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Date : 20090203

Dossier : IMM-3675-08

Référence : 2009 CF 114

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 3 février 2009

En présence de madame la juge Gauthier

 

 

ENTRE :

SHOU MIN YAO et JUN YAO

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs, Shou Min Yao et son fils Jun Yao, sollicitent le contrôle judiciaire de la décision par laquelle une agente des visas a exclu Jun Yao de la demande de résidence permanente de son père au motif qu’il ne satisfaisait pas à la définition d’« enfant à charge » prévue à l’article 2 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement). Les demandeurs soutiennent que l’agente des visas a mal interprété le Règlement et qu’elle a manqué à l’obligation d’agir équitablement envers eux.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la Cour convient que cette décision doit être annulée.

 

Contexte

[3]               En janvier 2006, Shou Min Yao a présenté au gouvernement du Québec une demande de résidence permanente au titre du programme des investisseurs. Le 2 mai 2007, le gouvernement du Québec a établi un certificat de sélection au titre de la catégorie A9 relative aux investisseurs en faveur de trois personnes, Shou Min Yao, son épouse Hiumin Liu et son fils Jun Yao. Peu après, celles‑ci ont déposé leur demande de résidence permanente dans la catégorie « immigration économique » au Consulat général du Canada à Hong Kong.

 

[4]               Jun Yao, qui a terminé ses études secondaires de deuxième cycle et obtenu un certificat en gestion des renseignements informatiques à Qingdao, en Chine, étudie au Canada grâce à un visa d’étudiant depuis mars 2002. En décembre 2003, il a eu 22 ans. Il était alors inscrit et suivait des cours au collège de langues de la Immigrant Services Society (ISS) de la Colombie‑Britannique, un établissement d’enseignement accrédité par la Private Career Training Institutions Agency (PCTIA) de la Colombie‑Britannique, dans le programme [traduction] « Apprendre l’anglais dès maintenant », niveau avancé 2, et dans le programme [traduction] « Préparation au TOEFL », niveau 8.

 

[5]               Il a terminé ces programmes le 15 avril 2004. À l’automne 2004, Jun Yao s’est inscrit au programme arts et sciences au Collège Langara, où il a étudié jusqu’en août 2007, obtenant en tout 67 crédits.

 

[6]               Dans une lettre datée du 13 juin 2008, l’agente des visas a informé Shou Min Yao que Jun Yao ne pouvait être inclus dans sa demande à titre de « personne charge » pour les motifs suivants : i) la ISS n’est pas un établissement d’enseignement postsecondaire et les cours auxquels était inscrit Jun Yao pour la période du 24 décembre 2003 au 15 avril 2004 ne constituent pas des « cours de formation générale, théorique ou professionnelle » au sens de l’article 2 du Règlement; ii) pendant la période du 16 avril 2004 jusqu’au 31 août 2004, à tout le moins, Jun Yao n’était inscrit et ne suivait des cours à aucun établissement d’enseignement; et, iii) au semestre de l’automne 2006, Jun Yao n’a terminé qu’un cours de quatre crédits au Collège Langara, de sorte qu’il ne suivait pas des cours à temps plein suivant la définition donnée par le paragraphe 78(1) du Règlement ou par le Collège Langara.

 

[7]               Les demandeurs ont contesté cette décision en invoquant deux moyens principaux : i) l’agente des visas a commis une erreur dans son interprétation du Règlement et dans l’application de celui‑ci aux circonstances particulières de l’espèce, plus particulièrement en ce qui touche le sens à donner à « établissement d’enseignement postsecondaire », « cours de formation générale, théorique ou professionnelle » et « à temps plein »; et ii) l’agente des visas a manqué à son obligation d’agir équitablement envers les demandeurs en ne leur accordant pas une possibilité raisonnable de dissiper ses doutes quant à savoir si Jun Yao pouvait prétendre à la qualité d’enfant à charge et en ne motivant pas adéquatement sa décision.

