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Date :  20090123

Dossier :  T-2181-07

Référence :  2009 CF 60

Ottawa (Ontario), le 23 janvier 2009

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

(Comité des griefs des Forces canadiennes)

demandeur

et

 

MICHELINE ANNE MONTREUIL

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par Michel Doucet, membre du Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal), datée le 20 novembre 2007, accueillant la plainte de discrimination fondée sur le sexe, de Micheline Anne Montreuil (la défenderesse) en vertu de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R. (1985), ch. H-6 (la loi).

 

[2]               La demande de contrôle judiciaire est rejetée pour les raisons qui suivent.

 

Contexte factuel

[3]               La défenderesse s’identifie comme étant une personne transgenre. Cette « condition particulière » (paragraphe 6 de la décision du tribunal) a été acceptée tant devant le tribunal que devant cette Cour comme pouvant faire partie d’une allégation de discrimination fondée sur le « sexe » prévu à l'article 3 de la loi.

 

[4]                Le Comité est un organisme civil indépendant des Forces canadiennes chargé d’examiner, conformément à l’article 29 de la Loi sur la défense nationale, L.R.C., 1985, ch. N-5, les griefs des membres des Forces canadiennes et de formuler des conclusions et recommandations au Chef d’état major de la Défense pour décision finale. Le Comité fut créé en 2000, dans le cadre d’une réforme de la justice militaire à la suite de rapports d’enquête ayant notamment conclu au besoin d’un processus de griefs indépendant pour les membres des Forces canadiennes.

 

[5]               Le Comité a créé des postes d’agent de griefs dont les tâches principales sont d’analyser les dossiers, d’enquêter et de prendre part à la rédaction des constatations et des recommandations du Comité. L’agent de griefs agit également comme spécialiste auprès du personnel et des membres du Comité.

 

[6]               Au moment de sa création, le Comité ne connaît pas exactement le nombre, la nature et la complexité des griefs qui lui seront soumis par les Forces canadiennes. Mais il est acquis qu'un arrérage important de griefs existe. Plusieurs griefs datent de plusieurs années antérieures. Les besoins du Comité en ressources humaines sont comblés par des détachements ou par des mutations.

 

[7]               En avril 2002, le Comité ouvre un premier concours externe afin de constituer une banque de candidats pour des postes d'agents de griefs à durée déterminée. Des profils linguistiques variés sont annoncés et le Comité choisira dans cette banque des candidats en fonction de besoins potentiels futurs. Un premier concours à l’interne avait été tenu au mois de février 2002.

 

[8]               Lorsqu’elle postule le 6 mai 2002, la défenderesse envoie entre autres ses résultats d’examen de langue anglaise qu'elle a obtenus de la Commission canadienne de la fonction publique, qu'elle avait passé le 9 février 2000. Sa cote est de « ECB » au point de vue linguistique. Le 26 novembre 2002, elle écrit de nouveau un examen de connaissance de l’anglais pour l’expression écrite. Malgré cette tentative, elle n'obtient pas le niveau « CCC » pour être considérée comme bilingue. Elle ne poursuit pas sa formation en vue d'augmenter son niveau linguistique.

 

[9]                Le 30 août 2002, elle est invitée à se présenter à la base militaire de Valcartier pour passer un examen écrit. Le 31 octobre 2002, on l’informe qu’elle a réussi son examen et qu’elle sera invitée à une entrevue devant un comité de sélection.

 

[10]           Cette entrevue a lieu à Ottawa le 15 novembre 2002. Elle reçoit le 30 décembre de la même année, une confirmation qu'elle s'est qualifiée et elle est inscrite sur la liste d'éligibilité comme candidate unilingue francophone. Elle arrive troisième sur les quatre candidats acceptés sur la liste. Les trois autres sont inscrits comme candidats unilingues anglophones.

 

[11]           En tenant compte de ses besoins opérationnels, le Comité avait conclu que le meilleur moyen de respecter l’esprit et la lettre de la Loi sur les langues officielles, 1985, ch. 31 (4e suppl.) (la LLO) était de procéder à doter des postes d’agents de griefs unilingues anglais ou bilingues pour répondre aux besoins de l’époque.

 

[12]            Tous les candidats unilingues anglophones inscrits sur la liste d’admissibilité suite au concours du mois d’avril 2002 sont embauchés par le Comité entre le 1er septembre et le 18 décembre 2003. Durant cette même période, le comité embauche des agents bilingues et unilingues anglophones (paragraphe 46 de la décision).

 

[13]           La liste d'admissibilité est valide jusqu'au 31 mars 2003 et prolongée jusqu'au 29 décembre 2004. Aucun candidat détenant le profil linguistique de la défenderesse n’est embauché au terme du concours ou en aucun temps depuis la création du Comité en 2000.

 

[14]           Le 27 août 2004, la défenderesse dépose une plainte auprès du Commissaire aux langues officielles alléguant avoir subi de la discrimination en fonction de sa langue et fondée sur les mêmes faits que ceux mentionnés dans sa plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission).

 

[15]           Le 16 juin 2005, la Commission réfère la plainte de la défenderesse au Tribunal.

 

[16]           Le 27 juillet 2005, le Commissaire aux langues officielles rejette la plainte de la défenderesse.

 

[17]           Les auditions procèdent devant le tribunal du 16 au 20 avril et le 23 avril 2007. Le 20 novembre 2007, le Tribunal rend une décision favorable à la défenderesse en jugeant bien-fondé la plainte de discrimination fondée sur le sexe (transgenre) et condamne le Comité à lui verser la somme de 44 174 $ en plus des intérêts.

