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Date : 20090210

Dossier : IMM-2621-08

Référence : 2009 CF 127

Ottawa (Ontario), le 10 février 2009

En présence de monsieur le juge Frenette

ENTRE :

ABDUL SATTAR QURBANI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), de la décision rendue par un agent des visas le 8 avril 2008 par lequel celui‑ci a rejeté la demande de résidence permanente présentée à l’étranger par le demandeur à titre de réfugié au sens de la Convention pouvant être admis pour des considérations humanitaires.

 

 

Les faits

[2]               Le demandeur, Abdul Sattar Qurbani, son épouse et leurs trois enfants, des citoyens afghans, se sont enfuis au Pakistan en mars 1998 après que le frère du demandeur principal fut enlevé et que sa maison fut pillée par les Talibans. Ils vivent depuis lors à Rawalpindi (Pakistan). Ils appartiennent au groupe ethnique et religieux Hazara Shia Ismaili.

 

[3]               En 2006, les demandeurs ont demandé des visas de résident permanent au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières et de la catégorie des personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières au Haut-Commissariat du Canada à Islamabad (Pakistan). Tel qu’il est exigé, leur demande a été soumise conjointement avec un engagement de parrainage de la part d’un détenteur d’une entente de parrainage.

 

[4]               Le 26 février 2008, l’agent des visas a interrogé le demandeur et son épouse par l’intermédiaire d’un interprète dari‑anglais. Le 8 avril 2008, l’agent des visas a écrit au demandeur principal pour l’informer que la demande de visas de résident permanent au Canada présentée par sa famille au titre de membres des catégories susmentionnées a été rejetée.

 

[5]               L’agent des visas n’a pas été convaincu que le demandeur était toujours sérieusement et personnellement touché par la situation en Afghanistan, son pays d’origine, car les motifs qu’il a invoqués pour ne pas y retourner étaient principalement de nature économique et car il n’a fait état d’aucun danger particulier ni d’aucune crainte particulière qui l’empêchait de retourner.

 

[6]               De plus, l’agent a souligné qu’il y avait des risques au Pakistan, là où ils vivaient. Il a également souligné que Kaboul est actuellement (2008) contrôlée par le gouvernement et qu’elle est relativement stable et que la situation des demandeurs n’était pas différente de celle des autres Hazaras qui se trouvent dans la même situation et que la situation en Afghanistan ne continue pas d’avoir des conséquences graves et personnelles pour eux et, par conséquent, il a rejeté leur demande.

 

[7]               La question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est la suivante : l’agent des visas a‑t‑il commis une erreur en concluant que les demandeurs n’étaient pas admissibles à recevoir des visas de résident permanent canadiens à titre de membres de la catégorie de personnes de pays d’accueil?

 

La norme de contrôle

[8]               La détermination de la norme de contrôle applicable à la question de savoir si les demandeurs satisfont ou non aux exigences générales quant aux visas de résident permanent à titre de membres de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières et de la catégorie des personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières exige une appréciation du contexte factuel eu égard aux conditions préalables exigées pour l’obtention d’un visa énoncées au paragraphe 139(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement). C’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique à la présente situation (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190; Kamara c. Canada (M.C.I.), 2008 CF 785, [2008] A.C.F. no 986 (QL); Nasir c. Canada (M.C.I.), 2008 CF 504, [2008] A.C.F no 634 (QL)).

 

[9]               Les dispositions pertinentes du Règlement sont ainsi libellées :

  139. (1) Un visa de résident permanent est délivré à l’étranger qui a besoin de protection et aux membres de sa famille qui l’accompagnent si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

  [. . .]

  d) aucune possibilité raisonnable de solution durable n’est, à son égard, réalisable dans un délai raisonnable dans un pays autre que le Canada, à savoir :

 

(i)                  soit le rapatriement volontaire ou la réinstallation dans le pays dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle,

 

(ii)                soit la réinstallation ou une offre de réinstallation dans un autre pays;

 

  139. (1) A permanent resident visa shall be issued to a foreign national in need of refugee protection, and their accompanying family members, if following an examination it is established that

  [. . .]

  (d) the foreign national is a person in respect of whom there is no reasonable prospect, within a reasonable period, of a durable solution in a country other than Canada, namely

(i)                  voluntary repatriation or resettlement in their country of nationality or habitual residence, or

 

(ii)                resettlement or an offer of resettlement in another country;

 

 

 

  144. La catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent obtenir un visa de résident permanent sur le fondement des exigences prévues à la présente section.

 

  145. Est un réfugié au sens de la Convention outre-frontières et appartient à la catégorie des réfugiés au sens de cette convention l’étranger à qui un agent a reconnu la qualité de réfugié alors qu’il se trouvait hors du Canada.

