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Date : 20090128

Dossier : IMM-3171-08

Référence : 2009 CF 93

Ottawa (Ontario), le 28 janvier 2009

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

NEIMAT ZOMRAWI HAMED

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant une décision défavorable relative à l’examen des risques avant renvoi (l’ERAR) effectué à l’égard d’une citoyenne soudanaise.

 


II.         FAITS

[2]               La demanderesse, une citoyenne soudanaise âgée de 68 ans, a prétendu craindre d’être persécutée en raison de l’appartenance de son mari à l’Union des agriculteurs soudanais. Elle a affirmé à la Section de la protection des réfugiés (la SPR) que son mari avait été arrêté et avait disparu, qu’elle avait également été arrêtée et que ses enfants avaient été obligés de se cacher.

 

[3]               La SPR a rejeté la demande d’asile en se fondant sur la crédibilité. En particulier, la SPR éprouvait des doutes quant à l’absence de preuve de l’appartenance du mari de la demanderesse à l’Union des agriculteurs soudanais et à d’autres aspects du récit de la demanderesse. L’autorisation d’interjeter appel de la décision rendue par la SPR a été refusée.

 

[4]               La demanderesse a ensuite demandé un ERAR, lequel fait l’objet du présent contrôle judiciaire. À l’appui de sa demande d’ERAR, la demanderesse a présenté cinq éléments de preuve :

1.         Une lettre d’une ONG (le Haut-comité du développement et de la promotion de Karma Albald) attestant l’appartenance du mari de la demanderesse à l’Union des agriculteurs;

2.         Une lettre de la même ONG attestant qu’on détenait et surveillait le fils de la demanderesse pour obtenir de l’information au sujet de sa mère;

3.         Des sommations de se rendre adressées à la demanderesse et à son fils par la Division de la sécurité politique du Comité de la sécurité nationale;

4.         Une lettre de la tante de la demanderesse indiquant que la police recherchait la demanderesse;

5.         Un certificat médical du ministère fédéral de la Santé du Soudan attestant que la demanderesse avait des ecchymoses à la poitrine, souffrait d’hyperglycémie et avait été hospitalisée pendant six jours.

 

[5]               Dans sa décision relative à l’ERAR, l’agente a conclu que les éléments de preuve étaient insuffisants pour rendre une décision différente de celle de la SPR. L’agente a conclu que malgré les problèmes au Soudan, la preuve était insuffisante pour établir le niveau de risque nécessaire pour qu’une décision favorable soit rendue sur la demande d’ERAR. Les commentaires de l’agente concernant les cinq éléments de preuve seront analysés ci-dessous.

 

III.       ANALYSE

A.        La norme de contrôle

[6]               Il a été établi que la norme de contrôle applicable à une décision relative à une demande d’ERAR est la décision raisonnable (voir Woldegabriel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1223). Je ne vois nulle raison de m’écarter de cette conclusion relative à la norme de contrôle applicable. Il faut faire preuve de retenue envers les conclusions de l’agente quant à la crédibilité et sa compétence pour apprécier la preuve à cet égard. Cependant, comme les éléments de preuve en question sont en grande partie documentaires, la Cour doit être convaincue que la décision rendue par l’agente peut résister à un examen poussé.

 

[7]               La cause de la demanderesse porte principalement sur un argument au sujet de l’importance accordée aux documents soumis. Une considération primordiale est qu’il n’appartient pas à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve et de substituer sa décision à celle de l’agente (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Qureshi, 2007 CF 1049, au paragraphe 8). En l’espèce, les motifs de l’agente pour accorder peu d’importance, voire aucune importance, à certains documents sont clairs, transparents et compatibles avec les obligations d’un agent appelé à rendre une telle décision. Par conséquent, la Cour conclut que la décision rendue par l’agente était raisonnable dans les circonstances.

 

B.         Les lettres de l’ONG

[8]               L’agente d’ERAR a accordé peu d’importance aux deux lettres de l’ONG. Les lettres ne contenaient pas de renseignements, de détails ou d’allégations de connaissance personnelle permettant d’établir le bien-fondé des faits invoqués. L’agente a donc eu des doutes quant à ce qui avait permis à cette ONG de faire de telles affirmations.

