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Date : 20090130

Dossier : T-281-08

Référence : 2009 CF 105

Ottawa (Ontario), le 30 janvier 2009

En présence de monsieur le juge Lemieux

 

 

ENTRE :

MAURICE J. SYCHUK

demandeur

 

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d’une décision en date du 7 janvier 2008 par laquelle la Section d’appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles (la Section d’appel) a rejeté son appel de la décision en date du 30 juillet 2007 par laquelle la Commission nationale des libérations conditionnelles (la Commission) avait refusé la demande qu’il avait présentée en vue de faire annuler de façon permanente la condition réglementaire à laquelle était assujettie sa libération conditionnelle totale et qui l’obligeait à [traduction] « demeurer en tout temps au Canada dans les limites territoriales fixées par votre surveillant de liberté conditionnelle ». M. Sychuk se représentait lui-même dans le cadre de la présente instance en contrôle judiciaire. Cest un ancien membre du Berreau de l’Alberta qui a été radié du tableau de l’ordre à la suite de sa condamnation criminelle en 1989 pour meurtre au second degré.

 

[2]               Sa décision de s’adresser à la Commission nationale des libérations conditionnelles était motivée par le fait que, le 15 janvier 2007, Passeport Canada avait, en vertu de l’alinéa 9d) et de l’article 10 du Décret sur les passeports canadiens, révoqué son passeport au motif qu’il était frappé d’une interdiction de quitter le Canada en raison des conditions imposées en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (la Loi). M. Sychuk n’a jamais interjeté appel de la décision de Passeport Canada mais a choisi une autre voie de recours, en s’adressant à la Commission pour qu’elle annule complètement l’interdiction réglementaire malgré le fait qu’il avait déjà demandé avec succès à plusieurs reprises à la Commission de lui accorder la permission de se déplacer à l’étranger pour des vacances de deux semaines au Mexique et à Cuba.

 

Faits et contexte

[3]               Les faits essentiels sont simples.

 

[4]               Âgé de 67 ans, le demandeur purge une peine d’emprisonnement à perpétuité pour le meurtre au second degré de sa femme, qu’il a poignardée à mort le 28 janvier 1989 dans un accès de rage alors qu’il était ivre.

 

[5]               Il a obtenu une semi-liberté en mars 1996 et une libération conditionnelle totale en 1998.

 

[6]               Les articles 100 et 101 de la Loi énoncent dans les termes suivants l’objet de la mise en liberté sous condition :

 

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (1992, ch. 20)

 

Objet

 

100. La mise en liberté sous condition vise à contribuer au maintien d’une société juste, paisible et sûre en favorisant, par la prise de décisions appropriées quant au moment et aux conditions de leur mise en liberté, la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants en tant que citoyens respectueux des lois.

 

Principes

 

101. La Commission et les commissions provinciales sont guidées dans l’exécution de leur mandat par les principes qui suivent :

 

a) la protection de la société est le critère déterminant dans tous les cas;

 

 

b) elles doivent tenir compte de toute l’information pertinente disponible, notamment les motifs et les recommandations du juge qui a infligé la peine, les renseignements disponibles lors du procès ou de la détermination de la peine, ceux qui ont été obtenus des victimes et des délinquants, ainsi que les renseignements et évaluations fournis par les autorités correctionnelles;

 

c) elles accroissent leur efficacité et leur transparence par l’échange de renseignements utiles au moment opportun avec les autres éléments du système de justice pénale d’une part, et par la communication de leurs directives d’orientation générale et programmes tant aux délinquants et aux victimes qu’au public, d’autre part;

 

d) le règlement des cas doit, compte tenu de la protection de la société, être le moins restrictif possible;

 

e) elles s’inspirent des directives d’orientation générale qui leur sont remises et leurs membres doivent recevoir la formation nécessaire à la mise en œuvre  de ces directives;

 

f) de manière à assurer l’équité et la clarté du processus, les autorités doivent donner aux délinquants les motifs des décisions, ainsi que tous autres renseignements pertinents, et la possibilité de les faire réviser.

Corrections and Conditional Release Act

(1992, c. 20)

 

Purpose of conditional release

 

100. The purpose of conditional release is to contribute to the maintenance of a just, peaceful and safe society by means of decisions on the timing and conditions of release that will best facilitate the rehabilitation of offenders and their reintegration into the community as law-abiding citizens.

 

 

Principles guiding parole boards

 

101. The principles that shall guide the Board and the provincial parole boards in achieving the purpose of conditional release are

 

(a) that the protection of society be the paramount consideration in the determination of any case;

 

(b) that parole boards take into consideration all available information that is relevant to a case, including the stated reasons and recommendations of the sentencing judge, any other information from the trial or the sentencing hearing, information and assessments provided by correctional authorities, and information obtained from victims and the offender;

 

(c) that parole boards enhance their effectiveness and openness through the timely exchange of relevant information with other components of the criminal justice system and through communication of their policies and programs to offenders, victims and the general public;

 

 

(d) that parole boards make the least restrictive determination consistent with the protection of society;

 

(e) that parole boards adopt and be guided by appropriate policies and that their members be provided with the training necessary to implement those policies; and

 

 

(f) that offenders be provided with relevant information, reasons for decisions and access to the review of decisions in order to ensure a fair and understandable conditional release process.

 

 

[7]               L’article 133 de la Loi porte sur les conditions dont est assortie la libération conditionnelle du délinquant. En voici le texte :

 

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (1992, ch. 20)

 

Définition d’« autorité compétente »

 

133. (1) Au présent article, « autorité compétente » s’entend :

 

a) de la Commission à l’égard de la libération conditionnelle ou d’office ou d’une permission de sortir sans escorte visée au paragraphe 116(1);

 

 

 

b) du commissaire à l’égard d’une permission de sortir sans escorte visée au paragraphe 116(2);

 

c) du directeur du pénitencier à l’égard d’une permission de sortir sans escorte visée au paragraphe 116(2).

 

Conditions automatiques

 

(2) Sous réserve du paragraphe (6), les conditions prévues par règlement sont réputées avoir été imposées dans tous les cas de libération conditionnelle ou d’office ou de permission de sortir sans escorte.

 

Conditions particulières

 

(3) L’autorité compétente peut imposer au délinquant qui bénéficie d’une libération conditionnelle ou d’office ou d’une permission de sortir sans escorte les conditions qu’elle juge raisonnables et nécessaires pour protéger la société et favoriser la réinsertion sociale du délinquant.

 

 

Dispense ou modification des conditions

 

(6) L’autorité compétente peut, conformément aux règlements, soustraire le délinquant, avant ou après sa mise en liberté, à l’application de l’une ou l’autre des conditions du présent article, modifier ou annuler l’une de celles-ci.