 

  146. (1) Pour l’application du paragraphe 12(3) de la Loi, la personne dans une situation semblable à celle d’un réfugié au sens de la Convention appartient à l’une des catégories de personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières suivantes :

a)      la catégorie de personnes de pays d’accueil;

b)      la catégorie de personnes de pays source.

 

  (2) Les catégories de personnes de pays d’accueil et de personnes de pays source sont des catégories réglementaires de personnes qui peuvent obtenir un visa de résident permanent sur le fondement des exigences prévues à la présente section.

 

  147. Appartient à la catégorie de personnes de pays d’accueil l’étranger considéré par un agent comme ayant besoin de se réinstaller en raison des circonstances suivantes :

a)      il se trouve hors de tout pays dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle;

b)      une guerre civile, un conflit armé ou une violation massive des droits de la personne dans chacun des pays en cause ont eu et continuent d’avoir des conséquences graves et personnelles pour lui.

 

  144. The Convention refugees abroad class is prescribed as a class of persons who may be issued a permanent resident visa on the basis of the requirements of this Division.

 

 

  145. A foreign national is a Convention refugee abroad and a member of the Convention refugees abroad class if the foreign national has been determined, outside Canada, by an officer to be a Convention refugee.

 

  146. (1) For the purposes of subsection 12(3) of the Act, a person in similar circumstances to those of a Convention refugee is a member of one of the following humanitarian-protected persons abroad classes:

(a)   the country of asylum class; or

(b)   the source country class.

 

  (2) The country of asylum class and the source country class are prescribed as classes of persons who may be issued permanent resident visas on the basis of the requirements of this Division.

 

 

 

 

 

  147. A foreign national is a member of the country of asylum class if they have been determined by an officer to be in need of resettlement because

(a)   they are outside all of their countries of nationality and habitual residence; and

(b)   they have been, and continue to be, seriously and personally affected by civil war, armed conflict or massive violation of human rights in each of those countries.

 

 

 

[10]           La catégorie des « réfugiés au sens de la Convention outre-frontières » est régie par les articles 144 et 145 du Règlement et la catégorie de « personnes protégées à titre humanitaire outre‑frontières » est régie par l’article 146 du Règlement.

 

[11]           En vertu de l’alinéa 146(1)a), la « catégorie de personnes de pays d’accueil » est une catégorie de personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières. L’article 147 prévoit qu’appartient à la catégorie de personnes de pays d’accueil l’étranger considéré comme ayant besoin de se réinstaller parce qu’il se trouve hors de tout pays dont il a la nationalité et qu’« une guerre civile, un conflit armé ou une violation massive des droits de la personne ont eu et continuent d’avoir des conséquences graves et personnelles pour lui ».

 

[12]           Par conséquent, pour que leurs demandes aient été acceptées, les demandeurs devaient établir qu’ils étaient des membres de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières ou de la catégorie de personnes de pays d’accueil et qu’ils ne disposaient d’aucune solution durable réalisable dans un pays autre que le Canada. Les « solutions durables » envisagées par le Règlement sont (i) soit le rapatriement volontaire ou la réinstallation dans le pays dont l’étranger a la nationalité, (ii) soit la réinstallation dans un autre pays (alinéa 139(1)d)).

 

[13]           Le demandeur prétend que l’agent a commis une erreur en tenant compte de faits non pertinents. Il souligne que l’agent a commis une autre erreur en inférant que la situation n’avait plus de conséquences graves et personnelles pour le demandeur parce que la situation était relativement stable en Afghanistan.

 

[14]           Compte tenu, toutefois, que le demandeur a mentionné qu’il ne pouvait pas retourner à Kaboul en raison de l’instabilité qui y règne, je conclus qu’il n’était que raisonnable que l’agent tienne compte du fait que le demandeur réside actuellement à Rawalpindi qui est aux prises avec le désordre et où il y a récemment eu des attentats à la bombe.

 

[15]           En lisant la preuve, je conclus, comme le défendeur l’a prétendu et comme l’agent l’a souligné, que la principale raison pour laquelle les demandeurs ne voulaient pas retourner reposait sur le fait qu’ils étaient [traduction] « de Taimani, un secteur de la ville de Kaboul ». Pourtant, comme l’a conclu l’agent, [traduction] « Kaboul est à nouveau sous le contrôle du gouvernement et les Talibans sont partis depuis un certain temps » et malgré l’instabilité antérieure, [traduction] « Kaboul est maintenant relativement stable […] ».

