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Date : 20090317

Dossier : T-1290-08

Référence : 2009 CF 273

ACTION RÉELLE EN MATIÈRE D’AMIRAUTÉ

ENTRE :

DRAGAGE VERREAULT INC.

demanderesse

et

 

LE NAVIRE M/V ATCHAFALAYA

et

SES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES

AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT

SUR LE NAVIRE ATCHAFALAYA

défendeurs

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

[1]               Il s’agit en l’espèce d’une requête des défendeurs – et par Proteus Co. qui se déclare propriétaire du navire en litige – en vertu de la règle 221 des Règles des Cours fédérales (les règles) dirigée à l’encontre de la déclaration d’action in rem et la saisie du navire pour laquelle ils demandent la mainlevée de cette saisie.

[2]               Suivant les défendeurs (ci-après Proteus, laquelle se voit autorisée à intervenir pour faire valoir ses prétentions), il ne s’aurait y avoir ici une cause d’action in rem contre le navire, soit la drague « M/V Atchafalaya » (la drague Atchafalaya), qui est depuis le 20 décembre 2008 sous arrêt, puisque l’on ne peut retenir du dossier une responsabilité personnelle (ou in personam) à l’égard de Proteus. N’ayant pas un tel lien de responsabilité personnelle, il ne s’aurait y avoir de cause d’action in rem contre la drague Atchafalaya qui serait, selon Proteus, sa propriété.

[3]               On doit noter que la déclaration d’action est dans son entier une déclaration in rem et que s’il doit y avoir radiation, c’est celle-ci en entier qui sera radiée.

Contexte

[4]               Certains faits plus particuliers pourront se greffer à la partie Analyse ci-dessous mais pour les fins d’un contexte essentiel, on peut rappeler ce qui suit.

[5]               Une compagnie du nom de Mines Seleine, une division de la Société canadienne de Sel Limitée (ci-après Seleine), est propriétaire et opérateur d’une mine de sel aux Îles-de-la-Madeleine, province de Québec. Le sel provenant de cette mine est expédié par navire depuis le port de Grande-Entrée aux Îles-de-la-Madeleine.

[6]               Pour se rendre au port de Grande-Entrée, les navires doivent emprunter un chenal d’environ 10 000 mètres de long.

[7]               Ce chenal doit être maintenu à une certaine profondeur et au mois de septembre 2007, Seleine lança un appel d’offres pour que le dragage nécessaire soit effectué pendant l’été 2008.

[8]               La demanderesse (ci-après Dragage Verreault) déposa une soumission, laquelle fut acceptée éventuellement par Seleine et un contrat intervint entre elles le 22 juillet 2008 (le Contrat principal). Le contrat prévoyait que tous les travaux sous-contractés à la corporation B+B Dredging Company (ci-après B+B) devraient être terminés au plus tard le 31 octobre 2008.

[9]               La soumission de Dragage Verreault prévoyait l’utilisation de sa propre drague du nom de Port Méchins et de la drague Atchafalaya.

[10]           En effet, la Port Méchins ne pouvait effectuer qu’environ 10% du dragage puisqu’à la même époque, elle devait effectuer des travaux de dragage ailleurs, soit dans le chenal de la Traverse nord, situé en aval de l’Île d’Orléans, pour le compte de Travaux publics et Services gouvernementaux du Canada.

[11]           Dragage Verreault s’était déjà assurée de la disponibilité de la drague Atchafalaya en signant une entente préliminaire le 4 octobre 2007 avec B+B (l’Entente préliminaire de 2007).

[12]           Cette Entente préliminaire de 2007 prévoyait entre autres que B+B fournirait un cautionnement d’exécution pour un montant minimal de 2 000 000,00 $, somme qui correspondait approximativement au coût des travaux à être effectués par B+B.

[13]           Après avoir obtenu le Contrat principal, Dragage Verreault signait le 23 juillet 2008 un contrat par lequel elle sous-traitait à B+B le dragage d’une quantité certaine de matériaux (le Sous-contrat).

