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Date : 20081212

Dossiers : T-1265-07

T-1315-07

T-1317-07

T-1318-07

 

Référence : 2008 CF 1357

Ottawa (Ontario), le 12 décembre 2008

En présence de monsieur le juge Mosley

 

 

ENTRE :

WILLIAM A. JOHNSON

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, M. William A. Johnson, est détenu à l’Établissement Warkworth (l’Établissement), un établissement pénitentiaire à sécurité moyenne situé à Campbellford, en Ontario. Les présents motifs portent sur quatre demandes de contrôle judiciaire relatives à des d’actes accomplis par des fonctionnaires de Service correctionnel Canada (SCC), demandes déposées par M. Johnson en vertu de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7. Les quatre demandes de contrôle judiciaire ont été jointes à la demande de M. Johnson parce que les faits sont liés, et elles ont été entendues de concert. M. Johnson n’était pas représenté par avocat dans les présentes affaires. Avant d’examiner chaque demande, je vais tout d’abord établir la chronologie des faits.

 

Le contexte factuel

 

[2]               M. Johnson purge une peine d’emprisonnement à durée indéterminée au sein de « l’unité de 80 personnes » à l’Établissement depuis le 10 novembre 1999. Son équipe de gestion de cas est composée de M. Kevin Kunkel, agent de correction, et de Mme Linda McKinley, surveillante de liberté conditionnelle. Dans l’Établissement, M. Johnson travaille actuellement pour CORCAN en tant qu’opérateur de machine.

 

[3]               Le 6 octobre 2005, pendant que M. Johnson était au travail, l’agent Kunkel et, à titre « d’agent témoin », l’agent Mike Carson, ont fouillé sa cellule. Les agents ont trouvé un certain nombre d’articles électriques, dont des fils, un transformateur, des cadrans, un cordon électrique, des tubes de cuivre, des câbles électriques, des barres d’alimentation, des vis et des boulons. M. Johnson est capable de fabriquer et de réparer des appareils électriques, et il a déjà eu le droit d’avoir de tels articles dans sa cellule. Lors de cette fouille, il semble que ces articles aient préoccupé les agents en raison de récentes alertes à la bombe dans l’Établissement.  

 

[4]               Les agents Kunkel et Carson ont conclu que ces articles étaient suspects, probablement non autorisés et potentiellement dangereux. Par conséquent, ces articles ont été enlevés de la cellule de M. Johnson, étiquetés objets interdits et envoyés au Service d’admission et de libération (le SAL), où ils ont été apparemment détruits. Les agents Kunkel et Carson ont rempli le Rapport d’observation ou de déclaration et l’agent Kunkel a rempli le Rapport de fouille.

 

[5]               À son retour du travail ce jour‑là, M. Johnson a trouvé sa cellule en désordre, et il lui manquait des effets personnels. Il a demandé à l’agent Kunkel de lui remettre ses effets personnels ou, à tout le moins, de lui expliquer la raison de la saisie. M. Johnson soutient que l’agent Kunkel a rejeté sa demande et lui a fait un commentaire inapproprié de nature sexuelle. Il a demandé à sa surveillante de liberté conditionnelle, Mme McKinley, d’organiser une réunion avec le surveillant correctionnel pour qu’ils discutent de la situation. Il affirme n’avoir jamais eu l’occasion de régler la question de façon informelle. Il a également rempli une Requête du détenu afin de parler avec la police et de porter des accusations contre les agents qui avaient [traduction] « volé ses effets personnels ». On lui a dit que la situation ne nécessitait pas une enquête de la police et on lui a conseillé de demander au SAL de lui rendre ses effets personnels.

 

[6]               Le 7 octobre 2005, SCC a remis un Rapport de l’infraction d’un détenu et avis de l’accusation (le rapport d’infraction) à M. Johnson pour avoir été en possession d’articles non autorisés en violation de l’alinéa 40j) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, 1992, ch. 20 (la Loi). Une audience disciplinaire, présidée par M. Steenburg, le président du Comité de discipline chargée des infractions disciplinaires mineures (le Comité) qui avait été nommé pour entendre l’affaire, s’est tenue le 17 octobre 2005. M. Steenburg a ajourné l’audience jusqu’à la semaine suivante afin de pouvoir déterminer si on avait essayé d’une façon quelconque de régler la question de façon informelle, comme l’exige la politique de SCC, avant de porter une accusation. Le 24 octobre 2008, l’audience disciplinaire de M. Johnson a repris. Lors de l’audience, M. Steenburg a lu une déclaration que lui avait remise l’agent Carson qui, semble‑t‑il, expliquait que l’agent Kunkel avait essayé de régler la question de façon informelle. Il convient de souligner que cette déclaration a été rédigée le jour suivant la séance du 17 octobre 2005, où l’ajournement de l’audience disciplinaire de M. Johnson a été décidé, soit onze jours après la date de l’accusation.

 

[7]               M. Steenburg a retenu l’accusation quant à l’infraction disciplinaire prévue à l’alinéa 40j) de la Loi et M. Johnson a par conséquent été condamné à une amende de 15 $. Le 16 novembre 2005, M. Johnson a présenté un grief au premier palier contestant la décision de M. Steenburg. Le 30 décembre 2005, il a également déposé une Réclamation du détenu pour les effets perdus ou endommagés, dans laquelle il demandait un dédommagement pour les articles qui avaient été saisis dans sa cellule le 6 octobre 2005 et par la suite détruits. SCC a offert à M. Johnson un dédommagement de 65 $ comme règlement pour certain des articles et a proposé de remplacer les autres. SCC n’a pas expliqué pourquoi ces articles avaient été détruits.

 

[8]               À la suite de la fouille de sa cellule et de la saisie effectuées le 6 octobre 2005, M. Johnson a été informé par le SAL qu’il dépassait la limite de 1 500 $ applicable aux effets gardés en cellule et le SAL lui a demandé de retourner la machine à écrire électrique Brother 430 que M. Johnson avait en sa possession depuis le mois d’avril 2005. M. Johnson a présenté un grief, dans lequel il alléguait qu’il avait acheté la machine à écrire parce qu’il avait présumé qu’elle constituait une fourniture scolaire autorisée et que, par conséquent, elle n’était pas visée par la limite de 1 500 $ applicable aux effets gardés en cellule, limite prévue au paragraphe 16 de la directive du commissaire no 090. Le 22 février 2006, pendant la procédure de grief, la machine à écrire de M. Johnson a été saisie en tant qu’« objet interdit ». M. Johnson a donc présenté un autre grief dans lequel il a demandé que lui soit retournée la machine à écrire, car, allègue‑t‑il, il s’agit d’une fourniture scolaire non visée par la limite applicable aux effets gardés en cellule.

 

[9]               En contravention des règles de CSC, aucun Rapport de fouille décrivant en détail la saisie de la machine à écrire n’a été rempli. M. Johnson a donc déposé une Requête du détenu, dans lequel il demandait qu’un Rapport de fouille soit rempli. Un mois plus tard, le défendeur n’avait toujours pas répondu à la Requête du détenu. Par conséquent, M. Johnson a présenté un autre grief.

 

Les questions préliminaires

            Les requêtes d’ordonnances pour outrage

[10]           L’audience portant sur les demandes de contrôle judiciaire devait avoir lieu le 17 septembre 2008 à Belleville, en Ontario. Le 11 septembre 2008, M. Johnson a, dans chaque demande de contrôle judiciaire, présenté des avis de requête en vue d’obtenir des directives en vertu de l’article 54 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), et un ajournement de l’audience. Subsidiairement, les requêtes sollicitaient des ordonnances en vertu du paragraphe 467(3) des Règles, ainsi que l’application du paragraphe 24(1), de l’alinéa 32(1)a) et de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.) (la Charte). En outre, M. Johnson a demandé, en vertu de l’article 55 des Règles, de ne pas avoir à se conformer aux Règles, en raison de sa détention.

 

[11]           M. Johnson souhaitait par ces requêtes que SCC et dix employés soient cités à comparaître pour outrage et que l’affaire soit ajournée à l’audience de justification.

 

[12]           Selon le dossier de requête de M. Johnson, le fondement de cette demande inhabituelle était que M. Johnson avait été incapable de réaliser les cahiers de jurisprudence qu’il devait déposer dans chaque demande de contrôle judiciaire, parce que le personnel de l’Établissement l’avait empêché d’avoir accès aux documents juridiques. Était particulièrement en cause la politique de l’Établissement qui exigeait que toutes les demandes de documents juridiques soient présentées à l’aide du [traduction] « Formulaire de demande de décisions judiciaires adressé au bibliothécaire de Warkworth ».

 

[13]           La politique en question a été adoptée, selon le dossier de M. Johnson, après qu’un détenu en isolement préventif eut été trouvé en possession de documents juridiques qu’il n’était pas autorisé à avoir en sa possession. M. Johnson s’oppose à devoir obtenir de sa surveillante de liberté conditionnelle et de l’agent de renseignements de sécurité de l’Établissement l’autorisation d’avoir accès à des documents juridiques en ligne et il a allégué que la politique viole ses droits garantis par la Charte. Il a présenté un autre grief à cet égard et la décision au premier palier rendue le 8 août 2008 se trouve dans le dossier de requête de M. Johnson de même que le grief de deuxième palier contestant cette décision.

 

[14]           M. Johnson avait déjà essayé de faire en sorte que la Cour cite à comparaître certains employés de l’Établissement pour outrage dans le cadre des mêmes demandes. En août 2007, la Cour a autorisé M. Johnson à modifier ses avis de demande et lui a accordé une prorogation du délai de dépôt de ses avis modifiés. M. Johnson a présenté des requêtes dans lesquelles il alléguait que SCC, en saisissant son ordinateur, l’avait empêché de respecter les délais prorogés. Dans une décision visant chacune des demandes, le protonotaire responsable de la gestion de l’instance a rejeté les requêtes. M. Johnson a interjeté appel de la décision du protonotaire.