 

Corrections and Conditional Release Act

(1992, c. 20)

 

Definition of “releasing authority”

 

133. (1) In this section, "releasing authority" means

 

(a) the Board, in respect of

 

(i) parole,

(ii) statutory release, or

(iii) unescorted temporary absences authorized by the Board under subsection 116(1);

 

(b) the Commissioner, in respect of unescorted temporary absences authorized by the Commissioner under subsection 116(2); or

 

(c) the institutional head, in respect of unescorted temporary absences authorized by the institutional head under subsection 116(2).

 

Conditions of release

 

(2) Subject to subsection (6), every offender released on parole, statutory release or unescorted temporary absence is subject to the conditions prescribed by the regulations.

 

 

Conditions set by releasing authority

 

(3) The releasing authority may impose any conditions on the parole, statutory release or unescorted temporary absence of an offender that it considers reasonable and necessary in order to protect society and to facilitate the successful reintegration into society of the offender.

 

 …

 

Relief from conditions

 

(6) The releasing authority may, in accordance with the regulations, before or after the release of an offender,

 

(a) in respect of conditions referred to in subsection (2), relieve the offender from compliance with any such condition or vary the application to the offender of any such condition; or

 

(b) in respect of conditions imposed under subsection (3), (4) or (4.1), remove or vary any such condition.

 

[8]               L’article applicable du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (le Règlement) est l’article 161 :

Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

(DORS/92-620)

 

161. (1) Pour l’application du paragraphe 133(2) de la Loi, les conditions de mise en liberté qui sont réputées avoir été imposées au délinquant dans tous les cas de libération conditionnelle ou d’office sont les suivantes :

 

 

b) il doit rester à tout moment au Canada, dans les limites territoriales spécifiées par son surveillant;

 

Corrections and Conditional Release Regulations (SOR/92-620)

 

 

161. (1) For the purposes of subsection 133(2) of the Act, every offender who is released on parole or statutory release is subject to the following conditions, namely, that the offender

 

 

 

(b) remain at all times in Canada within the territorial boundaries fixed by the parole supervisor;

 

 

 

[9]               Pour guider les commissaires dans l’exécution du mandat que leur confie le paragraphe 133(6) de la Loi, la Commission nationale des libérations conditionnelles a publié son Manuel des politiques sur le sujet.

 

[10]           Voici le paragraphe introductif de la section du Manuel des politiques portant sur les déplacements à l’étranger :

En règle générale, le délinquant qui se trouve hors du pays ne peut être surveillé et soutenu comme il le serait au Canada dans le cadre du processus de surveillance. Il faut donc déterminer les risques que ce délinquant présente pour la sécurité du public avant d’approuver des déplacements à l’étranger.

Le manuel contient également une section sur les critères régissant l’examen des demandes de déplacements à l’étranger :

Lorsqu’ils examinent les demandes de déplacements à l’étranger des délinquants, les commissaires tiendront compte de tout facteur pertinent pour déterminer si le déplacement à l’extérieur du pays pourrait présenter un risque accru pour la société, notamment les facteurs suivants  :

·                     une lettre des autorités du pays de destination confirmant qu’elles n’ont pas d’objection à ce que le délinquant visite le pays, ou si cela n’est pas possible, une preuve des efforts déployés par le délinquant dans le but d’obtenir cette confirmation;

·                     les renseignements du SCC sur le but et les détails du déplacement, incluant le nombre de jours que le délinquant sera à l’extérieur du Canada et l’accessibilité de contacts collatéraux dans le pays de destination;

·                     la cohérence du déplacement avec le plan correctionnel du délinquant et toute recommandation du surveillant de liberté conditionnelle;

·                     la nature des antécédents criminels du délinquant et l’opinion des services de police, de même que toute participation au trafic de drogues ou au crime organisé, ou encore toute possibilité de participation à de telles activités;

·                     les progrès faits par le délinquant au cours de sa mise en liberté actuelle et lors de ses libérations antérieures, notamment dans le cadre de déplacements précédents, y compris la durée à ce jour de sa présente libération et la proximité de la date d’expiration du mandat;

·                     le degré de réussite de la réinsertion sociale du délinquant au cours d’une longue période;

·                     Dans le cas de demande de déplacement à l’étranger à des fins de vacances, les commissaires tiendront compte du caractère opportun du déplacement.

 

[11]           Il est de jurisprudence constante que, tout comme les directives, les manuels de politiques n’ont pas force de loi et ne lient donc pas les autorités chargées de prendre des décisions. La Cour suprême du Canada a toutefois reconnu, dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la  Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 (Baker), au paragraphe 72, que les directives fournissent des indications utiles et le fait que la décision était contraire aux directives « est d’une grande utilité pour évaluer si la décision constituait un exercice déraisonnable du pouvoir ».

 

[12]           La libération conditionnelle du demandeur était assortie d’autres conditions, notamment de celle de s’abstenir de consommer des substances intoxicantes, étant donné que l’alcoolisme était un des facteurs qui avaient contribué au meurtre qu’il avait commis, et une autre condition qui l’obligeait à consulter un psychologue.

 

[13]           Il est mentionné au dossier du défendeur qu’en 1998, le demandeur a demandé à la Commission de lui accorder une autorisation permanente de se déplacer à l’extérieur du Canada; cette demande lui a été refusée, mais on lui a permis de passer une semaine au Mexique en décembre 1998. Dans son mémoire, le défendeur mentionne également qu’en avril 2000, M. Sychuk avait demandé à la Commission d’annuler la condition de sa libération conditionnelle qui l’obligeait à s’abstenir de consommer toute substance intoxicante. Cette demande a également été refusée, ainsi que la demande présentée en 2005 en vue de faire annuler les deux conditions, à savoir l’obligation de consulter un psychologue et celle de s’abstenir de consommer toute substance intoxicante. La Commission a souligné le lien qui existait entre la brutalité du crime du demandeur et sa consommation de substances intoxicantes.

 

[14]           Comme nous l’avons déjà signalé, M. Sychuk a déjà obtenu dans le passé diverses dispenses de la Commission qui lui ont permis de se rendre à l’étranger pour des vacances, en général pour des périodes de deux semaines. Chaque fois, il était accompagné par sa conjointe de fait, qui est perçue comme un appui très positif. Il s’est rendu au Mexique en 1998, 1999 et 2002. Il a de nouveau obtenu la permission de voyager avec sa conjointe de fait pour se rendre à Cuba en 2004, 2005, 2006 et 2007 et la Commission a reconnu, dans sa décision du 30 juillet 2007, que ces voyages s’étaient tous déroulés sans heurts. En ce qui concerne chacune de ces permissions, la Commission s’est dite convaincue que les vacances de deux semaines que le demandeur avait prises avec sa conjointe de fait ne présenteraient pas un risque accru pour la société.

 

[15]           M. Sychuk a reçu de Passeport Canada une lettre datée du 15 janvier 2007 portant sur la révocation de son passeport et sur les motifs de cette révocation. On y trouve ce qui suit, dans le paragraphe final : [traduction] « Dès que vous ne serez plus assujetti aux conditions énumérées à l’alinéa 9d) du Décret sur les passeports canadiens, vous pourrez présenter une nouvelle demande ».