 

Décision contestée

[18]           L’article 7 de la loi prévoit que le refus d’employer un individu par des moyens directs ou indirects pour des raisons fondées sur un motif de distinction illicite dont notamment le sexe ou l’origine nationale ou ethnique, constitue un acte discriminatoire. Le fardeau de preuve incombe d’abord au plaignant d’établir une preuve prima facie de discrimination (Israeli c. C.C.D.P. et Commission de la Fonction publique (1983), 4 C.H.R.R. D/1616; Premakumar c. Air Canada,  [2002] C.H.R.D. No. 3 (QL)). Cette preuve porte sur des allégations qui doivent être complètes et suffisantes pour justifier une décision favorable au plaignant en y portant foi et en l'absence d'une réponse raisonnable  de la partie opposée (Ontario (Commission ontarienne des droits de la personne) c. Etobicoke (Municipalité), [1982] 1 R.C.S. 202 à la page 8; Ontario (Commission ontarienne des droits de la personne) c. Simpsons-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536 (ci-après O’Malley)).

 

[19]           Dans le contexte de l’emploi, une preuve prima facie comporte les éléments suivants :

a)         le plaignant possède les qualifications pour l’emploi en cause;

b)         il n’a pas été embauché;

c)         une personne qui n’était pas mieux qualifiée, mais qui n’avait pas le trait distinctif à l’origine de la plainte a subséquemment obtenu le poste.

 

[20]           Cette approche dans Shakes c. Rex Pak Ltd. (1982), 3 C.H.R.R. D/1001 au paragraphe 8918, a été adaptée aux situations où le plaignant n'a pas été retenu et l’employeur continue sa recherche pour trouver un candidat approprié. Dans un cas semblable discuté dans Israeli, ci-dessus à la page D/1618, l’établissement d’une preuve prima facie exige les éléments suivants :

a)         il faut que le plaignant appartienne à l’un des groupes visé par la discrimination en vertu de la loi;

b)         que le plaignant ait posé sa candidature pour un poste pour lequel il était qualifié;

c)         que, même s’il était qualifié, la candidature du plaignant a été rejetée;

d)         que, par la suite, l’employeur a continué à chercher des candidats possédant les qualifications du plaignant.

 

[21]           Dans le cas sous espèce, le Tribunal a décidé que ni l'une ni l'autre des approches ne répondait spécifiquement au dilemme posé. Le Tribunal a privilégié une approche qualifiée de « flexible » en combinant les deux approches et en reformulant si nécessaire les critères à appliquer selon les faits qu'il avait à analyser.

 

[22]           Selon le Tribunal, une fois que la preuve prima facie a été établie, le fardeau se déplace chez l’intimée, qui doit fournir une explication raisonnable de la conduite qui lui est reprochée. La norme de preuve dans les causes de discrimination est la norme civile ordinaire de la prépondérance des probabilités. Selon cette norme, on peut conclure à la discrimination lorsque la preuve rend cette conclusion plus probable que n’importe quelle autre conclusion ou hypothèse possible (Premakumar, ci-dessus au paragraphe 81). Il appartient donc au Tribunal de tenir compte de toutes les circonstances pour établir s'il existe ce qui a été décrit comme « de subtiles odeurs de discrimination » (Premakumar, ci-dessus au paragraphe 79).

 

[23]           Le Tribunal note que la défenderesse tient à préciser que l’argument fondé sur la langue ne sert qu’à appuyer sa plainte fondée sur le sexe. Elle allègue que le motif linguistique n’est qu’un prétexte pour ne pas lui attribuer le poste convoité en raison de son « sexe ». Dans cette cause, le Tribunal a donc traité uniquement de la plainte de discrimination fondée sur le sexe. Toutefois, il note qu’il doit aborder la dimension linguistique de l’argumentation de la plaignante dans son raisonnement.

 

[24]           Dans un premier temps, après une analyse des faits, le tribunal conclut que la défenderesse possède les compétences ou qualifications nécessaires pour occuper le poste d’agent de griefs.

 

[25]           Dans un deuxième temps, le Tribunal détermine que la candidature de la défenderesse a été rejetée. Le Tribunal explique que la lettre du 30 décembre 2002 mentionnait que la défenderesse s’était qualifiée dans le cadre du concours et que son nom serait placé sur une liste d’admissibilité qui serait en vigueur jusqu'au 30 mars 2003.

 

[26]           Suite à deux demandes d’information, la défenderesse reçoit une lettre le 18 décembre 2003 l’informant que le Comité n’a présentement pas de besoin opérationnel pour des agents de griefs unilingues francophones. La lettre précise cependant que le Comité prolonge la liste d’admissibilité des postes d’agents de griefs unilingues français (la défenderesse étant seule inscrite à ce titre) jusqu’en mars 2004 et elle assure cette dernière que si le Comité a besoin d’un agent de griefs unilingue français, il fera appel à ses services. Par la suite, le Tribunal se pose la question suivante (paragraphe 45 de la décision) : 

… D'ailleurs, je me demande pourquoi le Comité a décidé de prolonger cette liste d’admissibilité alors qu’il parait évident […] que le Comité n’aurait jamais besoin d’un agent de griefs unilingue français puisque les agents bilingues pourraient suffire à cette tâche.

 

 

[27]           Afin d'en arriver au rejet de la candidature de la défenderesse, le Tribunal considère que le Comité l’a placée sur une liste d'admissibilité pour laquelle il n'y aurait jamais de besoins. Le Comité aurait donc imposé une condition impossible à remplir pour que ce dernier fasse appel à la défenderesse. Il faudrait un niveau de dossier à traiter en français considérablement élevé pour que les agents bilingues ne suffisent plus à la tâche et nécessite l'embauche de la défenderesse. Le Comité n'aurait qu'à augmenter le nombre d'agents bilingues rendant inutile l'embauche d'un agent de griefs unilingue francophone.