 

[15]           Le 29 janvier 2008, le juge Hughes a rejeté l’appel (2008 CF 119) et adjugé des dépens à hauteur de 200 $ payables par M. Johnson. Le juge Hughes a écrit ce qui suit au paragraphe 5 de ses motifs :

La demande exigeant que des personnes non désignées en qualité de parties comparaissent devant un juge, entendent la preuve et se défendent illustre nettement une mauvaise compréhension du processus judiciaire par le demandeur, qui n’est pas représenté par un avocat. Une personne qui n’est pas une partie à une action peut uniquement être assujettie à la procédure pour outrage si cette personne, dans le cours de l’instance, s’est comportée d’une manière décrite à l’article 466 des Règles. L’alinéa 466c) des Règles, sur lequel s’appuie le demandeur, est une disposition générale qui s’applique au comportement d’une personne dans le contexte de l’instance. Il ne s’applique pas à un comportement antérieur qui peut être allégué comme constituant le fondement de la cause d’action. La requête ne présente aucune preuve montrant que les personnes nommées ont agi d’une manière visée par l’article 466. Le protonotaire a eu raison de rejeter la requête.

 

[16]           M. Johnson a interjeté appel de la décision du juge Hughes; il alléguait de la partialité ou une crainte raisonnable de partialité et des erreurs de fait et de droit. Au moment de l’audience à Belleville, l’appel était toujours en instance, mais il a été rejeté plus tard, le 1er octobre 2008, par la Cour d’appel fédérale (2008 CAF 290). Malgré la décision du juge Hughes, M. Johnson a de nouveau essayé de faire citer à comparaître des employés de SCC pour outrage, au moyen de requêtes signifiées au défendeur le 10 septembre 2008, soit sept jours avant l’audience.

 

[17]           Le défendeur n’a pas déposé de dossier de réponse aux requêtes, mais il a allégué que M. Johnson avait eu accès aux documents juridiques de la bibliothèque de l’Établissement et que rien n’établissait que M. Johnson avait rempli quelque formulaire que ce soit et s’était vu refuser l’accès aux documents dont il avait besoin pour soumettre les présentes demandes. La réponse orale donnée par M. Johnson est que la collection de la bibliothèque était incomplète et que l’exigence d’avoir à solliciter une autorisation préalable violait ses droits garantis par la Charte.

 

[18]           La preuve au dossier de M. Johnson révèle que la politique a été adoptée par suite d’un avis juridique et qu’elle vise à empêcher une possible utilisation abusive de renseignements de la Cour. SCC craignait que les détenus utilisent les documents juridiques pour effectuer des recherches sur les autres détenus, ce qui aurait pu nuire à la discipline dans l’Établissement et à la sécurité des personnes.

 

[19]           L’alinéa 70(1)g) des Règles établit l’obligation de déposer un cahier de jurisprudence. Il suffit que la Cour accorde à M. Johnson la dispense de se conformer à cette obligation, dispense demandée par M. Johnson en vertu de l’article 55 des Règles.

 

[20]           Bien que je pense qu’il ne soit pas nécessaire de trancher la question, M. Johnson, à mon avis, n’a pas réussi à établir un fondement factuel à son l’allégation selon laquelle la politique viole ses droits garantis par la Charte. La politique n’a pas pour but d’empêcher les détenus, dont M. Johnson, d’avoir accès à des ressources juridiques utiles dans le cadre de recours présentés auprès des cours, et rien ne montre que la politique produit cet effet. L’exigence selon laquelle les surveillants de liberté conditionnelle et les agents de renseignements de sécurité doivent d’abord être consultés semble, en l’absence d’indices montrant qu’il y a abus, être une mesure raisonnable prise pour minimiser le risque que les détenus utilisent les renseignements judiciaires à des fins détournées et dangereuses. Invoquer la Charte dans ces circonstances risque de la banaliser, ce contre quoi la Cour suprême du Canada nous a mis en garde dans l’arrêt MacKay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357.

 

[21]           Les dossiers de demande de M. Johnson renferment de nombreux renvois, ainsi que des séries de citations tirées de jugements sur lesquels M. Johnson s’est fondé dans ses observations écrites. Il semble, vu son dossier, que M. Johnson avait un grand accès aux ressources juridiques. Lorsqu’on lui a demandé comment la politique lui portait atteinte et s’il souhaitait citer des passages de jugements qui ne se trouvaient pas dans ses observations écrites, M. Johnson a été incapable de décrire à la Cour quelque difficulté que la politique lui aurait causée.

 

[22]           Lorsque j’ai rejeté les requêtes lors de l’audience, j’ai fait remarqué que M. Johnson était au courant du changement de politique de l’Établissement qui avait eu lieu en mars 2008 et qu’il avait attendu juste avant l’audience avant de faire connaître ses réserves à la Cour. Je ne voyais pas comment SCC avait porté préjudice à M. Johnson dans la présentation de ses arguments étant donné que M. Johnson avait cité dans ses observations écrites les textes sur lesquels il souhaitait se fonder. Pour des raisons d’économie judiciaire et d’utilisation efficace des ressources de la Cour, j’ai estimé qu’il ne serait pas approprié d’ajourner l’affaire. Pour les motifs énoncés par le juge Hughes, cités ci‑dessus, il n’était pas justifié de demander la présence des employés de l’Établissement.

 


L’omission de respecter l’article 318 des Règles

 

[23]           M. Johnson a soulevé ensuite une objection quant au dossier du défendeur dans la demande no T‑1265‑07, laquelle objection vise également les dossiers de la Cour nos T-1315-07 et T-1317-07. Il soutient que le défendeur n’a pas respecté le paragraphe 318(1) des Règles, car des copies certifiées de documents pertinents n’ont pas été produites alors qu’il en avait fait la demande. Il demande, comme réparation, que 18 pages de [traduction] « documents de l’office fédéral » soient radiées du dossier du défendeur.

 

[24]           Dans ses avis de demande modifiés déposés le 17 octobre 2007, M. Johnson a demandé de recevoir des copies certifiées d’éléments de preuve qu’il n’avait pas en sa possession, mais qui, allègue‑t‑il, étaient en la possession du défendeur, soit des bordereaux de saisie d’objets interdits, des rapports de fouille, des rapports d’observation et de déclaration d’agents, ainsi qu’une transcription et un enregistrement audio de l’audience tenue devant le Comité de discipline chargé des infractions disciplinaires mineures de l’Établissement. En fait, bien que M. Johnson ne l’ait pas présentée ainsi, il s’agit d’une requête fondée sur l’article 317 des Règles.

 

[25]           Le 7 novembre 2007, les avocats du défendeur ont répondu dans une lettre qu’ils avaient demandé à recevoir les copies certifiées des bordereaux de saisie et qu’ils avaient posé des questions quant à l’existence de tout rapport, d’une transcription ou d’un enregistrement audio. Rien dans le dossier ne donne à penser que ces éléments de preuve ont été transmis à M. Johnson ou à la cour comme l’exige l’article 317 des Règles. Cependant, rien non plus dans le dossier de la Cour ne donne à penser que M. Johnson ait mentionné que cela posait un problème lorsqu’il a communiqué avec le protonotaire chargé de la gestion de l’instance, le greffe ou les avocats du défendeur avant le début de l’audience.

 

[26]           M. Johnson, dans une lettre du 21 février 2008 envoyée en réponse à une lettre du défendeur qui portait sur sa proposition d’échéancier, a demandé à la Cour d’ordonner que le dossier du défendeur se limite à son mémoire des faits et du droit, parce que le délai pour déposer des affidavits était expiré. Vu le contenu de la lettre, j’interprète cette demande comme étant une tentative de M. Johnson d’empêcher le défendeur de déposer des éléments de preuve documentaire et non comme étant un commentaire sur l’omission de répondre à la demande présentée en vertu de l’article 317 des Règles. Le 26 mars 2008, le défendeur a déposé ses dossiers dans les quatre instances, chacun d’eux renfermant les mêmes 18 pages de [traduction] « documents de l’office », mais aucun affidavit n’a été déposé à l’appui de ces documents.

 

[27]           L’article 318 des Règles dispose que dans les 20 jours suivants la signification de la demande de transmission visée à l’article 317, l’office fédéral transmet soit a) au greffe et à la partie qui en a fait la demande une copie certifiée conforme des documents en cause, soit b) au greffe les documents qui ne se prêtent pas à la reproduction et les éléments matériels en cause. Les documents font partie du dossier de la Cour s’ils se trouvent dans le dossier du demandeur ou du défendeur : Terminaux Portuaires du Québec Inc. c. Canada (Conseil canadien des relations du travail) (1993), 17 Admin. L.R. (2d) 16, 164 N.R. 60 (C.A.F.).

 

[28]           L’omission de respecter l’article 318 des Règles ne constitue habituellement pas une erreur susceptible de contrôle, car la Cour peut exiger que l’on remédie à l’omission; elle délivre une ordonnance obligeant une partie à produire les documents dans un délai précis et prorogeant le délai quant au dépôt des dossiers du demandeur et du défendeur : Malkine c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 3 Imm. L.R. (3d) 122, 177 F.T.R. 200 (C.F. 1re inst.). Cela présuppose qu’une objection a été soulevée en temps opportun et non, comme en l’espèce, lors de l’audience. Dans ces circonstances, je n’aurais pas été porté à accorder la réparation demandée par M. Johnson n’eût été la complication supplémentaire qui a surgi.

 

[29]           Les avocats du défendeur ont informé la Cour à l’audience que, dans le cadre des contrôles judiciaires de décisions de SCC relatives à des griefs, ils avaient toujours eu, comme en l’espèce, l’habitude d’inclure les documents pertinents dans le dossier du défendeur sans les déposer en tant que pièces jointes à un affidavit.