 

[16]           Il ressort du dossier du demandeur (à la page 101) que, le 4 avril 2007, M. Sychuk a informé son agent de libération conditionnelle de la décision de Passeport Canada et qu’il lui a montré sa correspondance avec Passeport Canada ainsi que les réponses qu’il avait reçues de cet organisme. C’est à ce moment-là qu’il a demandé à son agent de libération conditionnelle [traduction] « [d’]entreprendre des démarches pour obtenir que la CNLC annule, en vertu du paragraphe 133(6) de la Loi, l’alinéa b) des conditions de [s]a libération conditionnelle ». Dans cette lettre du 4 avril 2007, il écrivait également ce qui suit :

[traduction]

Ainsi que je vous l’ai précisé, la présente demande n’est pas une fin en soi, mais simplement un moyen d’arriver à une autre fin, à savoir ma capacité, du point de vue pratique et réaliste, de prendre des mesures concrètes pour me rendre à l’extérieur du Canada en vacances.

 

En d’autres termes, je ne réclamerais pas la suppression de cette condition si elle n’était pas la raison qui a motivé la décision de révoquer mon passeport, c.‑à‑d. si je n’avais pas d’inquiétude au sujet de la façon dont la CNLC m’a accordé la permission de me déplacer à l’étranger pour prendre des vacances.

 

C’est également la raison pour laquelle j’ai demandé le 27 février 2007 à Passeport Canada de réexaminer sa décision. En effet, si cette demande avait été accueillie, il ne serait pas nécessaire d’annuler cette condition.

 

À cet égard, je suis convaincu que la décision de révoquer mon passeport rendra très difficile, voire impossible, tout déplacement à l’extérieur du Canada pour des vacances.

 

Je suis disposé à faciliter l’examen de la présente demande dans toute la mesure du possible, et je serais heureux de me présenter devant la CNLC pour défendre la présente demande de suppression de la condition en question. [Non souligné dans l’original.]

 

[17]           La veille, Passeport Canada avait écrit au demandeur pour confirmer sa décision de révoquer son passeport en raison de la disposition du règlement dont était assortie sa libération conditionnelle et qui l’obligeait à demeurer au Canada. Dans sa lettre, Passeport Canada écrivait également ce qui suit :

[traduction]

Bien que l’article 134 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition accorde les pleins pouvoirs à la Commission nationale des libérations conditionnelles en lui permettant de dispenser le délinquant de l’application de l’une ou l’autre des conditions de sa mise en liberté, il s’agit de dispenses temporaires qui exigent l’approbation préalable de la Commission nationale des libérations conditionnelles chaque fois qu’un déplacement à l’extérieur du Canada est envisagé.

 

Bien que le pouvoir de révoquer le passeport canadien d’une personne visée à l’alinéa 9d) du Décret soit un pouvoir discrétionnaire, Passeport Canada tâche d’exercer toujours ce pouvoir lorsqu’il dispose de suffisamment de renseignements vérifiables pour justifier sa décision. Passeport Canada peut cependant, comme nous l’avons déjà fait dans le présent dossier, envisager la possibilité de retarder la révocation d’un passeport si l’intéressé a déjà obtenu la permission de la Commission nationale des libérations conditionnelles pour effectuer un voyage précis à des dates déterminées. En pareil cas, le passeport en question sera retourné à Passeport Canada et sera révoqué une fois le voyage terminé (dossier du demandeur, à la page 99). [Non souligné dans l’original.]

 

[18]           Le 16 juillet 2007, le demandeur a écrit ce qui suit à son agent de libération conditionnelle, au Service correctionnel du Canada, Greg Juchnowski (l’agent de libération conditionnelle) (dossier du demandeur, à la page 107) :

[traduction]

Objet :  Suppression d’une condition de la libération conditionnelle

 

Pour faire suite aux échanges que nous avons eus jusqu’à maintenant, je tiens à confirmer ce qui suit :

 

1.                   Je suis convaincu que seule la suppression totale de la condition convaincra Passeport Canada de me permettre de conserver mon passeport.

 

2.                   Je suis également convaincu que, sans la suppression de cette condition, il sera difficile, voire impossible, du point de vue pratique et réaliste, de prendre des mesures concrètes pour me rendre à l’extérieur du Canada en vacances.

 

3.                   Ainsi donc, si la CNLC hésite pour quelque raison que ce soit à annuler ladite condition, je sollicite humblement la permission de faire valoir mon point de vue et de soumettre directement ma demande à la CNLC.

 

4.                   Enfin, je tiens à répéter que je ne réclamerais pas la suppression de cette condition si ce n’était que c’est cette condition qui a motivé la décision de révoquer mon passeport. [Non souligné dans l’original.]

 

En conclusion, je me permets de remercier à l’avance la CNLC pour la suite favorable qu’elle donnera à la présente demande et pour sa courtoisie et sa collaboration habituelles […]

 

[19]           Son agent de libération conditionnelle a ensuite écrit une évaluation dans le but de recommander à la Commission d’annuler la condition qui obligeait M. Sychuk à demeurer dans les limites territoriales du Canada. L’agent de libération conditionnelle a formulé les observations suivantes :

 

[traduction]

Le soussigné recommande à la Commission nationale des libérations conditionnelles de permettre à l’intéressé de se déplacer à l’extérieur du Canada. Cette mesure permettra à l’intéressé d’obtenir un passeport canadien sans avoir à renouveler sa demande chaque fois qu’il souhaite se rendre à l’extérieur du Canada. Les déplacements à l’étranger que l’intéressé a jusqu’ici faits ont démontré que son absence du pays ne présente aucun risque.

 

Pour le cas où la Commission nationale des libérations conditionnelles ne serait pas d’accord avec ce qui précède, le soussigné recommande que l’intéressé soit « autorisé à se déplacer à l’extérieur du Canada pour une période de deux semaines par année ».

 

En outre, si aucune des modalités susmentionnées n’est approuvée, le soussigné recommande que l’intéressé soit « autorisé à se rendre à Cuba pour une période de deux semaines en 2008 ».

 

M. Sychuk s’est extrêmement bien réinséré socialement et il est devenu un citoyen productif. Le risque qu’il constitue est faible et il a démontré qu’il ne risque pas de s’enfuir s’il est autorisé à se déplacer à l’extérieur du Canada. [Non souligné dans l’original.]