 

Dispositions pertinentes

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés,  DORS/2002-227

 

2. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

« enfant à charge » L’enfant qui : 

 

     […]

b) d’autre part, remplit l’une des conditions suivantes :

(i) il est âgé de moins de vingt-deux ans et n’est pas un époux ou conjoint de fait,

(ii) il est un étudiant âgé qui n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt-deux ans ou est devenu, avant cet âge, un époux ou conjoint de fait et qui, à la fois :

 

 

(A) n’a pas cessé d’être inscrit à un établissement d’enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et de fréquenter celui‑ci,

(B) y suit activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle,

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227

 

2. The definitions in this section apply in these Regulations.

"dependent child" , in respect of a parent, means a child who 

(b) is in one of the following situations of dependency, namely,

(i) is less than 22 years of age and not a spouse or common-law partner,

(ii) has depended substantially on the financial support of the parent since before the age of 22 — or if the child became a spouse or common-law partner before the age of 22, since becoming a spouse or common-law partner — and, since before the age of 22 or since becoming a spouse or common-law partner, as the case may be, has been a student

(A) continuously enrolled in and attending a post-secondary institution that is accredited by the relevant government authority, and

 

(B) actively pursuing a course of academic, professional or vocational training on a full-time basis, or

 

Analyse

[8]               Il est bien établi en droit que la Cour doit intervenir en cas de manquement à l’équité procédurale, à moins qu’il ne soit absolument clair que la demande de résidence permanente de Jun Yao est vouée à l’échec quel que soit le manquement allégué (Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 55, (2002), 288 N.R. 48, aux paragraphes 5 à 7).

 

[9]               Il n’est pas nécessaire de traiter de la norme de contrôle applicable à la première question soulevée par les demandeurs (voir le paragraphe 7 ci‑dessus) parce que la Cour est convaincue qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale et qu’il n’est pas clair que la décision aurait nécessairement été la même si les demandeurs avaient eu la possibilité de dissiper les doutes soulevées dans la lettre du 13 juin 2008[1].

 

[10]           Le Règlement ne comporte aucune définition ni aucun détail quant à la signification précise d’expressions comme « établissement d’enseignement postsecondaire », « cours de formation générale, théorique ou professionnelle » ou « sui[vre] activement à temps plein des cours ».

 

[11]           Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Sandhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 79, [2002] 3 C.F. 280, au paragraphe 17, les exigences de dépendance prévues à l’article 2 du Règlement à la définition d’« enfant à charge » témoignent de l’importance que notre société et le législateur accordent aux études supérieures. Ces exigences peuvent être appliquées à un certain nombre de différents pays et de systèmes d’éducation. Il est donc normal que la définition d’« enfant à charge » prévue à l’article 2 du Règlement renvoie à des notions qui comportent une certaine souplesse pour que ses objectifs soient atteints. En ce sens, bien qu’il applique des critères objectifs, l’agent jouit d’un certain pouvoir discrétionnaire dans leur application.

 

[12]           Le guide opérationnel (le guide), plus particulièrement le chapitre OP 2, Traitement des demandes présentées par des membres de la catégorie du regroupement familial, fournit, à l’article 14, certaines indications quant aux facteurs dont peut tenir compte l’agent pour déterminer si une personne présentant une demande comme enfant à charge étudie à temps plein. Plus particulièrement, il dresse une liste de questions possibles à poser axées sur le programme auquel est inscrit l’étudiant, le dossier de présence de l’étudiant, et la question de savoir si les études constituent l’activité dominante de la vie de l’étudiant. Il souligne que l’agent doit bien entendu être convaincu que le demandeur suit des cours dans un établissement d’enseignement avec l’intention d’étudier et qu’à cet égard, l’agent peut vérifier les notes obtenues par le demandeur, sa connaissance effective des sujets étudiés, etc.