 

[30]           Dans la décision Canada (Procureur général) c. Lacey, 2008 CAF 242, rendue le 17 juillet 2008, la Cour d’appel fédérale a rejeté une demande de prorogation de délai que le demandeur avait présentée afin de déposer son dossier, qui renfermait une copie certifiée du dossier du tribunal, mais aucun affidavit. La Cour d’appel fédérale a conclu que, en vertu de l’article 306 et de l’alinéa 309(2)d) des Règles, la façon appropriée d’inclure la copie certifiée du dossier du tribunal dans le dossier du demandeur était de la joindre en tant que pièce à un affidavit déposé par le demandeur. De façon semblable, le défendeur pourrait, en vertu de l’article 307 et de l’alinéa 310(2)b) des Règles, déposer la copie certifiée du dossier du tribunal en la joignant en tant que pièce à un affidavit.

 

[31]           Il n’est pas nécessaire de joindre l’ensemble du dossier du tribunal au dossier d’une partie. Le demandeur ou le défendeur, selon le cas, doit plutôt déposer dans son dossier seulement les documents sur lesquels il entend se fonder. Cependant, comme la Cour d’appel fédérale l’a confirmé dans l’arrêt Lacey, aucune disposition ne permet d’inclure les documents du tribunal dans l’un ou l’autre des dossiers des parties, comme cela a été fait en l’espèce, à moins que les documents du tribunal ne soient joints à un affidavit présenté à l’appui à la demande.

 

[32]           Les avocats du défendeur ont concédé, vu l’arrêt Lacey, que leur dossier du tribunal déposé devant la Cour ne l’avait pas été de façon appropriée et que, de toute façon, tous les documents n’avaient pas été fournis. Par exemple, ils n’ont pas réussi à trouver un enregistrement ou une copie de la transcription de l’audience disciplinaire.

 

[33]           Le défendeur a demandé une prorogation de délai afin de déposer les affidavits et les pièces nécessaires. Les avocats du défendeur ont entre autres plaidé que, si M. Johnson ne pouvait pas consulter les documents, cela lui nuirait. En réponse, M. Johnson était d’avis que les documents du dossier du défendeur n’étaient pas complets et qu’ils n’apportaient rien à sa cause. Il voulait que ces documents soient radiés et il préférait se fonder sur son propre dossier, plus exhaustif.

 

[34]           Vu que la présente question avait déjà drainé d’importantes ressources de la Cour, que les deux parties étaient fautives parce qu’elles n’avaient pas soulevé le problème plus tôt et qu’il semblait que l’exclusion du dossier du défendeur ne porterait pas atteinte à l’une ou l’autre des parties, la Cour a rejeté la demande d’ajournement du défendeur et a radié de son dossier les documents du tribunal qu’il avait déposé dans chaque demande de contrôle judiciaire.

La norme de contrôle et les questions en litige

[35]           Depuis que les présentes demandes ont été déposées, la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, a établi qu’il n’y a maintenant que deux normes de contrôle : la raisonnabilité et la décision correcte. Une analyse détaillée visant à déterminer la norme applicable n’est pas nécessaire si la norme applicable a déjà été établie par la jurisprudence : Dutiaume c. Canada (Procureur général), 2008 CF 990, paragraphe 27.

[36]           La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Sweet c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 51, s’est penchée sur la question de la norme de contrôle applicable à une décision rendue à la suite d’une audience tenue en vertu de la Loi; voir également Robinson c. Canada (Procureur général), 2006 CF 1064. Dans l’arrêt Sweet, le juge Malone a conclu que la norme applicable aux questions de droit, entre autres aux questions d’équité procédurale, était la décision correcte, alors que la norme applicable à l’application des principes juridiques aux faits était la décision raisonnable simpliciter et que la norme applicable à de pures questions de fait était la décision manifestement déraisonnable (maintenant la raisonnabilité). Le paragraphe 14 de l’arrêt Sweet, rédigé par le juge Malone, est instructif :

Pour déterminer la norme de contrôle qui s'applique aux décisions relatives aux griefs des prisonniers, la juge des demandes a adopté l'analyse décrite par le juge Lemieux dans Tehrankari c. Service correctionnel du Canada (2000), 188 F.T.R. 206 (1re inst.), au paragraphe 44. Après avoir effectué une analyse pragmatique et fonctionnelle, le juge Lemieux a conclu dans cette affaire que c'est la norme de la décision correcte qui s'applique si la question porte sur la bonne interprétation de la loi et celle de la décision raisonnable simpliciter si la question porte sur l'application des principes juridiques appropriés aux faits. La norme de la décision manifestement déraisonnable s'applique quant à elle aux pures questions de fait.

 

[37]           Plus récemment, dans la décision Dutiaume, précitée, la question de la norme de contrôle applicable dans les affaires portant sur une infraction disciplinaire prévue à l’article 40 de la Loi a été examinée par le juge O’Keefe :

Dans la présente cause, il est question d’une décision prise par un président d’un tribunal disciplinaire. Il est bien établi dans la jurisprudence antérieure que les principes et les procédures qui s’appliquent à cette procédure reflètent sa nature administrative qui n’a aucun caractère judiciaire ou quasi judiciaire (Hendrickson c. Tribunal disciplinaire de la Kent Institution (Président indépendant), (1990), 32 F.T.R. 296, citée par le juge Kelen dans Forrest, susmentionnée, au paragraphe 16). Cela ne veut toutefois pas dire que les règles de la justice naturelle et les dispositions légales ou les règlements ayant force de loi et indiquant le contraire ne méritent pas la discrétion judiciaire (Forrest, susmentionnée).

Par conséquent, la question du défaut du président de respecter son obligation de s’assurer que l’on a évalué l’opportunité d’une tentative de règlement informel est susceptible de révision selon la norme de la décision correcte car il s’agit d’une question d’équité procédurale. La conclusion du président selon laquelle l’établissement a évalué l’opportunité d’une tentative de règlement informel dans la mesure exigée par l’article 41 est une question mixte de fait et de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Le demandeur prétend que les conclusions sur la crédibilité et les conclusions de fait liées aux gestes qu’il a posés envers la présumée victime tirées par le président sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

 

[38]           Les présentes demandes soulèvent les questions suivantes :

a.       SCC a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle en accusant le demandeur de l’infraction disciplinaire prévue à l’alinéa 40j) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et en maintenant sa décision lors de l’audience disciplinaire et dans l’ensemble de la procédure de règlement de griefs?

b.      SCC a‑t‑il dédommagé de façon appropriée le demandeur pour la destruction de ses effets personnels?

c.       SCC a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle en saisissant la machine à écrire du demandeur en tant qu’objet interdit?

d.      SCC a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle en omettant de fournir au demandeur le rapport de fouille en temps opportun?

 

[39]           Il s’agit de questions mixtes de fait et de droit. La jurisprudence révèle que la Cour fédérale a fait preuve de retenue envers les conclusions de fait et envers les conclusions mixtes de fait et de droit : voir, par exemple, Ewonde c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1688, paragraphes 5 et 6. Par conséquent, la norme applicable aux conclusions de fait et aux conclusions mixtes de fait et de droit tirées par SCC est la raisonnabilité. Lors du contrôle des décisions contestées au regard de la norme applicable, la raisonnabilité, la Cour déterminera si ces décisions appartiennent aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (voir l’arrêt Dunsmuir, paragraphe 47).

 

LA DEMANDE NO T-1265-07 : FOUILLE ET SAISIE

 

[40]           M. Johnson sollicite le contrôle judiciaire de la décision de SCC de l’accuser de l’infraction disciplinaire prévue à l’alinéa 40j) de la Loi, ainsi que de ne pas avoir fait droit à ses griefs; il allègue que SCC n’a pas essayé de régler la question de façon informelle et qu’aucune preuve de sa perpétration de l’infraction n’a été déposée lors de l’audience disciplinaire. M. Johnson a présenté des griefs aux trois paliers et de nouvelles plaintes se sont ajoutées à chaque palier.

 

[41]           M. Johnson soutient que le rapport d’infraction dans lequel SCC l’accuse de l’infraction disciplinaire prévue à l’alinéa 40j) de la Loi a été produit en violation de l’article 39 et du paragraphe 41(1) de la Loi, parce que SCC n’a pas essayé de régler la question de façon informelle. En outre, M. Johnson plaide que le défendeur a violé ses droits garantis par l’article 7 de la Charte.

 

[42]           M. Johnson allègue également que, lors de l’audience disciplinaire, SCC n’a déposé aucune preuve sur laquelle le Comité pouvait se fonder pour le déclarer coupable. Les articles en cause n’ont pas été montrés lors de l’audience et M. Johnson n’a pas eu l’occasion de lire la déclaration fournie par l’agent Carson, déclaration sur laquelle le Comité s’est fondé et qui portait sur le règlement informel qu’aurait tenté d’obtenir l’agent Kunkel.

 

La procédure de règlement des griefs et la décision contestée

 

[43]           Comme je l’ai mentionné ci‑dessus, le président du Comité de discipline, M. Steenburg, a retenu l’accusation d’infraction disciplinaire prévue à l’alinéa 40j) de la Loi portée contre M. Johnson par les agents Kunkel et Carson le 7 octobre 2005. M. Johnson a présenté un grief au premier palier le 10 novembre 2005 (reçu le 16 novembre 2005), dans lequel il contestait la décision du Comité. Il a allégué que le rapport d’infraction faisant état de la fouille et de la saisie était [traduction] « faux, trompeur et illégal » et que les agents n’avaient pas essayé de régler la question de façon informelle avant de l’accuser. Il demande que le rapport d’infraction et le rapport d’observation soient retirés de son dossier et que SCC lui rembourse l’amende de 15 $.

 

[44]           Le directeur intérimaire, M. Bruce Somers, a rejeté le grief au premier niveau. Il a affirmé qu’un règlement informel était un processus continu qui n’avait pas nécessairement lieu au moment de l’infraction alléguée. Il a expliqué que M. Steenburg avait eu des doutes quant à savoir si on avait effectivement essayé d’avoir recours à un règlement informel et qu’il avait ajourné l’audience pour vérifier les faits. Selon M. Somers, l’audience s’était déroulée dans le respect des lois : M. Johnson avait eu l’occasion de poser des questions et de déposer des éléments de preuve lors de l’audience, tous les articles mentionnés dans le rapport d’infraction avaient fait l’objet de discussions et M. Johnson avait admis que certains des objets saisis n’étaient pas autorisés.