[14]           Il est à noter que ce Sous-contrat (qui se trouve reproduit aux pages 76 à 82 du dossier de requête de Proteus déposé le 16 février 2009 (le dossier I de Proteus)) se réfère à deux annexes, soit les annexes A et B, via les clauses 1 et 10 à 12 de ce Sous-contrat qui se lisent :

1.       B+B undertakes to execute part of the dredging works based on cubic meters, and the fees for its work will be calculated and determined according to the quotation already furnished on the third of October 2007, attached hereto (APPENDIX A), which constitutes integral part of the present (…);

10.     B+B undertook, in virtue of the previous agreement signed last October between the parties, to provide Verreault with proof of a surety bond for its entire share of works, upon the signature of the present;

11.     For administrative reasons, B+B is not able for the time being to furnish and provide Verreault with such surety bond;

12.     Verreault following banking confirmations, accepts the personal guarantee of Mr. Witt Barlow, sole owner of B+B, to guarantee the obligations of B+B contained in the present and also the completion by B+B of its share of works, such personal guarantee is attached hereto (APPENDIX B) and constitutes integral part of the present;

[Je souligne.]

[15]           Ladite annexe A qui se trouve donc être une quotation de B+B fournie à Dragage Verreault le 3 octobre 2007 contient la clause suivante :

Our pricing is based on the information provided and:

(…)

3.       Utilizing our Hopper Dredge “Atchafalaya”.

[16]           Quant à l’annexe B, elle constitue une garantie d’exécution personnelle de M. Barlow et se lit comme suit :

APPENDIX B

TO SUBCONTRACTING AGREEMENT DATED 23TH DAY OF JULY 2008, (Dragage d’entretien du chenal de navigation à Grande-Entrée aux Îles-de-la-Madeleine (Québec), Canada)

PERSONAL GUARANTY OF PERFORMANCE

The undersigned, Witt Barlow (« Guarantor »), acknowledges that it will be to his direct financial interest and benefit that the performance of the work to be accomplished pursuant to the attached Subcontracting Agreement by and between Dragage Verreault, Inc. and B+B Dredging Company be completed in accordance with the terms contained therein. Further, Guarantor hereby acknowledges that this Guaranty is required by Verreault, as a condition precedent and material inducement to enter into the attached Subcontract.

Now therefore, for and in consideration of the execution of the foregoing Subcontract by Verrault, Guarantor hereby unconditionally and irrevocably personally guarantees the prompt performance by B+B, with whom, the Guarantor will be solidary liable toward Dragage Verrault, of all of the convenants, undertakings, terms and conditions of B+B to be kept and performed by B+B.

The present surety ship is, like the subcontract subject to the applicable laws in the Province of Quebec, and any litigation will have to be submit [sic] to a judicial court of the District of Quebec City.

The Guarantor, by the present, renonces to the benefit of discussion and division.

AND THE GUARANTOR HAS SIGNED:

AT CHICAGO, IL.

On this 23 day of July, 2008

(signed)

Witt Barlow

[17]           Dans une déclaration d’action in rem amendée déposée le 19 décembre 2008 au présent dossier de Cour (puis ré-amendée en dernier lieu le 11 février 2009), Dragage Verreault reproche à B+B divers manquements au Sous-contrat. Ces manquements, dont un fort retard à amener la drague Atchafalaya sur les lieux du Sous-contrat, auraient entraîné Dragage Verreault, en retour, à manquer à ses obligations dans le cadre du Contrat principal, ce qui amène Seleine à rechercher Dragage Verreault pour plusieurs millions de dollars. La déclaration d’action présente de Dragage Verreault se chiffre à 7 794 402,00 $.

Analyse

[18]           Si le 20 décembre 2008, Dragage Verreault a procédé à l’arrêt de la drague Atchafalaya, c’est que Dragage Verreault via sa présidente, Mme Claudette Verreault, qui a souscrit deux affidavits, soit un en date du 19 février 2009 (l’affidavit Verreault I) et un autre en date du 23 février 2009 (l’affidavit Verreault II), soutient comme prémisse centrale qu’en tout temps pertinent, M. DeWitt Dukes Barlow, III (ci-après M. Barlow) a « (…) constamment représenté qu’il agissait à titre de ou pour les propriétaires de la Drague « Atchafalaya » ».

