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Date : 20090109

Dossier : T-2150-06

Référence : 2009 CF 24

Ottawa (Ontario), le 9 janvier 2009

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SIMPSON

 

 

ENTRE :

 

SALAM TORONTO PUBLICATIONS et

MOHSEN SEYED TAGHAVI

demandeurs

 

 

 

 

et

 

 

 

SALAM TORONTO INC.,

SALAM TORONTO IMMIGRATION SERVICES et

KAMRAN NAGHAVI s/n SALAM TORONTO

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs allèguent la contrefaçon de leur marque de commerce et la dépréciation de l’achalandage y afférent, en contravention des articles 19, 20 et 22 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi). Ils affirment également que les défendeurs ont employé la marque de commerce « Salam Toronto » de manière à causer de la confusion avec l’entreprise du demandeur, en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi.

 

LES DEMANDEURS

 

[2]               Mohsen Seyed Taghavi (le demandeur) est journaliste et l’unique propriétaire de « Salam Toronto Publications ». Celle-ci publie un journal traitant de l’actualité intitulé « Salam Toronto » (le journal) depuis octobre 2000. Ce journal est unique à Toronto, car il est rédigé en farsi et en anglais. Il est publié chaque semaine sur papier et sur Internet. Il comporte des nouvelles canadiennes, des reportages étrangers sur des nouvelles canadiennes et des annonces publicitaires intéressant particulièrement la communauté iranienne de Toronto.

 

[3]               Le demandeur a enregistré « Salam Toronto Publications » comme nom commercial le 5 janvier 2001 et, tel que décrit ci-dessous, il a ensuite enregistré « Salam Toronto » comme marque de commerce.

 

LES DÉFENDEURS

 

[4]               Le nom commercial « Salam Toronto » (le nom commercial) a été enregistré le 20 février 2002. Un rapport de recherche de noms commerciaux en Ontario, présenté le 2 novembre 2006, décrit l’activité de « Salam Toronto » comme de l’[traduction] « information pour la communauté iranienne ». Cependant, la preuve démontre que le nom commercial est en fait employé en liaison avec la prestation de services en matière d’immigration et d’établissement des immigrants (les services). Le défendeur Kamran Naghavi (le défendeur) est l’unique propriétaire de l’entreprise.

 

[5]               Kamran Naghavi est également l’administrateur de Salam Toronto Inc., qui a été constituée en société en Ontario le 5 avril 2006.

 

[6]               « Salam Toronto Immigration Services » est un autre nom commercial employé par l’entreprise individuelle enregistrée par Kamran Naghavi sous le nom de Salam Toronto. Bien qu’aucun enregistrement n’ait été produit en preuve pour le nom « Salam Toronto Immigration Services », ce nom est manifestement employé par les défendeurs. Il figure dans le haut de la page d’accueil du site Web de Salam Toronto, www.salamtoronto.org. En outre, la preuve démontre qu’un troisième nom commercial est parfois employé. Il s’agit de « Salam Toronto Immigration and Settlement Services ».

 

PROCÉDURE PAR DÉFAUT

 

[7]               Les défendeurs n’ont pas comparu, n’ont pas produit de défense et n’ont pas assisté au procès. Le demandeur, Mohsen Taghavi, était le seul témoin. Son témoignage se trouvait dans un nouvel affidavit signé le 4 septembre 2008, qui a été coté comme pièce au procès. À cet élément de preuve se sont ajoutés un témoignage de vive voix et des pièces justificatives.

 

[8]               Les demandeurs ont produit trois affidavits de signification afin de démontrer que la déclaration a été signifiée aux défendeurs. Ces affidavits ont tous été signés le 18 décembre 2006 par Ian MacIntyre qui a déclaré avoir, le 11 décembre 2006, signifié à Salam Toronto Inc., Salam Toronto Immigration Services et Kamran Naghavi s/n Salam Toronto une copie de la déclaration en la laissant à Kamran Naghavi. Celui-ci a confirmé son identité et le fait qu’il était un administrateur de Salam Toronto Inc. et de Salam Toronto Immigration Services. La signification a été effectuée au 648, Finch Avenue East, bureau 6. Cette adresse figure sur les annonces publicitaires de Salam Toronto qui sont décrites ci-dessous.