 

(Dossier du demandeur, pages 103 à 106)

 

 

[20]           Dans son évaluation, l’agent de libération conditionnelle a souligné les points suivants:

 

·      Il écrit ce qui suit au sujet des répercussions que la décision de Passeport Canada a eues sur M. Sychuk :

 

[traduction]

Dans l’état actuel des choses, il lui faudrait présenter une demande et supporter les frais de délivrance d’un passeport chaque fois qu’il obtient la permission de se rendre à l’étranger. Compte tenu du fait que M. Sychuk a voyagé une fois par année au cours des huit dernières années et qu’il souhaitera continuer à voyager au même rythme à l’avenir,  il ne semble pas raisonnable de lui faire supporter les délais et les frais supplémentaires entraînés par la présentation d’une nouvelle demande. Ce traitement semble injuste lorsqu’on considère que les autres citoyens canadiens peuvent conserver leur passeport pendant cinq ans et que les règles s’appliquent différemment dans son cas pour la seule raison qu’il purge une peine. Cet état de fait ne causerait pas trop de problème dans le cas des détenus en liberté conditionnelle qui sont en train de purger une peine déterminée qui est sur le point d’expirer, mais la peine d’emprisonnement à perpétuité infligée à M. Sychuk complique la situation. [Non souligné dans l’original.]

 

·      Il a mentionné le nombre de fois où la Commission avait permis au demandeur de se rendre en vacances au Mexique et à Cuba en concluant : [traduction] « Il est rentré au Canada après chacun de ces voyages et ferait de même à l’avenir s’il est autorisé à voyager à l’extérieur du Canada ».

 

·      Il a rappelé la déclaration de culpabilité prononcée contre M. Sychuk et la peine qui lui avait été infligée et a passé en revue les circonstances se rapportant aux faits criminogènes sous-jacents, à savoir : toxicomanie, relations familiales et stabilité émotive. L’agent de libération conditionnelle a ensuite écrit :

[traduction]

Pendant son incarcération, Sychuk s’est attaqué activement à ses éléments criminogènes et il a poursuivi son travail après avoir été remis en liberté. Aucun problème ou sujet de préoccupation n’a été identifié pour le moment et aucun programme ou traitement ne s’impose dans son cas.

 

M. Sychuk a pris partiellement sa retraite. Il travaille présentement comme consultant immobilier dans le secteur des hydrocarbures et il donne un cours de droit au Mount Royal College au cours des semestres réguliers. Il observe toujours les conditions de sa libération conditionnelle et il est un citoyen productif. Il siège au conseil d’administration de l’immeuble en copropriété où il habite et passe du temps auprès de sa famille. Son cas ne suscite pas la moindre inquiétude. [Non souligné dans l’original.]

 

Décision de la Commission

[21]           Voici la partie essentielle de la décision de la Commission nationale des libérations conditionnelles :

[traduction]

Dans le passé, chacune des décisions de la Commission vous autorisant à quitter le Canada a été prise de façon indépendante et discrétionnaire et aucune ne se voulait un engagement à vous accorder d’autres absences à l’avenir. La Commission estime que ces absences sont un privilège et non un droit.

 

Compte tenu de la brutalité de votre crime et du fait qu’il n’existe aucune forme de surveillance ou d’encadrement lorsque vous vous trouvez à l’étranger, la Commission n’est pas disposée à annuler de façon permanente la condition qui vous oblige à demander la permission de quitter le pays. Vous purgez une peine d’emprisonnement à perpétuité et cette peine comporte des restrictions avec lesquelles vous êtes susceptible de devoir composer jusqu’à la fin de vos jours. La Commission ne peut vous accorder carte blanche pour voyager à l’extérieur du Canada. Dans chaque cas, nous devons examiner votre lieu de destination, vos dates de départ et de retour, l’objet du voyage et l’existence de problèmes qui justifieraient de restreindre une partie quelconque de votre demande. Nous reconnaissons que votre situation de condamné à perpétuité comporte ses propres difficultés, mais nous devons quand même tenir compte de tous les éléments pertinents pour chaque voyage envisagé. Dans ces conditions, nous ne modifierons par les conditions de votre libération conditionnelle totale en réponse aux recommandations formulées par votre agent de libération conditionnelle. Ce que vous et votre agent de libération conditionnelle nous demandez revient à nous inviter à relâcher nos mesures de gestion du risque pour tenir compte de la procédure plus stricte de Passeport Canada. Malgré le fait que vous puissiez vous sentir lésé par les exigences de Passeport Canada, la Commission nationale des libérations conditionnelles est néanmoins tenue de respecter son mandat.

 

La présente décision ne vous empêche pas de demander la permission de voyager, à condition toutefois de nous communiquer à l’avance tous les détails pertinents pour que nous puissions donner une suite favorable à votre demande [Non souligné dans l’original.]

 

Arguments du demandeur devant la Section d’appel

[22]           Le demandeur a interjeté appel de la décision de la Commission à la Section d’appel. Il a formulé des observations le 10 septembre 2007, mais a d’abord réitéré une demande qu’il avait déjà faite à la Commission en expliquant que [traduction] « si la Section d’appel hésite pour quelque raison que ce soit à supprimer ladite condition, je sollicite humblement la permission de faire valoir mon point de vue et de soumettre directement ma demande à la Section d’appel ».

 

[23]           Dans les observations qu’il a formulées en appel, le demandeur a fait valoir les arguments suivants :

 

1.                  la Commission a commis des erreurs de droit dans la façon dont elle a exercé son pouvoir discrétionnaire, en affirmant que le fait de l’autoriser à voyager à l’extérieur du Canada était « un privilège et non un droit », en refusant de lui accorder carte blanche pour voyager à l’extérieur du Canada, en excipant du fait que [traduction] « qu’il n’existe aucune forme de surveillance lors[qu’il se] trouv[e] à l’étranger » pour justifier sa décision, et en considérant que sa demande obligerait la Commission à « relâcher [ses] mesures de gestion du risque ».

 

2.                  La Commission l’a privé de son droit à la justice fondamentale en ne faisant pas droit à la demande qu’il avait formulée dans sa lettre du 16 juillet 2007 pour obtenir la possibilité de répondre aux réserves de la Commission au sujet de l’annulation de la condition imposée à ses déplacements à l’extérieur du Canada et en ne motivant pas sa décision d’écarter la recommandation de son agent de libération conditionnelle.

 

3.                  La Commission a fondé sa décision sur des renseignements incomplets [traduction] « en refusant d’admettre de nouveaux éléments de preuve importants portant sur la question des risques ».

 

4.                  La Commission n’a pas exercé correctement sa compétence [traduction] « en n’analysant, n’évaluant et n’appliquant pas correctement tous les éléments de preuve portant sur la question des risques : la preuve n’appuie nullement sa décision, laquelle est par conséquent manifestement déraisonnable ».

