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Date : 20090115

Dossier : IMM-526-08

Référence : 2009 CF 35

Montréal (Québec), le 15 janvier 2009

En présence de l’honorable Maurice E. Lagacé

 

ENTRE :

ISAK CHOKHELI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), visant la décision défavorable rendue par un agent d’immigration (l’agent) le 18 décembre 2007 relativement à l’examen des risques avant renvoi (l’ERAR) du demandeur.

 

I.  Faits

[2]               Le demandeur est entré au Canada le 22 juin 2007 en sollicitant l’autorisation de séjour avec un faux passeport israélien sous le nom d’« Oleg Borenko ». Par la suite, le demandeur a affirmé que son vrai nom était Isak Chokheli et qu’il était citoyen de la Géorgie.

 

[3]               Le cas du demandeur n’a pas pu être déféré à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) parce que le demandeur n’a pas demandé l’asile avant qu’une mesure de renvoi n’ait été prise contre lui. Sa demande d’asile repose sur la crainte d’être torturé et tué par un criminel lié à Zurab Makhatadze, à qui il avait emprunté 30 000 $, dette qu’il n’a pas remboursée.

 

[4]               Le demandeur soutient que Makhatadze occupe un poste de rang élevé dans le corps policier de Roustavi. En raison des menaces proférées, M. Chokheli n’a pas demandé la protection de l’État.

 

II.  Décision de l’agent d’ERAR

[5]               L’agent a décidé que la preuve était insuffisante pour confirmer que Makhatadze travaillait pour la police ou qu’il s’était servi de ses liens avec la police pour menacer le demandeur. Il a ajouté que le demandeur n’avait pas demandé la protection de l’État et qu’il y avait une preuve documentaire indiquant que des agents de police faisaient l’objet d’une enquête. Il a conclu que le demandeur avait simplement été victime d’un acte criminel et qu’il avait décidé de ne pas demander la protection de l’État.

 

III.       Questions en litige

[6]               Malgré les nombreuses questions soulevées par le demandeur, la Cour ne doit essentiellement que décider si l’examen effectué par l’agent d’ERAR est déraisonnable.

 

IV.  Analyse

La norme de contrôle

[7]               La présente affaire vise l’application de la loi à une situation de fait seulement. La norme de contrôle applicable en l’espèce est donc la décision raisonnable. La question soulevée relève de l’expertise de l’agent d’ERAR et, par conséquent, la déférence s’impose à l’égard de ce dernier (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9).

 

Le caractère raisonnable des conclusions de l’agent d’ERAR

[8]               Le demandeur soutient que l’agent d’ERAR n’a pas seulement omis de tenir compte d’éléments de preuve pertinents en rendant sa décision, mais qu’il a aussi commis une erreur de droit en fondant sa décision sur sa conclusion selon laquelle le demandeur n’était pas un réfugié et n’était pas une personne persécutée, torturée ou à protéger.

 

[9]               De plus, le demandeur affirme que l’agent d’ERAR a fait abstraction de parties pertinentes de son témoignage et de la preuve documentaire en tenant compte de considérations et de conclusions de fait erronées et non pertinentes.

 

[10]           Bien que le demandeur ait allégué avoir une dette envers une personne travaillant pour la police, l’agent d’ERAR a noté que la preuve était insuffisante pour confirmer cette information. En outre, l’agent d’ERAR affirme dans ses motifs écrits que, malgré son allégation selon laquelle Makhatadze occupe un poste de rang élevé dans le corps de police de Roustavi, le demandeur n’a pas fourni plus de précision sur la manière dont il a appris ce détail, sur le poste occupé par Makhatadze, ni sur la raison pour laquelle il aurait besoin d’emprunter de l’argent à un agent de police.

