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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20090331

Dossier : IMM-3648-08

Référence : 2009 CF 330

Ottawa (Ontario), le 31 mars 2009

En présence de monsieur le juge Barnes

 

 

ENTRE :

SANJIVKUMAR INDRAVADAN JANI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire contestant la décision par laquelle une agente des visas (l’agente) a rejeté la demande de visa de résident permanent du demandeur. La décision de l’agente, rendue le 10 juin 2008 au Bureau du Haut-commissariat du Canada à New Delhi, coïncidait avec une décision rendue au titre de l’article 40 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), concluant que M. Jani est interdit de territoire au Canada pour fausses déclarations. M. Jani a tenté de contester la décision d’interdiction de territoire rendue en vertu de l’article 40 dans une demande distincte de contrôle judiciaire, mais l’autorisation a été refusée dans une ordonnance rendue par la Cour le 1er décembre 2008 (voir IMM‑3646‑08).

 

I.                   Contexte

[2]               M. Jani a demandé un visa de résident permanent à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés le 17 juin 2007. Dans sa demande, le demandeur a soutenu qu’il avait acquis de l’expérience comme directeur de restaurant entre 1996 et 1999 et entre 2005 et la date de sa demande. M. Jani a aussi prétendu qu’il avait un emploi réservé au Canada comme directeur dans un Tim Hortons à Thornhill en Ontario. 

 

[3]               La déclaration de visa de M. Jani montrait qu’entre janvier 2000 et mai 2005, il occupait le poste de directeur de l’agence de voyage familiale. Le demandeur, dans sa déclaration de visa, affirmait également qu’en mai 2005, il avait commencé à travailler comme directeur de restaurant à l’aire de restauration Shor Sharaba à Ahmadabad. Cette affirmation laissait clairement entendre que M. Jani avait quitté son emploi à temps plein à l’agence de voyage en 2005 pour aller occuper un emploi à temps plein en tant que directeur de restaurant. M. Jani se fondait aussi sur une lettre de recommandation de l’hôtel Vishnu Palace qui confirmait son emploi à cet endroit de décembre 1996 à décembre 1999 comme gérant d’hôtel.

 

[4]               Lorsque l’agente a tenté de vérifier les antécédents professionnels du demandeur, on lui a dit que M. Jani n’avait jamais travaillé à l’hôtel Vishnu Palace. L’agente a aussi été incapable de communiquer avec l’aire de restauration Shor Sharaba au numéro de téléphone que M. Jani avait donné. L’agente a obtenu des renseignements selon lesquels M. Jani travaillait à l’agence de voyage familiale et elle a appelé le demandeur à cet endroit. Elle a informé M. Jani qu’elle n’avait pas été en mesure de contacter l’aire de restauration Shor Sharaba et lui a demandé pourquoi il travaillait encore à l’agence de voyage. Il a répondu que le restaurant avait déménagé et qu’il travaillait à cet endroit à temps partiel le soir. Il a aussi dit qu’il devait y avoir une erreur dans sa déclaration de visa quant à la poursuite de son emploi à temps plein à l’agence de voyage familiale.

 

[5]               Rien dans les notes du dossier (du STIDI) de l’agente n’indique si l’emploi de M. Jani à l’hôtel Vishnu Palace a été évoqué pendant cet appel. Cependant, une lettre du défendeur rédigée neuf jours plus tard confirmait l’interdiction de territoire de M. Jani en vertu de l’article 40 et indiquait que M. Jani [traduction] « n’avait aucune explication crédible à fournir pour dissiper nos doutes selon lesquels la lettre de recommandation de l’hôtel Vishnu Palace était frauduleuse ».

 

Décision contestée

[6]               La demande de visa de résident permanent de M. Jani a été rejetée dans une deuxième lettre signée par l’agente le 10 juin 2008. L’agente n’a accordé aucun point à M. Jani pour les facteurs de l’expérience, de l’exercice d’un emploi réservé et de la capacité d’adaptation, de sorte que le demandeur était loin d’avoir le minimum requis de 67 points. Dans sa lettre de décision, l’agente a fourni l’explication suivante en ce qui concerne son évaluation des points à accorder :

[traduction]

Selon les renseignements qu’a obtenus notre bureau par téléphone, vous n’avez jamais travaillé pour l’hôtel Vishnu Palace à Mussoorie. Vous avez affirmé que vous travailliez à temps partiel comme directeur pour l’aire de restauration Shor Sharaba. Vous n’avez pas pu fournir d’explication crédible quant à la raison pour laquelle vous n’avez pas dit que vous travailliez à temps partiel à l’aire de restauration Shor Sharaba dans votre demande. Votre lettre de recommandation datée du 23 mai 2007, signée par le directeur général de l’aire de restauration Shor Sharaba, ne mentionnait pas non plus que vous travailliez à temps partiel pour eux. Compte tenu de nos constatations, je ne puis me fonder sur la véracité de vos lettres de recommandation et je ne suis pas convaincue que vous avez de l’expérience comme directeur de la restauration et des services alimentaires, code 0631 de la CNP.

 

Vous n’avez pas obtenu suffisamment de points pour avoir droit à la résidence permanente au Canada, le minimum requis étant de 67 points […]

 

 

II.        Question en litige

[7]               L’agente a-t-elle manqué à l’obligation d’agir équitablement pendant son enquête relative à la demande de visa du demandeur?

 

III.       Analyse

[8]               La norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale est la décision correcte : voir Jin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1129, au paragraphe 12.