[19]           Est-il clair et évident à ce stade-ci, soit dans le cadre d’une requête en radiation, qu’une telle lecture n’est pas fondée?

[20]           Si tel n’est pas le cas, la requête de Proteus ne pourra être accordée, quitte à ce que la Cour au mérite tire sur une base de prépondérance de la preuve une conclusion différente, y inclus l’affirmation centrale de Proteus à l’effet que Mme Verreault s’est simplement bornée à vouloir bien croire que B+B était propriétaire de la drague sans jamais toutefois poser de questions spécifiques à ce sujet ou sans jamais recevoir une telle affirmation de M. Barlow.

[21]           Quant aux critères en matière de radiation, l’extrait suivant de l’arrêt Hodgson et al. v. Ermineskin Indian Band et al. (2000), 180 F.T.R. 285, page 289 (confirmé en appel : 267 N.R. 143; autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada refusée : 276 N.R. 193) établit qu’une approche soulevant une question de juridiction ou d’absence de cause d’action sous l’alinéa 221(1)a) des règles se doit d’être claire et évidente pour que la Cour l’accueille. Cet extrait rappelle également que sous l’aspect de juridiction, des éléments de preuve sont admissibles.

[9]          I agree that a motion to strike under rule 221(1)(a) [previously rule 419(1)(a)] on the ground that the Court lacks jurisdiction is different from other motions to strike under that subrule. In the case of a motion to strike because of lack of jurisdiction, an applicant may adduce evidence to support the claimed lack of jurisdiction. In other cases, an applicant must accept everything that is pleaded as being true (see MIL Davie Inc. v. Société d’exploitation et de développement d’Hibernie ltée (1998), 226 N.R. 369 (F.C.A.), discussed in Sgayias, Kinnear, Rennie, Saunders, Federal Court Practice 2000, at pages 506-507).

[10]        [...] The “plain and obvious” test applies to the striking out of pleadings for lack of jurisdiction in the same manner as it applies to the striking out of any pleading on the ground that it evinces no reasonable cause of action. The lack of jurisdiction must be “plain and obvious” to justify a striking out of pleadings at this preliminary stage.

[Je souligne.]

(Voir également la décision de la Cour fédérale du 4 décembre 2007 dans l’arrêt Kremikovski Trade v. Phoenix Bulk Carriers Limited (The M/V SWIFT FORTUNE) 2007 FCA 381, paragraphe [33], pour une application de l’arrêt Hodgson, supra, en matière de juridiction in rem de notre Cour.)

[22]           Par ailleurs, les parties ne contestent pas l’état du droit en notre Cour quant à la nécessité d’une responsabilité personnelle des propriétaires d’un navire pour qu’une action in rem puisse être entreprise contre ce navire.

[23]           Cet état du droit ressort clairement des extraits suivants tirés de la décision du 18 mai 2007 de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Maritima de Ecologica, S.A. de C.V. v. Maersk Defender (Ship) 2007 FCA 194, aux paragraphes 32 à 36 :

[32]      In any event, the fact that the beneficial ownership of the ship may have been the same at the two relevant dates is not sufficient to confer in rem jurisdiction on the Federal Court. The law is clear that the Court’s jurisdiction in rem can only be exercised against a ship where there is in personam liability on the part of its owner. In other words, unless the owner’s liability is engaged, the Federal Court’s in personam jurisdiction under section 22 and subsection 43(1) of the Act cannot be exercised in rem against the ship.

[33]      That view was enunciated by Collier J. in Westcan Stevedoring Ltd. v. Armar (The), [1973] F.C. 1232 (F.C.T.D.), where the learned Judge explained that it was not permissible for the Court to exercise in rem jurisdiction under 43(2) against a vessel whose owner had no personal liability towards the claimant. In the Judge’s opinion, it was the owner’s in personam liability which allowed the Court to exercise its jurisdiction in rem against the ship.