 

Motifs de la Section d’appel

[24]           La Section d’appel a analysé chacun des moyens d’appel de M. Sychuk. Je les résume :

 

1. Manquement à l’obligation d’agir équitablement

[25]           La Section d’appel a jugé que la Commission n’avait pas manqué à son obligation d’agir avec équité. Elle a conclu que le droit du demandeur de soumettre des observations par écrit avait été respecté. Renvoyant au paragraphe 140(1) de la Loi, elle a conclu que la Commission n’est pas obligée de tenir une audience lorsqu’elle envisage l’annulation d’une condition imposée dans le cadre de la liberté sous condition du délinquant ». La Section d’appel a ajouté ce qui suit : « Par conséquent, la Commission a bien effectué l’examen de votre dossier ». Elle a également signalé que M. Sychuk s’était vu offrir la possibilité de soumettre des observations écrites à la Commission et a souligné le fait qu’il avait signé la déclaration sur les garanties procédurales dans laquelle il avait précisé qu’il souhaitait que la Commission examine ses observations écrites du 16 juillet 2007, ce que la Commission a fait. La Section d’appel a également estimé que les motifs écrits de la Commission étaient clairs et exposaient adéquatement le raisonnement qu’elle avait suivi pour parvenir à sa décision.

 

2. Erreurs de droit

[26]           La Section d’appel a rejeté les arguments invoqués par M. Sychuk à ce sujet. Elle a cité les propos de ma collègue la juge Gauthier dans la décision Tozzi c. Canada (Procureur général), 2007 CF 825 (Tozzi), une affaire semblable à la présente espèce, qui portait sur la révision de la décision de la Section d’appel de suspendre une des conditions de la libération conditionnelle de M. Tozzi, l’interdiction de quitter le Canada. M. Tozzi avait été condamné pour blanchiment d’argent et avait demandé la suspension temporaire de cette condition pour pouvoir visiter ses vieux parents en Italie.

 

[27]           La Section d’appel a notamment invoqué la décision Tozzi pour insister sur la nature de la condition imposée par le paragraphe 161(1) de la Loi, en signalant que le législateur « en adoptant l’alinéa 161b) du Règlement, exprime clairement sa volonté que règle générale, les délinquants en liberté conditionnelle même totale demeure[nt] en tout temps au Canada et dans les limites territoriales spécifiées par leur surveillant ». La Section d’appel a fait observer que la Cour fédérale s’était dite d’avis qu’il s’agissait là « d’un élément important du système de libération conditionnelle fondé sur la gestion du risque ».

 

[28]           La Section d’appel a également invoqué la décision Tozzi pour rappeler que, comme l’avait clairement indiqué la Cour fédérale, « la suspension même temporaire de cette condition est un "privilège" ou une exception à la règle générale » et que « c’est à la Commission que le législateur a conféré la "discrétion" d’accorder un tel privilège, conformément au paragraphe 133(6) de la Loi ». La Commission n’a donc pas commis d’erreur en déclarant que les déplacements à l’extérieur du Canada sont un "privilège" et que sa décision était de nature "discrétionnaire" ».

 

[29]           La Section d’appel a de nouveau cité la décision Tozzi à l’appui de son argument que « la Commission, en exerçant sa discrétion et en arrivant à sa décision, doit être orientée par les principes établis dans les articles 100 et 101 de la LSCMLC, ainsi que par les critères établis à la section 7.1 du Manuel des politiques de la Commission relatifs au[x] "déplacement[s] à l’étranger" ». Voici ce que la Section d’appel a écrit :

 

Le Manuel des politiques de la Commission indique clairement que, lorsqu’ils examinent les demandes de déplacements à l’étranger des délinquants, les commissaires tiendront compte de « tout facteur pertinent pour déterminer si le déplacement à l’extérieur du pays pourrait présenter un risque accru pour la société », y compris la nature des antécédents du délinquant et le fait que le délinquant, lorsqu’il sera à l’extérieur du pays, ne fera pas l’objet d’une surveillance habituelle et n’aura pas l’appui offert dans le cadre du processus de libération conditionnelle canadien. La Commission n’a donc pas commis une erreur en tenant compte de la nature violente de votre crime, du fait que vous purgez une peine à perpétuité et du manque de surveillance et de contrôle pendant votre déplacement à l’extérieur du Canada, afin d’en arriver à sa conclusion qu’elle n’était pas prête à retirer de façon permanente la condition vous obligeant de rester au Canada à tout moment, aux termes de l’alinéa 161(1)(b) du RSCMLC.[Non souligné dans l’original.]

 

[30]           Voici en quels termes elle a formulé sa conclusion générale :

Monsieur Sychuk, après avoir examiné votre cas, la Section d’appel est d’avis que la Commission a fait preuve d’un jugement juste et équitable et en est arrivée à une décision raisonnable et bien fondée. S’il est vrai qu’en vertu du paragraphe 133(6) de la LSCMLC la Commission peut, conformément aux règlements, soustraire le délinquant, avant ou après sa mise en liberté, à l’application de l’une ou l’autre des conditions prévues par le Règlement, la décision de la Commission de ne pas retirer la condition au sens de l’alinéa 161(1)b) du RSCMLC est justifiée et respecte la Loi et les politiques de la Commission. Contrairement à ce que vous soutenez, la Commission était bien consciente des éléments positifs de votre cas, y compris votre bon comportement lors de votre liberté sous condition, vos déplacements à l’étranger que vous avez faits par le passé avec succès et la recommandation favorable de votre agent de libération conditionnelle. Ces facteurs ont été bien consignés dans votre dossier et manifestement pris en compte dans les motifs écrits de la Commission. Néanmoins, la Commission a bien tenu compte du fait que vous purgez une peine à perpétuité pour une infraction accompagnée de violence et que vous ne feriez pas l’objet d’une surveillance pendant votre déplacement à l’étranger, et a conclu qu’afin d’évaluer votre risque, elle devait disposer des détails pertinents de chaque voyage proposé (c.-à-d. dates de départ et de retour, motif du voyage, etc.) avant d’autoriser toute demande de déplacement. Selon nous, la conclusion de la Commission est raisonnable et conforme aux critères établis dans la Loi et les politiques de la Commission. La Loi n’empêche pas la Commission d’obtenir des détails sur chaque demande de déplacement à l’étranger afin de bien évaluer le risque que présente le délinquant et de déterminer si le déplacement proposé pourrait accroître le risque présenté à la société. Bien que la Commission soit bien consciente des nouvelles exigences fixées par Passeport Canada, celle-ci doit néanmoins mener à bien son mandat au sens de la Loi et des politiques de la Commission, l’obligeant d’évaluer votre risque, en tenant compte de la protection de la société comme critère prédominant dans la détermination de chaque cas.

 

Enfin, veuillez noter que bien que la Commission ait acquiescé à votre demande de retirer de façon permanente la condition imposée aux termes de l’alinéa 161(1)b) de la LSCMLC, celle-ci a bien indiqué dans la dernière phrase de sa décision que vous pouvez continuer de présenter une demande de voyager à l’extérieur du Canada, pourvu que vous fournissiez d’avance à la Commission tous les détails du voyage proposé.

 

Monsieur Sychuk, après avoir examiné votre cas, la Section d’appel est convaincue que la Commission a agi équitablement dans votre cas et a rendu une décision raisonnable et bien fondée. Les motifs de décisions sont clairs et bien établis dans le bien-fondé de la décision. Selon nous, la décision de la Commission est conforme aux principes et aux critères établis dans la Loi et les politiques de la Commission. [Non souligné dans l’original.]

