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Date : 20090316

Dossier : IMM-921-08

Référence : 2009 CF 266

Ottawa (Ontario), le 16 mars 2009

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

ABDUL GHAFFAR ALAKOZAI,

SEEMA ALAKOZAI,

ABDUL MUMEN ALAKOZAI

représenté par son tuteur à l’instance,

ABDUL GHAFFAR ALAKOZAI

ET CANADIAN LUTHERAN

WORLD RELIEF

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision rendue le 15 janvier 2008 par une agente d’immigration (l’agente) du Haut‑commissariat du Canada à Islamabad au Pakistan (le HCC), dans laquelle l’agente a rejeté la demande de résidence permanente au Canada présentée par les demandeurs, aux motifs que les demandeurs n’appartenaient pas à la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières ou à celle des personnes protégées à titre humanitaire outre‑frontières.

 

LE CONTEXTE

 

[2]               Les demandeurs sont des citoyens de l’Afghanistan et font partie du groupe ethnique pachtoune. Le demandeur principal, Abdul Alakozai, est âgé de 56 ans. Seema, l’épouse du demande principal, est âgée de 51 ans et le fils du demandeur principal, Abdul Mumen Alakozai, a 17 ans. Deux autres fils du demandeur principal et de son épouse ont été tués en Afghanistan le 17 août 2004; ils avaient 23 et 25 ans lorsqu’ils sont décédés.

 

[3]               Il y avait des combats entre les groupes ethniques tadjik et pachtoune à Herat où les demandeurs vivaient. Les demandeurs ont fui Herat pour gagner un village en dehors de Melysebcha après que les deux fils du demandeur principal et de son épouse ont été tués, et ils y sont demeurés pendant près d’un mois jusqu’à ce qu’ils s’enfuient d’Herat vers Kandahar, pour ensuite se rendre à Kaboul et, enfin, au Pakistan. Les demandeurs ont affirmé avoir été incapables de récupérer quelque document ou effet personnel que ce soit de leur maison en raison du danger. Ils ont appris plus tard que leur maison avait été pillée.

 

[4]               Les demandeurs se sont échappés de l’Afghanistan en payant pour qu’un camion les transporte jusqu’à Kandahar, où ils sont restés une nuit, avant de se diriger ensuite vers Kaboul. À Kaboul, les demandeurs ont cherché des amis ou des parents qui auraient pu les aider, mais ils n’ont trouvé personne. Ils ont cru que leurs amis et leurs parents avaient déménagé pour tenter de trouver refuge ailleurs. Les demandeurs craignaient de rester au Pakistan parce que la police infligeait des mauvais traitements et qu’ils n’avaient aucun endroit où demeurer.

 

[5]               Le demandeur principal a affirmé qu’il était professeur en Afghanistan. Il a réussi six années d’école primaire et six années d’école secondaire suivies de deux années d’études dans une école de formation en enseignement où il a obtenu un diplôme. Le demandeur principal a également suivi une formation « non officielle » en charpenterie. Il a affirmé avoir travaillé comme enseignant de mars 1973 jusqu’en décembre 1976 à l’école primaire Hayati à Herat, de mars 1977 jusqu’en juin 1982 à l’école Alawudeen Ghuri à Herat. De 1982 à 1991, il a travaillé en tant que charpentier, puis il a de nouveau travaillé en tant qu’enseignant de mars 1991 jusqu’en septembre 2004 à l’école Alawudeen Ghuri à Herat.

 

[6]               Les demandeurs ont présenté leur demande de visa de résident permanent le 20 mai 2005 en tant que réfugiés à l’extérieur du Canada sur le fondement que leur vie était menacée en Afghanistan. La présente demande a été déposée de concert avec un engagement de parrainage pris par un signataire d’entente de parrainage dans le cadre du programme de parrainage privé mis en place en vertu du paragraphe 13(2) de la Loi et de la Partie 8 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement). Était jointe à la demande une lettre d’approbation datée du 30 novembre 2005 du Canadian Lutheran World Relief (CLWR) à Toronto.

 

[7]               Les demandeurs ont participé à une entrevue menée par l’agente au bureau canadien des visas à Islamabad le 22 novembre 2007. L’agente a rejeté leur demande de résidence permanente dans une lettre du 9 janvier 2008.

