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Date : 20081222

Dossier : IMM-1786-08

Référence : 2008 CF 1386

Ottawa (Ontario), ce 22e jour de décembre 2008

En présence de l’honorable juge Pinard

ENTRE :

NELLIE LUGO ADUNA

ASHLEY ANDRADE LUGO

ANGEL RODRIGO ANDRADE LUGO

ALEJJANDRO ANDRADE LUGO

 

Demandeurs

 

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

Défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27, d’une décision rendue le 27 février 2008 par l’agente d’examen de risques avant renvoi (« l’agente ERAR »).

 

[2]          Nellie Lugo Aduna (« la demanderesse principale ») et ses trois enfants – Ashley, Alejandro et Angel Rodrigo Andrade Lugo – sont citoyens mexicains.

 

[3]          Dans une lettre datée du 27 février 2008, l’agente ERAR indique que la demande d’examen de risques avant renvoi a été rejetée pour le motif suivant :

Il a été établi que vous ne risquiez pas d’être torturé ou persécuté, de subir des traitements ou un châtiment cruels ou inhabituels ou de voir votre vie menacée advenant un renvoi vers votre pays de nationalité ou de résidence habituelle.

 

 

 

[4]          Dans son analyse des risques allégués par la demanderesse principale, l’agente ERAR observe que la demanderesse principale réitère largement les mêmes allégations que celles faites devant la Section de la protection des réfugiés (« SPR »). De plus, l’agente a considéré la nouvelle preuve qu’on lui a présentée, soit celle de l’arrestation du père de la demanderesse principale et de sa mort en prison. Elle conclut :

Malgré toute la sympathie que l’on puisse éprouver envers la demanderesse pour la mort violente de son père, les nouveaux éléments de preuve déposés ne permettent pas de faire un lien entre cette tragédie et les allégations de la demanderesse.

 

 

 

[5]          Plus spécifiquement, l’agente a trouvé :

-         qu’il n’y a aucune indication que le père de la demanderesse principale ait demandé l’asile au Canada;

-         que les informations soumises par la demanderesse principale démontrent que sa mère et son père vivaient séparément, l’une à Telamac et l’autre à Mexico, D.F.;

-         qu’il n’y a aucune preuve probante que son père fût arrêté arbitrairement. Au contraire, l’article de presse soumis en preuve déclare qu’il a été incarcéré suite à un mandat d’arrestation pour avoir commis le délit d’extorsion; et

-         que le même article de presse signale que son père a été étranglé par un codétenu.

 

 

 

[6]          L’agente ajoute : « Il n’y avait donc pas d’indication que cet homme [l’assassin présomptif] était sous les ordres du sénateur Anaya. De plus, ces faits se sont déroulés dans l’État de Mexico, alors que le sénateur Anaya exerce dans l’État de Tlaxcala ».

 

[7]          Sur la question de la protection de l’État, l’agente indique que la SPR a noté le fait que la demanderesse principale n’avait jamais porté plainte auprès des autorités au Mexique. Par ailleurs, la SPR a déterminé que l’État mexicain était capable de protéger la demanderesse principale et ses enfants. Constatant que la situation au Mexique n’avait pas changé de façon majeure depuis la date de la décision de la SPR, l’agente ERAR conclut : « Bien que la protection de l’État ne soit pas parfaite au Mexique, je suis néanmoins satisfaite au regard de la preuve documentaire qu’elle existe et qu’elle est disponible à la demanderesse principale et à sa famille ».

 

[8]          La norme de contrôle judiciaire qui s’applique à la décision d’un agent ERAR est celle de la raisonnabilité (voir, entre autres, Demirovic c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CF 1284, au paragraphe 23, et Kandiah c. Solliciteur général, 2005 CF 1057, au paragraphe 6).

 

 

[9]          Selon la demanderesse principale, l’agente ERAR n’a pas prêté suffisamment attention à l’article de presse annonçant la mort de son père et à la lettre provenant de son avocat mexicain, lequel fait le lien entre l’incarcération et la mort du père, d’une part, et la persécution de la demanderesse principale, d’autre part. De fait, l’agente ERAR a pris connaissance de la lettre, mais a conclu comme suit :

Encore une fois, il n’y a pas d’élément de preuve qui démontre que le père de la demanderesse ait été arrêté de façon illégale. Il est raisonnable de penser que si tel était le cas, l’avocat de la demanderesse aurait entamé des procédures en justice pour dénoncer ces faits. A noter aussi, que l’avocat ne mentionne pas le ou les noms des présumés agents persécuteurs, notamment le sénateur Ayala. Pour toutes ces raisons, je n’accorde pas de poids à cette lettre provenant d’une partie intéressée.

 

 

 

[10]      Il appert donc que la demanderesse est en simple désaccord avec le poids accordé par le tribunal à divers aspects de la preuve. Or, les tribunaux administratifs se voient accorder une large discrétion concernant les questions de faits (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 51 et Aguebor c. ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1993), 160 N.R. 315). Ce n’est pas le rôle de cette Cour de substituer son raisonnement à celui du tribunal. Dans l’affaire Augusto c. Solliciteur général, 2005 CF 673, la juge Layden-Stevenson écrit:

[9]     . . . À moins qu'il ait omis de prendre en considération des facteurs pertinents ou ait tenu compte de facteurs non pertinents, l'appréciation de la preuve relève de l'agent chargé de l'examen et n'est normalement pas sujette à un contrôle judiciaire. En l'espèce, les motifs révèlent que l'agente d'ERAR a tenu compte de la preuve présentée par Mme Augusto, mais n'y a pas attribué beaucoup de poids. Il n'était nullement déraisonnable pour l'agente d'agir ainsi.

 

 

 

[11]      D’ailleurs, le paragraphe 10.4 du guide fourni par la Citoyenneté et Immigration Canada, concernant les éléments de preuve considérés dans un examen de risques avant renvoi, nous rappelle que :

Lorsque l’agent d'ERAR a obtenu les renseignements sur les faits du cas, il doit peser tout élément de preuve contradictoire. Le décideur doit déterminer quels sont les faits les plus solidement établis selon la prépondérance de probabilités et quelles allégations sont corroborées par les éléments de preuve. Décider quel fait ou ensemble de faits est le plus raisonnable ou probable compte tenu des circonstances du cas n'est pas une tâche aisée.

 

 

 

[12]      Ici, il est évident que l’agente ERAR a dûment considéré la preuve écrite pertinente. Sa décision doit se voir accorder déférence, surtout sur une question touchant le poids à accorder aux éléments de cette preuve. Je suis d’avis que ses conclusions constituent « une solution rationnelle acceptable » dont parle l’arrêt Dunsmuir, ci-dessus, au paragraphe 47. L’intervention de cette Cour n’est donc pas justifiée.

 

[13]      Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 27 février 2008 par l’agente d’évaluation de risques avant renvoi est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1786-08

 

INTITULÉ :                                       NELLIE LUGO ADUNA, ASHLEY ANDRADE LUGO, ANGEL RODRIGO ANDRADE LUGO, ALEJJANDRO ANDRADE LUGO c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 20 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 22 décembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Anthony Karkar                            POUR LES DEMANDEURS

 

Me Kinga Janik                                    POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Anthony Karkar                                                           POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

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