 

[28]           Par la suite, le Tribunal constate que la défenderesse s'est classée troisième sur les quatre candidatures acceptées sur la liste d'admissibilité. Les trois autres candidats, unilingues anglophones, ont tous été embauchés. Rien dans la preuve n’indique que les candidats retenus étaient mieux qualifiés que la défenderesse pour occuper un poste d’agent de griefs. Le Tribunal retient l'argumentation de la défenderesse à l'effet que la seule caractéristique qui la différencie aux autres candidats c'est qu'elle est transgenre. La langue n'est pas la cause de la discrimination mais le prétexte pour la cacher.

 

[29]           Le Tribunal détermine donc que la défenderesse a établi une preuve prima facie de discrimination. Le fardeau passe maintenant au Comité de fournir une explication raisonnable de la conduite qui lui est reprochée.

 

[30]           L’explication donnée par le Comité pour ne pas embaucher la défenderesse est basée sur l'absence de besoins opérationnels pour un agent de griefs unilingue francophone. Les agents bilingues suffisent à la tâche pour traiter des dossiers français. Le tribunal constate cependant que l’annonce du concours indiquait que la majorité des postes était bilingue impératif « CCC » mais que « certains sont unilingues anglais ou français » (page 1379, volume VI du dossier du demandeur). Si le Comité était d’avis qu’il n’y avait pas suffisamment de dossiers en français pour justifier l’embauche d’un agent de griefs avec ce profil, il n’aurait pas annoncé que certains postes seraient « unilingues français ».

 

[31]           Le Tribunal note qu’aucune preuve n’a été présentée pour expliquer quel est le nombre suffisant de dossiers français pour établir un besoin opérationnel justifiant l’embauche d’un agent de griefs unilingue francophone. Même avec 35% de dossiers en français en 2005, le Comité ne considérait pas avoir de besoins opérationnels pour un agent de griefs unilingue francophone. À partir de cette preuve, le Tribunal a conclut que le Comité n’aura jamais besoin d’un agent de griefs « unilingue français », à moins d’un revirement exceptionnel dans la composante linguistique des dossiers.

 

[32]           Pour justifier sa décision, le Comité s’est également appuyé sur la Politique sur la dotation des postes bilingues émise par le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada qui prévoit qu’un poste à durée déterminée doit être doté de façon impérative, ce qui veut dire que l’on retient uniquement la candidature de personnes qui satisfont à toutes les exigences linguistiques du poste lors de l’embauche. Bien que cette politique explique pourquoi la défenderesse n’a pas pu obtenir l’un des postes bilingues, elle ne répond pas à la question de savoir pourquoi le Comité n’a pas créé un poste « unilingue francophone » étant donné la demande d'emploi ou avis de concours (pages 1378 et 1379, volume VI du dossier du demandeur).

 

[33]           Le Tribunal précise qu’il ne cherche pas à savoir si le Comité a refusé d’embaucher la défenderesse parce qu’elle était francophone, mais plutôt si le Comité a refusé de l’embaucher parce qu’elle était transgenre en utilisant son profil linguistique comme prétexte. Il reconnaît qu'il n'est pas de sa juridiction de déterminer si une institution fédérale a pris en compte les exigences de la LLO lors de la dotation en personnel. Il ne relève pas non plus de sa compétence de juger si une exigence linguistique est en même temps porteuse de discrimination. Par contre, il se déclare compétent pour vérifier si l’aspect linguistique d’une dotation n’est qu’un prétexte pour aboutir à une discrimination au sens de la loi, alors le Tribunal n’outrepasse pas son mandat. Le fait qu’une activité soit assujettie à la LLO, n’empêche pas l’application de la loi (voir le paragraphe 82(2) de la LLO et Canada (Procureur général) c. Uzoaba, [1995] 2 C.F. 569 (1ère inst.). Bien qu’un recours puisse exister en vertu de la LLO, cela n’enlève pas la juridiction du Tribunal de traiter de la question de discrimination.

 

[34]           Le Tribunal précise aussi que l’intention n’est pas une condition préalable à un constat de discrimination (O’Malley). Ainsi, il n’est pas nécessaire de démontrer que les membres du Comité avaient l’intention de poser des actes discriminatoires à l’endroit de la défenderesse. Le Tribunal estime que le simple fait de déclarer que les agents bilingues suffisent aux besoins dans le traitement des dossiers en français n’est pas une réponse satisfaisante.

 

[35]           Le Tribunal conclut donc que le Comité a fait preuve selon la prépondérance des probabilités d'un acte discriminatoire fondée sur le sexe (transgenre) envers la défenderesse en vertu des articles 3 et 7 de la loi.

 

[36]           Après avoir analysé les réclamations de la défenderesse, le Tribunal ordonne que cette dernière soit indemnisée pour une somme de 39 174 $ à titre de perte de salaire et lui accorde une somme additionnelle de 5 000 $ à titre d’indemnité spéciale prévue au paragraphe 53(3) de la loi en plus des intérêts.

 

Questions en litige

1.         Le Tribunal a-t-il adéquatement défini et appliqué le bon critère à l’égard du fardeau de preuve prima facie?

2.         Est-ce que la décision du Tribunal était raisonnable en l’espèce, compte tenu de la preuve de justification du Comité?

3.         Le Tribunal a-t-il usurpé la compétence du Commissaire en vertu de la Loi sur les langues officielles et le droit de gestion de l'employeur?

 

Législation pertinente

[37]           La législation pertinente au cas en l’espèce figure à l’Annexe A à la fin du présent document.