 

LA DÉCISION CONTESTÉE

 

[8]               L’agente a conclu qu’elle ne pouvait pas établir la crédibilité des demandeurs étant donné que tant le demandeur principal que son épouse avaient fourni des renseignements contradictoires au sujet de leur carrière en Afghanistan. L’agente a conclu que le témoignage du demandeur principal contredisait son propre formulaire de demande et celui de son épouse. Lorsque l’agente a demandé au demandeur principal et à son épouse d’expliquer ces contradictions, ils n’ont pas voulu le faire ou en ont été incapables. L’agente a donc conclu qu’elle n’était pas convaincue que les demandeurs étaient sérieusement ou personnellement touchés par le conflit civil en Afghanistan ni qu’ils satisfaisaient aux exigences de la Loi, et elle a rejeté leur demande.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[9]               Les demandeurs soulèvent les questions suivantes aux fins du contrôle judiciaire :

a)                  L’agente a-t-elle commis une erreur dans sa décision en ce qui concerne la demande de résidence permanente des demandeurs et, en particulier, en concluant que les demandeurs n’appartiennent pas à la catégorie des réfugiées au sens de la Convention outre-frontières ou à la catégorie des personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières et, plus particulièrement, à la catégorie de personnes de pays d’accueil?

b)                  L’agente a-t-elle commis une erreur de droit en tirant des conclusions de fait erronées sans tenir compte de la preuve dont elle disposait, et sa décision était-elle manifestement déraisonnable ou arbitraire eu égard à cette preuve, ou bien l’agente a-t-elle négligé ou mal interprété cette preuve?

c)                   L’agente a-t-elle commis une erreur en omettant de respecter un principe de justice naturelle, l’équité procédurale ou d’autres procédures qu’elle était légalement tenue de respecter, et a-t-elle suscité une crainte raisonnable de partialité?

d)                  Les autres moyens que les demandeurs pourront présenter et que la Cour acceptera.

 

[10]           Les demandeurs ont également soulevé plusieurs autres questions dans leur réponse :

a)                   L’agente a-t-elle omis d’examiner la demande au regard de la catégorie de personnes de pays d’accueil et de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières?

b)                  L’agente a-t-elle omis d’examiner la demande à la lumière de la politique de CIC sur la persécution fondée sur le sexe, notamment la directive produite par la CISR sur les Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe?

c)                   L’agente a-t-elle commis une erreur en omettant de dûment examiner les raisons expliquant pourquoi les demandeurs craignaient d’être persécutés et en rejetant la demande sur le fondement de conclusions relatives à la crédibilité, lesquelles reposaient sur des questions accessoires (c’est-à-dire les réponses données par le demandeur principal quant à son emploi)?

 

LES DISPOSITIONS LÉGALES ET RÉGLEMENTAIRES

 

[11]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

 

16. (1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.

 

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

Personne à protéger

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

16. (1) A person who makes an application must answer truthfully all questions put to them for the purpose of the examination and must produce a visa and all relevant evidence and documents that the officer reasonably requires.

 

 

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Person in need of protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

Person in need of protection

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

[12]           Les dispositions suivantes du Règlement s’appliquent en l’espèce :

 139. (1) Un visa de résident permanent est délivré à l’étranger qui a besoin de protection et aux membres de sa famille qui l’accompagnent si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

 

 

d) aucune possibilité raisonnable de solution durable n’est, à son égard, réalisable dans un délai raisonnable dans un pays autre que le Canada, à savoir :

 

 

(i) soit le rapatriement volontaire ou la réinstallation dans le pays dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle,

 

(ii) soit la réinstallation ou une offre de réinstallation dans un autre pays;

 

144. La catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent obtenir un visa de résident permanent sur le fondement des exigences prévues à la présente section.

 

145. Est un réfugié au sens de la Convention outre-frontières et appartient à la catégorie des réfugiés au sens de cette convention l’étranger à qui un agent a reconnu la qualité de réfugié alors qu’il se trouvait hors du Canada.

 

146. (1) Pour l’application du paragraphe 12(3) de la Loi, la personne dans une situation semblable à celle d’un réfugié au sens de la Convention appartient à l’une des catégories de personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières suivantes :

 

a) la catégorie de personnes de pays d’accueil;

 

b) la catégorie de personnes de pays source.