 

[16]           Même si le demandeur affirme que la relative stabilité ne donne pas à penser qu’il serait capable de retourner sans aucun problème, ce n’est pas la question dont l’agent était saisi. L’agent a clairement conclu, en conformité avec le Règlement, que la situation à Kaboul avait beaucoup changé et qu’elle ne comportait plus de conséquences graves et personnelles pour le demandeur et, ainsi, il pourrait être admissible à titre de membre de la catégorie de personnes de pays d’accueil. L’agent a personnellement vérifié la situation qui règne à Kaboul alors que ce sont des opinions que le demandeur a émises sur cette question.

 

[17]           La catégorie de personnes de pays d’accueil est une des catégories de réfugié en vertu de laquelle des étrangers peuvent présenter une demande d’admission au Canada. C’est l’une des deux « catégories de personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières ». L’article 6.9 du chapitre OP 5 du Guide de l’immigration définit l’article 147 du Règlement et mentionne que l’expression « conséquences graves et personnelles » désigne « la violation systématique d’un droit ». Ce n’est pas parce qu’une personne est économiquement faible qu’elle est admissible à la protection internationale du Canada à titre de membre de la catégorie des réfugiés (Mansoori c. Canada (M.C.I.), 2003 CFPI 559, [2003] A.C.F no 709 (QL); Salimi c. Canada (M.C.I.), 2007 CF 872, [2007] A.C.F no 1126 (QL)).

 

[18]           En outre, compte tenu du cadre législatif, c’est au demandeur qu’incombe le fardeau de la preuve. Le demandeur devait établir qu’« aucune possibilité raisonnable de solution durable n’[était], à son égard, réalisable dans un délai raisonnable dans un pays autre que le Canada ». Comme il n’a fait état d’aucun danger ou d’aucune crainte particulière qui l’empêcherait de retourner, le demandeur n’a tout simplement pas convenablement étayé sa prétention.

 

[19]           Le demandeur affirme que l’agent n’aurait pas dû examiner la situation des autres Hazaras en Afghanistan. Même si la crainte généralisée ne fait pas partie de la définition mentionnée à l’article 147 du Règlement, elle est pertinente lorsqu’il s’agit de statuer sur une demande présentée au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention se trouvant à l’étranger. Sur cette question, je suis une fois de plus d’accord avec le défendeur. La situation des personnes qui se trouvent dans la même situation que le demandeur est pertinente lorsqu’il est question de décider si celui‑ci pourrait retourner en Afghanistan et s’y établir, compte tenu, notamment, qu’il n’a fait état d’aucun danger ni d’aucune crainte auxquels il serait particulièrement exposé contrairement aux autres personnes qui ont pu retourner et qui ont pu s’établir de nouveau à Kaboul.

 

[20]           Dans Qarizada et al. c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 1310, [2008] A.C.F. no 1662 (QL), une décision récente rendue par le juge Richard G. Mosley, les faits ressemblaient quelque peu aux faits en l’espèce. Les demandeurs étaient citoyens de l’Afghanistan, mais ils résidaient à Peshawar (Pakistan) et ils craignaient de retourner dans leur pays. Leur demande de résidence permanente au Canada à titre de réfugiés au sens de la Convention a été rejetée. Le juge Mosley a rejeté la demande de contrôle judiciaire en affirmant ce qui suit, au paragraphe 28 :

[…] Il ne s’agit pas d’une affaire dans laquelle les demandeurs soutenaient que la situation en Afghanistan était telle qu’ils ne pouvaient pas trouver de solution viable dans une quelconque région du pays s’ils devaient y être rapatriés.

 

 

 

[21]           Selon moi, ce raisonnement s’applique aux faits de l’espèce.

 

[22]           Les demandeurs ont invoqué une autre décision récente, laquelle fut rendue par le juge Leonard S. Mandamin dans Nasir, précitée. Dans cette affaire, les demandeurs, en 1997, avaient fui l’Afghanistan pour se rendre au Pakistan afin d’éviter la guerre civile. Cette affaire ne ressemble pas du tout à la présente affaire parce que la demande a été accueillie pour des motifs très différents des motifs en l’espèce, c’est‑à-dire l’inadmissibilité à devenir citoyen du Canada en raison d’un degré peu élevé de scolarité et d’une faible connaissance de l’anglais.

 

[23]           Compte tenu de ce qui précède, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 


 

JUGEMENT

 

 

 

            La Cour ordonne que la demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par un agent des visas le 8 avril 2008 par laquelle celui‑ci a rejeté la demande de résidence permanente présentée à l’étranger par le demandeur à titre de réfugié au sens de la Convention pouvant être admis pour des considérations humanitaires soit rejetée.

 

            Aucune question n’est certifiée.

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2621-08

 

INTITULÉ :                                       ABDUL SATTAR QURBANI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 14 janvier 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SUPPLÉANT FRENETTE

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 10 février 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Krassina Kostadinov                                                    POUR LE DEMANDEUR

 

Sharon Stewart Guthrie                                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates                                                POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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