 

[13]           En ce qui concerne l’« établissement d’enseignement postsecondaire », l’article 14c du chapitre OP 2 commence en énonçant le principe suivant :

Un établissement doit être reconnu par une autorité compétente. Les agents doivent habituellement accepter à titre d’établissement d’enseignement tout établissement reconnu par l’État. Dans les pays dotés d’écoles agréées, les agents peuvent demander la preuve que l’école a un permis ou une reconnaissance de l’État.

 

 

 

[14]           Ce n’est que lorsque qu’il n’y pas de telle reconnaissance par une autorité compétente que les agents devraient examiner le programme officiel offert par l’établissement, les examens qu’il fait passer, les diplômes qu’il accorde, l’objet premier de l’établissement, etc.

 

[15]           L’article 14d du chapitre OP 2 est intitulé comme suit : Établissements qui ne sont pas des « établissements d’enseignement ». Bien que cette notion ne soit pas utilisée dans le Règlement, le chapitre OP 2 semble l’utiliser pour permettre de mieux comprendre ce que constitue un établissement d’enseignement postsecondaire. La politique ne définit pas cette notion. Elle met plutôt l’accent sur les établissements qui ne devraient pas être reconnus comme établissements d’enseignement, par exemple : i) les centres qui offrent une formation en cours d’emploi; ii) les établissements qui n’offrent que des cours par correspondance; iii) les établissements qui inscrivent des étudiants seulement pour leur permettre d’être admissibles comme fils ou fille à charge au titre du règlement canadien sur l’immigration; et, iv) les établissements de formation privés qui offrent des cours spécialisés qui ne mènent pas à l’obtention d’un diplôme ou d’un certificat de formation professionnelle, par exemple, ceux qui offrent des cours tels qu’orientation informatique, formation sur Internet, peinture amateur, sculpture, couture, etc.

 

[16]           S’agissant de la procédure à suivre dans l’évaluation d’une allégation suivant laquelle un enfant à charge est étudiant, l’article 14a du chapitre OP 2 prévoit :

S’il est évident que l’établissement qui a délivré les documents n’est pas un établissement d’enseignement, leur authenticité est peut-être sans importance. Les agents n’ont pas à mentionner la fraude comme motif pour lequel un demandeur n’est pas un fils ou une fille à charge. S’en tenir à la preuve de non-admissibilité de l’établissement. Toutefois, s’il y a une preuve de fraude, les agents doivent le mentionner.

 

Il faut faire part aux demandeurs de tout doute pour qu’ils aient l’occasion de les dissiper. S’il apparaît que les documents sont faux ou que les écoles qu’ils fréquentent ne sont pas des établissements d’enseignement, il faut leur dire pourquoi. On peut le faire par exemple au moment de l’entrevue ou par écrit.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[17]           De plus, à l’article 15 du chapitre OP 2, intitulé « Procédure : Enfants à charge qui sont inadmissibles », il est écrit :

Si, après avoir examiné une demande, un agent croit que les enfants à charge déclarés n’appartiennent pas à la catégorie du regroupement familial décrit au R2, il doit :

 

•      fixer un délai pour que le demandeur fournisse des renseignements supplémentaires concernant les enfants à charge qui sont inadmissibles;

 

•      si, à la fin du délai fixé, l’agent croit encore que l’enfant à charge est inadmissible, il délivre des visas au reste de la famille et envoie une lettre expliquant pourquoi il ne peut délivrer de visa aux membres de la famille qui sont inadmissibles.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[18]           Le contenu de l’obligation d’équité varie selon le contexte. Pour déterminer le contenu de l’obligation d’équité d’un agent des visas dans une situation donnée, la Cour doit normalement appliquer les facteurs exposés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 (l’arrêt Baker).

 

[19]           Les parties n’ont pas soumis à la Cour d’observations détaillées quant à l’analyse de l’arrêt Baker. Elles lui ont plutôt soumis par consentement quatre décisions où l’analyse de l’arrêt Baker a été appliquée à des décisions rendues par des agents des visas dans différents contextes. Aucune de ces décisions s’applique en tout point au présent contexte et aucune d’entre elles ne se prononce sur la qualité d’« enfant à charge » suivant la définition prévue à l’article 2 du Règlement.

