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Date : 20081202

Dossier : IMM-193-08

Référence : 2008 CF 1339

Ottawa (Ontario), le 2 décembre 2008

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

MARGARET MARIE MILLS

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

[1]               Il est expressément énoncé dans la politique d’intérêt public que les demandeurs « qui présentent une demande aux termes de cette politique d'intérêt public après avoir été jugés prêts au renvoi par [l’Agence des services frontaliers du Canada] l’ASFC » ne bénéficieront pas de la suspension administrative du renvoi.

 

[2]               Les personnes qui ne vivent pas avec leur répondant au moment où Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) veut accorder la résidence permanente, par exemple, « les personnes qui ont été renvoyées ou qui ont quitté le Canada de leur plein gré ne peuvent pas obtenir la résidence permanente dans la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada, mais peuvent présenter une demande dans la catégorie du regroupement familial ». [Non souligné dans l’original.] (Lignes directrices du Guide IP 8, politique sur les époux).

 

II.         La procédure

[3]               Le 14 janvier 2008, la demanderesse a déposé une demande d’autorisation de contrôle judiciaire en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), contre la décision d’un agent d’immigration de CIC.

 

[4]               L’agent d’immigration avait refusé la demande de parrainage présentée par la demanderesse pour son époux, M. Lisle Kevin Anthony Durham, afin qu’il obtienne la résidence permanente au Canada dans la catégorie des époux ou conjoints de fait.

 

III.       Faits

[5]               Le 21 décembre 2007, l’agent d’immigration a refusé la demande de résidence permanente de l’époux de la demanderesse comme membre de la catégorie des époux ou conjoints de fait; cette demande était parrainée par la demanderesse, Mme Margaret Marie Mills.

 

[6]               Le 24 décembre 2007, l’agent d’immigration a refusé la demande que Mme Mills avait présentée pour le parrainage de son époux, M. Durham, afin qu’il obtienne la résidence permanente au Canada. C’est la décision qui est maintenant contestée devant la Cour.

[7]               L’agent d’immigration a refusé la demande de parrainage présentée par Mme Mills parce que son époux ne répondait pas à une exigence essentielle de la catégorie des époux ou conjoints de fait, soit la cohabitation avec le répondant au Canada; cette exigence est énoncée à l’alinéa 124a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement).

 

IV.       La question en litige

[8]               La conclusion de l’agent d’immigration était‑elle déraisonnable?

 

V.        Analyse

[9]               Le mémoire des arguments de Mme Mills soulève une seule question relativement à la décision de l’agent d’immigration dans la présente affaire. Mme Mills n’a pas démontré que l’agent d’immigration a tiré une conclusion déraisonnable au regard de l’alinéa 124a) du Règlement ou que l’agent d’immigration a agi de façon incohérente eu égard à la politique sur les époux. Étant donné que Mme Mills n’a présenté aucune raison valable pour que je conclue que l’agent d’immigration a commis une erreur susceptible de contrôle, la présente demande devra être rejetée.

 

Contexte législatif, réglementaire et politique

[10]           Sous le régime de la LIPR, les étrangers disposent de plusieurs moyens pour présenter une demande de résidence permanente au Canada au motif qu’ils sont époux ou conjoints de fait de Canadiens ou de résidents permanents.

 

[11]           Le moyen principal, pour les personnes se trouvant dans une telle situation, est de demander la résidence permanente par la présentation d’une demande devant leur permettre de devenir membre de la catégorie du regroupement familial, avant d’entrer au Canada, selon la section 1 de la partie 1 de la LIPR et selon la section 1 de la partie 7 du Règlement. Pour être admissibles, les personnes doivent répondre aux exigences de la catégorie du regroupement familial et, par ailleurs, elles ne doivent pas être frappées d’une interdiction de territoire ou être non admissibles à obtenir le visa de résidence permanente qui est exigé pour entrer au Canada et pour y demeurer.

 

[12]           La LIPR et le Règlement permettent aussi aux étrangers qui sont au Canada de présenter une demande de résidence permanente comme membres de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada. De telles demandes sont régies par les exigences et les conditions précises de la section 2 de la partie 7 du Règlement; voir le paragraphe 12(1) de la LIPR et les articles 123 à 129 du Règlement.

 

[13]           Pour les besoins de la présente demande, de tous les articles de la section 2 de la partie 7 du Règlement, l’article 124 est le plus pertinent. Selon cet article, l’étranger qui veut devenir membre de la catégorie des époux ou conjoints de fait doit satisfaire aux exigences suivantes : a) il est l’époux ou le conjoint de fait d’un répondant et vit avec ce répondant au Canada; b) il détient le statut de résident temporaire au Canada; c) une demande de parrainage a été déposée à son égard.

 

[14]           Le 18 février 2005, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a adopté une politique d’intérêt public, la politique sur les époux, pour l’application du paragraphe 25(1) de la LIPR; cette politique énonce les critères suivant lesquels les époux ou conjoints de fait de Canadiens et de résidents permanents au Canada qui sont sans statut d’immigration légal seront examinés pour l’obtention de la résidence permanente. La politique sur les époux vise à faciliter le traitement des demandes des époux ou conjoints de fait authentiques et sans statut dans la catégorie du regroupement familial par la dispense pour le demandeur de l’obligation prévue à l’alinéa 124b) du Règlement d’avoir « un statut » d’immigration, en plus des exigences prévues au paragraphe 21(1) de la LIPR et au sous‑alinéa 72(1)e)(i) du Règlement de ne pas être interdit de territoire pour absence de statut; toutefois, la politique énonce aussi, en caractère gras, que toutes les autres exigences de la catégorie s’appliquent et que « les cas des demandeurs seront traités en fonction des lignes directrices de l’IP2 et de l’IP8 »; voir les paragraphes 21(1) et 25(1) de la LIPR; le sous‑alinéa 71(1)e)(i) et l’alinéa 12b) du Règlement; les sections 1, 3 et 5(C)(iii) de la politique sur les époux.