 

[9]               La Cour ne peut conclure que les doutes de l’agente à propos des lettres de l’ONG étaient déraisonnables. Les commentaires de l’agente doivent être considérés à la lumière de la décision de la SPR selon laquelle la preuve produite par la demanderesse était contradictoire et non crédible. Le fait que la demanderesse n’ait pas démontré de façon claire que son mari participait bel et bien à des activités politiques – étant donné ses allégations de risque fondées en grande partie sur les activités politiques de son mari – a aussi une incidence sur le caractère raisonnable des conclusions relatives aux sommations et à la lettre de la tante.

 

C.        Les sommations et la lettre de la tante

[10]           Selon la demanderesse, les sommations et la lettre de la tante (qui corroborerait les sommations) prouvaient la persécution parce qu’elles montraient que les autorités soudanaises la recherchaient. La demanderesse soutient que les sommations équivalent à un mandat d’arrêt. À son avis, l’agente était obligée d’analyser les risques sur le fondement d’une arrestation et des activités politiques de sa famille.

 

[11]           Cette observation pose une difficulté, car l’agente a bel et bien analysé les sommations et est arrivée à une conclusion, raisonnable dans les circonstances, selon laquelle les sommations étaient trop vagues pour équivaloir à un mandat d’arrêt. Puisque la demanderesse n’a pas démontré le caractère politique de son allégation, il était raisonnable de la part de l’agente de conclure que les sommations en soi ne prouvaient pas la persécution. De plus, la demanderesse, dans les observations présentées par son avocate à l’agente d’ERAR, n’a pas établi de lien entre les sommations et la probabilité de persécution.

 

[12]           Il en va de même pour la lettre de la tante indiquant que la police recherchait la demanderesse. De plus, malgré l’aide de son avocate, la demanderesse n’a pu indiquer aucune preuve précise qui établissait un lien entre les sommations, les prétendues enquêtes policières et la persécution dont font état plusieurs rapports étatiques déposés.

 

D.        La preuve médicale

[13]           La demanderesse avait présenté un rapport médical traitant de la présence d’une hyperglycémie et d’ecchymoses lors de son hospitalisation. L’agente n’a pas accordé d’importance à la preuve médicale parce qu’elle n’établissait pas de lien entre les préjudices corporels subis et les mauvais traitements infligés par la police. De plus, le rapport faisait référence à des soins médicaux reçus en mai 2007,  plutôt qu’en 2005. Les parties ont reconnu que l’erreur venait de la traduction, et non pas du document original. La demanderesse affirme que, devant une erreur aussi flagrante, l’agente avait l’obligation positive de lui demander, même après l’audience, de s’expliquer. La demanderesse soutient que ne pas l’avoir fait constitue un manquement à la justice naturelle.

 

[14]           L’observation de la demanderesse ne tient pas compte du fait que la demanderesse était représentée par une avocate et qu’il était de la responsabilité de la demanderesse, par l’intermédiaire de l’avocate, d’attirer l’attention de l’agente sur l’erreur et de lui fournir une explication. On peut difficilement reprocher à l’agente de s’être fondée sur une traduction certifiée conforme à l’original.

 

[15]           De plus, le vrai motif pour lequel l’agente n’a pas tenu compte de la preuve médicale était l’absence d’un lien entre les préjudices corporels décrits et les traitements infligés par la police. Il aurait été du ouï-dire pour le médecin d’affirmer que les préjudices corporels résultaient de la brutalité des policiers (à moins qu’il n’ait été un témoin), mais le rapport ne laissait même pas entendre que les préjudices corporels résultaient d’agressions physiques ou d’événements traumatisants. En l’absence de ouï-dire de la part du médecin, rien ne permet de conclure que les préjudices corporels correspondaient à ce qu’avait allégué la demanderesse. Par conséquent, aucun lien n’a été établi et la décision de l’agente sur ce point était raisonnable.

 

IV.       CONCLUSION

[16]           La Cour conclut que la décision de l’agente était raisonnable à la lumière de la preuve dont elle disposait. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3171-08

 

INTITULÉ :                                       NEIMAT ZOMRAWI HAMED

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 20 janvier 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 28 janvier 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Leigh Salsberg

 

POUR LA DEMANDERESSE

Brad Gotkin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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