 

 (2) Les catégories de personnes de pays d’accueil et de personnes de pays source sont des catégories réglementaires de personnes qui peuvent obtenir un visa de résident permanent sur le fondement des exigences prévues à la présente section.

 

147. Appartient à la catégorie de personnes de pays d’accueil l’étranger considéré par un agent comme ayant besoin de se réinstaller en raison des circonstances suivantes :

 

a) il se trouve hors de tout pays dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle;

 

b) une guerre civile, un conflit armé ou une violation massive des droits de la personne dans chacun des pays en cause ont eu et continuent d’avoir des conséquences graves et personnelles pour lui.

 

148. (1) Appartient à la catégorie de personnes de pays source l’étranger considéré par un agent comme ayant besoin de se réinstaller en raison des circonstances suivantes :

 

a) d’une part, il réside dans le pays dont il a la nationalité ou dans lequel il a sa résidence habituelle, lequel est un pays source au sens du paragraphe (2) au moment de la présentation de la demande de visa de résident permanent ainsi qu’au moment de la délivrance du visa;

 

b) d’autre part, selon le cas :

 

(i) une guerre civile ou un conflit armé dans ce pays ont des conséquences graves et personnelles pour lui,

 

(ii) il est détenu ou emprisonné dans ce pays, ou l’a été, que ce soit ou non au titre d’un acte d’accusation, ou il y fait ou y a fait périodiquement l’objet de quelque autre forme de répression pénale, en raison d’actes commis hors du Canada qui seraient considérés, au Canada, comme une expression légitime de la liberté de pensée ou comme l’exercice légitime de libertés publiques relatives à des activités syndicales ou à la dissidence,

 

(iii) il ne peut, craignant avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un groupe social particulier, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays.

 

 

(2) Est un pays source celui qui répond aux critères suivants :

 

a) une guerre civile, un conflit armé ou le non-respect des droits fondamentaux de la personne font en sorte que les personnes qui s’y trouvent sont dans une situation assimilable à celle de réfugiés au sens de la Convention;

 

b) un agent y travaille ou s’y rend régulièrement dans le cadre de son travail et est en mesure de traiter les demandes de visa sans compromettre sa sécurité, celle des demandeurs ni celle du personnel de l’ambassade du Canada;

 

c) les circonstances justifient une intervention d’ordre humanitaire de la part du ministère pour mettre en oeuvre les stratégies humanitaires globales du gouvernement canadien, intervention qui est en accord avec le travail accompli par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés;

 

d) il figure à l’annexe 2.

139(1) A permanent resident visa shall be issued to a foreign national in need of refugee protection, and their accompanying family members, if following an examination it is established that

 

 (d) the foreign national is a person in respect of whom there is no reasonable prospect, within a reasonable period, of a durable solution in a country other than Canada, namely

 

(i) voluntary repatriation or resettlement in their country of nationality or habitual residence, or

 

 

(ii) resettlement or an offer of resettlement in another country;

 

144. The Convention refugees abroad class is prescribed as a class of persons who may be issued a permanent resident visa on the basis of the requirements of this Division.

 

 

 

145. A foreign national is a Convention refugee abroad and a member of the Convention refugees abroad class if the foreign national has been determined, outside Canada, by an officer to be a Convention refugee.

 

146. (1) For the purposes of subsection 12(3) of the Act, a person in similar circumstances to those of a Convention refugee is a member of one of the following humanitarian-protected persons abroad classes:

 

(a) the country of asylum class; or

 

(b) the source country class.

 

 

 (2) The country of asylum class and the source country class are prescribed as classes of persons who may be issued permanent resident visas on the basis of the requirements of this Division.

 

 

 

147. A foreign national is a member of the country of asylum class if they have been determined by an officer to be in need of resettlement because

 

(a) they are outside all of their countries of nationality and habitual residence; and

 

 

(b) they have been, and continue to be, seriously and personally affected by civil war, armed conflict or massive violation of human rights in each of those countries.