 

Analyse

Norme de contrôle

[38]           Dans International Longshore & Warehouse Union (Section maritime), section locale 400 c. Oster, [2002] 2 C.F. 430, 2001 CFPI 1115, la Cour a jugé que le Tribunal possède une expertise supérieure en ce qui a trait à l’appréciation des faits lorsqu'il s'agit des droits de la personne.

 

[39]           Ici, la première question a trait à la définition du critère de la preuve prima facie et son application aux faits. La norme de contrôle applicable à la définition est la décision correcte. Lorsqu'il s'agit de l'appliquer, ceci est une question mixte de faits et de droit et la norme est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190.

 

[40]           La deuxième question en litige porte sur le caractère raisonnable de la décision. S’agissant d’une question mixte de faits et de droit, la norme de la raisonnabilité est applicable (Dunsmuir, ci-dessus).

 

[41]           La troisième question concerne le rôle du Tribunal face à la compétence du Commissaire aux langues officielles et du droit de gérance du Comité. La norme de contrôle applicable aux questions de compétence est celle de la décision correcte (Dunsmuir, ci-dessus au paragraphe 57).

 

 

1.         Le Tribunal a-t-il adéquatement défini et appliqué le bon critère à l’égard du fardeau de preuve prima facie?

 

[42]           L’article 7 de la loi prévoit qu’il est discriminatoire de refuser d’embaucher une personne pour un motif de distinction illicite. La défenderesse soutient être victime de discrimination à cause de son sexe, au sens du paragraphe 3(1).

 

[43]           Le Tribunal identifie et décrit les deux approches jurisprudentielles reconnues au sujet de la preuve prima facie nécessaire en semblable matière. Voici ce qu'il écrit à ce sujet :

… Il faut plutôt tenir compte des circonstances de chaque affaire pour établir si l’application de l’un ou l’autre des critères, en tout ou en partie, est pertinente. En fin de compte, la question sera de savoir si la plaignante a répondu au critère de l’arrêt O’Malley, c’est-à-dire si on y ajoute foi, la preuve devant le Tribunal, est-elle complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante en l’absence de réplique de l’intimée. … (paragraphe 22 de la décision)

 

[44]           Selon le demandeur, la base structurelle essentielle du dossier fait défaut car le Tribunal devait identifier les exigences de cette approche analytique particulière qu’il applique. Le Tribunal impose un fardeau de preuve prima facie ambigu à la défenderesse et un fardeau de justification irréaliste au demandeur.

 

[45]           Premièrement, le demandeur estime qu’il est déraisonnable pour le Tribunal d'arriver à la conclusion que la défenderesse était qualifiée pour un poste d’agente de griefs à durée déterminée prenant fin le 31 décembre 2004 sans égard aux exigences linguistiques des postes à combler.

 

[46]           Deuxièmement, le demandeur conteste l'inférence du Tribunal à l'effet que devant la croissance des dossiers français, le Comité augmenterait le nombre d’agents bilingues plutôt que d’embaucher la défenderesse. Cette assertion ne repose sur aucun élément de preuve autre que le témoignage de la défenderesse. Le Tribunal tire une inférence défavorable du fait que la liste d'admissibilité de candidats unilingues francophones a été prolongée à trois reprises sans préciser le sens et la portée de cette inférence. Le demandeur soumet que le Tribunal omet de tenir compte que la liste de candidats unilingues français a été prolongée en fonction de besoins futurs potentiels du Comité.

 

[47]            Le Tribunal n'a fait référence à aucun élément de preuve susceptible de rattacher la plainte de la défenderesse au motif de discrimination allégué, soit le sexe (transgenre).

 

[48]           Troisièmement, le Tribunal aurait dû se demander si une personne qui n'est pas transgenre et qui n'est pas mieux qualifiée que la défenderesse a obtenu le poste et non si les candidats retenus étaient mieux qualifiés qu’elle. En se posant la mauvaise question, le Tribunal a commis une erreur qui affecte le fondement même de la décision.

 

[49]           D’après le demandeur, le Tribunal devait tenir compte des exigences linguistiques des postes d’agents de griefs à être comblés et constater que la défenderesse ne rencontrait pas ces exigences. S’il avait tenu compte des exigences linguistiques, le Tribunal aurait constaté que les candidats embauchés étaient mieux qualifiés que la défenderesse et le Tribunal aurait été obligé de conclure que la défenderesse n’avait pas présenté une preuve prima facie de discrimination.

 

[50]           La défenderesse soutient que le Comité tente d'échapper aux dispositions de la loi en alléguant des besoins opérationnels en matière linguistique. D’après elle, le demandeur déplace la question qui est celle de la discrimination fondée sur le sexe.

 

[51]           La défenderesse cite Gendron c. Syndicat des approvisionnements et services de l’alliance de la fonction publique du Canada, section locale 50057, [1990] 1 R.C.S. 1298 et Richard c. Sulconam Inc., [1986] R.D.J. 597, 2 A.C.W.S. (3d) 76, pour souligner qu’il existe une règle de non-intervention des tribunaux supérieurs et que cette règle de prudence devrait être respectée en l’espèce.

 

[52]           Elle s'appuie aussi sur Blanchard c. Control Data Ltée., [1984] 2 R.C.S. 476; Assoc. canadienne des travailleurs des industries mécaniques et assimilées, section locale 14 c. Paccar of Canada Ltd., [1989] 2 R.C.S. 983; Centre d’accueil Miriam c. Syndicat canadien de la fonction publique (section locale 2115), [1985] 1 R.C.S. 137, pour la définition du caractère déraisonnable d'une décision.

 

[53]           D'après moi, le Tribunal s'est bien dirigé en droit dans son analyse des principes jurisprudentiels concernant le fardeau de preuve prima facie que doit établir un plaignant qui se dit victime de discrimination (paragraphes 15 à 26 de la décision). Le Tribunal a bien identifié les éléments pertinents qui caractérisent cette preuve prima facie.