[34]      More recently, that point of view was reaffirmed by this Court in Feoso Oil Ltd. v. Ship “Sarla” (1995), 184 N.R. 307. At issue in Feoso Oil, supra, was whether the owners of the ship were entitled to a summary judgment dismissing the action brought against them in rem by the supplier of unpaid bunkers. The shipowners argued that as there was no privity of contract between them and the supplier, the Court’s jurisdiction could not be exercised in rem against their vessel.

[35]      In concluding that there was a “genuine issue” of fact which only a trial could resolve and, hence, dismissing the shipowners’ motion for summary judgment, the Court made it clear that its jurisdiction under paragraph 22(2)(m) of the Act, i.e. “any claim in respect of goods, materials or services wherever supplied to a ship for the operation or maintenance of the ship, including, without restricting the generality of the foregoing, claims in respect of stevedoring and lighterage”, could not be exercised in rem unless there was liability on the part of the ship’s owners. At paragraphs 10 and 11 of his Reasons for the Court, Stone J.A. explained the principle in the following terms:

[10]      Although the issue in this appeal goes to the correctness of the order, it is important to understand the principles of Admiralty law upon which the case and its merits must ultimately turn. According to the appellant, the bunkers in question were supplied to the defendant Ship upon a request made by or on behalf of owners and therefore that the appellant is entitled to proceed by way of this action in rem. The court’s jurisdiction over such a claim is conferred by s. 22(2)(m) of the Federal Court Act, which reads:

(m) Any claim in respect of goods, materials or services wherever supplied to a ship for the operation or maintenance of the ship, including, without restricting the generality of the foregoing, claims in respect of stevedoring and lighterage;

The goods and services of the kind referred to in this paragraph are sometimes described as “necessaries”, a term which appeared in former enactments of the United Kingdom. By virtue of subsections 43(2) and (3) of the Act, the jurisdiction conferred by s. 22(2)(m) shall not be exercised in rem:

… unless, at the time of the commencement of the action, the ship, aircraft or other property that is the subject of the action is beneficially owned by the person who was the beneficial owner at the time when the cause of action arose.

[11]         What is clear from these provisions is that the right to proceed in rem for a claim falling within paragraph 22(2)(m) [NOTE: the same goes with respect to a claim falling within paragraph 22(2)(i)] exists only if at the time the action is commenced the ship is beneficially owned by the person who was the beneficial owner at the time the cause of action arose. (see Mount Royal/Walsh Inc. v. Ship Jensen Star et al., [1990] F.C. 199; 99 N.R. 42 (F.C.A.)). There is further refinement. It is well established that the fact that beneficial ownership has not changed since the necessaries were supplied is not in itself sufficient to support a statutory right in rem. The cases are all to the same effect, that it is only where the owners of a ship have incurred a debt for necessaries supplied that the creditor acquires a right to proceed in rem against their ship. Thus, in Ship Tolla, Re. [1921] P. 22, a claim for necessaries was asserted in an action in rem for expenses incurred at the request of the master while the ship was under a time charter. At page 24, Hill J. stated the applicable principle as follows:

Unless there is a liability on the part of the owners there cannot be a remedy in rem against the ship.

(See also e.g. Westcan Stevedoring Ltd. v. Ship Armar, [1973] F.C. 1232 (T.D.) and the Jensen Star, supra) In the case at bar, unless it be exceptional, application of the above principle will mean that the appellant could not sustain an action in rem in the absence of proof that the bunkers were supplied to the defendant Ship at the request of owners or by someone acting on their behalf and in a position to bind them.

[Emphasis added]

[36]      On the basis of these authorities, I must conclude that the Court could not exercise in rem jurisdiction against the vessel. The only claim asserted by the appellant is that which is being asserted in the London Arbitration against Atlantic and in respect of which the appellant has commenced actions in the Federal Court in order to obtain interim protection. As I have already made clear, Atlantic is not and has never been the owner of the MAERSK DEFENDER. Consequently, whatever the validity of the appellant’s claim against Atlantic, the MAERSK DEFENDER cannot be arrested in respect of that claim. At all material times herein, the vessel was owned by A.P. Moller-Maersk A/S and the respondent Pacific. The appellant has not commenced any proceedings, nor has it sought any remedies, against these parties. Consequently, it is my view that there is simply no basis, on the facts before us, which would allow the Court to exercise in rem jurisdiction against the vessel.