 

[9]               Je suis également convaincue que le défendeur a été informé de la présente procédure étant donné que, après la signification de la déclaration, le demandeur a rencontré le défendeur et, pendant leur discussion, le défendeur a reconnu qu’il était au courant du présent litige.

 

[10]           Comme il s’agit d’une instance dans laquelle aucune défense n’a été produite, il faut traiter chaque allégation de déclaration comme si elle avait été niée, et le demandeur est tenu de démontrer selon la prépondérance des probabilités que ses prétentions sont fondées.

 

LA MARQUE DE COMMERCE DES DEMANDEURS

 

[11]           Le 20 février 2004, la marque de commerce Salam Toronto (la marque) a été enregistrée au nom du demandeur, sous le numéro LMC 602837, en liaison avec les marchandises décrites comme étant des « journaux publiés sous forme imprimée, en ligne ou électronique et périodiques, nommément revues publiées sous forme imprimée, en ligne ou électronique ». Le droit à l’usage exclusif du mot « Toronto » a fait l’objet d’un désistement. « Salam » est un mot en farsi qui se traduit par « bonjour » ou « bienvenue ».

 

LES ALLÉGATIONS

 

[12]           Les demandeurs soutiennent que les défendeurs ont contrefait la marque :

a)      En l’employant dans leurs noms de domaine www.salamtoronto.com et www.salamtoronto.org et de manière générale sur leurs sites Web;

b)      En l’employant sur le site Web www.salamtoronto.org particulièrement en liaison avec la rubrique « News » [« Nouvelles »];

c)      En l’employant dans leurs annonces publicitaires qui ont paru dans les journaux publiés par les concurrents du demandeur;

d)      En l’employant dans leur adresse électronique;

e)      En l’employant sur leur papeterie;

f)        En l’employant dans le répertoire téléphonique contenu dans une publication appelée Jadval (le répertoire téléphonique du Jadval).

 

[13]           J’examinerai maintenant chaque emploi allégué successivement.

 

a)         Emploi de la marque dans les noms de domaine et de manière générale sur les sites Web

 

[14]           Les noms de domaine ou adresses Web que le demandeur utilise en liaison avec son journal sont www.salamtoronto.net et www.salamtoronto.ca. Le demandeur a informé la Cour que, en septembre ou en octobre 2000, www.salamtoronto.com a été enregistré en son nom par une connaissance de son associé. Cependant, la licence est devenue périmée. En conséquence, le demandeur a perdu le nom de domaine .com, lequel a par la suite été acquis par le défendeur.

 

[15]           En 2002, lorsque le demandeur a vu pour la première fois le site Web www.salamtoronto.com du défendeur, la page d’accueil était en construction. Le titre « Salam Toronto » figurait dans le haut en gros caractères gras. Dessous, en gros caractères, se trouvaient les mots « Immigration and Settlement Services » [« Services en matière d’immigration et d’établissement des immigrants »]. Puis, on pouvait lire le sous-titre « Immigration Services » [« Services en matière d’immigration »]. Suivait une liste de ces services écrite en anglais. Sous la liste étaient indiquées les coordonnées.

 

[16]           Le demandeur a déclaré que, juste avant le procès, lorsqu’il s’est rendu à l’adresse www.salamtoronto.com, la page d’accueil indiquait seulement « Salam Toronto ». Cette page est restée affichée à l’écran pendant environ cinq à dix secondes, puis elle a disparu automatiquement (c’est-à-dire sans l’intervention de l’utilisateur) et a été remplacée par une page qui indiquait « Salam Toronto » et, en caractères plus petits mais lisibles, « an immigration firm » [« entreprise de consultants en immigration »]. À ce stade, l’utilisateur pouvait cliquer sur « enter » [« entrée »] pour continuer.

 

[17]           Selon le demandeur, un clic sur « enter » l’a amené à la page d’accueil du second site Web du défendeur, à l’adresse www.salamtoronto.org. La page d’accueil avait pour titre « Salam Toronto Immigration Services » et pour sous-titre « an immigration firm ». La page comportait de nombreuses rubriques et listes de sujets liés à l’immigration. Elle contenait aussi des liens vers d’autres renseignements. Un de ces liens se trouvait à la rubrique « News ».