 

[15]           La politique sur les époux comporte aussi un accord conclu avec l’ASFC selon lequel elle a accepté d’accorder une suspension administrative du renvoi des demandeurs qui sont visés par cette politique. Toutefois, il est expressément noté dans la politique qu’une suspension ne sera pas accordée aux demandeurs qui « sont visés par un mandat non exécuté en vue du renvoi », qui « ont déjà entravé ou retardé le renvoi » ou qui « présentent une demande aux termes de cette politique d’intérêt public après avoir été jugés prêts au renvoi par l’ASFC ». [Non souligné dans l’original.] (politique sur les époux, sous‑section 5(F)).

 

Conclusion raisonnable et décisive au regard de l’alinéa 124a) du Règlement

[16]           Mme Mills allègue que l’agent d’immigration a commis une erreur lorsqu’il a refusé la demande de son époux au motif qu’il ne répondait pas aux exigences de l’alinéa 124a) du Règlement. Mme Mills affirme que l’agent d’immigration a commis une erreur de droit et de fait lorsqu’il a conclu que son époux ne vivait pas avec elle au Canada.

 

[17]           Mme Mills n’a pas raison de dire que la norme de contrôle applicable à une décision rendue en application de l’alinéa 124a) du Règlement est la décision correcte.

 

[18]           La norme de contrôle applicable en l’espèce pour une décision rendue en application de l’alinéa 124a) du Règlement est la raisonnabilité. Comme la Cour d’appel fédérale l’a énoncé dans Smades c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 544 (QL), 53 A.C.W.S. (3d) 236 (C.A.), une affaire relative à des conclusions de la Commission d’appel des pensions, la question de la cohabitation et de la validité d’une relation conjugale régie par des définitions légales est « purement […] une question de fait ». La Cour d’appel a décidé en outre que « [i]l s'agit d'un cas classique dans lequel la Cour ne peut pas intervenir dans le cadre d'un contrôle judiciaire » et elle déclaré que « [m]ême si nous ne souscrivions pas au résultat nous n'aurions pas la compétence voulue pour intervenir ».

 

[19]           La norme de contrôle applicable aux décisions rendues en application de l’alinéa 124a) du Règlement ressort de l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7. Il s’agit de la décision manifestement déraisonnable. Les conclusions de l’agent d’immigration en l’espèce étaient entièrement raisonnables sur la base de leur logique inhérente; voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Dimonekene, 2008 CAF 102, [2008] A.C.F. no 464 (QL); Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190.

 

[20]           L’agent d’immigration a tiré la conclusion suivante relativement à l’alinéa 124a) du Règlement : [traduction] « L’alinéa 124a) exige que pour être admissible comme membre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada, vous devez démontrer que vous êtes l’époux ou le conjoint de fait du répondant et que vous vivez avec votre répondant au Canada. Dans votre cas, vous n’avez pas démontré que vous répondiez à ces exigences, parce que vous ne vivez pas avec votre épouse au Canada » (Décision, dossier de la demanderesse, à la page 7).

 

[21]           Il était raisonnablement loisible à l’agent d’immigration de tirer une telle conclusion puisque l’époux de la demanderesse avait, en fait, été renvoyé du Canada le 17 juin 2007 et qu’il ne vivait plus avec son épouse (la demanderesse) au Canada depuis son renvoi (dossier de la demanderesse, notes du Système de soutien des opérations des bureaux locaux (les notes du SSOBL), à la page 10).

 

[22]           La demanderesse soutient aussi que l’interprétation que l’agent d’immigration a donnée de l’alinéa 124a) du Règlement contredisait l’information énoncée dans la politique précitée.

 

[23]           L’argument de Mme Mills selon lequel l’agent d’immigration a agi de façon contraire à la politique sur les époux est basé sur une interprétation indéfendable et inadéquate de la politique. Comme cela ressort de l’énoncé clair de la politique sur les époux, à l’exception de la dispense pour le demandeur de l’obligation prévue à l’alinéa 124b) du Règlement, toutes les autres exigences de la catégorie s’appliquent et « les cas des demandeurs seront traités en fonction des lignes directrices de l’IP2 et de l’IP8 ». (Politique sur les époux, sections 1, 3 et 5(C)(iii)).

 

[24]           Le Règlement exige que l’époux ou le conjoint de fait d’un répondant vive avec ce répondant (alinéa 124a) du Règlement), et qu’il détienne un statut de résident temporaire au Canada qui n’a pas expiré.

 

[25]           Ainsi, Mme Mills n’a pas répondu aux exigences de l’article 124 du Règlement.

 

VI.       Conclusion

[26]           Pour les motifs exposés ci‑dessus, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

1.                  la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

Obiter

Comme le défendeur l’a fait remarquer oralement, le mariage du couple est considéré authentique; l’époux de la demanderesse peut présenter une demande de parrainage de l’extérieur du Canada, plutôt que d’être uni avec son épouse dans le cadre des dispositions à caractère restrictif sur l’obligation d’avoir un statut qui régissent la présente affaire (comme cela est précisé dans l’aperçu).

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A.Trad.jur.

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                              IMM-193-08

 

INTITULÉ :                                             MARGARET MARIE MILLS c. LE MINISTRE DE

                                                                  LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                       Montréal (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                     Le 24 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                    Le juge Shore

 

DATE DES MOTIFS :                            Le 2 décembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mark J. Gruszczynski

 

POUR LA DEMANDERESSE

Sylviane Roy

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gruszczynski, Romoff

Westmount (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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