 

[54]           Qu’en est-il maintenant de l'application de ces principes au cas sous espèce? Le Tribunal s'est d'abord posé la question suivante : «  La plaignante possède-t-elle les compétences ou qualifications nécessaires pour occuper le poste voulu? »

 

[55]           Le demandeur soutient que la défenderesse n'était pas qualifiée car elle ne rencontrait pas les exigences linguistiques des postes (paragraphes 54 à 59, mémoire des faits et du droit du demandeur).

 

[56]           Cependant, le Tribunal a pris en considération l'avis du concours (avril 2002) tant au niveau du curriculum qu'au niveau de l'expérience pour l'établissement de la liste d'admissibilité. Ensuite, il a constaté que la défenderesse avait réussi l'examen écrit et avait passé avec succès l'entrevue se classant troisième sur quatre candidats acceptés pour être inscrit sur la liste.

 

[57]           La lettre du 30 décembre 2002 (page 1112, dossier du demandeur) signée par Mme Mireille Royer au nom du Comité adressée à la défenderesse a convaincu le Tribunal que cette dernière s'était qualifiée. Le premier paragraphe de cette lettre indique ceci « La présente a pour but de vous informer que les membres du comité de sélection ont terminé l’évaluation des candidats et que vous vous êtes qualifié(e) dans le cadre du concours susmentionné ».

 

[58]            À mon sens, ce document est suffisant en soi pour donner raison au Tribunal lorsqu'il conclut que la défenderesse possède les compétences ou les qualifications nécessaires pour occuper un poste d'agent de griefs.

 

[59]           Par la suite, le Tribunal détermine que la candidature de la défenderesse a été rejetée. Cette conclusion fait suite à une analyse détaillée des dossiers à traiter ainsi que du nombre de postes comblés jusqu'en décembre 2004. Même si techniquement le Comité n'a pas rejeté officiellement la candidature de la défenderesse, le Tribunal, après avoir entendu les témoins du demandeur constate que le Comité ne procéderait jamais à l'embauche d'un agent de griefs unilingue français.

 

[60]           Les témoignages de Mesdames Laurin et Korngold-Wexler (témoins du demandeur) justifient la conclusion du Tribunal. Selon moi, l'intervention de la Cour n'est pas souhaitable. Ainsi en est-il de la conclusion du Tribunal à l'effet que les candidats unilingues anglophones ayant tous été embauchés n'étaient pas mieux qualifiés que la défenderesse.

           

 

2.         Est-ce que la décision du Tribunal était raisonnable en l’espèce, compte tenu de la preuve de justification du Comité ?

 

[61]           Selon le demandeur, le Tribunal ne remet jamais en question la crédibilité des témoins qui ont été appelés pour présenter sa preuve de justification. Plusieurs éléments pertinents ont été omis ou oubliés. À titre d'exemple, selon le Tribunal, le Comité n’a pas expliqué pourquoi il a annoncé des profils linguistiques variés, pourquoi il a décidé de créer une liste d'admissibilité de candidats qualifiés unilingues francophones et de la prolonger alors qu’il a subséquemment jugé de ne pas avoir de besoins pour une candidature correspondant à ce profil. Cette conclusion confond et amalgame deux éléments distincts, à savoir la caractéristique transgenre et l’incompétence linguistique, comme s’ils étaient indissociables. Or, conclure que la défenderesse n’a pas été embauchée parce qu’elle est unilingue francophone ne signifie pas qu’elle n’a pas été embauchée en raison du fait qu’elle est transgenre.

 

[62]           Le demandeur a raison lorsqu'il plaide que le Tribunal ne s'est pas prononcé sur la crédibilité de ses témoins. Cependant, le Tribunal déclare qu'il n'est pas convaincu par la justification avancée par les témoins du Comité pour ne pas embaucher la défenderesse. Le Tribunal en vient à la conclusion qu'il existe  une « subtile odeur de discrimination » (paragraphe 68 de la décision). Il se base entre autres sur les témoignages rendus en faveur du demandeur à l'effet qu'il existait suffisamment de dossiers français pour embaucher un agent de griefs unilingue francophone.

 

[63]            Après avoir vérifié le témoignage de Mme Laurin (page 767, dossier du demandeur), je constate que cette affirmation est supportée par la preuve.

 

[64]            De plus, le Tribunal note une incohérence entre les statistiques démontrées sur un tableau déposé par Mme Korngold-Wexler et sa lettre du 18 décembre 2003 au sujet des griefs français et anglais que le Comité a traités. Encore une fois, si on fait une comparaison entre ces deux documents (tableau : page 1453 et lettre 18 décembre 2003 : pages 1115, dossier du demandeur) il est évident que les chiffres ne concordent pas. Le Tribunal avait raison selon moi de ne pas être convaincu par les explications fournies par le Comité pour ne pas procéder à l'embauche de la défenderesse.

 

[65]           Le Tribunal en a inféré que le Comité n'avait pas offert un poste d'agent de griefs à la défenderesse parce qu'elle était transgenre (paragraphes 68 à 72 de la décision).

 

[66]            Les motifs appuyant cette conclusion sont appuyés par des éléments de preuve : documents et témoignages, que le Tribunal avait à analyser, interpréter et considérer. Je suis d'opinion qu'il s'agit d'une solution rationnelle acceptable selon les critères de l'arrêt Dunsmuir, ci-dessus au paragraphe 47).

 

3.         Le Tribunal a-t-il usurpé la compétence du Commissaire en vertu de la Loi sur les langues officielles et le droit de gestion de l'employeur?

