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Date : 20090415

Dossier : IMM-3901-08

Référence : 2009 CF 382

Ottawa (Ontario), le 15 avril 2009

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

AHMET ORHAN GOKSU

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’ IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire, déposée conformément au paragraphe 72 (1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), porte sur une décision rendue le 12 août 2008 (la décision) par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande faite par le demandeur en vue d’être considéré comme un réfugié ou une personne à protéger au sens de la Convention en vertu des articles 96 et 97 de la Loi.

 

 

 

 

CONTEXTE

 

[2]               Le demandeur est un citoyen de la Turquie, célibataire et âgé de 29 ans, qui résidait à Istanbul. Il est issu d’une famille de classe moyenne. Sa mère est retraitée et son père est conseiller auprès d’un syndicat d’artistes. Le père a déjà été le maire d’Istanbul.

 

[3]               Le demandeur a obtenu un baccalauréat en économie en Turquie en 2002. En 2003, il s’est rendu aux États-Unis muni d’un visa d’étudiant pour étudier l’anglais.

 

[4]               Il est d’origine kurde et de religion alevi. Il se définit comme un partisan de la gauche et de la liberté d’expression et d’opinion politique. Il n’est pas un militant politique, c’est‑à-dire un membre d’un parti politique ou un organisateur politique. Il n’est pas un séparatiste kurde.

 

[5]               Le demandeur a été brièvement détenu par la police et maltraité, après que celle-ci l’eut arraché au hasard à la foule lors de manifestations politiques en 1999 et 2001. Lors de ces arrestations, il n’était pas expressément ciblé, et la police ne l’a jamais accusé d’activités criminelles ni photographié, et n’a jamais pris ses empreintes digitales.

 

[6]               En 2003, le demandeur est retourné en Turquie après ses études aux États-Unis. En mars 2004, il a participé à une manifestation politique, au cours de laquelle il a été arrêté avec quelques autres personnes par la police. Il a été détenu pendant 24 heures et battu. La police ne l’a pas accusé ni photographié et n’a pas pris ses empreintes digitales.

 

[7]               En juillet 2004, le demandeur a participé à une autre manifestation et a encore été détenu avec d’autres personnes, après avoir été arraché au hasard à une foule d’environ 2 000 personnes. La police l’a accusé d’être un séparatiste kurde, l’a interrogé à propos de ses amis et de sa famille, et elle l’a battu et maintenu au sol tout en lui donnant des coups de bâton sur la plante des pieds. La police l’a averti qu’elle le surveillerait dorénavant. Il a été libéré 30 heures plus tard. La police n’a pas porté d’accusation contre lui ni photographié et n’a pas pris ses empreintes digitales. Cependant, son nom et son adresse ont été consignés par écrit. Le demandeur a déclaré que, même s’il avait des contusions et que ses pieds étaient enflés, il n’avait pas de fracture et qu’il n’a pas demandé de soins médicaux.

 

[8]               Le demandeur d’asile et sa famille ont décidé qu’il valait mieux qu’il quitte le pays. Il a obtenu à nouveau un visa d’étudiant des États-Unis, où il est allé en août 2004. Après un certain temps, il a demandé conseil à un avocat américain au sujet de la présentation d’une demande d’asile dans ce pays. Ce dernier lui a dit que, depuis le 11 septembre, les États‑Unis acceptaient moins de demandeurs d’asile et que les chances qu’une telle demande soit acceptée étaient minces.

 

[9]               Après avoir appris d’une connaissance qu’il était possible de présenter une demande d’asile au Canada, le demandeur d’asile a demandé et obtenu un visa d’étudiant pour aller au Canada en mars 2006. Il est arrivé le 2 mars 2006 à Fort Erie, en Ontario, et il a présenté une demande d’asile à Toronto auprès d’un bureau intérieur le 6 mars 2006. Lorsque le demandeur est entré au Canada, son visa d’étudiant des États‑Unis était encore valide pour quelques mois et il aurait pu le prolonger.