 

b)         Emploi de la marque particulièrement en liaison avec la rubrique « News »

 

[18]           Sous la rubrique « News », il était fait mention d’un article en date du 18 septembre 2003 portant sur les règles transitoires de la LIPR (la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27).

 

[19]           Lorsque le demandeur a suivi le lien vers les nouvelles, il a eu accès à cinq pages imprimées de nouvelles. Les pages 2 à 5 consistaient en l’article vieux de cinq ans susmentionné, et la page 1 consistait en un article rédigé au début de 2005. Le demandeur a déclaré que son journal traite uniquement de l’actualité et ne comporterait pas des articles aussi anciens.

 

c)         Les annonces publicitaires

 

[20]           Les trois annonces publicitaires (les annonces) étaient écrites dans un mélange de farsi et d’anglais. Le demandeur en a fourni la traduction au cours de son témoignage.

 

[21]           L’une des annonces a paru à la page 21 d’une publication intitulée Iran Star le vendredi 5 octobre 2007 (la première annonce). Le demandeur a déclaré que la première annonce paraissait chaque semaine dans l’Iran Star depuis 2005. Elle commençait par les mots « Salam Toronto » en gros caractères gras. Au-dessous, sur le côté, figurait le mot .com en caractères relativement petits. Dans l’espace au-dessous se profilait la silhouette de Toronto. La ligne suivante de l’annonce était également en caractères gras. Elle était écrite en farsi mais le demandeur l’a traduite par « immigration au Canada ».

 

[22]           Sous ce titre, se trouvaient douze points en farsi qui se traduisaient par :

a)      Indépendant

b)      Commercial

c)      Parents

d)      Réfugiés

e)      Tourisme

f)        Travail

g)      Séjour prolongé au Canada

h)      Établissement de nouveaux arrivants

i)        Toutes les questions concernant la traduction

j)        Admission des étudiants en moins de quatre mois

k)      Demandes de renseignements sur la citoyenneté

 

[23]           Une photo du défendeur (la photo) constituait l’arrière-plan sur la moitié inférieure de l’annonce. Le demandeur a affirmé qu’il s’agissait bel et bien du défendeur. L’annonce indiquait que l’entreprise était située au 648, Finch Avenue East, bureau 6, à North York (Ontario). Aucun élément de preuve n’a été soumis au sujet du tirage du Iran Star ou de la fréquence et des lieux de distribution.

 

[24]           Sous le nom du défendeur, Kamran Naghavi, écrit en anglais et en farsi, l’annonce indiquait en farsi que le défendeur était un « expert officiel en matière d’immigration ».

 

[25]           Une autre annonce, qui n’était pas datée, a paru dans une publication mensuelle en farsi intitulée Jadval (la deuxième annonce). Elle commençait par les mots « Salam Toronto » en caractères bien visibles et soulignés. De nouveau, .com figurait au-dessous en petits caractères. Juste en dessous de « Salam Toronto » figurait un mot en farsi se traduisant par « immigration », qui était également en caractères bien visibles. Suivaient un numéro de téléphone et l’adresse sur Finch Avenue. La photo et quelques mots en farsi qui se traduisent par « plus de détails aux pages 12 et 71 » complétaient l’annonce. L’annonce n’était pas datée mais le demandeur a affirmé qu’elle a paru dans presque tous les numéros du Jadval qui ont été publiés au cours des dernières années.

 

[26]           La dernière annonce était beaucoup plus grande que les autres (la troisième annonce). Directement sous le titre « Salam Toronto » se trouvaient des mots en farsi se traduisant par « immigration au Canada ». La silhouette de Toronto se profilait au-dessous. Les points énumérés dans la première annonce étaient répétés. Le nom du défendeur, Kamran Taghavi, écrit en anglais et en farsi, était suivi de la mention « official expert of immigration » [« expert officiel en matière d’immigration »] en anglais. Encore une fois, l’annonce n’était pas datée mais le demandeur a affirmé qu’elle a paru régulièrement dans le Jadval. Cependant, aucun élément de preuve n’a été soumis relativement au tirage ou à la distribution du Jadval.