 

[67]           Le demandeur soutient que les tribunaux ont conclu qu’il est du ressort exclusif du Commissaire aux langues officielles de faire l’analyse du bien-fondé des exigences linguistiques (Canada (Procureur général) c. Asselin (1995), 100 F.T.R. 309, 57 A.C.W.S. (3d) 956 (C.F. 1ère inst.) aux paragraphes 11 et 12). Le Comité a déterminé à bon droit que ses besoins opérationnels ne justifiaient pas l'embauche d’un candidat unilingue francophone et que c’est la raison pour laquelle la défenderesse n'a pas été retenue. Le Tribunal a erré en se prononçant sur le bien-fondé des exigences linguistiques imposées lors de la dotation en personnel, usurpant ainsi une compétence réservée au Commissaire par la LLO.

 

[68]           Le Tribunal a excédé sa compétence. Il aurait dû présumer du bien-fondé des exigences linguistiques déterminé par le Comité et aurait dû rejeter la plainte.

 

[69]           Le demandeur cite Gosselin (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 238 au paragraphe 21 qui réfère à Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342  pour appuyer l’affirmation que les décisions du Comité sur le profil linguistique des postes d’agent de griefs étaient légitimes eu égard à la LLO. Alors, le prétexte linguistique avancé par le Tribunal dissimulant une discrimination contre la défenderesse n'est pas raisonnable.

 

[70]           Le demandeur ajoute que le Commissaire aux langues officielles a rejeté la plainte de la défenderesse le 27 juillet 2005. Cette dernière aurait pu entreprendre le recours prévu à l’article 77 de la LLO (voir Forum des maires de la Péninsule acadienne c. Canada (Agence canadienne de l’inspection des aliments), 2004 CAF 263, [2004] 4 R.C.F. 276), ce qu'elle a négligé de faire.

 

[71]           Elle ne peut maintenant se servir des caractéristiques linguistiques comme point d'appui à sa discrimination alléguée.

[72]           Enfin, le demandeur soumet que les besoins opérationnels du Comité ne justifiaient pas l’embauche d’un candidat unilingue francophone. En substituant sa propre appréciation à celle du Comité, le Tribunal s’ingère dans le pouvoir de gestion de l’employeur qui a le devoir d’établir ses besoins et prendre, comme le prévoient les paragraphes 7(1) et 11(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R. 1985, ch. F-11, les mesures appropriées pour l’organisation et la gestion de ses ressources humaines.

 

[73]           En me référant aux paragraphes 60 à 65 de la décision du Tribunal, je constate que ce dernier a pris bien soin de discuter de la LLO et du droit de gérance de l'employeur. Avec respect pour l'opinion contraire, je ne crois pas que le Tribunal s'est arrogé un pouvoir qu'il ne possédait pas. D'ailleurs sa conclusion au paragraphe 65 « … Bien qu’un recours puisse exister en vertu de la Loi sur les langues officielles, cela n'enlève pas la compétence du Tribunal de traiter de la question de discrimination le cas échéant … » n'est pas déraisonnable compte tenu de son analyse aux paragraphes précédents.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Des frais sous forme d’une somme globale au montant de 3 000 $ sont accordés à la défenderesse.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 


Annexe A

 

 

Loi canadienne des droits de la personne, L.R., 1985, ch. H-6 :

 

3. (1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, l’état de personne graciée ou la déficience.

3. (1) For all purposes of this Act, the prohibited grounds of discrimination are race, national or ethnic origin, colour, religion, age, sex, sexual orientation, marital status, family status, disability and conviction for which a pardon has been granted.

 

 

7. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

 

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

 

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

 

7. It is a discriminatory practice, directly or indirectly,

 

(a) to refuse to employ or continue to employ any individual, or

 

(b) in the course of employment, to differentiate adversely in relation to an employee,

on a prohibited ground of discrimination.

 

 

53. (2) À l’issue de l’instruction, le membre instructeur qui juge la plainte fondée, peut, sous réserve de l’article 54, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire :

 

a) de mettre fin à l’acte et de prendre, en consultation avec la Commission relativement à leurs objectifs généraux, des mesures de redressement ou des mesures destinées à prévenir des actes semblables, notamment :

 

 

 

 

 

 

 

(i) d’adopter un programme, un plan ou un arrangement visés au paragraphe 16(1),

 

(ii) de présenter une demande d’approbation et de mettre en oeuvre un programme prévus à l’article 17;

 

b) d’accorder à la victime, dès que les circonstances le permettent, les droits, chances ou avantages dont l’acte l’a privée;

 

 

 

 

c) d’indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction des pertes de salaire et des dépenses entraînées par l’acte;

 

 

 

 

d) d’indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction des frais supplémentaires occasionnés par le recours à d’autres biens, services, installations ou moyens d’hébergement, et des dépenses entraînées par l’acte;

 

e) d’indemniser jusqu’à concurrence de 20 000 $ la victime qui a souffert un préjudice moral.

 

53. (2) If at the conclusion of the inquiry the member or panel finds that the complaint is substantiated, the member or panel may, subject to section 54, make an order against the person found to be engaging or to have engaged in the discriminatory practice and include in the order any of the following terms that the member or panel considers appropriate:

 

(a) that the person cease the discriminatory practice and take measures, in consultation with the Commission on the general purposes of the measures, to redress the practice or to prevent the same or a similar practice from occurring in future, including

 

(i) the adoption of a special program, plan or arrangement referred to in subsection 16(1), or

 

(ii) making an application for approval and implementing a plan under section 17;

 

(b) that the person make available to the victim of the discriminatory practice, on the first reasonable occasion, the rights, opportunities or privileges that are being or were denied the victim as a result of the practice;

 

(c) that the person compensate the victim for any or all of the wages that the victim was deprived of and for any expenses incurred by the victim as a result of the discriminatory practice;

 

(d) that the person compensate the victim for any or all additional costs of obtaining alternative goods, services, facilities or accommodation and for any expenses incurred by the victim as a result of the discriminatory practice; and

 

(e) that the person compensate the victim, by an amount not exceeding twenty thousand dollars, for any pain and suffering that the victim experienced as a result of the discriminatory practice.