 

[10]           Le demandeur soutient qu’il a raison de craindre d’être persécuté par la police en Turquie du fait de ses opinions politiques ou de ses opinions politiques présumées. De plus, il est d’avis qu’il serait personnellement soumis à la torture, ou exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels ou inusités, s’il devait retourner en Turquie.

 

DÉCISION CONTESTÉE

 

[11]           La Commission a jugé que le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger parce qu’il n’avait pas raison de craindre d’être persécuté pour un motif prévu par la Convention en Turquie et que son renvoi dans ce pays ne l’exposerait pas personnellement à une menace à sa vie, au risque de traitements ou peines cruels et inusités, ou au risque d’être soumis à la torture.

 

[12]           La Commission a décidé que la détention du demandeur par la police avait été le fruit du hasard. Il n’était qu’une personne parmi les 1 000 à 2 000 participants à chacune de ces manifestations où il a été détenu et qu’il a simplement eu la malchance d’être arrêté par la police. Rien n’indique que la police le visait expressément.

 

[13]           La Commission a également conclu que, si le demandeur retournait à Istanbul, il serait peu probable que la police prenne des mesures quelconques contre lui, même si elle savait qu’il était revenu. En outre, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve qui me permettent de conclure que sa vie serait menacée. La Commission a conclu que le fait que la police l’ait frappé sur la plante des pieds avec un bâton et l’ait interrogé peut être considéré comme une forme de torture; bien que cette pratique n’ait pas été prolongée et n’ait pas causé de préjudices graves. Vu l’ensemble de la preuve, la Commission n’a pas pu conclure que le demandeur subirait le même préjudice s’il devait retourner ou que la police ait même conservé un dossier de ses arrestations antérieures.

 

[14]           La Commission a fait remarquer que la Turquie a considérablement évolué depuis le départ du demandeur en 2004 et qu’elle tente actuellement d’adhérer à l’Union européenne. Par conséquent, des points de référence ont été établis pour amener le pays à améliorer la situation des droits de la personne avant qu’il puisse réaliser l’unité économique désirée avec l’Europe. Même s’il est vrai que, à une occasion en 2004, le demandeur d’asile a subi un châtiment corporel, la Commission a conclu que rien n’indiquait que les autorités avaient conservé un dossier de ses activités, et qu’il était clair qu’il n’avait jamais été accusé d’un crime. Elle a jugé qu’il n’y a qu’une simple possibilité que le demandeur d’asile soit persécuté pour ses opinions politiques.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[15]           Le demandeur soulèvent les questions suivantes dans la présente demande :

1)                  Y a-t-il des éléments de preuve permettant d’étayer ses arguments relatifs aux questions énoncées ci-après, et ces questions sont-elles sérieuses, soit individuellement ou collectivement?

 

                                            i.      La Commission a-t-elle commis une erreur de droit, a-t-elle manqué à l’équité d’une façon générale ou, en ne motivant pas adéquatement sa décision, a-t-elle commis une erreur de fait et a-t-elle outrepassé sa compétence en omettant de tenir compte de la preuve dont elle disposait sur les incidents de torture?

                                                    ii.     La Commission a-t-elle commis une erreur de droit, a-t-elle manqué à l’équité d’une façon générale ou, en ne motivant pas adéquatement sa décision, a-t-elle commis une erreur de fait et a-t-elle outrepassé sa compétence en omettant tenir compte de la preuve dont elle disposait selon laquelle la police le surveillerait?

                                                  iii.     La Commission a-t-elle commis une erreur de droit, a-t-elle manqué à l’équité, a-t-elle commis une erreur de fait et a-t-elle outrepassé sa compétence en omettant de se demander s’il existait des raisons impérieuses en vertu de l’article 108 de la Loi?

                                                  iv.     La Commission a-t-elle commis une erreur de droit, a-t-elle manqué à l’équité, a-t-elle commis une erreur de fait et a-t-elle outrepassé sa compétence lorsqu’elle a évalué le degré de risque requis en vertu de l’alinéa 97(1)b) de la Loi ?


DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[16]           Les dispositions suivantes s’appliquent dans le cadre de la présente instance :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

Personne à protéger

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Person in need of protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

Person in need of protection

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

NORME DE CONTRÔLE

 

[17]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a reconnu que, bien qu’il existe des différences théoriques entre la norme du manifestement déraisonnable et celle de la décision raisonnable simpliciter, « les difficultés analytiques soulevées par l’application des différentes normes réduisent à néant toute utilité conceptuelle découlant de la plus grande souplesse propre à l’existence de normes de contrôle multiples » (l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 44). La Cour suprême du Canada a donc conclu qu’il y avait lieu de fondre en une seule les deux normes de raisonnabilité.

 

[18]           Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a aussi conclu qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse exhaustive pour arrêter la bonne norme de contrôle. En effet, lorsque la norme de contrôle applicable à une question en particulier a déjà été établie de manière satisfaite par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme de contrôle. Ce n’est que lorsque cette recherche a été infructueuse que la cour de révision se livre à un examen des quatre facteurs, dont l’analyse de la norme de contrôle.

 

[19]           Ainsi, à la lumière de l’arrêt Dunsmuir de la Cour suprême du Canada et de la jurisprudence de la Cour, je conclus que la norme de contrôle applicable aux questions qui ne touchent pas à l’équité procédurale soulevées par le demandeur est celle de la décision raisonnable. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, [ainsi qu’] à  l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir, au paragraphe 47. Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision était déraisonnable au sens où elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[20]           Le demandeur a également soulevé des questions relatives à l’équité procédurale qui appellent l’application de la norme de la décision correcte : Suresh c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration) 2002 CSC 1.

 

 

ARGUMENT

            Le demandeur

 

[21]           Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en concluant que la torture avait diminué en Turquie. Un rapport de 2007 du Département d’État américain indiquait que les incidents de torture avaient augmenté dans ce pays. Le demandeur considère que cette erreur porte un coup fatal à la décision.

 

Caractère déraisonnable de la conclusion ou de l’interprétation de documents clés

 

[22]           Le demandeur soutient que la Commission a mal interprété certains des éléments de preuve documentaires; en particulier les Operational Guidance Notes du Royaume-Uni datées du 18 avril 2007. Il affirme que la politique de la Boarder Agency du R.-U. énonce que, lorsqu’une personne n’a pas été détenue antérieurement, le risque de mauvais traitement dans l’avenir est faible. Le demandeur précise qu’il a été détenu à quatre reprises. La Commission n’explique pas comment, selon les Guidance Notes, le demandeur serait exposé à un risque moindre.

 

Les rapports avec la police sont le fruit du hasard

 

[23]           La Commission a conclu que les rapports ultérieurs entre la police et le demandeur seraient le fruit du hasard. Cependant, le demandeur soutient que la Commission n’a pas tenu compte de sa preuve selon laquelle la police lui aurait dit qu’elle le surveillerait.

 

 

Persécution cumulative

 

[24]           Le demandeur allègue que la Commission n’a pas donné suite à l’argument qu’il a soumis selon lequel ses détentions à répétition, même si elles ne constituaient pas, de façon isolée, de la persécution, constituaient de la persécution de façon cumulative. Le demandeur considère cette erreur comme fatale.

 

[25]           Le demandeur cite la décision dans Sarmis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2004 CF 110, au paragraphe 19, sur laquelle il se fonde  :

19     Bien qu’elle ne puisse à elle seule servir à établir une crainte de persécution à l’avenir, la persécution antérieure peut servir de fondement à la crainte actuelle, comme l’a affirmé la juge Dawson dans la décision Tolu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 334, [2002] A.C.F. no 447 (1re inst.) (QL), au paragraphe 17 :

 

[...] dans les cas où la preuve établit une série d’actions considérées comme discriminatoires, il faut tenir compte de la nature cumulée des actes en cause. Cette exigence indique que des événements antérieurs peuvent servir de fondement à la crainte actuelle [...]

 

[26]           Le demandeur souligne que la SPR a été appelée à se prononcer sur la persécution cumulative lors de l’examen de demandes présentées par des Kurdes turcs dans au moins deux décisions : Ozen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2002 CFPI 521 (Ozen) et Tolu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2002 CFPI 334 (Tolu).