 

d)         Adresses électroniques

 

[27]           Le site Web www.salamtoronto.ca du demandeur indiquait que son adresse électronique était info@salamtoronto.ca. Le site Web www.salamtoronto.com du défendeur indiquait que son adresse électronique était info@salamtoronto.com.

 

[28]           Le demandeur a déclaré que Unique Hair Studio (le Studio) voulait passer une annonce publicitaire dans le journal, mais qu’il avait, par erreur, envoyé un courriel comportant les renseignements pertinents au défendeur à l’adresse info@salamtoronto.com. Ce premier courriel n’a pas été produit en preuve. Le demandeur a déclaré que, quelque temps après, une femme du Studio l’a appelé pour lui demander pourquoi il ne lui avait pas envoyé une épreuve de l’annonce. Le demandeur lui a dit qu’il n’avait pas reçu sa demande et elle lui a répondu qu’elle la lui avait envoyée par courriel et qu’elle avait reçu son accusé de réception (l’accusé de réception). Elle a fait parvenir au demandeur une copie de l’accusé de réception.

 

[29]           L’accusé de réception consistait en une réponse automatique provenant des défendeurs, à l’adresse info@salamtoronto.com, qui indiquait ce qui suit :

[traduction]

Nous accusons réception de votre courriel, avec nos remerciements.

L’un de nos consultants communiquera avec vous dès que possible.

Nous vous remercions une fois de plus de faire affaire avec Salam Toronto Immigration & Settlement Services.

Tél. & téléc. : (416) 733‑4050

 

[30]           Aucun élément de preuve n’explique comment le Studio a obtenu l’adresse électronique des défendeurs. Par ailleurs, aucun élément de preuve n’indique pourquoi le Studio n’a pas compris la teneur de l’accusé de réception, alors que celui-ci indiquait clairement que le Studio avait communiqué avec Salam Toronto Immigration and Settlement Services et non avec le demandeur.

 

[31]           Il convient de souligner que l’accusé de réception mentionne que les services sont choisis et achetés en communiquant directement avec un consultant.

 

[32]           Le demandeur a également déclaré que son frère, qui vit à Los Angeles, lui a réservé une place sur un vol à destination de cette ville pour sa prochaine visite. Lorsque son frère lui a envoyé un courriel pour confirmer l’itinéraire, il a reçu l’accusé de réception. Encore une fois, aucun élément de preuve n’explique pourquoi le frère du demandeur a écrit à la mauvaise adresse électronique ni pourquoi il ne s’est pas rendu compte de son erreur lorsqu’il a reçu l’accusé de réception. Apparemment, plusieurs jours plus tard, lorsque le demandeur lui a dit qu’il n’avait pas reçu les renseignements sur son vol, son frère les lui a renvoyés à la bonne adresse électronique.

 

[33]           La preuve produite par le demandeur au sujet de ces courriels comprenait un témoignage sous forme de ouï-dire que j’ai accepté mais, même sur la foi de celui-ci, je ne peux conclure que le Studio et le frère du demandeur se sont mépris au sens de la Loi. Ni l’un ni l’autre ne croyait que les services en matière d’immigration du défendeur étaient offerts par le demandeur. Ils ont simplement commis une erreur en tapant l’adresse de destination de leurs courriels.

 

            e)         La papeterie

 

[34]           Le 26 février 2004, l’avocat du demandeur a écrit à Salam Toronto Immigration and Settlement Services pour lui demander de cesser d’employer la marque. La lettre envoyée en réponse (la lettre), datée du 11 mars 2004, commençait par un en-tête de deux lignes qui indiquait « Salam Toronto », puis « Immigration & Settlement Services » sur la deuxième ligne. La signature était illisible mais les mots « Salam Toronto Immigration and Settlement Services » figuraient en dessous. Dans la lettre, Salam Toronto a affirmé qu’elle offrait des services en matière d’immigration et d’établissement des immigrés et a nié avoir contrefait la marque des demandeurs qui, selon elle, ne visait que les journaux. La lettre mentionnait également que Salam Toronto a enregistré un nom de domaine le 30 janvier 2002. Le texte imprimé au bas de la lettre indiquait que le nom de domaine était www.salamtoronto.com.