 

Moyens invoqués par M. Sychuk dans le cadre du contrôle judiciaire

[31]           Dans le mémoire qu’il a soumis à la Cour, M. Sychuk affirme que la Commission et la Section d’appel : (1) ont commis une erreur en le privant de son droit à l’équité procédurale; (2) ont commis une erreur de droit en fondant leur décision sur des concepts juridiques erronés; (3) n’ont pas respecté la norme de raisonnabilité.

 

[32]           En ce qui concerne l’équité procédurale, M. Sychuk reproche ce qui suit à la Commission et à la Section d’appel :

 

·      Avoir omis de trancher les questions de droit, en l’occurrence la question de savoir si la dispense permanente qu’il réclamait, par opposition aux dispenses temporaires qu’il avait jusque‑là obtenues, aurait un effet quelconque sur ses risques de récidive et, dans l’affirmative, si l’augmentation de ce risque de récidive présenterait un risque accru pour la société.

 

·      Les décisions n’étaient pas suffisamment motivées.

 

·      La Commission lui a nié le droit de faire valoir son point de vue et la Section d’appel a repris cette erreur dans les motifs de sa décision.

 

·      La décision de la Commission a créé dans son esprit une crainte raisonnable de partialité étant donné qu’elle n’a fait preuve ni d’esprit ouvert ni d’absence de stéréotypes, qu’elle a tiré des conclusions qui ne reposaient pas sur la preuve, et qu’elle a rendu sa décision à la hâte en la justifiant par le meurtre brutal de sa femme, alors que cet aspect n’avait jamais été évoqué dans les nombreuses décisions rendues par la Commission au sujet de son incarcération ou de sa libération conditionnelle.

 

·      La Commission et la Section d’appel ont commis une erreur dans l’application des concepts de droit à son cas : (1) en qualifiant la mesure qu’il réclamait de décision discrétionnaire par laquelle il revendiquait; (2) un privilège; (3) en fondant son refus sur la brutalité du crime qu’il avait commis sans tenir compte de sa réadaptation; (4) en faisant fi du mandat que la loi lui confie de rendre la décision qui soit la moins restrictive possible tout en tenant compte de la protection de la société; (5) la Commission a commis une erreur de droit en disant qu’elle ne pouvait lui accorder « carte blanche pour voyager » tout en estimant que sa demande revenait à « relâcher [ses] mesures de gestion du risque ».

 

·      Sur le fond, la Commission et la Section d’appel n’ont pas rendu des décisions raisonnables, et ce, pour plusieurs raisons, à savoir : (1) elles ne reposaient raisonnablement ni sur la loi ni sur la preuve; (2) en prétendant se fonder sur le fait que le délinquant qui se trouve hors du pays ne peut être surveillé et encadré comme il le serait au Canada dans le cadre du processus de surveillance pour justifier le refus sans déterminer s’il était effectivement nécessaire de le surveiller et de l’encadrer pendant ses deux semaines de vacances; (3) les erreurs de droit déjà mentionnées.

 

Analyse

(1) Questions préliminaires

[33]           L’avocat du défendeur a soulevé deux questions préliminaires. Premièrement, il affirme qu’il était irrégulier de la part du demandeur de se contenter de verser au dossier de la présente instance tout le dossier certifié du tribunal en vue de le faire admettre en preuve sans l’appuyer par un affidavit comme l’exige l’article 305 des Règles des Cours fédérales (1998) (les Règles). L’avocat du défendeur cite deux arrêts de la juge Sharlow, de la Cour d’appel fédérale, qui portent sur des demandes de contrôle judiciaire fondées sur l’article 28, à savoir Procureur général du Canada c. Canadian North Inc. et autres, 2007 CAF 42, et Canada (Procureur général) c. Lacey, 2008 CAF 242.

 

[34]           M. Sychuk reconnaît le bien-fondé de l’argument du défendeur et affirme que je ne devrais tenir compte que des passages du dossier certifié qui étaient appuyés par l’affidavit qu’il a souscrit conformément à l’article 305 des Règles. J’ai informé les parties que je me guiderais en conséquence.

 

[35]           Deuxièmement, l’avocat du défendeur affirme que, lorsque les décisions ont été rendues, la Section d’appel ne disposait pas de certaines des pièces que le demandeur avait versées au dossier. Il a invoqué une jurisprudence constante suivant laquelle, sous réserve de quelques exceptions limitées, les demandes de contrôle judiciaire sont jugées sur la base des documents soumis au tribunal administratif dont la décision fait l’objet du contrôle (Ordre des architectes de l’Ontario c. Association of Architectural Technologists (Ontario), 2002 CAF 218).

 

[36]           M. Sychuk s’est opposé à l’avocat du défendeur sur ce point en faisant valoir qu’il était disposé à passer en revue avec la Cour quatre pages de références qui nécessiteraient quatre heures pour démontrer que le décideur avait effectivement en mains les éléments auxquels le défendeur s’oppose. La Cour a suggéré aux parties qu’il existait une façon plus efficace de traiter la question, en demandant à M. Sychuk de soumettre sa liste de références à l’avocat du défendeur, qui pourrait les passer en revue et dire à la Cour s’il maintient ses objections. Je n’ai pas entendu les parties sur ce point et j’ai décidé de juger la présente affaire sur pièces en me fondant sur le dossier du demandeur sans tenir compte de tout le dossier certifié du tribunal.

 

(2) La norme de contrôle

[37]           L’arrêt que la Cour suprême du Canada a rendu le 7 mars 2008 dans l’affaire Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick (2008 CSC 9) a réformé les règles de droit relatives à la norme de contrôle (ou au degré de retenue) applicable aux décisions des tribunaux administratifs. Le fait saillant de cette réforme a été de ramener de trois à deux les normes de contrôle qui étaient jusqu’alors reconnues. Désormais, on applique la norme de la décision correcte lorsqu’il n’y a pas lieu de faire preuve de retenue, et celle de la décision raisonnable lorsque la décision commande la retenue judiciaire. La norme de la décision manifestement déraisonnable a été intégrée à celle de la décision raisonnable.

 

[38]           La Cour suprême a également proposé certaines balises sur plusieurs points. Comme point de repère, au paragraphe 53, les juges Bastarache et LeBel, qui s’exprimait au nom de cinq des neufs juges concourants, ont écrit qu’« [e]n présence d’une question touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, la retenue s’impose habituellement d’emblée », ayant déjà précisé, au paragraphe 51, que « la norme de la raisonnabilité s’applique généralement » à ces questions, et ayant indiqué, au paragraphe 49, que « [l]a déférence inhérente à la norme de la raisonnabilité implique donc que la cour de révision tienne dûment compte des conclusions du décideur ».

