entre les ordonnances Anton Piller et les mandats de perquisition est [traduction] « subtile, c'est le moins que l'on puisse dire » (Sharpe, Injunctions and Specific Performance, 2e éd. (Aurora, Ont. : Canada Law Book, 1992), paragraphe 1.1280), un tribunal allant même jusqu'à qualifier cette distinction d' « hypocrisie » (voir le jugement Bhimji c. Chatwani, [1991] 1 W.L.R. 989, à la page 1001, juge Scott).

La raison de cette distinction remonterait à un précédent ancien et révéré, Entick v. Carrington (1765), 2 Wils. 275, [1558-1774] All E.R. Rep. 41, 95 E.R. 807, où le tribunal avait exposé le principe fondamental suivant : le domicile d'une personne est son « château » , son domaine privé. Les agents de l'État eux-mêmes n'ont pas la faculté d'envahir ce sanctuaire sans l'autorisation du propriétaire. Pour respecter ce principe, les tribunaux décrivent une ordonnance Anton Piller comme autre chose qu'un mandat de perquisition. Mais la description et l'analyse ne changent rien au fait que, fondamentalement, une ordonnance Anton Piller est un mandat de perquisition. Et il est temps que la distinction théorique entre les ordonnances Anton Piller et les mandats de perquisition soit abandonnée, non pour dépouiller le droit à la vie privée et le droit de propriété, mais pour les protéger.

Les sauvegardes d'une ordonnance Anton Piller devraient au moins comprendre ce qui suit :

[traduction]

Un examen judiciaire minutieux de l'exécution des ordonnances Anton Piller, afin d'équilibrer les intérêts des deux parties, garantissant ainsi une décision équitable sur les questions de fond, à la suite d'une procédure équitable pour les deux parties.

Le critère d'une ordonnance Anton Piller est le suivant :

a) le demandeur doit apporter un commencement de preuve « solide » ou « extrêmement solide » justifiant le redressement formel à l'origine de la demande d'ordonnance;

b) le demandeur doit prouver qu'il risque de subir un préjudice très sérieux si l'ordonnance n'est pas rendue;

c) le demandeur doit prouver que le défendeur a en sa possession [...] des articles devant être saisis;

d) le demandeur doit prouver qu'il y a de bonnes raisons de croire que le défendeur détruira ou dissimulera les articles à saisir si avis de la requête lui est signifié.

Voir : Anton Piller K.G. c. Manufacturing Process Ltd., [1976] Ch. 55, [1976] 1 All E.R. 779 (C.A.); Adobe Systems Inc. c. KLJ Computer Solutions Inc., [1999] A.C.F. n ° 649, 1 C.P.R. (4th) 177 (1re inst.); Robert Half Canada Ltd. c. Jeewan, précité.

Ces principes, exposés sous forme résumée, permettent d'affirmer qu'une ordonnance Anton Piller est subordonnée à une autorisation judiciaire préalable, laquelle ne peut être obtenue que si la cour est persuadée que ce recours extraordinaire est fondé.

Les avocats ont des obligations en tant qu' « auxiliaires de la justice » . Toutefois, c'est un rôle dans lequel ils sont perçus par les juges et les autres avocats, non par les membres du public. Dans leur rôle traditionnel, les avocats sont des partisans dont la conduite est circonscrite par des normes éthiques et professionnelles. Ils n'ont pas à répondre devant les tribunaux ou devant le Barreau de leur esprit partisan, mais plutôt de leur adhésion à des normes minimales de conduite, surtout en ce qui a trait à la compétence, à l'honnêteté et à la probité. Lorsqu'un avocat représente un client, il n'est pas, et ne saurait être, objectif, impartial ou même nécessairement juste. Un avocat qui agit comme « auxiliaire de la justice » indépendant durant l'exécution d'un mandat de perquisition n'est pas perçu comme objectif et impartial de par sa qualité d' « auxiliaire de la justice » .

Rétention sûre des pièces saisies

Les questions de « rétention sûre » dans les affaires Anton Piller varieront d'une affaire à une autre. Les questions suivantes se posent toutefois couramment :

a) quelques-unes ou la totalité des pièces saisies peuvent être requises d'urgence par la personne que vise la perquisition, afin qu'elle puisse continuer d'exercer ses activités ou poursuivre un autre objet légitime. [...] Il peut parfois y avoir une bonne raison de l'en priver pour une période plus longue.

Selon la Cour, toutefois, cela doit être démontré à la satisfaction de la Cour.

            [traduction]

b) Dans certains cas, la personne visée par la perquisition peut revendiquer un privilège pour certaines des pièces saisies. La capacité à revendiquer ces privilèges doit être préservée jusqu'à l'issue d'une procédure d'évaluation des privilèges ainsi revendiqués. Il importe que les pièces à l'égard desquelles un privilège est revendiqué ne soient pas examinées par la partie adverse ou par son avocat avant qu'il ne soit statué sur le privilège revendiqué.

c) Il sera nécessaire de faire un inventaire des pièces saisies et des pièces restituées, pour utilisation par toutes les parties.

Le défendeur doit avoir le droit de consulter son avocat avant d'être tenu d'autoriser l'entrée dans ses locaux; il doit être informé de ce droit. Ces droits sont à la fois « primordiaux » et « très importants » aux yeux de certains tribunaux : Grenzservice Speditions Ges.m.b.H. c. Jans, précité; voir aussi Columbia Pictures Industries Inc. c. Robinson, [1986] 3 All E.R. 38 (Ch.); Anton Piller K.J. c. Manufacturing Process Ltd.

Par conséquent, la Cour déclare que les parties non visées par une procédure ex parte ne doivent pas être exclues de la procédure d'obtention d'une telle ordonnance ou de la procédure de renouvellement d'une telle ordonnance.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

D. Laberge, LL.L.

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