 

[9]               On a soutenu au nom de M. Jani que l’agente avait manqué à l’obligation d’agir équitablement en ne l’informant pas de l’objet précis de son appel, y compris de la possibilité qu’une conclusion d’interdiction de territoire soit tirée en vertu de l’article 40, et en ne l’informant pas non plus de ses doutes selon lesquels il n’avait jamais travaillé à l’hôtel Vishnu Palace. Mme Lee prétend que ces omissions ont privé M. Jani d’une occasion valable de s’expliquer et que la décision devrait donc être annulée.

 

[10]           M. Jani a clairement fait une fausse déclaration de ses antécédents professionnels quand il a déclaré que son emploi auprès de l’agence de voyage familiale s’était terminé en mai 2005. Le dossier dont je dispose établit qu’après mai 2005, M. Jani a continué à travailler à temps plein à l’agence de voyage familiale et a tout au plus travaillé à temps partiel comme directeur de restaurant. La conclusion évidente qui s’impose de la déclaration de M. Jani est qu’il avait quitté son emploi à l’agence de voyage en 2005 et qu’il avait par la suite travaillé à temps plein dans le domaine de la restauration. Quand l’agente a dûment attiré l’attention de M. Jani sur cette contradiction, M. Jani lui a seulement dit qu’il devait y avoir une erreur dans la déclaration. La description par l’agente de cette réponse comme non crédible était entièrement justifiée.

 

[11]           M. Jani affirme que l’agente ne l’a pas informé de ses doutes selon lesquels il n’avait jamais travaillé à l’hôtel Vishnu Palace. Il se fonde sur l’absence de toute référence dans les notes du STIDI de l’agente quant à une discussion sur ce point comme preuve que cette question n’a jamais été portée à son attention.

 

[12]           Dans certaines circonstances, l’omission de mentionner un élément de preuve important dans les notes au dossier prises à l’époque en cause peut conduire à une inférence défavorable, mais généralement seulement s’il existe une contradiction dans la preuve. En l’espèce, dans sa lettre de décision du 9 juin 2008, l’agente affirme très clairement que M. Jani [traduction] « n’avait aucune explication crédible à fournir pour dissiper nos doutes selon lesquels la lettre de recommandation de l’hôtel Vishnu Palace était frauduleuse ». De plus, M. Jani n’a fourni aucun affidavit pour appuyer son argument selon lequel l’agente n’avait jamais soulevé devant lui la question de son emploi à l’hôtel. En l’absence de tout élément de preuve de la part de M. Jani, la seule inférence raisonnable qui peut être tirée est que l’agente l’a informé de ses doutes selon lesquels il n’avait jamais travaillé à l’hôtel Vishnu Palace et qu’il n’avait aucune explication à fournir relativement à cette contradiction.

 

[13]           Bien qu’il ressorte du dossier que M. Jani a bel et bien fourni une explication quant à l’incapacité de l’agente de contacter l’aire de restauration Shor Sharaba et que l’agente n’a pas fait de suivi à cet égard, je ne crois pas que cela constitue une erreur susceptible de contrôle. L’agente semble s’être satisfaite de l’explication de M. Jani selon laquelle il travaillait à temps partiel pour cet employeur, mais elle a plutôt fondé sa décision sur l’omission de M. Jani de fournir des renseignements complets et véridiques au sujet de ses antécédents professionnels plus généraux.

 

[14]           Je suis d’accord avec Mme Lee que l’omission d’informer M. Jani qu’une décision défavorable pourrait être rendue contre lui en vertu de l’article 40 de la LIPR pourrait, dans certains cas, constituer un manquement à l’obligation de l’agente d’agir équitablement en ce qui concerne cette décision. Cependant, la décision rendue en vertu de l’article 40 contre M. Jani était une décision distincte de celle qui fait l’objet de la présente demande. M. Jani a demandé le contrôle judiciaire de la décision rendue au titre de l’article 40 pour des motifs d’équité, mais la Cour a refusé d’accorder l’autorisation. Il s’agit d’une décision finale quant à l’équité du processus ayant conduit à la décision fondée sur l’article 40 et cette question ne peut être soulevée indirectement dans la présente instance.

 

[15]           Enfin, je ne suis pas d’accord pour dire que la décision de l’agente de mener son entrevue avec M. Jani au téléphone soulève une question d’équité. L’agente n’avait pas non plus l’obligation de prévenir M. Jani des questions qui seraient examinées : voir Kunkel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 920, [2008] A.C.F. nº 1133, aux paragraphes 20 et 21.

 

[16]           La présente affaire illustre la nécessité pour les immigrants éventuels de fournir des renseignements rigoureusement exacts au défendeur. Étant donné les exigences du système, beaucoup d’importance doit être accordée à l’exactitude des déclarations qu’ils soumettent. Encourager le genre de conduite qui ressort en l’espèce ne sert pas les objectifs en matière d’immigration au Canada. Par conséquent, l’agente pouvait raisonnablement rejeter la demande de résidence permanente de M. Jani sur le fondement de son manque évident de franchise.

 

[17]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[18]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question à certifier et la présente affaire ne soulève aucune question de portée générale.

 


 

JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

«  R. L. Barnes »  

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3648-08

 

INTITULÉ :                                       SANJIVKUMAR INDRAVADAN JANI

                                                            c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 25 mars 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Barnes

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 31 mars 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Wennie Lee

416-321-0100

 

POUR LE DEMANDEUR

Eleanor Elstub

416-973-0430

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lee & Company

Avocats 

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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