 

f)          Le répertoire téléphonique du Jadval

 

[35]           « Salam Toronto – Naghavi » apparaissait en farsi dans un répertoire téléphonique qui était contenu dans le Jadval à tous les deux mois. L’inscription figurait sous la rubrique « Immigration and Lawyers » [« Immigration et avocats »].

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[36]           Les questions en litige sont les suivantes :

1.                  L’emploi de la marque par le défendeur dans ses noms de domaine et, de manière générale, sur son site Web, sur son site Web plus particulièrement en liaison avec la rubrique « News », sur sa papeterie, dans son adresse électronique, dans les annonces et dans le répertoire téléphonique du Jadval contrefait-il la marque du demandeur?

2.                  Le défendeur a-t-il diminué la valeur de l’achalandage du demandeur?

3.                  Le défendeur a-t-il contrevenu à l’alinéa 7b) de la Loi?

 

ANALYSE ET CONCLUSIONS

            Question 1                  Contrefaçon

 

[37]           L’article 19 de la Loi confère à l’inscrivant d’une marque de commerce le droit à l’emploi exclusif de celle-ci dans tout le Canada, et le paragraphe 20(1) prévoit qu’une marque de commerce déposée est contrefaite par toute personne qui l’emploie en liaison avec un nom commercial créant de la confusion.

 

[38]           Par conséquent, la question est de savoir si l’un ou l’autre des emplois susmentionnés des noms commerciaux « Salam Toronto », « Salam Toronto Immigration Services » et « Salam Toronto Immigration and Settlement Services » crée de la confusion avec la marque du demandeur.

 

[39]           Les dispositions pertinentes de la Loi sur les marques de commerce concernant l’emploi se trouvent au paragraphe 4(2), qui prévoit ce qui suit :

 

4. (2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

4. (2) A trade-mark is deemed to be used in association with services if it is used or displayed in the performance or advertising of those services.

 

[40]           À mon avis, en ce qui concerne l’emploi, les noms de domaine, l’adresse électronique et les pages d’accueil des sites Web emploient la marque étant donné qu’ils sont utilisés à des fins de publicité et de promotion et qu’ils servent d’outils de liaison. Je suis arrivée à cette conclusion étant donné qu’ils constituent un lien direct vers des renseignements importants sur les services. Le courriel engendre l’accusé de réception. La page d’accueil de « Salam Toronto » mène automatiquement à des renseignements détaillés sur les services, et les noms de domaine mènent rapidement à des descriptions des services. Par ailleurs, les annonces sont expressément visées par le paragraphe 4(2).

 

[41]           Cependant, la preuve ne démontre pas que la papeterie et le répertoire téléphonique du Jadval sont utilisés à des fins de publicité ou de promotion. À mon avis, ils contiennent simplement des coordonnées et, en conséquence, il est inutile de les examiner davantage.

 

[42]           Le paragraphe 6(4) de la Loi porte sur la confusion. Il est ainsi libellé :

 

6. (4) L’emploi d’un nom commercial crée de la confusion avec une marque de commerce, lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les marchandises liées à cette marque sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les services liés à cette marque sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.

 

Éléments d’appréciation

 

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

 

 

6. (4) The use of a trade-name causes confusion with a trade-mark if the use of both the trade-name and trade-mark in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with the business carried on under the trade-name and those associated with the trade-mark are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

 

 

 

 

What to be considered

 

(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

(c) the nature of the wares, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

 

 

[43]           J’analyserai chaque facteur successivement, étant toutefois entendu qu’aucun n’est déterminant et que l’ensemble des circonstances doit être examiné eu égard au contexte. À cet égard, voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., [2006] 1 R.C.S. 772, paragraphe 54. Il m’incombe de déterminer si un acheteur probable, d’intelligence ordinaire, agissant avec la prudence normale, se méprendrait. À cet égard, voir Canadian Schenley Distilleries Ltd. c. Canada's Manitoba Distillery Ltd. (1975), 25 C.P.R. (2d) 1, paragraphe 15, et General Motors Corp. c. Bellows, [1949] R.C.S 678.