 

[20]           La nature de la décision et le processus suivi pour la rendre convergent tous deux vers une obligation plus souple se situant au bas du continuum. En fait, il s’agit d’un processus purement administratif qui ne ressemble pas du tout au processus judiciaire. L’agent applique des critères objectifs, mais, comme il a été mentionné précédemment, il jouit d’un certain pouvoir discrétionnaire résiduel dans leur application. Il n’y a aucune clause privative et la décision est susceptible de contrôle judiciaire sans droit d’appel. Sur ce point, la Cour note que dans l’arrêt Ha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 49, [2004] 3 R.C.F. 195, au paragraphe 55, la Cour d’appel fédérale a déclaré que le droit de demander le contrôle judiciaire n’est pas l’équivalent d’un droit d’appel et qu’en l’absence d’un tel droit, une protection procédurale accrue s’impose.

 

[21]           Pour ce qui est de l’importance de la décision, tout comme de nombreuses autres décisions portant sur l’acquisition du statut de résident permanent, la décision en l’espèce vise l’octroi d’un privilège et non d’un droit. Les demandeurs avaient le fardeau d’établir la qualité d’enfant à charge de Jun Yao. Toutefois, la décision en l’espèce est un peu plus importante qu’une décision visant un étudiant temporaire où le privilège en jeu est simplement le droit de poursuivre ses études au Canada pendant une période limitée et où il est permis de présenter une nouvelle demande un certain nombre de fois, comme dans le cas d’une demande de visa de visiteur. La décision ici en cause concerne le privilège d’immigrer au Canada avec sa famille. Cela dit, ce facteur semble également suggérer qu’une obligation d’équité relativement faible s’applique.

 

[22]           Les demandeurs avaient‑ils des attentes légitimes? Comme le guide peut être consulté sur le site Web de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) et, plus particulièrement, vu que bon nombre des expressions clés utilisées dans les dispositions pertinentes du Règlement ne sont pas définies, il est raisonnable de conclure que les demandeurs avaient les attentes légitimes suivantes, conformément aux articles 14 et 15 du chapitre OP 2 : i) si l’agente avait des réserves quant à l’acceptabilité de tout établissement d’enseignement que Jun Yao avait fréquenté au Canada, elle les en informerait pour qu’ils puissent y répondre; et, ii) avant de rendre une décision définitive selon laquelle Jun Yao ne pouvait prétendre à la qualité d’enfant à charge, l’agente leur donnerait la possibilité de fournir des renseignements supplémentaires dans un délai précis.

 

[23]           Suivant l’arrêt Baker, il faut également tenir compte du fait que CIC a choisi une procédure particulière. La Cour examinera la politique générale décrite dans le guide ainsi que toute explication fournie par l’agent des visas quant aux motifs pour lesquels il n’a pas suivi la politique générale, le respect des principes énoncés dans le guide n’étant pas obligatoire et le décideur ayant toujours le pouvoir discrétionnaire de ne pas les suivre dans certains cas. La Cour devrait se garder d’imposer un degré de formalité procédurale qui nuirait indûment à l’application de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, mais les lignes directrices énoncées dans le guide de CIC sont utiles pour évaluer ce qui rendrait ou ne rendrait pas le système inefficace.

 

[24]           Après avoir évalué tous les facteurs, la Cour est d’avis que l’obligation d’équité de l’agente des visas en l’espèce est minimale. Cependant, malgré la souplesse de l’obligation d’équité à laquelle doit satisfaire l’agente dans la présente affaire, la Cour estime, à l’instar du juge Andrew MacKay dans la décision Mir‑Hussaini c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 291, (2002), 219 F.T.R. 4, au paragraphe 23 (dans un contexte fort semblable à celui en l’espèce), que bien qu’il ne soit nullement tenu de donner au demandeur un compte rendu continu de ses réserves quant à des réponses ou impressions précises qu’il a données, l’agent des visas devrait donner au demandeur la possibilité de se prononcer lorsqu’il se fonde sur ses propres normes ou critères pour interpréter la preuve documentaire soumise en vue de l’application du Règlement.