 

[45]           M. Johnson a présenté un grief au deuxième palier, dans lequel il a demandé à SCC de préciser quelle politique disposait que le règlement informel était un processus continu, et il faisait un certain nombre d’allégations concernant M. Somers et l’agent Kunkel. M. Johnson a également soutenu qu’on ne lui avait pas permis de reprendre possession de ses effets personnels, que ses effets personnels avaient été illégalement détruits et que SCC l’avait empêché de déposer une plainte à la police. En plus des réparations demandées dans son grief au premier palier, M. Johnson a demandé l’application de la Directive du commissaire no 060, le Code de discipline. Plus particulièrement, il a demandé à ce qu’un manquement soit inscrit au dossier de rendement de M. Somers.

 

[46]           Dans sa réponse au grief au deuxième palier, Mme Thérèse Leblanc, sous‑commissaire adjointe, Opérations en établissements, a admis que la question aurait pu être réglée de façon informelle. Elle a reconnu que, si les agents avaient vérifié le relevé des effets personnels de M. Johnson, ils auraient vu que M. Johnson avait le droit de posséder la plupart des articles supposément non autorisés, et que ces articles auraient dû lui être retournés. Mme Leblanc a confirmé que certains articles avaient été détruits, mais elle a conclu que rien ne permettait de conclure que la saisie et la destruction des articles étaient « illégales ».

 

[47]           Vu que M. Johnson avait admis qu’il y avait au moins un article non autorisé dans sa cellule le 6 octobre 2005, Mme Leblanc a confirmé l’amende de 15 $ imposée. Comme mesure corrective, Mme Leblanc a demandé au directeur de l’Établissement de diffuser une note de service dans laquelle il rappellerait à l’ensemble du personnel l’importance de prendre toutes les mesures utiles de règlement informel avant de porter une accusation d’infraction disciplinaire contre un détenu. Non satisfait, M. Johnson a présenté un grief au troisième palier le 24 février 2006, dans lequel il alléguait que les employés de SCC avaient illégalement subdélégué le pouvoir de signer les réponses de SCC aux griefs.

 

[48]           M. Don Head, sous-commissaire principal, a en partie fait droit au grief. Il a convenu que M. Johnson aurait dû se voir accorder la possibilité de s’adresser à la police au sujet de ses préoccupations. Il a noté que les détenus qui croient avoir été victimes d’un acte criminel commis par un employé de SCC ont le droit de s’adresser à la police en vertu de la Directive du commissaire no 084, Accès des détenus aux services juridiques et à la police. Il a reconnu que M. Johnson avait présenté une Requête du détenu afin de s’adresser à la police et qu’on lui avait dit, à tort, que la situation n’était pas du ressort de la Police provincial de l’Ontario.

 

[49]           Le reste du grief de M. Johnson a par contre été rejeté. En ce qui concerne l’allégation de M. Johnson, selon laquelle il y avait eu une subdélégation illégale, M. Head a affirmé qu’il y avait un cadre légal en vigueur quant à la délégation de pouvoir, à savoir le paragraphe 24(4) de la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I‑21. M. Head a également affirmé que le grief de M. Johnson concernant l’absence de règlement informel avait été tranché dans la réponse au grief au deuxième palier et que, comme mesure corrective, le directeur de l’Établissement avait diffusé une note de service pour rappeler à tout le personnel de SCC l’importance de prendre toutes les mesures utiles afin d’essayer d’avoir recours au règlement informel si les circonstances le permettent.

 

[50]           M. Head a également noté que, dans les réponses aux griefs au premier et au deuxième palier, il n’avait pas été question de l’allégation de M. Johnson au sujet du commentaire d’ordre sexuel fait par l’agent Kunkel. Dans sa réponse, M. Head a estimé que, selon la prépondérance de la preuve, il ne pouvait pas conclure que l’agent Kunkel avait fait un commentaire d’ordre sexuel à M. Johnson.

 

[51]           En ce qui concerne la demande de dédommagement pécuniaire, M. Head a expliqué qu’aucune politique, qu’aucune loi et qu’aucun règlement ne prévoyait d’accorder un dédommagement pécuniaire à un détenu dans ces circonstances. Enfin, M. Head a mentionné la demande présentée contre la Couronne à hauteur de 768,07 $ à titre de dédommagement pour les articles qui avaient été saisis dans la cellule de M. Johnson et qui par la suite ont été détruits. M. Head a conclu que les griefs concernant cette demande seraient examinés séparément et que, par conséquent, aucune autre action n’était nécessaire.

 

Analyse

[52]           La présente demande porte sur la question de savoir si SCC a commis une erreur en maintenant, à chaque palier de la procédure de règlement de grief, la décision de SCC de déclarer M. Johnson coupable de l’infraction disciplinaire prévue à l’alinéa 40j) de la Loi. La décision contestée est celle qui a été rendue au troisième palier.

 

[53]           Le paragraphe 41(1) de la Loi dispose que l’agent qui croit, pour des motifs raisonnables, qu’un détenu commet ou a commis une infraction disciplinaire doit, si les circonstances le permettent, prendre toutes les mesures utiles afin de régler la question de façon informelle. Le paragraphe 41(2) de la Loi dispose qu’à défaut de règlement informel, le directeur peut porter une accusation d’infraction disciplinaire mineure ou grave, selon la gravité de la faute et l’existence de circonstances atténuantes ou aggravantes.

 

[54]           En l’espèce, les agents Kunkel et Carson ont conclu que M. Johnson était en possession d’articles non autorisés et que, par conséquent, il commettait ou avait commis une infraction disciplinaire. Je peux accepter que les agents avaient des motifs raisonnables de croire que M. Johnson commettait ou avait commis une infraction disciplinaire vu la nature des articles en question, la récente alerte à la bombe et le savoir‑faire de M. Johnson en matière de fabrication et de réparation d’appareils électriques. M. Johnson étant au travail au moment de la saisie, les agents ne pouvaient donc pas régler la question de façon informelle le matin du 6 octobre 2005. Je conclus qu’il était raisonnable que les articles aient été retirés de la cellule pour des raisons de sécurité, et je n’accepte pas l’allégation de M. Johnson selon laquelle il s’agissait de représailles à son endroit.  

 

[55]           Malgré les efforts déployés par M. Johnson, qui a eu recours à tous les moyens possibles pour reprendre possession de ses effets personnels, la plupart des articles saisis dans sa cellule le 6 octobre 2005 ont été détruits. Je me pencherai sur les questions portant sur la destruction des effets personnels de M. Johnson dans le cadre de la demande T-1317-07.

 

[56]           La preuve au dossier quant au règlement informel est contradictoire. M. Johnson allègue que les agents n’ont pas essayé de régler la question de façon informelle, et il y a des éléments de preuve selon lesquels l’agent Kunkel a discuté de la situation avec M. Johnson.

 

[57]           À mon avis, les agents n’ont pas pris toutes les mesures utiles afin de régler la question de façon informelle avant de porter une accusation d’infraction disciplinaire contre M. Johnson. Ils ont omis de vérifier le relevé d’effets personnels de M. Johnson, et ils n’ont pas discuté de la question avec lui. S’ils l’avaient fait, ils se seraient rendu compte que M. Johnson avait l’autorisation d’être en possession de la plupart des articles saisis. Le défendeur admet que SCC a omis de respecter sa propre politique quant à son obligation de prendre toutes les mesures utiles afin d’essayer de régler la question de façon informelle.

 

[58]           Malgré cette conclusion, le dossier corrobore la décision du Comité de maintenir l’infraction disciplinaire prévue à l’alinéa 40j) de la Loi. La question de savoir quels articles saisis étaient réellement non autorisés reste sans réponse. M. Johnson allègue que [traduction] « la plupart de mes articles étaient autorisés ». On ne peut qu’en déduire que M. Johnson avait au moins un article non autorisé dans sa cellule le jour de la fouille et de la saisie. SCC, suivant sa politique, a donc porté une accusation contre M. Johnson et lui a imposé une amende.

 

[59]           Il est difficile de commenter l’allégation de M. Johnson selon laquelle il y a eu manquement à l’équité procédurale, sans pouvoir consulter la transcription de l’audience disciplinaire. Comme je l’ai déjà mentionné, les recherches des avocats du défendeur n’ont pas abouti. Étant donné que M. Johnson n’a soulevé ce point qu’à l’audience, je conclus qu’il a renoncé à tout droit de porter plainte quant à un manquement à la procédure ou à la justice naturelle.

 

[60]           De toute façon, le président Steenburg a agi raisonnablement en ajournant l’audience afin de pouvoir déterminer si les agents avaient ou non essayé de régler la question de façon informelle. La déclaration fournie par l’agent « témoin » se lit comme suit :

[traduction]

Le 6 octobre 2005, j’ai observé l’agent CXII K. Kunkel parler avec le détenu Johnson au sujet de la fouille de sa cellule D‑10. L’agent Kunkel a expliqué au détenu Johnson que, lors d’une fouille effectuée à des fins de sécurité, une fouille mensuelle additionnelle avait été effectuée, et que pendant la fouille des articles non autorisés avaient été saisis et enlevés. Le détenu a compris notre position et a accepté que les articles qui lui avaient été enlevés pouvaient être considérés comme non autorisés. J’ai donc rédigé le rapport d’infraction et le détenu Johnson en a été avisé.

 

 

[61]           M. Johnson a été accusé de l’infraction disciplinaire prévue à l’alinéa 40j) de la Loi, pour avoir été en possession d’un article non autorisé, ce qu’il a indirectement admis dans ses observations. Par conséquent, SCC n’a pas agi de façon déraisonnable en portant une accusation contre M. Johnson et en lui imposant une amende de 15 $ en application de la Directive du commissaire no 580, Mesures disciplinaires prévues à l’endroit des détenus.