 

a)         Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus

 

[44]           À mon avis, « Salam Toronto » n’a pas un caractère distinctif inhérent. Il s’agit d’une marque de commerce faible et, en conséquence, une certaine confusion est inévitable.

 

[45]           Le demandeur a publié son journal chaque semaine depuis octobre 2000 et la marque a paru dans chaque numéro sur la première et la dernière page ainsi que dans le bloc-générique. Le demandeur emploie également la marque sur ses sites Web. Le demandeur a enregistré « Salam Toronto Publications » comme nom commercial le 5 janvier 2001.

 

[46]           Environ 7 700 exemplaires du journal sont distribués dans les supermarchés chaque semaine. En l’absence de preuve concernant le coût, j’ai supposé qu’il est offert gratuitement ou à prix modique.

 

[47]           Le demandeur a été récompensé par le Canadian Ethnic Journalists and Wireless Club en 2002 et par le National Ethnic Press and Media Council of Canada Inc. en octobre 2007. De plus, le demandeur a été nommé au conseil d’administration de l’Association des journaux communautaires de l’Ontario. Ces faits indiquent que le journal et la marque sont connus et jouissent d’une bonne réputation dans la communauté iranienne de Toronto mais également, dans une certaine mesure, en dehors de celle-ci.

 

[48]           Le défendeur a enregistré Salam Toronto comme nom de domaine en janvier 2002 et comme nom commercial le 20 février 2002 et, à peu près à la même période, il a commencé à développer un site Web à l’adresse www.salamtoronto.com. Il a aussi fait paraître régulièrement des annonces publicitaires dans l’Iran Star et le Jadval, à Toronto, au cours des dernières années. Cependant, aucun élément de preuve n’a été produit quant à la distribution du Iran Star ou du Jadval, ni quant à la fréquence des communications adressées au défendeur par Internet ou par courriel. Nous savons que le nom du défendeur figure dans le répertoire téléphonique du Jadval mais nous n’avons aucune idée de son tirage.

 

[49]           Aucun élément de preuve n’a été produit relativement à l’utilisation des services ou à leur coût, mais il est raisonnable de supposer que les services sont comparativement plus coûteux que le journal.

 

[50]           Dans ces circonstances, je peux conclure que la marque du demandeur est connue dans la communauté iranienne en liaison avec le journal. Cependant, je ne puis tirer de conclusion sur la renommée des noms commerciaux du défendeur en liaison avec les services.

 

b)         Durée

 

[51]           Le demandeur a enregistré Salam Toronto comme nom commercial le 5 janvier 2001 et l’a enregistré comme marque de commerce le 20 février 2004.

 

[52]           Le défendeur a enregistré le nom commercial Salam Toronto le 20 février 2002 et a constitué en société Salam Toronto Inc. le 5 avril 2006.

 

c)         Le genre de marchandises

 

[53]           La marque du demandeur est enregistrée en liaison avec un journal hebdomadaire traitant de l’actualité.

 

[54]           Le défendeur offre des services en matière d’immigration et d’établissement des immigrants.

 

d)         La nature du commerce

 

[55]           Les entreprises des deux parties ciblent la communauté iranienne de Toronto. Les annonces du défendeur paraissent dans l’Iran Star et dans le Jadval, que le demandeur décrit comme des publications concurrentes. Cependant, ces entreprises diffèrent quant à leur clientèle respective et quant à la façon de se procurer ce qu’elles offrent. Le journal vise les personnes intéressées par l’actualité, alors que les services visent celles ayant des besoins en matière d’immigration ou d’établissement. Malgré la possibilité d’un certain chevauchement entre les deux groupes, le risque de confusion est peu probable. Le journal peut être obtenu au supermarché gratuitement ou à prix modique. Par ailleurs, l’acheteur potentiel des services détermine ses besoins avec un consultant et paie des frais comparativement importants.

 

            e)         Le degré de ressemblance

 

[56]           La marque du demandeur et le nom commercial du défendeur sont identiques à tous les égards. La marque du demandeur fait également partie des autres noms commerciaux, des adresses Web et de l’adresse électronique du défendeur.