 

 

148. (1) A foreign national is a member of the source country class if they have been determined by an officer to be in need of resettlement because

 

(a) they are residing in their country of nationality or habitual residence and that country is a source country within the meaning of subsection (2) at the time their permanent resident visa application is made as well as at the time a visa is issued; and

 

 

(b) they

 

(i) are being seriously and personally affected by civil war or armed conflict in that country,

 

(ii) have been or are being detained or imprisoned with or without charges, or subjected to some other form of penal control, as a direct result of an act committed outside Canada that would, in Canada, be a legitimate expression of freedom of thought or a legitimate exercise of civil rights pertaining to dissent or trade union activity, or

 

 

 

 

 

(iii) by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, political opinion or membership in a particular social group, are unable or, by reason of such fear, unwilling to avail themself of the protection of any of their countries of nationality or habitual residence.

 

 (2) A source country is a country

 

 

(a) where persons are in refugee-like situations as a result of civil war or armed conflict or because their fundamental human rights are not respected;

 

 

 

(b) where an officer works or makes routine working visits and is able to process visa applications without endangering their own safety, the safety of applicants or the safety of Canadian embassy staff;

 

(c) where circumstances warrant humanitarian intervention by the Department in order to implement the overall humanitarian strategies of the Government of Canada, that intervention being in keeping with the work of the United Nations High Commissioner for Refugees; and

 

 

(d) that is set out in Schedule 2.

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[13]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a reconnu que, bien que la décision raisonnable simpliciter et la décision manifestement déraisonnable constituent des normes de contrôle différentes d’un point de vue théorique, « les difficultés analytiques soulevées par l’application des différentes normes réduisent à néant toute utilité conceptuelle découlant de la plus grande souplesse propre à l’existence de normes de contrôle multiples », Dunsmuir, paragraphe 44. Par conséquent, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il y avait lieu de fondre ces deux normes en une seule norme de contrôle : la « raisonnabilité ».

 

[14]           Les demandeurs soutiennent que la norme de contrôle applicable à une décision d’un agent des visas portant sur la question de savoir si un demandeur est un réfugié au sens de la Convention ou s’il appartient à la catégorie de personnes de pays d’accueil est la décision raisonnable simpliciter, parce qu’il s’agit d’une question mixte de fait et de droit : Krishnapillai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 302, paragraphes 5 à 10.

 

[15]           Le défendeur allègue que la norme applicable à une décision d’un agent des visas devrait être la raisonnabilité, norme établie dans l’arrêt Dunsmuir. La seule exception pertinente concerne les questions d’équité procédurale où la norme applicable est alors la décision correcte.

 

[16]           Le défendeur se fonde sur la décision Azali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 517, laquelle portait sur la décision d’un agent des visas qui avait rejeté une demande de résidence permanente fondée sur la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières et sur la catégorie désignée des personnes protégées à titre humanitaire outre‑frontières. Les trois questions en litige examinées dans la décision Azali étaient les suivantes : 1) l’agent avait-il commis une erreur en exigeant des éléments de preuve corroborants comme condition pour accueillir les demandes; 2) l’agent avait-il commis une erreur en omettant de tirer une conclusion quant à la question de savoir s’il acceptait ou rejetait l’explication des demandeurs concernant une erreur dans leurs formulaires; 3) l’agent avait-il commis une erreur en omettant de confronter les demandeurs quant à la contradiction constatée entre leur demande et les demandes antérieures de visa de résident temporaire? La Cour a conclu que les deux premières questions en litige étaient des questions de fait et qu’elles devraient être examinées selon « la norme de contrôle de la décision raisonnable, norme appelant la déférence », alors que la troisième question était une question d’équité procédurale et que la norme applicable était la décision correcte.

 

[17]           Le défendeur soutient que la décision de l’agente en l’espèce doit faire l’objet de retenue suivant la norme de contrôle applicable, soit la raisonnabilité, à l’exception de la question d’équité procédurale qui devrait être examinée selon la décision correcte.