 

[62]           Tout au long de la procédure de règlement des griefs, SCC a tenu compte des observations de M. Johnson, et ce, quoique le résultat ne le satisfasse pas. À titre de mesures correctives, le personnel de l’Établissement s’est vu rappeler l’importance d’essayer de régler la question de façon informelle avant de porter une accusation contre un détenu. La réponse au grief au troisième palier a également confirmé à M. Johnson que, si un détenu demande à s’adresser à la police, il peut le faire. Les autres plaintes soulevées par M. Johnson sont injustifiées. Pour ces motifs, la présente demande sera rejetée.

 

LA DEMANDE NO T-1317-07 : DESTRUCTION D’EFFETS PERSONNELS

 

[63]           M. Johnson sollicite le contrôle judiciaire de la décision de SCC de ne pas lui accorder un dédommagement intégral pour la destruction des articles saisis dans sa cellule le 6 octobre 2005.

 

La procédure de règlement des griefs et la décision contestée

 

[64]           Vers le 30 décembre 2005, M. Johnson a rempli le formulaire Réclamation du détenu pour les effets perdus ou endommagés, dans lequel il a énuméré treize articles qui, allègue‑t‑il, auraient été saisis dans sa cellule le 6 octobre 2005 et par la suite détruits :

[traduction]

a.       Barre d’alimentation BLKN UPS (114,99 $)

b.      Jeu Civilisation III (77,86 $)

c.       Adaptateur Univ AC (22,59 $)

d.      Barre d’alimentation Curtis 9 Outlet (70,14 $)

e.       Logiciel Lost & Found/Power Quest (102,47 $)

f.        Ruban adhésif transparent, paquet de 6 (7,77 $)

g.       Un CD Pinnacle PCTV-PCTV PRO. Le CD va avec ma carte syntoniseur pour ma télévision; sans le CD, le syntoniseur est inutilisable, dois donc tout remplacer (132,25 $).

h.       Barre d’alimentation X6 (5,00 $)

i.         Câble pour la télévision et coffret de distribution – Valeur estimée (10 $)

j.        Un CD Canon the world of photo quality 2. Le CD va avec mon imprimante; sans le CD, mon imprimante est inutilisable, dois donc tout remplacer (200 $)

k.      Un CD de logiciels pour Windows, qui fait partie d’une liste de 11 CD qui se trouve sur le Relevé d’effets personnels et dont la valeur a été établie au Pénitencier de Kinston (10 $).

l.         Un CD Power Director. Le CD va avec la barre d’alimentation BLKN UPS Power Bar mentionnée ci‑dessus, sans le CD la barre d’alimentation est inutilisable.

m.     Un baladeur Pulser. Valeur établie au Pénitencier de Kingston (10 $).

 

Afin d’étayer son allégation qu’il était autorisé à être en possession de ces articles, M. Johnson à joint à sa demande un relevé de ses effets personnels et des reçus. Il demandait un dédommagement pécuniaire intégral pour les treize articles. En outre, il a demandé à SCC de déposer le montant remboursé dans son compte courant (par opposition à son compte d’épargne).

 

[65]           Le 13 février 2006, la demande de M. Johnson a été accueillie en partie par le directeur de l’Établissement, Monty Bourke. Une enquête a révélé que la plupart des articles saisis dans la cellule de M. Johnson le 6 octobre 2005 avaient été détruits en vertu de l’article 59 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92‑620 (le Règlement), et ce, malgré que, dans le délai de 30 jours impartis, M. Johnson ait déployé des efforts pour récupérer les articles qu’il avait légitimement en sa possession. À titre de dédommagement pour certains articles détruits, SCC a présenté à M. Johnson une offre de règlement de 65 $. SCC a offert de remplacer quelques-uns des autres articles en vertu des politiques et des lignes directrices de SCC, à savoir la directive du commissaire no 234 et les lignes directrices no 234‑1.

 

[66]           Insatisfait, M. Johnson a présenté un grief au deuxième palier, dans lequel il alléguait que le défendeur n’avait pas tenu compte de quatre des treize articles énumérés dans sa Réclamation du détenu pour les effets perdus ou endommagés, soit les barres d’alimentation Curtis Outlet 9 et X6 Outlet, le jeu Civilisation III et le logiciel Lost and Found/Power Request. Dans sa réponse au grief au deuxième palier, Mme Thérèse Leblanc, alors sous-commissaire adjointe, Opérations régionales, a admis que la plupart des articles énumérés n’auraient jamais dû être saisis en premier lieu étant donné que M. Johnson avait l’autorisation de les garder en sa possession. Elle a confirmé que de nombreux articles saisis dans la cellule de M. Johnson le 6 octobre 2005 avaient été détruits avant qu’ils ne puissent lui être remis. Mme Leblanc a expliqué que la demande présentée par M. Johnson contre la Couronne avait fait l’objet d’un examen et que SCC lui avait offert un règlement équitable de 65 $. Elle a conclu que l’allégation de M. Johnson, selon laquelle la saisie et la destruction de ses articles constituaient des actes illégaux, était injustifiée. Enfin, Mme Leblanc a conclu que la plupart des questions soulevées avaient déjà été tranchées lors de griefs précédents.

 

[67]           M. Johnson a présenté un grief au troisième palier, dans lequel il a présenté les mêmes allégations et a soutenu que Mme Leblanc n’avait pas examiné l’omission du directeur Bourke, à savoir que M. Bourke n’avait pas tenu compte de quatre articles dans sa réponse au grief au premier palier. En outre, M. Johnson a demandé à ce que Mme Leblanc ne puisse plus trancher les griefs des détenus et que le personnel de SCC respecte les règles en vigueur.

 

[68]           M. Don Head, sous‑commissaire principal, a accueilli en partie le grief au troisième palier présenté par M. Johnson. Il a convenu que Mme Leblanc, dans sa réponse au grief au deuxième palier, n’avait pas tranché les questions de façon appropriée et qu’elle avait commis une erreur en affirmant que les précédents griefs avaient tranché les points soulevés par M. Johnson. M. Head a assuré à M. Johnson que les mesures appropriées allaient être prises. Le reste du grief de M. Johnson a été rejeté. En ce qui concerne la demande de M. Johnson que son dédommagement pécuniaire pour les articles détruits soit déposé dans son compte courant, M. Head a expliqué que des politiques de SCC établissaient comment et où s’effectuait le dépôt du dédommagement (les directives du commissaire no 234, paragraphes 30 et 35, et no 860, paragraphe 24). En ce qui concerne les articles dont SCC n’aurait pas tenu compte dans ses réponses au grief au premier et au deuxième palier, M. Head a réaffirmé que ces articles avaient fait l’objet d’un examen dans les réponses précédentes. M. Head a également rejeté les mesures correctives réclamées par M. Johnson contre Mme Leblanc et a conclu que les points soulevés par M. Johnson avaient été tranchés dans les précédents griefs.

 

[69]           M. Johnson a envoyé une Requête du détenu le 17 juillet 2006 pour obtenir des clarifications quant à la réponse au grief au troisième palier du défendeur. Il alléguait que SCC, dans ses réponses aux griefs, n’avait toujours pas tenu compte de quatre articles parmi les articles énumérés, et il demandait à savoir où précisément, dans les réponses de SCC, les treize articles avaient été examinés. Dans une réponse datée du 10 août 2006, Mme Brigitte de Blois, sous‑directrice, Recours des délinquants, a mentionné que le directeur Bourke avait apporté une modification à sa première réponse du 13 février 2006, et que la décision modifiée tenait compte des 13 articles énumérés dans la demande initiale. La partie pertinente de la réponse modifiée est la suivante :

[traduction]

Ni le logiciel Lost and Found/Power Quest ni le jeu Civilisation III n’ont été inscrits comme ayant été enlevés. Aucun dédommagement ne sera offert pour ces articles. Une barre d’alimentation BLKN UPS se trouve dans votre espace de rangement personnel au Service d’admission et de libération. En ce qui concerne la troisième barre d’alimentation qui, selon vous, aurait été enlevée de votre cellule, il y a une mention dans votre 514, selon laquelle elle aurait été détruite le 5 décembre 2000, et vous avez apposé vos initiales près de cette mention. Aucun dédommagement ne sera offert pour la barre d’alimentation X6 qui, selon vous, a été enlevée de votre cellule lors de la fouille.

 

 

Analyse

 

[70]           Les questions en litige dans la présente demande sont les suivantes. Le défendeur a‑t‑il commis une erreur dans le dédommagement accordé à M. Johnson pour la destruction de ses effets personnels? Les droits de M. Johnson ont‑ils été protégés pendant l’ensemble de la procédure de règlement des griefs?

 

[71]           L’article 84 du Règlement dispose que le directeur du pénitencier doit prendre toutes les mesures utiles pour garantir que les effets personnels que le détenu est autorisé à apporter et à garder dans le pénitencier soient protégés contre la perte et les dommages. M. Johnson soutient que le défendeur a manqué à son obligation prévue à l’article 84 du Règlement, puisque le défendeur a détruit des articles que M. Johnson était autorisé à garder en sa possession. Le défendeur a reconnu que M. Johnson avait l’autorisation de garder en sa possession de nombreux articles qui ont été saisis lors de la fouille de la cellule de M. Johnson effectuée le 6 octobre 2005 et par la suite détruits. Par conséquent, SCC a offert à M. Johnson un règlement de 65 $ pour quelques articles et a offert d’en remplacer certains autres suivant les politiques de SCC.

 

[72]           Le raisonnement qui sous‑tend la décision de détruire les articles saisis dans la cellule de M. Johnson le 6 octobre 2005 reste nébuleux. Le défendeur affirme que les articles ont été détruits en vertu de l’article 59 du Règlement. Selon mon interprétation de l’article 59, je ne peux pas voir comment il était légitime que les agents détruisent les articles. Cependant, je ne suis pas prêt à accepter l’allégation de M. Johnson selon laquelle la saisie et la destruction de ses articles constituaient des actes illégaux. Le contrôle ne porte par sur la raisonnabilité de la décision du défendeur de détruire les articles; les articles en question ont été détruits. Le contrôle porte plutôt sur la raisonnabilité de la mesure corrective prise par le défendeur.