[24]           Dans le cas qui nous occupe, M. Barlow dans un affidavit daté du 13 février 2009 (l’affidavit Barlow I) vient décrire essentiellement aux paragraphes 1 à 9 une dynamique quant aux rôles différents de B+B et de Proteus à l’égard de la drague Atchafalaya. Ces paragraphes, sans les pièces auxquelles ils réfèrent, se lisent :

1.             I am the President of B+B Dredging Company (“B+B”) and Proteus Co., and as such have personal knowledge of the matters deposed to herein except where knowledge is obtained by way of information and belief in which case I have stated the source of the information and my belief in the truth of such information;

2.             Both Proteus Co. and B+B were incorporated under the laws of Illinois, United States of America on November 21st, 1996 and on November 27, 1006 [sic], respectively. A true copy of their respective Certificates of Incorporation is attached to my Affidavit as Exhibit “A”;

3.             Proteus Co. carries on business of equipment rental and B+B carries on business as a dredger from their head office located in Chicago, Illinois;

4.             I am the sole shareholder of B+B; A true copy of the B+B share register is attached to my Affidavit as Exhibit “B”;

5.             I own 75% of the shares in Proteus Co. and Matthew McCleery of Gilford, Connecticut, owns 25% of the shareholdings in Proteus Co. A true copy of the Proteus Co. shareholder register dated December 19, 2008 is attached to my Affidavit as Exhibit “C”;

6.             Proteus Co. is the sole owner of the M/V “Atchafalaya” (the “Vessel”). A true copy of the United States of America Department of Homeland Security United States Coast Guard Certificate of Documentation dated June 17, 2008 is attached to my Affidavit as Exhibit “D”;

7.             The Vessel is chartered to B+B under a bareboat charterparty dated July 16, 1998 (the “Charterparty”). A true copy of page 1 of the Charterparty is attached to my Affidavit as Exhibit “E”;

8.             B+B entered into an agreement for dredging services with Dragage Verreault Inc. (“Verreault”) on July 23, 2008 (the “Sub-Contract”). A true copy of the Sub-Contract is attached to my Affidavit as Exhibit “F”;

9.             The Sub-Contract expressly refers in its recitals to an earlier agreement between Verreault and B+B dated October 4, 2007 (the “2007 Agreement”). A true copy of the 2007 Agreement is attached to my Affidavit as Exhibit “G”;

[25]           Malgré donc l’existence des deux corporations B+B et Proteus et sa présence ou participation auprès de celles-ci, M. Barlow soutient somme soute que Proteus n’a jamais eu de relation contractuelle avec Dragage Verreault, ni peut-on conclure qu’il ait jamais autorisé B+B à engager le crédit de Proteus ou celui de la drague Atchafalaya.

[26]           Il est à remarquer ici qu’au cours des négociations entre les parties, soit essentiellement entre septembre 2007 et le 23 juillet 2008, M. Barlow, suivant la compréhension de la Cour, n’a pas senti ou perçu qu’il pourrait ou devait préciser à Dragage Verreault toutes les indications et distinctions que l’on retrouve aux paragraphes 1 à 7 de son affidavit I. Ceci, si l’on comprend bien M. Barlow, en raison du fait que Mme Verreault n’a pas posé de questions en ce sens. Toutefois, tel qu’il ressort tout au cours de l’interrogatoire de Mme Verreault sur son affidavit, en raison entre autres des éléments suivants, Mme Verreault n’a pas senti qu’elle devait ne pas se fier aux informations qu’on lui fournissait.