 

[18]           À la lumière de l’arrêt Dunsmuir de la Cour suprême du Canada et de la jurisprudence de la Cour, je conclus que la raisonnabilité est la norme de contrôle applicable à la question de savoir si les demandeurs sont des réfugiées au sens de la Convention ou des personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières. Lorsque la norme de contrôle applicable à une décision est la raisonnabilité, l’analyse a trait « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit », Dunsmuir, paragraphe 47. Autrement dit, la Cour ne doit intervenir que si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[19]           En ce qui concerne la crédibilité des demandeurs, il est mentionné au paragraphe 4 de l’arrêt Aguebor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.) (l’arrêt Aguebor) que « [d]ans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d’attirer notre intervention, ses conclusions sont à l’abri du contrôle judiciaire ». Autrement dit, les conclusions relatives à la crédibilité tirées par l’agente en l’espèce doivent faire l’objet d’un degré élevé de retenue, et il incombe aux demandeurs d’établir que l’agente ne pouvait pas raisonnablement tirer ces conclusions.

 

[20]           En ce qui concerne les questions d’équité procédurale, je conviens que la norme applicable est la décision correcte : Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1.

 

[21]           En ce qui concerne la question de la crainte raisonnable de partialité, je me fonde sur le critère établi par la dissidence dans l’arrêt Committe for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369 (l’arrêt Liberty).


ANALYSE

 

 

[22]           La prétention principale en l’espèce est qu’il était déraisonnable que l’agente fonde sa décision portant sur la crainte bien fondée de persécution uniquement sur des conclusions relatives à la crédibilité. Les demandeurs allèguent que l’agente aurait dû poursuivre le processus et examiner l’ensemble du fondement de leur demande. Étant donné que l’agente a circonscrit le processus aux motifs relatifs à la crédibilité, elle n’a pas effectué un examen complet des prétentions des demandeurs. Les demandeurs affirment également que l’agente n’a fourni aucune analyse exposant ses doutes relatifs à la crédibilité portant sur le fond de la demande.

 

[23]           Une explication et une analyse complètes du problème ont été fournies aux demandeurs dans la décision. La lettre du 9 janvier 2008 explique que, en raison de la preuve contradictoire fournie au sujet de la carrière d’enseignant du demandeur principal en Afghanistan, il était impossible pour l’agente d’établir que l’un ou l’autre des demandeurs adultes étaient d’une quelconque façon crédibles. Non seulement le demandeur principal a-t-il contredit ses propres observations écrites au sujet de sa carrière d’enseignant, mais le témoignage de son épouse à cet égard contredisait également son témoignage.

 

 

[24]           L’agente a pleinement fourni au demandeur principal et à son épouse l’occasion d’expliquer ce qui était, en fait, des contradictions fondamentales et incompréhensibles. Il n’y a eu aucun problème avec l’interprète. Les demandeurs ont confirmé qu’ils comprenaient les questions. Cependant, les demandeurs n’ont simplement pas pu répondre à une question fondamentale : [traduction] « Lorsque je vous ai demandé d’expliquer les contradictions, vous et votre épouse n’avez pas voulu le faire ou en avez été incapables. Ce manque de crédibilité remet en question l’ensemble de votre demande d’une telle façon qu’elle doit être rejetée. »

 

[25]           L’absence générale de crédibilité a fait en sorte que l’agente ne pouvait [traduction] « être convaincue que le conflit civil en Afghanistan continue d’avoir des conséquences graves et personnelles pour vous ».

 

[26]           En outre, il ressort clairement des notes du STIDI que l’agente n’a même pas été capable d’établir l’identité des demandeurs. Les demandeurs ont affirmé qu’ils avaient fui l’Afghanistan à la hâte et qu’ils n’avaient pas été capables d’obtenir quelque pièce d’identité que ce soit. Cependant, les demandeurs n’ont pas donné de réponses satisfaisantes aux questions de l’agente à ce sujet.

 

[27]           Si l’agente avait été capable d’établir que les demandeurs étaient crédibles, il est évident que le processus se serait poursuivi et qu’un examen plus approfondi aurait été effectué.

 

[28]           Par conséquent, les questions à trancher sont les suivantes : les conclusions générales défavorables relatives à la crédibilité tirées par l’agente étaient-elles raisonnables vu les faits, et l’agente avait‑elle raison en droit de mettre fin au processus de demande après avoir estimé qu’elle ne pouvait pas conclure que les demandeurs étaient crédibles?