 

[73]           La partie pertinente de la réponse modifiée du défendeur en ce qui concerne la demande de dédommagement de M. Johnson se lit comme suit :

[traduction]

[...] ce qui suit sera offert à titre de dédommagement suivant les Instructions relatives à l’administration des réclamations, politique et lignes directrices établies par la DC no 234 et les Lignes directrices no 234‑1. SCC vous offrira un dédommagement pécuniaire de 65 $ afin de remplacer l’adaptateur AC, le ruban adhésif transparent, le câble pour la télévision et le coffret de distribution, le logiciel pour Windows et le baladeur selon leur valeur figurant sur le Relevé d’effets personnels 514. SCC offrira de remplacer les articles qui suivent en vertu du paragraphe 35 de la DC 234 : une barre d’alimentation Belkin Surgemaster 8, une carte syntoniseur pour la télévision et un CD, lesquels seront mis avec vos effets personnels qui sont dans votre rangement, et une imprimante Canon.

 

 

[74]           Le paragraphe 26 des Lignes directrices 234‑1 dispose qu’une réclamation contre l’État doit normalement être acceptée lorsque les circonstances à l’origine de la réclamation montrent que l’article 84 du Règlement n’a pas été respecté par SCC. C’est ce qui s’est produit en l’espèce : SCC n’a pas respecté ses propres politiques, par suite de quoi les articles de M. Johnson ont été détruits. Il est clair que les exigences de l’article 84 du Règlement n’ont pas été respectées.

 

[75]           Selon le paragraphe 35 de la directive du commissaire no 234, au lieu d'offrir un dédommagement pécuniaire, SCC peut envisager de remplacer l'article faisant l'objet d'une réclamation par un article identique. Lorsqu'un article identique n'est pas disponible, un article de qualité équivalente peut être offert si le délinquant accepte, par écrit, l'article de substitution. Le coût total de remplacement de l’article ne devrait pas dépasser l'offre de règlement pécuniaire qui pourrait être faite pour l'article. En l’espèce, le défendeur a offert 65 $ à titre de dédommagement pécuniaire pour quelques articles et a offert de remplacer les autres par des articles identiques. À mon avis, il ne s’agit pas d’une issue déraisonnable. M. Johnson a été dédommagé suivant la politique en vigueur (les directives du commissaire nos 234 et 860 et les lignes directrices no 234‑1) et SCC a tenu compte de tous les articles qui avaient été saisis dans la cellule de M. Johnson le 6 octobre 2005. Aucune autre action n’est nécessaire.

 

[76]           Néanmoins, il est clair qu’il y a eu manquement de la part du défendeur dans l’application de la procédure de règlement des griefs. À mon avis, il est problématique que SCC ne se soit penché sur les quatre articles réclamés par M. Johnson que dans une modification apportée à une décision et que M. Johnson n’ait eu accès à cette décision modifiée qu’après qu’il eut envoyé une Requête du détenu à la suite de la procédure de règlement des griefs. M. Johnson était autorisé à garder en sa possession une bonne partie des articles saisis dans sa cellule le 6 octobre 2005 et par la suite détruits. Il avait à tout le moins droit à une explication claire quant à la façon dont le défendeur entendait le dédommager.

 

LA DEMANDE NO T-1315-07 : LA SAISIE DE LA MACHINE À ÉCRIRE

 

[77]           M. Johnson sollicite le contrôle judiciaire de la décision de SCC de saisir sa machine à écrire en tant qu’objet interdit, ainsi que le contrôle judiciaire de la procédure de règlement de griefs qui a découlé de la saisie. Les questions en litige dans la présente demande sont les suivantes. SCC a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle en saisissant la machine à écrire de M. Johnson en tant qu’objet interdit? M. Johnson a‑t‑il bénéficié de l’équité procédurale durant toute la procédure de règlement des griefs?

 

La procédure de règlement des griefs et la décision contestée

 

[78]           M. Johnson a acheté une machine à écrire Brother EM-430 en avril 2005 auprès du Comité d’alphabétisation de l’Établissement; il s’agit d’un groupe organisé par l’intermédiaire duquel les détenus peuvent acheter des fournitures scolaires. À la suite de la fouille et de la saisie du 6 octobre 2005 dans la cellule de M. Johnson, le SAL de l’Établissement a informé M. Johnson que, en raison de la machine à écrire, il dépassait la limite de 1 500 $ applicable aux effets gardés en cellule et qu’il [traduction] « devait lui remettre la machine à écrire ou d’autres articles ». En février 2006, M. Johnson a rencontré le sous‑directeur Somers et le gestionnaire de son unité, M. Banks, afin de discuter de la situation. Pendant cette rencontre, M. Johnson a essayé d’expliquer que sa machine à écrire avait été approuvée en tant que « fourniture scolaire » et qu’il l’avait achetée parce qu’il était certain qu’elle était exclue de la limite de 1 500 $ applicable aux effets gardés en cellule prévue à la Directive du Commissaire no 090, Effets personnels des détenus (la DC 090). Le 22 février 2006, la machine à écrire de M. Johnson a été saisie en tant qu’« objet interdit ».

 

[79]           M. Johnson a présenté un grief au premier palier le 1er janvier 2006 en réponse à l’allégation du défendeur selon laquelle il dépassait la limite applicable aux effets gardés en cellule, et a fourni les documents suivants à l’appui de sa prétention que sa machine à écrire était une fourniture scolaire autorisée et qu’elle était donc exclue de la limite applicable aux effets gardés en cellule : une copie papier montrant un retrait fait à partir de son compte d’épargne, une copie de la liste globale du fonds de fiducie des détenus, une copie d’un bon de commande de la machine à écrire et une copie du relevé de ses effets personnels.

 

[80]           Le directeur intérimaire Chartrand, a répondu à M. Johnson par une lettre datée du 23 février 2006 que, étant donné qu’il n’était inscrit à aucun cours, rien dans les politiques ne permettait de considérer sa machine à écrire comme étant une fourniture scolaire. M. Johnson a été informé par M. Chartrand qu’il pourrait garder la machine à écrire s’il s’inscrivait à un cours, mais que autrement, la machine à écrire serait entreposée dans son espace de rangement personnel. Ce qui suit est un extrait de la position du défendeur :

[traduction]

Le 14 février 2005, vous avez présenté une requête du détenu au GU K. Banks, dans laquelle vous avez fait part de votre choix de ne pas suivre de cours parce  que vous croyiez que le Directeur adjoint, Programmes correctionnels, avait déjà approuvé l’achat de votre machine à écrire et que SCC violait son obligation légale découlant de l’entente originale concernant l’achat de votre machine à écrire. Cependant, on m’a informé que l’autorisation d’acheter votre machine a écrire vous avait été accordée parce que votre ordinateur était saisi à ce moment‑là, et qu’il est maintenant en votre possession.

 

Il est à noter qu’il incombe tant au détenu qu’au signataire autorisé de vérifier auprès du SAL pour veiller à ce que tout achat ne fasse pas en sorte que le détenu dépasse la limite applicable aux effets gardés en cellule.

 

Lorsque j’ai demandé des précisions au SAL, les employés m’ont informé qu’ils vous avaient demandé à quelques reprises de leur retourner volontairement votre machine à écrire ou de diminuer la valeur de vos effets personnels que vous gardez dans votre cellule afin que vous ayez la marge de manœuvre financière nécessaire pour que vous puissiez garder votre machine à écrire tout en ne dépassant pas votre limite de 1 500 $ applicable aux effets gardés en cellule. Vous avez refusé tout règlement informel proposé par le personnel de SCC et vous avez demandé à ce que soit que vous soyez autorisé à garder votre machine à écrire dans votre cellule, soit que SCC vous rembourse 792,75 $, le coût de la machine à écrire, deux options contraires aux politiques.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[81]           Insatisfait, M. Johnson a présenté un grief au troisième palier. Il a présenté de nouveau sa demande initiale, à savoir que SCC lui redonne sa machine à écrire ou, subsidiairement, qu’il lui rembourse la machine à écrire avec intérêt. M. Johnson a également allégué que SCC avait violé son obligation légale et qu’il avait omis négligemment de tenir compte de l’alinéa 4g) et des articles 2, 90 et 91 de la Loi en ce qui concerne le délai et la qualité des réponses aux griefs de premier et deuxième palier. En outre, il a demandé des dommages‑intérêts pour la lenteur de SCC à fournir ses réponses, pour les [traduction] « renseignements faux et trompeurs » qui se trouvent dans les réponses et pour [traduction] « l’interprétation illégale donnée à la politique ».

 

[82]           Dans une décision au troisième palier du 27 juin 2006, SCC a rejeté l’allégation de M. Johnson selon laquelle le personnel de SCC avait contrevenu au principe de la primauté du droit ou abusé de son pouvoir, parce que M. Johnson n’avait mentionné aucun incident particulier. En ce qui concerne l’allégation de M. Johnson selon laquelle les réponses avaient été données en retard, SCC a affirmé que les réponses précédentes avaient tranché la question et qu’aucune autre action n’était nécessaire. Ce qui suit constitue la décision concernant la machine à écrire :

[traduction]

 

L’examen au troisième palier a révélé qu’aucun document ne corroborait l’allégation [de M. Johnson] selon laquelle M. Johnson avait été autorisé à acheter une machine à écrire en tant que fourniture scolaire. Je souligne que, lorsque la machine à écrire lui a été remise, M. Johnson a signé son relevé d’effets personnels et accepté que SCC avait assigné la valeur appropriée à la machine à écrire. Il n’y a aucun indice sur le relevé d’effets personnels qui donne à penser que la machine à écrire devrait être considérée comme étant une fourniture scolaire et que, par conséquent, elle n’aurait aucune incidence sur la limite de 1 500 $ applicable aux effets gardés en cellule. [...]

On vous a informé des mesures que vous deviez prendre afin que la machine à écrire vous soit remise et que vous puissiez l’utiliser dans votre cellule.