 

 

53. (3) Outre les pouvoirs que lui confère le paragraphe (2), le membre instructeur peut ordonner à l’auteur d’un acte discriminatoire de payer à la victime une indemnité maximale de 20 000 $, s’il en vient à la conclusion que l’acte a été délibéré ou inconsidéré.

53. (3) In addition to any order under subsection (2), the member or panel may order the person to pay such compensation not exceeding twenty thousand dollars to the victim as the member or panel may determine if the member or panel finds that the person is engaging or has engaged in the discriminatory practice wilfully or recklessly.

 

 

53. (4) Sous réserve des règles visées à l’article 48.9, le membre instructeur peut accorder des intérêts sur l’indemnité au taux et pour la période qu’il estime justifiés.

53. (4) Subject to the rules made under section 48.9, an order to pay compensation under this section may include an award of interest at a rate and for a period that the member or panel considers appropriate.

 

 

Loi sur la défense nationale, L.R., 1985, ch. N-5 :

 

29. (1) Tout officier ou militaire du rang qui s’estime lésé par une décision, un acte ou une omission dans les affaires des Forces canadiennes a le droit de déposer un grief dans le cas où aucun autre recours de réparation ne lui est ouvert sous le régime de la présente loi.

29. (1) An officer or non-commissioned member who has been aggrieved by any decision, act or omission in the administration of the affairs of the Canadian Forces for which no other process for redress is provided under this Act is entitled to submit a grievance.

 

 

Loi sur les langues officielles, 1985, ch. 31 (4e suppl.) :

 

35. (1) Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que :

 

a) dans la région de la capitale nationale et dans les régions ou secteurs du Canada ou lieux à l’étranger désignés, leur milieu de travail soit propice à l’usage effectif des deux langues officielles tout en permettant à leur personnel d’utiliser l’une ou l’autre;

 

35. (1) Every federal institution has the duty to ensure that

 

(a) within the National Capital Region and in any part or region of Canada, or in any place outside Canada, that is prescribed, work environments of the institution are conducive to the effective use of both official languages and accommodate the use of either official language by its officers and employees; and

 

 

36. (1) Il incombe aux institutions fédérales, dans la région de la capitale nationale et dans les régions, secteurs ou lieux désignés au titre de l’alinéa 35(1)a) :

 

c) de veiller à ce que, là où il est indiqué de le faire pour que le milieu de travail soit propice à l’usage effectif des deux langues officielles, les supérieurs soient aptes à communiquer avec leurs subordonnés dans celles-ci et à ce que la haute direction soit en mesure de fonctionner dans ces deux langues.

36. (1) Every federal institution has the duty, within the National Capital Region and in any part or region of Canada, or in any place outside Canada, that is prescribed for the purpose of paragraph 35(1)(a), to

 

(c) ensure that,

 

(i) where it is appropriate or necessary in order to create a work environment that is conducive to the effective use of both official languages, supervisors are able to communicate in both official languages with officers and employees of the institution in carrying out their supervisory responsibility, and

 

(ii) any management group that is responsible for the general direction of the institution as a whole has the capacity to function in both official languages.

 

 

39. (1) Le gouvernement fédéral s’engage à veiller à ce que :

 

a) les Canadiens d’expression française et d’expression anglaise, sans distinction d’origine ethnique ni égard à la première langue apprise, aient des chances égales d’emploi et d’avancement dans les institutions fédérales;

 

b) les effectifs des institutions fédérales tendent à refléter la présence au Canada des deux collectivités de langue officielle, compte tenu de la nature de chacune d’elles et notamment de leur mandat, de leur public et de l’emplacement de leurs bureaux.

 

39. (1) The Government of Canada is committed to ensuring that

 

(a) English-speaking Canadians and French-speaking Canadians, without regard to their ethnic origin or first language learned, have equal opportunities to obtain employment and advancement in federal institutions; and

 

(b) the composition of the work-force of federal institutions tends to reflect the presence of both the official language communities of Canada, taking into account the characteristics of individual institutions, including their mandates, the public they serve and their location.

 

 

56. (1) Il incombe au commissaire de prendre, dans le cadre de sa compétence, toutes les mesures visant à assurer la reconnaissance du statut de chacune des langues officielles et à faire respecter l’esprit de la présente loi et l’intention du législateur en ce qui touche l’administration des affaires des institutions fédérales, et notamment la promotion du français et de l’anglais dans la société canadienne.

56. (1) It is the duty of the Commissioner to take all actions and measures within the authority of the Commissioner with a view to ensuring recognition of the status of each of the official languages and compliance with the spirit and intent of this Act in the administration of the affairs of federal institutions, including any of their activities relating to the advancement of English and French in Canadian society.

 

 

58. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le commissaire instruit toute plainte reçue — sur un acte ou une omission — et faisant état, dans l’administration d’une institution fédérale, d’un cas précis de non-reconnaissance du statut d’une langue officielle, de manquement à une loi ou un règlement fédéraux sur le statut ou l’usage des deux langues officielles ou encore à l’esprit de la présente loi et à l’intention du législateur.