 

[11]           Le demandeur craignait qu’il ne pourrait pas obtenir la protection de l’État et qu’il ne lui servirait à rien de la demander, mais l’agent d’ERAR a toutefois conclu qu’eu égard à la preuve documentaire et à l’incapacité du demandeur à fournir une preuve tangible de l’engagement de Makhatadze dans la police, le demandeur n’avait pas satisfait à l’obligation de démontrer qu’il ne pourrait pas obtenir la protection de l’État. De plus, l’agent d’ERAR a noté que [traduction] « [m]ême [s’il] devait accepter que le demandeur ait démontré que Makhatadze était bel et bien un agent de police ou qu’il avait des liens avec la police, il incombait quand même au demandeur de démontrer que toute tentative pour obtenir de l’aide à d’autres échelons de la police ne lui aurait pas permis d’obtenir une protection ».

 

[12]           Le demandeur a affirmé que l’agent d’ERAR avait tenu compte de considérations et de conclusions de faits erronées et non pertinentes. Toutefois, l’agent d’ERAR n’a pas seulement pris en compte l’allégation du demandeur voulant qu’il soit exposé à un risque, mais il a aussi noté que la preuve faisant référence aux étrangers qui le recherchaient et celle des événements traumatisants qu’il aurait vécus demeurait imprécise et n’établissait pas un lien clair avec les allégations.

 

[13]           La Cour accepte qu’un examen approfondi des risques doit être effectué lorsque les allégations de risques auxquels s’expose le demandeur d’ERAR n’ont pas déjà été examinées par la Section de la protection des réfugiés (Hausleitner c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 641). D’autre part, dans son évaluation des risques, l’agent d’ERAR est autorisé à tenir compte du refus du demandeur de demander la protection de l’État parce qu’il a peur. L’agent doit également évaluer l’efficacité des mesures prises par l’État en vue de fournir une protection à ses citoyens (Hausleitner, précitée, au paragraphe 27).

 

[14]           Bien qu’il affirme que l’agent d’ERAR n’a pas tenu compte des éléments de preuve, le demandeur n’a pas été en mesure de démontrer à la Cour où et comment l’agent d’ERAR a commis une erreur. D’autre part, la Cour note que l’agent d’ERAR a bien motivé sa décision et a tenu compte de la preuve quant à la possibilité de torture. De plus, l’agent d’ERAR a mené ses propres recherches sur la situation dans le pays, mais il a toutefois conclu non seulement que la preuve était insuffisante pour démontrer un risque de persécution, mais aussi que la protection de l’État était disponible si le demandeur en avait besoin et la demandait à d’autres échelons de la police.

 

[15]           Il est vrai que le demandeur est en désaccord avec les conclusions de l’agent d’ERAR à cet égard. Cependant, en tant que juge des faits, l’agent d’ERAR pouvait apprécier la preuve documentaire avant de conclure comme il l’a fait.

 

[16]           Compte tenu de la déférence dont la Cour doit faire preuve en l’espèce et de la conclusion de l’agent d’ERAR selon laquelle les faits appuyant la demande du demandeur étaient imprécis et n’établissaient pas un lien clair avec les allégations du demandeur, la Cour ne peut que conclure que son intervention n’est pas justifiée, puisque l’agent d’ERAR a raisonnablement évalué la crainte du demandeur quant à l’efficacité de la protection offerte par la Géorgie à ses citoyens, et a rendu une décision raisonnable compte tenu de la preuve dont il disposait.

 

[17]           En résumé, le demandeur n’a pas convaincu la Cour que la décision contestée n’est pas justifiable au regard des faits et du droit. La demande de contrôle de la décision de l’agent sera donc rejetée.

 

[18]           La Cour partage l’avis des parties qu’il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

 

 

 


 

JUGEMENT

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR rejette la demande.

 

« Maurice E. Lagacé »

Juge suppléant

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-526-08

 

 

INTITULÉ :                                       ISAK CHOKHELI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 2 décembre 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              L’honorable Maurice E. Lagacé, juge suppléant

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 15 janvier 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Tony Karalis

 

POUR LE DEMANDEUR

Eleonor Elstub

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Tony Karalis

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                                                             FOR THE RESPONDENDepartment of Justice

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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