 

[25]           En l’espèce, cela signifie, par exemple, que, avant de tirer une conclusion fondée sur l’article 78 du Règlement qui, selon ce qui est expressément prévu, s’applique uniquement à la partie du Règlement intitulée « Travailleurs qualifiés (fédéral) », l’agente aurait dû donner aux demandeurs la possibilité de se prononcer relativement à ses doutes selon lesquels Jun Yao n’étudiait pas à temps plein. Le même raisonnement devrait s’appliquer à l’interprétation particulière donnée par l’agente à la politique du Collège Langara, parce que cet établissement offre ses programmes suivant une formule souple à trois semestres plutôt que suivant la formule traditionnelle à deux semestres. La Cour signale toutefois, sur ce point, qu’on ne sait pas très bien si une ambiguïté a été créée par le libellé de la lettre fournie par les demandeurs eux‑mêmes parce qu’il n’y a aucune explication quant à savoir si la définition d’études à temps plein adoptée par le Collège Langara (neufs crédits par semestre) s’applique indépendamment du nombre de semestres pendant lesquels un étudiant a été inscrit au cours d’une année et du fait qu’un programme donné peut exiger de l’étudiant qu’il prenne des cours qui ne sont donnés que certains semestres. De telles difficultés dans l’application des critères énoncés dans la définition d’« enfant à charge » prévue à l’article 2 du Règlement peuvent fort bien expliquer le processus choisi par CIC aux articles 14 et 15 du chapitre OP 2.

 

[26]           De la même manière, l’agente aurait dû exprimer ses doutes relativement aux cours [traduction] « Apprendre l’anglais dès maintenant », et [traduction] « Préparation au TOEFL ». Étonnamment, l’article 14 du chapitre OP 2 ne fait pas expressément mention de tels cours (cours d’anglais langue seconde ou CALS), lesquels sont de toute évidence de nature différente des cours de sculpture, des cours de dessin ou des formations sur Internet (exemples cités au chapitre OP 2). S’il y a quelque doute que ce soit quant à savoir s’il s’agit de « cours de formation générale, théorique ou professionnelle », il faut peut‑être se demander si ces cours font partie d’un plan d’apprentissage ou sont des cours préalables pour qu’un étudiant étranger puisse s’inscrire à un collège ou à une université au Canada. L’application du Règlement dans de tels cas soulève des questions de politique importantes qui devraient être clarifiées parce qu’il semble que cette question soit traitée différemment selon l’agent qui est saisi du dossier. À titre d’exemple, il appert que dans Lee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1012, [2005] 2 R.C.F. 3, au paragraphe 36, question 26 citée dans cette affaire, l’agent des visas a considéré des CALS semblables d’un œil très favorable, notant qu’après avoir pris des CALS, les notes du demandeur avaient augmenté considérablement et que son retour à l’école de langues avait été une décision très judicieuse de sa part.

 

[27]           Cela dit, une autre erreur vicie la présente décision et justifie son annulation. Il s’agit de l’absence de motifs adéquats.

 

[28]           Bien que, comme il a été mentionné précédemment, l’obligation d’équité soit minimale en l’espèce, il ne fait aucun doute que l’agente devait dire aux demandeurs pourquoi elle estimait que Jun Yao n’était pas un enfant à charge, à défaut de quoi ils ne pouvaient exercer correctement leur droit de demander le contrôle judiciaire. De toute évidence, dans la plupart des cas, ces motifs seront brefs et pourront être complétés par les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI)[2]. Quoi qu’il en soit, comme l’a conclu la Cour d’appel fédérale dans Via Rail Canada Inc. c. Lemonde, [2001] 2 C.F. 25, au paragraphe 19 (C.A.), les motifs doivent être suffisants pour permettre aux parties d’évaluer les moyens de contrôle judiciaire possibles et pour permettre à la Cour de déterminer si le décideur a commis une erreur.