 

 

[83]           M. Johnson, après la réponse au grief au troisième palier, a présenté une Requête du détenu, à laquelle il avait joint les quatre mêmes documents qu’il avait déposés à l’appui de son grief initial afin d’établir que la machine à écrire avait été achetée en tant que fourniture scolaire. M. Johnson a demandé à SCC d’expliquer pourquoi, selon SCC, ces documents ne corroboraient pas son allégation. Il a également demandé à ce que SCC lui confirme que Mme Leblanc avait respecté la directive du commissaire no 060. Dans sa réponse au grief de deuxième palier, Mme Leblanc avait admis que la décision précédente avait été rendue en retard, mais elle avait nié que le retard avait été [traduction] « délibéré ou dû à de la négligence ». M. Johnson a soutenu que rien dans la politique n’exigeait qu’un acte ou une omission doive être [traduction] « délibéré ou dû à de la négligence » pour qu’il puisse être considéré comme étant illégal.

 

[84]           SCC a répondu à la Requête du détenu en réaffirmant que les documents déposés par M. Johnson ne faisaient que montrer que la machine à écrire avait été achetée par l’intermédiaire du Comité d’alphabétisation et que sa valeur avait été dûment enregistrée dans le relevé d’effets personnels de M. Johnson, mais qu’il n’y avait aucune mention dans le relevé d’effets personnels selon laquelle M. Johnson aurait été autorisé à acheter la machine à écrire en tant que fourniture scolaire et qu’elle serait donc exclue de la limite de 1 500 $ applicable aux effets gardés en cellule. En ce qui concerne l’allégation contre Mme Leblanc, SCC a expliqué que la signature du sous‑commissaire principal apposée sur le grief au troisième palier établissait que Mme Leblanc avait respecté les règles. La réponse à un grief au troisième palier est considérée être la dernière étape du processus de règlement des griefs.

 

Analyse

 

[85]           M. Johnson soutient que sa machine à écrire est une fourniture scolaire et qu’elle est donc exclue de la limite de 1 500 $ applicable aux effets gardés en cellule. Selon M. Johnson, la distinction entre « fourniture scolaire » et la notion d’« objets interdits », définie au paragraphe 2(1) de la Loi, est essentielle. Une machine à écrire électrique n’entre pas dans la définition d’objet interdit. Si ce n’était cette distinction, la machine à écrire ne lui aurait de toute façon jamais été vendue. M. Johnson plaide que, en saisissant sa machine à écrire et en la qualifiant d’« objet interdit », le défendeur n’a pas respecté la Loi.

 

[86]           Selon le paragraphe 12 de la DC 090 – laquelle a été remplacée par la Directive du commissaire 566‑12, Effets personnels des détenus, après la saisie de la machine à écrire –, « [l]es détenus pourront normalement conserver dans leur cellule leurs effets personnels des catégories suivantes, en conformité avec la liste de l’établissement : [...] g) les calculatrices, les machines à écrire, les piles et les chargeurs de piles ». Selon le paragraphe 16 de la DC 090, la valeur totale des effets personnels énumérés au paragraphe 12 ne doit pas dépasser 1 500 $.

 

[87]           Selon le paragraphe 15 de la DC 090, les articles de santé (y compris les bracelets médicaux) devraient être autorisés, de même que les articles religieux, les manuels ou fournitures scolaires et le matériel d’artiste ou d’artisanat. Chacun de ces articles doit être approuvé par un membre du personnel d’un niveau égal ou supérieur à celui de gestionnaire d'unité, après consultation du responsable du secteur compétent. La valeur de ces articles est exclue de la limite de 1 500 $ établie au paragraphe 16 de la DC 090.

 

[88]           En outre, le paragraphe 17 de la DC 090 dispose que la valeur pécuniaire totale du matériel informatique autorisé, des logiciels et des périphériques ne doit pas dépasser 2 500 $. Par conséquent, si un détenu a en sa possession un ordinateur, alors sa limite autorisée applicable aux effets gardés en cellule se voit augmenter de 1 500 $ à 2 500 $.

 

[89]           M. Johnson soutient qu’il a toujours supposé qu’il avait eu l’autorisation d’acheter la machine à écrire parce qu’elle était une fourniture scolaire aux termes du paragraphe 15 de la DC 090 et qu’elle était donc exclue de la limite de 1 500 $. Le défendeur réplique que M. Johnson a simplement établi que la machine a écrire avait été achetée et enregistrée dans son relevé d’effets personnels. SCC a approuvé l'achat de la machine à écrire de M. Johnson en avril 2005 parce que son ordinateur avait été saisi. Rien ne donne à penser qu’il y avait eu une entente selon laquelle la machine à écrire avait été vendue en tant que fourniture scolaire et que, par conséquent, elle aurait été considérée comme faisant partie de l’une des exceptions prévues au paragraphe 15 de la DC 090.

 

[90]           Les machines à écrire figurent parmi les effets personnels prévus au paragraphe 12 que les détenus sont autorisés à garder dans leur cellule et qui comptent à l’égard la limite de 1 500 $. Comme le mentionne le paragraphe 15, pour qu’un article n’entre pas dans le calcul de la limite applicable aux effets gardés en cellule, il doit avoir été approuvé comme étant une exception par un membre du personnel d’un niveau égal ou supérieur à celui de gestionnaire d'unité, après consultation du responsable du secteur compétent. M. Johnson a déposé des documents pour essayer de corroborer son allégation selon laquelle sa machine à écrire avait été achetée en tant que fourniture scolaire. À mon avis, la preuve ne corrobore pas l’allégation de M. Johnson.

 

[91]           Selon la preuve, M. Johnson a été autorisé à acheter sa machine à écrire en avril 2005, parce que, à ce moment, la limite applicable aux effets gardés dans sa cellule lui permettait de l’acheter. Les détenus doivent savoir que la valeur de leurs effets varie avec le temps. M. Johnson a acheté sa machine à écrire en avril 2005 et, sept mois plus tard, SCC l’a informé qu’il dépassait la limite de 1 500 $ applicable aux effets gardés en cellule. SCC lui a donné le choix de retourner la machine à écrire ou d’autres articles d’une valeur équivalente ou bien de s’inscrire à un cours afin que sa machine à écrire puisse être considérée comme étant une exception au titre du paragraphe 15 de la DC 090. M. Johnson a refusé les deux choix parce que, a‑t‑il allégué, il a entrepris des études religieuses de façon autodidacte et que, de toute façon, sa machine à écrire avait été achetée en tant que fourniture scolaire.

 

[92]           Bien que je puisse accepter que SCC a agi de façon raisonnable en saisissant la machine à écrire puisque M. Johnson dépassait la limite applicable aux effets gardés en cellule, la machine à écrire a été à tort qualifiée d’« objets interdits » lors de la saisie. La Loi définit « objets interdits » comme suit :

« objets interdits »

a) Substances intoxicantes;

b) armes ou leurs pièces, munitions ainsi que tous objets conçus pour tuer, blesser ou immobiliser ou modifiés ou assemblés à ces fins, dont la possession n’a pas été autorisée;

c) explosifs ou bombes, ou leurs pièces;

d) les montants d’argent, excédant les plafonds réglementaires, lorsqu’ils sont possédés sans autorisation;

e) toutes autres choses possédées sans autorisation et susceptibles de mettre en danger la sécurité d’une personne ou du pénitencier.

[Non souligné dans l’original.]

 

Le paragraphe 36 de la DC 090 aborde également la question des « objets interdits » :

Au cours des fouilles ordinaires des cellules, les membres du personnel doivent contrôler la présence d’objets achetés à la cantine ou autres, qui ne figurent pas au relevé des effets personnels du détenu ni sur son permis d’artisanat. Si un détenu a dans sa cellule des objets qu’il n’a pas achetés légitimement ou dont la valeur dépasse les plafonds prescrits, ces articles constituent des objets non autorisés (par opposition à des objets interdits). Les objets non autorisés, de même que les objets interdits, peuvent être confisqués, et une accusation d’infraction disciplinaire peut être portée contre le détenu en cause. Les objets interdits confisqués doivent être aliénés conformément aux politiques et procédures du SCC.

[Non souligné dans l’original.]

 

[93]           Bien que les questions relatives à l’interprétation de ce qui constitue des « objets interdits » soient essentiellement des questions de droit, les employés de SCC sont dans une position unique pour déterminer le risque que certains articles peuvent poser à l’Établissement, et la Cour doit faire preuve de retenue envers les décisions qu’ils prennent sur ces questions. Vu les faits de l’espèce, je ne qualifierais pas la machine à écrire de M. Johnson d’« objet interdit ». Selon moi, la machine à écrire de M. Johnson était un « objet non autorisé », étant en dépassement de la limite applicable aux effets de M. Johnson gardés en cellule.

 

[94]           En l’espèce, la machine à écrire ne peut pas non plus être considérée comme étant une fourniture scolaire. En règle générale, il incombe au détenu d’établir qu’un de ses articles constitue une exception ou fait l’objet d’une exemption. Dans la décision Poulin c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1293, la Cour a examiné une exception prévue par la DC 090, autorisant certains détenus à garder un ordinateur et des périphériques parce que [traduction] « l’autorisation constituait un droit acquis ». La décision Poulin a établi un lourd fardeau de la preuve à qui veut établir l’existence d’un « droit acquis » en vertu de la DC 090 relativement à des effets personnels, et la Cour a déterminé que l’autorisation d’acquérir des effets personnels et l’octroi de droits acquis quant à des catégories particulières d’effets personnels devaient être distingués comme étant deux fondements distincts quant à l’acquisition de droits. En l’espèce, M. Johnson a déposé des documents qui ne font qu’établir qu’il a acheté la machine à écrire, ce qui, à mon avis, ne montre pas que M. Johnson s’est déchargé du fardeau de la preuve. M. Johnson ne m’a pas convaincu que sa machine a écrire avait été achetée en tant que « fourniture scolaire » approuvée et elle ne constitue donc pas une exception à la limite de 1 500 $ applicable aux effets gardés en cellule. Par conséquent, je conclus qu’il était raisonnable que SCC ait rejeté la demande de M. Johnson.

