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Date : 20081223

Dossier : T-1778-08

Référence : 2008 CF 1413

Vancouver (Colombie-Britannique), le 23 décembre 2008

En présence de madame la juge Heneghan

 

 

ENTRE :

FRIEDA MARTSELOS

GLORIA VILLEBRUN

BRADLEY LAVIOLETTE et

FREDERICK BEAULIEU

demandeurs

et

 

DAVID POITRAS, TONI HERON

et RAYMOND BEAVER

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Mme Frieda Martselos, Mme Gloria Villebrun, M. Bradley Laviolette et M. Frederick Beaulieu (les demandeurs) sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 6 novembre 2008 par l’arbitre des appels de la Première nation de Salt River relativement à l’audition d’un appel porté conformément aux Salt River First Nation Customary Election Regulations (les CER).

 

[2]               M. David Poitras, Mme Toni Heron et M. Raymond Beaver (les défendeurs) sont les appelants dans la procédure devant l’arbitre des appels et les demandeurs en l’espèce sont les intimés dans cette procédure.

 

[3]               La procédure d’appel devant l’arbitre se rapporte à une élection qui s’est tenue le 25 août 2008. Les défendeurs étaient les candidats défaits de l’élection et, le 29 août 2008, ils ont déposé un avis d’appel alléguant certaines manœuvres électorales frauduleuses comme moyen d’appel.

 

[4]               Mme Katharine L. Hurlburt, avocate exerçant à Edmonton, en Alberta, a été nommée comme arbitre des appels conformément aux CER pour l’audition de l’appel. Elle a convoqué une conférence préparatoire à l’audience par téléconférence avec les représentants des parties. De plus, par une lettre en date du 18 septembre et des courriels échangés le 19 septembre 2008, elle a établi la procédure préalable à l’audience. Cette procédure présentait l’échéancier de certaines étapes, dont l’identification des témoins, les déclarations anticipées et les documents sur lesquels on se fonderait à l’audience.

 

[5]               L’audition de l’appel de l’élection a commencé à Fort Smith, aux Territoires du Nord-Ouest, le 4 novembre 2008. L’audience devait durer trois jours, soit du 4 au 6 novembre.

 

[6]               Le 6 novembre 2008, l’arbitre des appels a rendu une décision de vive voix qui permettait aux appelants de soulever des questions relatives à une allégation de fraude même si ce moyen n’avait pas été soulevé dans l’avis d’appel. Par la suite, elle a établi les motifs écrits de la décision. L’arbitre des appels a conclu que l’article 15.2.2 des CER n’interdit pas à l’appelant d’une élection de fournir des éléments de preuve additionnels qui ne sont pas décrits dans l’avis d’appel. Parallèlement, elle a refusé de permettre aux appelants de présenter en preuve des copies de certains chèques à l’appui de l’allégation de fraude.

 

[7]               L’audience devant l’arbitre des appels a été ajournée le 6 novembre 2008 pour que les demandeurs en l’espèce puissent introduire la présente demande de contrôle judiciaire. Selon le dossier de la Cour, les demandeurs ont obtenu une ordonnance de la juge Snider le 25 novembre 2008, ordonnance abrégeant le délai pour mettre la présente demande en état et mettant l’affaire au rôle pour audition à Vancouver, en Colombie-Britannique, le 16 décembre 2008.

 

[8]               Par une directive en date du 8 décembre 2008, on a recommandé aux parties de traiter de la nature de la décision à l’origine de la demande de contrôle judiciaire en l’espèce à la lumière de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7. Les parties ont déposé des observations supplémentaires quant à savoir si la décision était interlocutoire.

 

[9]               Les demandeurs soutiennent que l’arbitre des appels a mal interprété l’article 15 des CER en permettant en fait aux défendeurs de modifier leur avis d’appel. Ils affirment qu’elle a outrepassé sa compétence.

 

[10]           Les défendeurs soutiennent que l’arbitre des appels a compétence pour permettre qu’un nouveau moyen d’appel soit présenté ou pour accepter des éléments de preuve ne figurant pas dans l’avis d’appel.

 

[11]           Les demandeurs soutiennent que si la Cour conclut que la décision de l’arbitre est interlocutoire, il existe alors des circonstances spéciales justifiant qu’une décision définitive soit rendue sur la demande, parce que, selon eux, l’arbitre des appels ne peut prétendre à une expertise particulière car il s’agit de la première procédure d’appel conformément aux CER.

 

[12]           Pour leur part, les défendeurs soutiennent que la décision est interlocutoire et qu’il n’existe aucune circonstance spéciale justifiant une intervention à cette étape. Néanmoins, ils demandent à la Cour de rendre une décision portant que l’allégation de fraude entre dans le cadre de l’avis d’appel et que les alinéas 15.2.2c), d) et e) des CER devraient être interprétés comme permissifs, et non impératifs.

 

[13]           La loi est claire. En règle générale, le contrôle judiciaire de décisions interlocutoires n’est pas possible. À cet égard, je fais référence aux arrêts Szczecka c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 116 D.L.R. (4th) 333, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Varela (2003), 300 N.R. 183. Plus récemment, dans CHC Global Operations, division de CHC Helicopters International Inc. c. Global Helicopter Pilots Assn., 2008 CAF 344, la Cour d’appel fédérale a affirmé ce qui suit au paragraphe 3 :

 

3.         Même si l’on accepte la proposition de Me Fairweather suivant laquelle le Conseil canadien des relations industrielles a rendu une décision définitive, il ne s’ensuit pas que nous devrions intervenir. Les raisons de principe qui sont à la base du refus habituel des cours d’appel de statuer sur les appels de décisions interlocutoires n’ont rien à voir avec la question de savoir si la décision était correcte ou erronée. La justice est mieux servie si l’on permet au tribunal de première instance de terminer son travail (voir paragraphe 2 de l’arrêt Prince Rupert Grain Ltd., précité), ce qui permet à notre Cour de juger les appels dont elle est saisie en sachant que toutes les questions en litige peuvent être examinées au cours d’une même audience à partir d’un dossier complet.

 

 

[14]           Je ne suis pas convaincue qu’il existe des circonstances spéciales en l’espèce justifiant une dérogation à la règle générale selon laquelle les décisions interlocutoires ne sont pas sujettes à un contrôle judiciaire immédiat. À la fin de la procédure d’appel, l’arbitre des appels peut se prononcer sur l’appel selon des moyens autres que celui en cause en l’espèce, soit l’allégation de fraude.

 

[15]           En tout état de cause, les demandeurs, c’est-à-dire les intimés dans l’appel, disposeront d’un recours une fois que l’arbitre des appels aura rendu sa décision finale. Ce recours consiste à présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour.

 

[16]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens en faveur des défendeurs, dépens qui seront taxés à la discrétion de l’officier taxateur.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens en faveur des défendeurs, dépens qui seront taxés à la discrétion de l’officier taxateur.

 

 

 

« E. Heneghan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1778-08

 

INTITULÉ :                                       FRIEDA MARTSELOS et al.

                                                            c. DAVID POITRAS et al.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 décembre 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              La juge Heneghan

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 23 décembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

David C. Rolf

 

POUR LES DEMANDEURS

Christopher Harvey, c.r.

 

 

S/O

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

David Poitras (non représenté)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Parlee McLaws LLP

Edmonton (Alberta)

 

POUR LES DEMANDEURS

McKenzie, Fujisawa LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

S/O

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

David Poitras (non représenté)

 

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