58. (1) Subject to this Act, the Commissioner shall investigate any complaint made to the Commissioner arising from any act or omission to the effect that, in any particular instance or case,

 

(a) the status of an official language was not or is not being recognized,

 

(b) any provision of any Act of Parliament or regulation relating to the status or use of the official languages was not or is not being complied with, or

 

(c) the spirit and intent of this Act was not or is not being complied with

in the administration of the affairs of any federal institution.

 

 

77. (1) Quiconque a saisi le commissaire d’une plainte visant une obligation ou un droit prévus aux articles 4 à 7 et 10 à 13 ou aux parties IV, V, ou VII, ou fondée sur l’article 91, peut former un recours devant le tribunal sous le régime de la présente partie.

77. (1) Any person who has made a complaint to the Commissioner in respect of a right or duty under sections 4 to 7, sections 10 to 13 or Part IV, V or VII, or in respect of section 91, may apply to the Court for a remedy under this Part.

 

 

82. (1) Les dispositions des parties qui suivent l’emportent sur les dispositions incompatibles de toute autre loi ou de tout règlement fédéraux :

 

a) partie I (Débats et travaux parlementaires);

 

b) partie II (Actes législatifs et autres);

 

c) partie III (Administration de la justice);

 

d) partie IV (Communications avec le public et prestation des services);

 

e) partie V (Langue de travail).

 

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas à la Loi canadienne sur les droits de la personne ni à ses règlements.

 

82. (1) In the event of any inconsistency between the following Parts and any other Act of Parliament or regulation thereunder, the following Parts prevail to the extent of the inconsistency:

 

(a) Part I (Proceedings of Parliament);

 

(b) Part II (Legislative and other Instruments);

 

(c) Part III (Administration of Justice);

 

(d) Part IV (Communications with and Services to the Public); and

 

(e) Part V (Language of Work).

 

(2) Subsection (1) does not apply to the Canadian Human Rights Act or any regulation made thereunder.

 

 

Loi sur la gestion des finances publiques, L.R. 1985, ch. F-11 :

 

7. (1) Le Conseil du Trésor peut agir au nom du Conseil privé de la Reine pour le Canada à l’égard des questions suivantes :

 

a) les grandes orientations applicables à l’administration publique fédérale;

 

b) l’organisation de l’administration publique fédérale ou de tel de ses secteurs ainsi que la détermination et le contrôle des établissements qui en font partie;

 

c) la gestion financière, notamment les prévisions budgétaires, les dépenses, les engagements financiers, les comptes, le prix de fourniture de services ou d’usage d’installations, les locations, les permis ou licences, les baux, le produit de la cession de biens, ainsi que les méthodes employées par les ministères pour gérer, inscrire et comptabiliser leurs recettes ou leurs créances;

 

d) l’examen des plans et programmes des dépenses annuels ou à plus long terme des ministères et la fixation de leur ordre de priorité;

 

d.1) la gestion et l’exploitation des terres par les ministères, à l’exclusion des terres du Canada au sens du paragraphe 24(1) de la Loi sur l’arpentage des terres du Canada;

 

e) la gestion des ressources humaines de l’administration publique fédérale, notamment la détermination des conditions d’emploi;

 

 

e.1) les conditions d’emploi des personnes nommées par le gouverneur en conseil qui ne sont pas prévues par la présente loi, toute autre loi fédérale, un décret ou tout autre moyen;

 

 

 

e.2) la vérification interne au sein de l’administration publique fédérale;

 

f) les autres questions que le gouverneur en conseil peut lui renvoyer.

7. (1) The Treasury Board may act for the Queen’s Privy Council for Canada on all matters relating to

 

(a) general administrative policy in the federal public administration;

 

(b) the organization of the federal public administration or any portion thereof, and the determination and control of establishments therein;

 

 

 

(c) financial management, including estimates, expenditures, financial commitments, accounts, fees or charges for the provision of services or the use of facilities, rentals, licences, leases, revenues from the disposition of property, and procedures by which departments manage, record and account for revenues received or receivable from any source whatever;

 

 

(d) the review of annual and longer term expenditure plans and programs of departments, and the determination of priorities with respect thereto;

 

(d.1) the management and development by departments of lands, other than Canada Lands as defined in subsection 24(1) of the Canada Lands Surveys Act;

 

(e) human resources management in the federal public administration, including the determination of the terms and conditions of employment of persons employed in it;

 

(e.1) the terms and conditions of employment of persons appointed by the Governor in Council that have not been established under this or any other Act of Parliament or order in council or by any other means; and

 

(e.2) internal audit in the federal public administration;

 

 

(f) such other matters as may be referred to it by the Governor in Council.

 

 

 

11. (2) Le gouverneur en conseil peut désigner tout poste comme poste d’administrateur général :

 

a) pour chacun des secteurs de l’administration publique fédérale figurant aux annexes IV ou V sans premier dirigeant;

 

 

b) pour chacun des secteurs de l’administration publique fédérale sans premier dirigeant désigné pour l’application de l’alinéa d) de la définition de «fonction publique » au paragraphe (1).

11. (2) The Governor in Council may designate any position to be the position of deputy head in respect of

 

(a) any portion of the federal public administration named in Schedule IV or V for which there is no chief executive officer; and

 

(b) each portion of the federal public administration designated for the purpose of paragraph (d) of the definition "public service" in subsection (1) for which there is no chief executive officer.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIERS :                                      T-2181-07

 

INTITULÉ :                                       PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

(Comité des griefs des Forces canadiennes) et

MICHELINE MONTREUIL

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 14 janvier 2009

 

MOTIFS DE JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS :                      le 23 janvier 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Yannick Landry                                                            POUR LE DEMANDEUR

 

Micheline Anne Montreuil                                             POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada                              

Montréal (Québec)

 

Micheline Anne Montreuil                                             POUR LA DÉFENDERESSE

Québec (Québec)

 

 

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