 

[29]           À mon avis, rien dans la preuve ne donne à penser qu’il y a eu quelque type de manquement à l’équité procédurale que ce soit. L’agente s’est assurée que les demandeurs comprenaient l’interprète. Elle a posé des questions simples aux demandeurs sur un point fondamental. Elle a répété les questions à plusieurs reprises. Elle a expliqué aux demandeurs les immenses contradictions dans leurs témoignages, leur a demandé de les expliquer et leur a donné du temps pour le faire. Cependant, soit les demandeurs ne pouvaient pas, soit ils ne voulaient pas expliquer les contradictions dans leur témoignage.

 

[30]           En outre, rien dans la conduite de l’agente ne contrevenait aux lignes directrices pertinentes en matière d’entrevue de réfugiés, et les commentaires dans les notes du STIDI que les demandeurs ont estimé être inappropriés étaient entièrement neutres et ne donnaient pas à penser que l’agente avait eu une [traduction] « attitude négative marquée envers les demandeurs et a mal interprété les faits ». Le fait que les demandeurs soulèvent maintenant un tel point révèle comment il leur a été difficile de trouver des éléments à contester dans la décision.

 

[31]           Il importe de garder à l’esprit que les demandeurs n’ont déposé aucun document à l’appui de leur demande. Il était donc crucial que l’agente examine attentivement leur récit afin de s’assurer que les demandeurs respectaient les exigences légales liées à leur demande; c’est ce que l’agente a essayé de faire. Rien dans la conduite de l’agente ne constitue un manquement à l’équité procédurale et – étant donné les immenses contradictions dans le témoignage même du demandeur principal ainsi qu’entre les témoignages du demandeur principal et de son épouse concernant sa profession et ce qu’il avait fait en Afghanistan pendant plus de 30 ans – il n’y a rien non plus dans la conclusion générale défavorable tirée par l’agente qui ferait en sorte qu’elle n’appartiendrait pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[32]           À mon avis, la seule question que je dois trancher est de savoir si la judicieuse conclusion générale relative à la crédibilité tirée par l’agente justifiait que l’agente n’examine pas l’ensemble des questions qui auraient normalement été examinées dans ce genre de demande.

 

[33]           Le fardeau de la preuve incombe clairement aux demandeurs : Salimi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 872, paragraphe 7.

 

[34]           Il est également clair que l’agente avait de bons motifs pour conclure que les demandeurs n’avaient pas respecté le paragraphe 16(1) de la Loi, en ce sens qu’ils n’avaient pas répondu de façon honnête aux questions posées lors du contrôle et, qui plus est, les demandeurs n’ont pas été capables d’établir clairement leur identité au moyen des documents habituels.

 

[35]           Quelque document que ce soit portant sur la situation au pays pris isolément n’aurait pas fourni un fondement adéquat à une conclusion favorable parce que les demandeurs n’auraient pas établi de lien entre leur situation personnelle et celle ayant cours en Afghanistan. Les demandeurs n’ont par contre pas été capables de fournir une preuve crédible sur leur propre situation. L’agente a conclu que, en général, il y avait absence de crédibilité. Autrement dit, rien ne justifiait de poursuivre le processus relatif à la demande.

 

[36]           Cependant, la conclusion générale tirée par l’agente relativement à l’absence de crédibilité tant du demandeur principal que de son épouse justifiait-elle que l’agente rejette la demande? L’arrêt Sellan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 381, rendu par la Cour d’appel fédérale, donne à penser que cette conclusion justifiait le rejet de la demande :

3.                  À notre avis, il faut répondre à cette question de la façon suivante : Lorsque la Commission tire une conclusion générale selon laquelle le demandeur manque de crédibilité, cette conclusion suffit pour rejeter la demande, à moins que le dossier ne comporte une preuve documentaire indépendante et crédible permettant d’étayer une décision favorable au demandeur. C’est au demandeur qu’il incombe de démontrer que cette preuve existe.

 

4.                  Ce qui nous amène à la question de savoir s’il y avait au dossier présenté à la Commission une preuve permettant d’étayer une décision favorable à l’intimée. À notre avis, il est clair que cette preuve n’était pas au dossier. Nous sommes convaincus que si le juge avait examiné le dossier, comme il était tenu de le faire, il en serait sans aucun doute arrivé à la même conclusion. Dans ces circonstances, il serait inutile de renvoyer l’affaire à la Commission.