[27]           Si l’on remonte dans le temps au début d’octobre 2007, soit à la conclusion de l’Entente préliminaire de 2007 (voir paragraphe [11], supra), Dragage Verreault avait reçu la veille une quotation de B+B où, tel que déjà mentionné au paragraphe [15], supra, on retrouve la mention suivante par B+B :

Our pricing is based on the information provided and:

(…)

3.       Utilizing our Hopper Dredge “Atchafalaya”. [Je souligne.]

[28]           Le 27 février 2008, en vue de satisfaire des exigences que le gouvernement fédéral recherchait auprès de Dragage Verreault pour l’émission d’une « Coastal Trading Licence », B+B aurait transmis à M. Babineau chez Dragage Verreault une série de certificats portant sur la drague Atchafalaya. Bien que la vaste majorité de ceux-ci n’identifie pas qui est le propriétaire ou l’opérateur de la drague Atchafalaya et que trois (3) certificats réfèrent à Proteus comme ledit propriétaire, il n’en demeure qu’un certificat liste B+B comme propriétaire. Il s’agit du certificat ABS. Bien que la Cour au mérite pourra considérer que ledit certificat ne peut ou pouvait constituer pour une personne expérimentée du domaine maritime une indication sérieuse de propriété de la drague Atchafalaya, il n’en demeure que ce document s’ajoutait aux représentations contenues à l’Entente préliminaire de 2007. La Cour ici passe sous silence et ne retient pas contre Dragage Verreault le fait que ce certificat réfère à B&B Dredging Co. et non à B+B puisqu’il est évident que Dragage Verreault alors ne pouvait certes apprécier que la façon dont les lettres B et B dans le nom étaient reliées faisait qu’il pouvait s’agir d’une autre corporation que B+B.

[29]           De plus, pour ce document comme, à titre d’exemple, pour la lettre du 3 octobre 2007 de la Hanover Insurance qui discutait de la possibilité pour cette compagnie d’assurance de cautionner B+B, il n’est pas clair et certain qu’il s’agisse là de documents qui circulaient à l’insu de M. Barlow. Au contraire, quant au certificat ABS à tout le moins, il ressort de l’interrogatoire sur affidavit de M. Barlow que bien qu’il soutienne que ce certificat soit erroné quant à la qualité de propriétaire y inscrite, il n’en demeure que M. Barlow utilisait ce certificat qui date du 1er décembre 2004 (et qui serait toujours, en date des présentes, rédigé de la même manière). De plus, il est à tout le moins particulier que ce certificat soit émis ainsi en 2004 alors que B+B n’avait apparemment qu’un statut d’affréteur depuis le 16 juillet 1998 et que B&B Dredging Co. n’existait plus à cette époque.

[30]           Par ailleurs, certains courriels transmis entre les parties entre le 24 juin et 1er juillet 2008 étaient de nature à entretenir un doute quant à la propriété de la drague Atchafalaya. En effet, le 24 juin 2008, M. Barlow parle de « our dredge … ». Le 1er juillet 2008, il parle de « … the appraisals of our equipment ». Le 26 juin 2008, M. Barlow indique dans un courriel :

I am the sole owner of the dredging company. I do not have any other assets approaching that value. For Verrault’s information only, the (recently) appraised value of the dredging assets, net of debt, is in excess of $18 million. I can make these appraisals available to you if required. (…)

[31]           Arrive par après une lettre du 7 juillet 2008 transmise au banquier de Dragage Verreault par un certain M. Vitale de la KeyBanc Capital Markets, soit le banquier de B+B. Dans cette lettre, on y indique ce qui suit :

Attention :

Monsieur Robert Dubord

Directeur de comptes commerciaux

To the best of my knowledge, the two dredging vessels owned by B+B Dredging have a net value after accounting for outstanding debt (for which these two vessels are pledged) of approximately $18 million as of today. Please contact B+B Dredging directly for copies of the appraisals should they be needed. (…)

[Je souligne.]

[32]           Bien que M. Barlow ne soit pas en pièce jointe à cette lettre, il n’est pas clair à mon sens que l’on ne puisse considérer que cette lettre reflétait possiblement des instructions de M. Barlow. Ainsi, je ne puis considérer que cette lettre ne cherchait qu’à faire connaître la valeur du patrimoine personnel de M. Barlow pour les fins de la garantie d’exécution personnelle qui sera jointe éventuellement comme annexe B au Sous-contrat.