 

LA DEMANDE NO T-1318-07 : L’ABSENCE DE RAPPORT DE FOUILLE

 

[95]           Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire portant sur la conduite de Mme Pauline McGee, coordinatrice intérimaire, Opérations correctionnelles, de l’Établissement dans le cadre du traitement de la plainte de M. Johnson, ainsi que sur l’omission de SCC de reprocher à Mme McGee et à d’autres employés des violations de la Loi et de politiques de SCC.

 


La décision contestée

 

[96]           À la suite de la saisie de sa machine à écrire, M. Johnson a présenté une Requête du détenu à Mme McGee pour obtenir une copie du rapport de fouille faisant état de la saisie. Mme McGee a mis beaucoup de temps à répondre à la Requête du détenu. M. Johnson a donc déposé une plainte contre Mme McGee, à laquelle SCC a également tardé à répondre. La plainte contre Mme McGee portait sur l’omission de répondre à la demande initiale de M. Johnson relative à l’obtention du rapport de fouille. Mme McGee a répondu à la demande initiale de M. Johnson dans une lettre du 11 mai 2006, où elle y explique qu’une vérification dans le registre de fouille a révélé que la cellule de M. Johnson n’avait pas été fouillée le jour prétendu, mais plutôt le 27 février, et que rien n’avait été trouvé ou enlevé.

 

[97]           M. Johnson a déposé un grief au premier palier le ou vers le 16 juin 2006, dans lequel il alléguait avoir montré un bordereau de saisie à Mme McGee établissant que sa machine à écrire avait été saisie, mais qu’elle avait refusé d’enquêter sur cette violation et avait rejeté sa plainte. Il a affirmé de nouveau qu’il voulait obtenir un rapport de fouille et a demandé que, étant donné qu’ils n’avaient pas respecté la Loi, Mme McGee et d’autres employés fassent l’objet de sanctions disciplinaires.

 

[98]           Le grief au premier niveau de M. Johnson a été accueilli. Le directeur Bourke a confirmé que, en contravention à la Directive du commissaire 566‑9, il n’y avait effectivement eu aucun rapport de fouille rédigé à la suite de la saisie de la machine à écrire. Il a assuré M. Johnson que des mesures correctives seraient prises et que SCC lui remettrait un rapport de fouille, mais il n’a pas tenu son engagement.

 

[99]           M. Johnson a alors présenté un grief au deuxième palier et répété son allégation initiale, selon laquelle Mme McGee avait porté atteinte à ses droits en tant que détenu, et il a soutenu que SCC lui avait fourni de [traduction] « faux renseignements » dans les réponses à sa demande initiale et au grief au premier palier étant donné qu’aucune mesure corrective n’avait été prise. M. Johnson n’avait toujours pas obtenu une copie du rapport de fouille. Il a demandé à ce que la politique de SCC soit appliquée. La réponse au grief au deuxième palier a en partie accueilli le grief de M. Johnson. Mme Leblanc, qui devait trancher le grief présenté au deuxième palier, a ordonné qu’un rapport de fouille soit rempli et remis à M. Johnson. En outre, elle a demandé à ce que SCC rappelle à ses employés l’importance de remplir ce rapport.

 

[100]       Le 13 novembre 2006, M. Johnson a déposé un grief au troisième palier, dans lequel il alléguait que les employés de SCC [traduction] « n’ont pas respecté la loi et les droits des détenus » et [traduction] « ont abusé de leur pouvoir ». Il alléguait plus particulièrement que Mme McGee avait, de façon récurrente, négligé de tenir compte des délais et avait rejeté des plaintes qui auraient dû être accueillies. À l’appui de son allégation, M. Johnson a mentionné huit plaintes différentes qu’il avait présentées à Mme McGee par le passé, lors desquelles Mme McGee aurait omis de répondre dans le délai imparti, n’aurait pas respecté les procédures relatives aux fouilles et aux rapports de fouille et, dans certains cas, aurait à tort rejeté la plainte. M. Johnson a soutenu que les actes ou omissions de Mme McGee justifiaient que Mme McGee soit accusée d’une infraction au titre de la Directive du commissaire no 060, Code de discipline. M. Johnson a demandé des dommages‑intérêts à SCC pour [traduction] « manquement à ses obligations légales et négligence ».

 

[101]       Le grief au troisième palier a été rejeté par le sous‑commissaire principal intérimaire, M. Don Demers, qui a conclu qu’une bonne partie des questions soulevées n’étaient pas pertinentes quant à la question fondamentale faisant l’objet de la demande initiale, à savoir l’absence de rapport de fouille suivant la saisie de la machine à écrire. M. Demers a rejeté le grief au motif que soit les mesures correctives avaient déjà été prises, soit certaines des questions soulevées n’étaient pas pertinentes quant à la question fondamentale faisant l’objet de la demande initiale. Il a mentionné ce qui suit dans sa réponse :

[traduction]

[...] je note que le deuxième palier a accueilli votre demande en partie et ordonné que le rapport soit dans les plus brefs délai rédigé et que vous en receviez une copie. Étant donné que l’Établissement a 30 jours ouvrables à compter de la réception de la réponse pour se conformer aux mesures correctives ordonnées par le deuxième palier, vous pouvez vous attendre à recevoir une copie du rapport au cours de la deuxième semaine de décembre. À l’heure actuelle, la mesure corrective n’est pas en retard et une plainte à ce sujet n’est pas justifiée.

 

 

Analyse

 

[102]       M. Johnson a présenté le grief au premier palier parce que SCC, en contravention du paragraphe 18 de la Directive du commissaire no 566‑9, ne lui avait pas fourni de copie du rapport de fouille faisant état de la saisie de la machine à écrire ayant eu lieu le 22 février 2006. Les griefs suivants ont été déposés en raison des retards et des problèmes de gestion de SCC. M. Johnson a informé la Cour lors de l’audience qu’il avait reçu le rapport de fouille environ un mois après avoir déposé le grief au deuxième palier. Le grief au troisième palier porte presque uniquement sur les plaintes quant à la façon dont Mme McGee exerce ses fonctions.

 

[103]       Dans le cadre d’un contrôle judiciaire découlant d’une procédure de règlement de griefs engagée au sein de SCC, le rôle de la Cour n’est pas d’imposer des sanctions aux employés de SCC pour leur mauvaise gestion, mais plutôt de déterminer s’il y a une erreur susceptible de contrôle dans la réponse au grief au dernier palier ou des manquements à l’équité procédurale. Je peux, cependant, souligner certaines faiblesses et les problèmes récurrents. En l’espèce, SCC a omis de fournir à M. Johnson un rapport de fouille en temps opportun, en contravention à la politique, et a tardé avant de répondre à la demande présentée par M. Johnson pour obtenir le rapport en question. Cependant, ces erreurs ont été corrigées lors de la procédure de règlement de griefs, et je ne peux trouver d’erreur susceptible de contrôle ou de manquement à la justice naturelle qui justifierait l’intervention de la Cour.

 

Conclusion

 

[104]       Les plaintes de M. Johnson au sujet de la saisie de ses effets personnels par les agents de l’Établissement et du traitement que SCC lui a réservé par la suite dans le processus disciplinaire étaient, en partie, justifiées. Il ressort clairement des réponses de SCC aux griefs que des erreurs ont été commises et que des agents n’ont pas entièrement respecté les politiques et les règles de SCC. Néanmoins, les plaintes de M. Johnson ont en définitive été réglées dans le cadre de la procédure de règlement de griefs. La norme de contrôle applicable ne requiert pas la perfection, comme semble l’exiger M. Johnson, elle fait plutôt appel à la raisonnabilité. Les faits dont s’est plaint M. Johnson se sont produits dans un établissement correctionnel, où les agents de correction doivent composer avec de multiples délinquants et les nombreux problèmes qui surviennent quotidiennement. Il y aura toujours des erreurs. Les questions que la Cour doit trancher sont les suivantes : y a‑t-il eu manquement à l’équité procédurale envers M. Johnson et les réponses au grief aux derniers paliers étaient‑elle raisonnables?

 

[105]       Je suis convaincu que l’équité procédurale a été respectée et que les réponses aux griefs au dernier palier appartiennent aux issues possibles acceptables, comme l’exige la norme de contrôle applicable. Par conséquent, toutes les présentes demandes de contrôle judiciaire seront rejetées.

 

Les dépens

 

[106]       Les dépens suivent habituellement l’issue de l’affaire. Les frais et les débours du défendeur s’élèvent à 5 239,53 $. Il est improbable que M. Johnson puisse payer ce montant si la Cour adjuge les dépens et qu’ils soient taxés suivant le tarif.

 

[107]       Comme je l’ai déjà mentionné, un certain nombre de faiblesses ressortent des réponses initiales aux plaintes de M. Johnson. Bien que les griefs aient en définitive été réglés, il s’agit d’un facteur dont la Cour peut tenir compte dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire quant à l’adjudication des dépens.

 

[108]       Par conséquent, je pense qu’il est approprié d’adjuger des dépens fixes de 200 $ par demande de contrôle judiciaire, en sus des 200 $ dus, pour un total de 1 000 $ que M. Johnson doit payer au défendeur.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  Les demandes de contrôle judiciaire relatives aux dossiers de la Cour nos T-1265-07, T-1315-07, T‑1317‑07 et T-1318-07 sont rejetées;

2.                  Le demandeur doit payer les dépens au défendeur, à savoir 200 $ pour chaque demande de contrôle judiciaire en sus des dépens déjà adjugés;

3.                  Une copie du présent jugement et des motifs du jugement est déposée dans chaque dossier.

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIERS :                                                  T-1265-07

                                                                        T-1315-07

                                                                        T-1317-07

                                                                        T-1318-07

 

INTITULÉ :                                                   WILLIAM A. JOHNSON

                                                           

                                                                        c.

                                                                       

                                                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             BELLEVILLE (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 17 SEPTEMBRE 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 12 DÉCEMBRE 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

William A. Johnson

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Karen Watt

Shain Widdifield

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William A. Johnson

Établissement Warkworth

Campbellford (Ontario)

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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