 

 

[37]           En l’espère, le dossier ne renfermait aucune preuve documentaire indépendante et crédible qui aurait pu étayer une conclusion favorable au demandeur : rien ne corroborait un lien entre la situation au pays dont faisait état les documents et la situation personnelle des demandeurs. On ne pouvait simplement pas se fier à la preuve portant sur la situation personnelle des demandeurs.  En plus des contradictions, les demandeurs n’ont même pas été en mesure d’établir leur identité.

 

[38]           Les demandeurs renvoient à un certain nombre de décisions pour étayer leur prétention selon laquelle l’agente aurait dû poursuivre et effectuer un examen de la preuve documentaire et de l’ensemble de la demande, et ce, même si elle avait tiré une conclusion défavorable relativement à leur crédibilité en ce qui concerne les persécutions dont ils auraient été victimes. Par exemple, il note les propos tenus par le juge Blais aux paragraphes 27, 29 et 30 de la décision Fernando c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1349.

 

[39]           Cependant, dans la décision Fernando, le juge Blais a tiré les conclusions suivantes à cet égard :

31    On peut ainsi dire, sur le fondement de la jurisprudence existante, que le facteur clé pour établir s’il est nécessaire pour la Commission d’apprécier la preuve documentaire dont elle est saisie, même si le demandeur d’asile est jugé ne pas être digne de foi, sera la nature de cette preuve de même que son lien avec la demande d’asile.

 

32    Le demandeur soutient que le tribunal a fait abstraction d’une preuve démontrant que des personnes qui, comme lui, font du commerce à Colombo ont été victimes de tactiques d’extorsion de la part des TLET et menacées de se voir infliger des blessures si elles n’obtempéraient pas.

 

33    Cependant, c’est le demandeur qui a le fardeau d’établir un lien entre sa situation personnelle et les situations où l’extorsion pourrait, en certaines circonstances, constituer de la persécution au Sri Lanka.

 

34    J’ai du mal à croire qu’une fois établi le manque de crédibilité du demandeur, le tribunal ait comme obligation d’examiner la preuve documentaire pour y trouver un lien avec des faits propres à la situation du demandeur. C’est le demandeur, non le tribunal, qui doit démontrer l’existence d’un tel lien.

 

 

[40]           Il en va de même avec la décision Bastien c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 982, rendue par la juge Mactavish. Dans la décision Bastien, tout ce que la juge Mactavish affirme lorsqu’elle dit qu’une conclusion défavorable relative à la crédibilité « ne met […] pas fin à l’affaire » était fondé sur le fait qu’il n’était pas contesté que la demanderesse était une Haïtienne qui allait retourner à Haïti. Il y avait un lien entre les faits établis et le risque allégué. En l’espèce, il n’existe aucun lien parce que l’agente avait raisonnablement conclu que le récit des demandeurs n’était pas crédible.

 

[41]           Les demandeurs ont déposé en l’espèce un affidavit de Muslina Waziri, à savoir le cousin du demandeur principal, lequel se trouve au Canada. L’affidavit ne respecte pas le paragraphe 12(2) des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés et, suivant les motifs donnés par le juge Pinard aux paragraphes 5 à 8 de la décision Toma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 779, la Cour ne peut lui accorder que peu de poids et il ne justifie pas que je modifie ma conclusion en l’espèce.

 

[42]           En dernière analyse, le comportement des demandeurs lors de leur entrevue demeure un grand mystère, mais je n’ai pu trouver aucune erreur susceptible de contrôle dans la décision de l’agente.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

 

1.      que la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.      qu’il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-921-08

 

INTITULÉ :                                                   ABDUL GHAFFAR ALAKOZAI, SEEMA ALAKOZAI, ABDUL MUMEN ALAKOZAI REPRÉSENTÉ PAR SON TUTEUR EN L’INSTANCE, ABDUL GHAFFAR ALAKOZAI

ET CANADIAN LUTHERAN WORLD RELIEF

                                                            

                                                                                    c.

 

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 29 JANVIER 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 16 MARS 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Timothy Wichert

POUR LES DEMANDEURS

 

Rhonda Marquis

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman and Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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