 

[39]           Les juges Bastarache et LeBel ont précisé, aux paragraphes 57 et 62 de l’arrêt Dunsmuir, qu’il n’est pas nécessaire de se livrer à une analyse exhaustive pour arrêter la bonne norme de contrôle « si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier ».

 

[40]           La jurisprudence de la Cour et celle de la Cour d’appel fédérale ont établi la norme de contrôle qui s’applique aux décisions de la Section d’appel, et cette norme est celle de la décision raisonnable (Cartier c. Procureur général du Canada, 2002 CAF 384, au paragraphe 10, et Fournier c. Procureur général du Canada, 2004 CF 1124). Toutefois, la norme de la décision correcte s’applique aux questions se rapportant à un manquement à l’équité procédurale.

 

[41]           Au paragraphe 47, la Cour suprême du Canada a expliqué ce qu’elle entend par nouvelle norme de la raisonnabilité :

 

47    La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. [Non souligné dans l’original.]

 

[42]           La dernière phrase du paragraphe 47 est, à mon avis, très importante. La substance de décision sur le fond doit être raisonnable, en ce sens que la solution qu’elle propose doit pouvoir se justifier en fait et en droit. Lorsqu’on rapproche les motifs des juges Bastarache et LeBel des motifs concourants du juge Binnie, spécialement aux paragraphes 130 à 141 et 150 à 155, la signification profonde de cette phrase devient évidente. Les principes généraux du droit administratif qui se rapportent, par exemple, au bien-fondé de l’exercice de pouvoirs discrétionnaires comme ceux dont la Cour suprême du Canada a tenu compte dans des arrêts comme Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, et Centre hospitalier Mont-Sinaï c. Québec (Ministre de la Santé et des Services sociaux), [2001] 2 R.S.C. 281, continuent à s’appliquer pleinement et à prospérer. Les facteurs dont il est tenu compte doivent être pertinents; les facteurs non pertinents doivent être écartés et il faut respecter la nature et l’objet de la loi. En d’autres termes, la décision qui n’est pas conforme aux principes de droit administratif reconnus ne saurait pas être qualifiée de décision raisonnable.

 

(3) Conclusions

[43]           Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire de M. Sychuk doit être rejetée.

 

[44]           Premièrement, bien que M. Sychuk n’ait pas insisté sur ce point devant moi lors des débats, il est évident que la décision prise par la Commission et par la Section d’appel en vertu du paragraphe 133(6) de la Loi est une décision discrétionnaire, comme en témoigne l’emploi des mots « peut modifier ou annuler [les conditions] », et que la permission de voyager à l’étranger est une exception à la règle générale qui s’applique aux délinquants en liberté conditionnelle, y compris ceux qui bénéficient d’une libération conditionnelle totale, et qui les oblige à demeurer en tout temps au Canada dans les limites territoriales spécifiées par leur surveillant (Tozzi, au paragraphe 39). Dans le jugement Tozzi, la juge Gauthier souligne à juste titre que l’obligation générale faite aux délinquants de demeurer au Canada sous la juridiction et la surveillance de la Commission par le biais de l’équipe de gestion de cas constitue un élément important du système de libération conditionnelle. C’est la raison pour laquelle ma collègue a raison de dire, au paragraphe 40 du jugement Tozzi, que la suspension même temporaire de cette condition est un privilège ou une exception à la règle générale.

 

[45]           La loi est claire. Ainsi qu’il est précisé, au paragraphe 51 de l’arrêt Dunsmuir, une décision fondée sur un pouvoir discrétionnaire ou une politique commande un certain degré de retenue, surtout lorsque l’expertise du tribunal entre en jeu. Les tribunaux ont reconnu que la Commission et la Section d’appel ont une expertise pour tout ce qui a trait à l’application de la Loi (voir Fournier, aux paragraphes 22 et 23, et Boucher c. Canada (Procureur général), 2006 CF 1342, au paragraphe 11).

 

[46]           Lors des débats, M. Sychuk a soutenu que l’importance que la Commission et la Section d’appel avaient accordée à la surveillance était un mirage. Il a expliqué que son équipe de gestion de cas applique de façon très légère cette condition de sa liberté conditionnelle lorsqu’il s’agit de le surveiller au Canada et que, lorsqu’il se trouve à Cuba, il n’a pas à se présenter à qui que ce soit.

 

[47]           Cet argument n’aide pas la cause du demandeur. Le fait que la surveillance dont il fait l’objet lorsqu’il est au Canada soit légère joue en sa faveur en ce sens qu’elle démontre son respect de cette condition, mais elle ne change rien au fait qu’il demeure sous surveillance, ce qui n’est pas le cas lorsqu’il se trouve à l’étranger, ce qui est l’aspect sur lequel le Manuel des politiques insiste. D’ailleurs, la Commission des libérations conditionnelles a besoin de connaître le détail de chaque déplacement effectué.

 

[48]           Deuxièmement, lors des débats, M. Sychuk a souligné qu’on ne lui avait pas accordé la possibilité de faire valoir son point de vue pour répondre aux préoccupations que la Commission ou la Section d’appel pouvaient avoir. Cet argument est sans fondement. L’équité n’exige pas que l’on accorde une audience à l’intéressé (voir l’arrêt Baker, précité, aux paragraphes 33 et 34). Qui plus est, selon le paragraphe 140(1), aucune audience n’est obligatoire dans le cas d’une décision comme celle qui est à l’examen en l’espèce. M. Sychuk était parfaitement au courant de la procédure que la Commission suivrait pour traiter sa demande puisqu’il lui avait adressé à plusieurs reprises le même type de demande.

 

[49]           Le demandeur a eu l’occasion de faire valoir son point de vue et il s’en est prévalu. Il a demandé à son agent de libération conditionnelle d’entreprendre des démarches en ce sens et il lui a fourni les renseignements et les arguments dont son agent de libération conditionnelle s’est servi pour formuler sa recommandation. Je tiens à souligner que toute son argumentation reposait sur la décision de Passeport Canada de révoquer son passeport et sur sa prétention que, s’il n’était pas dispensé de façon permanente de cette condition, il lui serait pratiquement impossible de planifier ses vacances à l’extérieur du Canada et d’obtenir un nouveau passeport en temps utile.