 

[29]           Lorsque les parties ont débattu devant la Cour du fond de la décision elle‑même, elles l’ont fait sous des angles très différents. Par exemple, les demandeurs ont mis l’accent sur l’accréditation de la ISS par le PCTIA (l’organisme qui a succédé à la Private Post-Secondary Education Commission de la Colombie‑Britannique) alors que le défendeur a défendu la décision prise en invoquant l’absence de preuve fournie quant au programme éducatif de la ISS et la nécessité de produire d’autres documents lorsque l’établissement d’enseignement n’est pas accrédité par une autorité compétente et que l’agent cherche une autre façon de déterminer si les conditions requises sont remplies.

 

[30]           Il est devenu très clair que la Cour devrait se livrer à des conjectures pour déterminer pourquoi l’agente a conclu que la ISS n’était pas un établissement d’enseignement postsecondaire. Il en va de même en ce qui concerne la question de savoir si les cours [traduction] « Apprendre l’anglais dès maintenant » et [traduction] « Préparation au TOEFL » tombaient ou non sous le coup de la division b)(ii)(B) de la définition d’« enfant à charge » prévue à l’article 2 du Règlement.

 

[31]           Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que la décision n’était pas suffisamment justifiée.

 

[32]           Les parties n’ont pas soumis de question à certifier et la Cour est convaincue que la présente affaire repose sur les faits qui lui sont propres. Aucune question ne sera certifiée.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE : La demande est accueillie. La décision datée du 13 juin 2008 est annulée. Un autre agent doit statuer à nouveau sur la présente affaire et doit donner aux demandeurs la possibilité de soumettre des documents supplémentaires ou leur accorder une entrevue.

 

 

 

« Johanne Gauthier »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3675-08

 

INTITULÉ :                                       SHOU MIN YAO ET JUN YAO c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 14 janvier 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE GAUTHIER

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 3 février 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Dean D. Pietrantonio

Avocat

 

POUR LE DEMANDEUR

Esta Resnick

Ministère de la Justice

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Dean D. Pietrantonio

Avocat

1130, rue Pender Ouest, bureau 550

Vancouver (Colombie‑Britannique)  V6E 4A4

Fax : 604‑331‑8573

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Esta Resnick

Ministère de la Justice

840, rue Howe, bureau 900

Vancouver (Colombie‑Britannique)  V6Z 2S9

Fax : 604‑666‑2639

POUR LE DÉFENDEUR

 

 



[1] La lettre du 17 juillet 2008 (pièce E, affidavit de Jun Yao) ne semble pas réellement traiter de ces doutes et, quoi qu’il en soit, la Cour n’en a pas tenu compte pour trancher la présente demande sur le fond, parce que, comme l’a affirmé le défendeur, il s’agit d’une preuve dont ne disposait pas le décideur lorsque la décision contestée a été rendue.

[2] En l’espèce, les notes du STIDI n’ajoutent rien à la lettre envoyée aux demandeurs. Cependant, le défendeur a fait référence dans son mémoire à un passage écrit le 15 mai 2008 par un agent des visas (on ne sait pas s’il s’agissait du décideur) qui a procédé au premier examen de la demande : [traduction] « Les CALS ou les cours de préparation au TOEFL ne sont pas des cours donnés par un établissement d’enseignement postsecondaire. Le fils ne peut satisfaire à la définition prévue à l’alinéa 2b) du Règlement parce que ses programmes ne satisfont pas à la définition d’études postsecondaires. » Si cette note ambiguë fait partie du raisonnement du décideur, elle semble mélanger deux choses très différentes, c’est‑à‑dire le type de cours exigé à la division b)(ii)(B) de la définition d’« enfant à charge » prévue à l’article 2 du Règlement et la définition de l’expression « établissement d’enseignement postsecondaire » contenue à la division b)(ii)(A) de cette même définition.

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