 

f)          Autres circonstances

 

[57]           Compte tenu de ce qui précède, la question est de savoir si, selon la prépondérance des probabilités, l’emploi de « Salam Toronto » pour annoncer les services pourrait amener un membre de la communauté iranienne de Toronto à conclure que le demandeur est celui qui offre lesdits services. Autrement dit, pour conclure à la contrefaçon, il me faudrait juger, selon la prépondérance des probabilités, que les membres de la communauté iranienne de Toronto pourraient penser que l’éditeur respecté et primé de leur seul journal hebdomadaire anglais-farsi traitant de l’actualité est également un spécialiste en immigration.

 

[58]           Le demandeur prétend que, comme la marque et le nom commercial sont identiques, les gens pourraient croire qu’il est associé ou a un lien quelconque avec le défendeur. De plus, il affirme que le risque de confusion augmente étant donné que la seule différence en anglais entre son nom de famille et celui du défendeur est la première lettre et qu’il y a peu de différence lorsqu’ils sont écrits en farsi. Il soutient que le public conclura que le défendeur et lui sont une seule et même personne.

 

[59]           Malgré ces arguments, je ne suis pas disposée à conclure qu’il a été satisfait au test en matière de confusion étant donné que :

1.                  La Loi ne s’applique que si le public se méprend au point de conclure que les services sont offerts par le demandeur. À mon avis, le fait que les noms de famille soient le moindrement différents fait obstacle à la confusion.

2.                  Il n’existe aucune preuve de confusion réelle dans l’esprit des utilisateurs potentiels ou actuels des services.

3.                  Les annonces, qui étaient le principal outil de liaison du défendeur avec le public, ainsi que la photo et le nom de famille différent démontrent clairement que l’homme qui offre les services n’est pas le demandeur.

4.                  Compte tenu de la grande renommée du demandeur en tant qu’éditeur et journaliste, il est peu probable qu’il ait une autre entreprise dans un domaine distinct où il serait également un spécialiste.

5.                  Le journal et les services sont des produits complètement différents. Le premier est gratuit ou offert à prix modique et l’autre suppose certainement des coûts assez importants ainsi que la plus grande attention et la relation personnelle que nécessitent la sélection et l’achat des services.

 

Question 2                  Dépréciation de l’achalandage

 

[60]           Aucun élément de preuve n’indique que l’emploi de la marque par le défendeur a nui à l’entreprise ou à la réputation du demandeur.

 

Question 3                  Alinéa 7b) de la Loi

 

[61]           L’alinéa est libellé comme suit :

7. Nul ne peut :

 

b) appeler l’attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre;

7. No person shall

 

(b) direct public attention to his wares, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his wares, services or business and the wares, services or business of another;

 

[62]           Comme j’ai conclu, selon la prépondérance des probabilités, que l’emploi de « Salam Toronto » par le défendeur ne crée pas de confusion avec la marque du demandeur, le défendeur n’a pas contrevenu à cette disposition de la Loi.


 

JUGEMENT

 

            APRÈS avoir entendu uniquement la preuve présentée par le demandeur et les observations de son avocat, à Toronto, le 29 septembre 2008;

 

LA COUR STATUE QUE, pour les motifs susmentionnés, la présente demande est rejetée.

 

 

            « Sandra J. Simpson » 

                                                                                                                        Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jenny Kourakos, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-2150-06

 

INTITULÉ :                                        SALAM TORONTO PUBLICATIONS

            et MOSEN SEYED YAGHAVI

 

                                                                        c.

 

                                                            SALAM TORONTO INC.,

                                                            SALAM TORONTO IMMIGRATION SERVICES

                                                            et KAMRAN NAGHAVI s/n SALAM TORONTO

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 29 SEPTEMBRE 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE SIMPSON

ET JUGEMENT

DATE DES MOTIFS :                      LE 9 JANVIER 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Gregory Gryguc                                                            POUR LES DEMANDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Zeppieri & Associates                                                  POUR LES DEMANDEURS

Downsview (Ontario)

 

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