 

[50]           Je ne trouve dans le dossier aucun élément de preuve qui justifie les craintes du demandeur. La preuve permet plutôt de penser le contraire. Dans le passé, la Commission a répondu rapidement à ses demandes de vacances à l’étranger, et ce, en raison de son bon dossier. La Commission a exprimé sa volonté de continuer à donner suite à de telles demandes à condition d’être mise au courant de tous les détails à l’avance. Même avec un effort d’imagination, il est impossible de considérer cette décision comme déraisonnable, compte tenu de la disposition de la Loi obligeant en principe tous les délinquants en liberté conditionnelle de demeurer sous la surveillance de la Commission, des critères établis par le Manuel des politiques, de la situation personnelle du demandeur et du raisonnement qu’il a fait valoir pour obtenir la pleine liberté de se rendre dans les pays qui l’accepteraient peu importe le moment où il souhaiterait le faire et pour la durée qu’il voudrait, et ce, sans aviser qui que ce soit. Après examen du mandat que la loi lui confie ainsi que la situation personnelle du demandeur, y compris la déclaration de culpabilité prononcée contre ce dernier, ni la Commission, ni la Section d’appel n’ont considéré cette demande comme acceptable. C’est la raison pour laquelle la Commission a écrit que, dans ces conditions, elle ne donnerait pas au demandeur carte blanche pour voyager à l’étranger et qu’elle avait besoin dans chaque cas de savoir où il voulait aller, quand, avec qui, pour combien de temps et dans quel but. Or, le demandeur ne m’a pas démontré en quoi la Commission et la Section d’appel avaient commis une erreur en exprimant cet avis. Au contraire, il me semble que la décision qu’elles ont prise est compatible avec le mandat que la loi leur confie, avec l’économie de la Loi et de ses règlements d’application, ainsi qu’avec les lignes directrices applicables en la matière.

 

[51]           M. Sychuk affirme que la Commission a faussé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en tenant compte de « la nature brutale de [son] infraction ». Je ne suis pas de cet avis. Le demandeur interprète ces mots hors de leur contexte. La Commission a employé ces mots dans le contexte de l’absence de surveillance à l’étranger, fait que le demandeur reconnaît et dont il est fait mention dans les lignes directrices.

 

[52]           Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en affirmant que sa demande revenait à lui demander de relâcher sa gestion des risques. Ce commentaire était justifié, parce que, si l’on fait droit à sa demande, il ne fera plus l’objet d’aucune surveillance.

 

[53]           Le demandeur soutient que les auteurs des décisions qui ont été prises à son sujet n’ont tiré aucune conclusion de fait au sujet des risques excessifs qui seraient créés si sa demande était accordée. En toute déférence, je dois dire que M. Sychuk interprète mal les décisions qu’il conteste. La raison précise pour laquelle la Commission et la Section d’appel ont refusé sa demande de suppression totale de la condition l’obligeant à demeurer en tout temps au Canada était qu’elles étaient d’avis qu’il leur fallait tous les détails se rapportant aux déplacements prévus à l’étranger pour pouvoir évaluer les risques que présentait le demandeur, ce qui serait impossible si ce dernier était autorisé à se déplacer à l’extérieur du Canada à son gré. La décision de la Commission qui a été confirmée en appel était raisonnable.

 

[54]           Le demandeur affirme enfin que la Commission et la Section d’appel n’ont pas motivé suffisamment leurs décisions. Je ne suis pas de cet avis. Dans l’arrêt récent Lake c. Canada (Ministre de la Justice), 2008 CSC 23, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la question de la suffisance des motifs. Voici ce que le juge LeBel a écrit pour la Cour, au paragraphe 46 :

 

46     Par ailleurs, je conviens que le ministre est tenu de motiver sa décision, mais ses motifs ne doivent pas être exhaustifs pour être suffisants. Deux objectifs sous‑tendent son obligation : permettre à l’intéressé de comprendre la décision et à la cour de révision d’apprécier le bien‑fondé de celle‑ci. Les motifs doivent clairement indiquer que le ministre a pris en considération les arguments défavorables à l’extradition présentés par l’intéressé et permettre de comprendre pourquoi il les a rejetés. En l’espèce, malgré son caractère succinct,  l’analyse du ministre fondée sur l’arrêt Cotroni  suffisait.  Le ministre n’est pas tenu d’analyser chacun des facteurs dans le détail.  Une justification axée sur les facteurs jugés plus décisifs permet à la cour de révision de statuer sur la raisonnabilité de la conclusion.

 

[55]           Dans l’arrêt VIA Rail Canada Inc. c. Canada (Office national des transports), [2001] 2 C.F. 25, aux paragraphes 21 et 22, la Cour d’appel fédérale a écrit :

 

21     L’obligation de motiver une décision n’est remplie que lorsque les motifs fournis sont suffisants. Ce qui constitue des motifs suffisants est une question qui doit être tranchée en fonction des circonstances de chaque espèce. Toutefois, en règle générale, des motifs sont suffisants lorsqu’ils remplissent les fonctions pour lesquelles l’obligation de motiver a été imposée. Pour reprendre les termes utilisés par mon collègue le juge d’appel Evans [traduction] : «[t]oute tentative pour formuler une norme permettant d’établir le caractère suffisant auquel doit satisfaire un tribunal afin de s’acquitter de son obligation de motiver sa décision doit en fin de compte traduire les fins visées par l’obligation de motiver la décision»7.

22        On ne s’acquitte pas de l’obligation de donner des motifs suffisants en énonçant simplement les observations et les éléments de preuve présentés par les parties, puis en formulant une conclusion8. Le décideur doit plutôt exposer ses conclusions de fait et les principaux éléments de preuve sur lesquels reposent ses conclusions9. Les motifs doivent traiter des principaux points en litige. Il faut y retrouver le raisonnement suivi par le décideur10 et l’examen des facteurs pertinents11.

 

[56]           Une simple lecture de la décision de la Commission et de celle de la Section d’appel démontre que la norme juridique régissant la suffisance de la motivation a été plus que amplement satisfaite en l’espèce. Le demandeur sait pourquoi sa demande a été refusée et la Cour est en mesure d’exercer pleinement sa fonction de contrôle judiciaire. De plus, la Section d’appel a examiné chacun des arguments et a expliqué pourquoi elle les rejetait.

 

[57]           Par souci d’exhaustivité, je tiens à ajouter que, lors des débats, M. Sychuk n’a pas invoqué l’argument, au soutien de sa demande de contrôle, que la décision de la Commission ou celle de la Section d’appel suscitaient une crainte raisonnable de partialité.

 

[58]           Je formule une dernière observation. La demande de suppression permanente de la condition présentée par le demandeur était en fait motivée par la décision de Passeport Canada. Il a d’ailleurs admis volontiers par écrit à son agent de libération conditionnelle que, n’eut été de la décision de Passeport Canada, il n’aurait pas fait cette demande à la Commission. C’est à bon droit que la Commission et la Section d’appel ont déclaré qu’elles refusaient d’édulcorer l’obligation que la loi leur imposait à cause d’une mesure prise par Passeport Canada.

 

[59]           Pour ces motifs, la présente demande est rejetée.

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

 

                                                                                                             « François Lemieux »

                                                                                                ____________________________

                                                                                                                        Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-281-08

 

INTITULÉ :                                       MAURICE J. SYCHUK c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 3 décembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Lemieux

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 30 janvier 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Maurice J. Sychuk

 

LE DEMANDEUR

(AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE)

 

 

Kerry Boyd

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Maurice J. Sychuk

 

LE DEMANDEUR

(AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE)

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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