[33]           Il est vrai qu’au 23 juillet 2008, le Sous-contrat ne contient aucune clause expresse qui recherche la responsabilité ou le crédit de Proteus ni le crédit de la drague Atchafalaya. De plus, ce Sous-contrat se voit appuyé par une garantie personnelle de M. Barlow et non par une quelqu’autre garantie portant sur le patrimoine de Proteus ou sur la drague Atchafalaya.

[34]           Toutefois, je considère qu’il n’est pas clair et évident que le comportement et les mots employés par M. Barlow ou par des mandataires de ce dernier de temps à autre d’octobre 2007 au 23 juillet 2008 n’étaient pas de nature à laisser croire à Dragage Verreault que B+B était propriétaire de la drague Atchafalaya. Sous un autre angle, vu que seul M. Barlow connaissait toutes les ramifications qu’il décrit aux paragraphes 1 à 7 de son affidavit I, on ne peut écarter que par ces mêmes comportements et paroles il ait engagé le crédit de ladite drague.

[35]           Ainsi, on ne peut écarter à ce stade-ci la possibilité que Dragage Verreault ait raison lorsqu’elle écrit aux paragraphes 54, 57 et 67 de ses représentations écrites déposées en réponse à la requête à l’étude que :

54.       (…) It appears from the above that Mr Barlow purported to engage the credit of the dredges and presented himself as the sole owner of B+B Dredging. Mrs. Verreault was justified at that period (June and July 2008) to believe that B+B Dredging was the owner of the M/V ATCHAFALAYA or that B+B Dredging was authorized implicitly of otherwise to engage the credit the dredges.

57.       We find that Mr. Barlow being the controlling shareholder of Proteus Co, the alleged dredge owner, being the sole owner of B+B Dredging and their authorized representative implicitly contracted for the vessels. (…)

67.       In the present instance, Mr Barlow is the beneficial owner [of] the vessels as he refers to his vessels in all situations, offers personal guarantee on vessels purportedly owned by Proteus to execute the obligations of B+B Dredging. It appears from the above that D[ragage] V[erreault] contracted with the beneficial owners of the M/V ATCHAFALAYA.

[36]           Je pense que de tels propos sont autorisés en droit de par les enseignements suivants du juge Marceau de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Mount Royal/Walsh Inc. v. The “Jensen Star”, [1990] 1 FC 199 (FCA) 1989 CarswellNat 603, où au paragraphe 28 il écrit :

(…) It is not a fact that there are three possibilities which have to be reckoned : the owner may have contract ed himself, or he may have authorized someone to contract on his personal credit, or he may have expressly or implicitly authorized a person, in possession and control of a ship, to contract on the credit of the ship (rather than on the entirety of his personal assets). But, I essentially agree that liability as a result of some personal behaviour and attitude on the part of the owner is required. (…)

[Je souligne.]

[37]           Par ailleurs, je n’entends pas tirer en fonction du paragraphe 81(2) des règles de conclusions défavorables du fait que Dragage Verreault n’ait pas offert, en sus ou en lieu des affidavits de Mme Verreault, un ou des affidavits de M. Babineau ou de Me Lapointe.

[38]           Pour ces motifs, la requête des défendeurs et de Proteus sera rejetée, le tout avec dépens suivant la colonne III du Tarif B.

 

« Richard Morneau »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1290-08

 

INTITULÉ :                                       DRAGAGE VERREAULT INC.

                                                            c.

                                                            LE NAVIRE M/V ATCHAFALAYA

                                                            et

                                                            SES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES

                                                            AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT

                                                            SUR LE NAVIRE ATCHAFALAYA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 13 mars 2009

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 17 mars 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jean-François Bilodeau

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

David Colford

Sarah M. Kirby

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robinson Sheppard Shapiro

Montréal (Québec)

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

Brisset Bishop

Montréal (Québec)

 

Metcalf & Company

Halifax (Nouvelle-Écosse)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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