 

[27]           Dans Ozen, le demandeur fait observer que la SPR avait examiné tous les incidents pertinents, mais qu’on a jugé qu’elle avait commis une erreur de principe en analysant chaque incident isolément et en tant qu’élément distinct. La SPR doit examiner l’effet cumulatif de la discrimination et les incidents dans leur ensemble. Le demandeur se fonde sur le paragraphe 19 de l’affaire Ozen, lequel est ainsi rédigé :

19     En l’espèce, M. Ozen a décrit, dans son témoignage non contredit, cinq incidents survenus entre 1994 et 1999, qui mettaient en cause des policiers dans des affaires où ils ont battu ou harcelé des gens. La SSR a traité de chacun de ces incidents dans ses motifs et a conclu qu’il s’agissait d’« incidents susceptibles de se produire par hasard » et non pas de persécution. La SSR n’a pas examiné la question de savoir si l’effet cumulatif de ces incidents pouvait équivaloir à de la persécution.

 

[28]           Le demandeur se fonde également sur les paragraphes 15 à 18 de l’affaire Tolu :

15     J’énoncerai d’abord trois principes généraux de droit. Premièrement, la question de savoir si un acte discriminatoire constitue de la persécution est une question de fait et de droit. La Cour d’appel fédérale a statué qu’il incombe à la SSR de tirer la conclusion nécessaire, lorsqu’il s’agit de savoir si les actes reprochés constituent de la persécution dans un contexte factuel particulier en procédant à une analyse minutieuse de la preuve et en soupesant de la façon appropriée les divers éléments qui y figurent. L’intervention de la Cour n’est pas justifiée à moins que les conclusions tirées par la SSR ne semblent arbitraires ou déraisonnables. Voir : Sagharichi c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. n796 (C.A.F.).

 

16     Deuxièmement, en ce qui concerne la question de savoir ce qui constitue de la persécution, l’arrêt qui fait autorité est l’arrêt Rajudeen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1984), 55 N.R. 129, où, à la page 133, la Cour d’appel fédérale a défini la persécution comme suit : harceler ou tourmenter sans relâche par des traitements cruels ou vexatoires; tourmenter sans répit, tourmenter ou punir en raison d'opinions particulières ou de la pratique d’une croyance ou d’un culte particulier; succession de mesures prises systématiquement, pour punir ceux qui professent une (religion) particulière; période pendant laquelle ces mesures sont appliquées; préjudice ou ennuis constants quelle qu’en soit l’origine.

 

17     Troisièmement, dans les cas où la preuve établit une série d’actions considérées comme discriminatoires, il faut tenir compte de la nature cumulée des actes en cause. Cette exigence indique que des événements antérieurs peuvent servir de fondement à la crainte actuelle. Voir Retnem c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l’Immigration) (1991), 132 N.R. 53 (C.A.F.). C’est ce qui est également dit dans le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du HCNUR, paragraphe 53 :

 

En outre, un demandeur du statut de réfugié peut avoir fait l’objet de mesures diverses qui en elles-mêmes ne sont pas des persécutions (par exemple, différentes mesures de discrimination), auxquelles viennent s’ajouter dans certains cas d’autres circonstances adverses (par exemple une atmosphère générale d’insécurité dans le pays d’origine). En pareil cas, les divers éléments de la situation, pris conjointement, peuvent provoquer chez le demandeur un état d’esprit qui permet raisonnablement de dire qu’il craint d’être persécuté pour des « motifs cumulés ».

 

18     En l’espèce, je retiens l’argument avancé pour le compte de M. Tolu, à savoir que la SSR n’a pas tenu compte de la question de savoir si l’effet cumulé des traitements infligés pouvait donner lieu à une crainte fondée de persécution [...]

 

Transcription incomplète

 

[29]           Le demandeur soutient qu’il n’est pas possible d’examiner les déclarations exactes qu’il a faites, étant donné que la transcription est incomplète du fait que les interrogatoires des conseils et de l’agent du tribunal ont été omis.

 

Affirmation ambiguë

[30]           Le demandeur souligne que la Commission a fait une affirmation ambiguë qui ne précise pas si la police tenait un dossier de ses détentions. La preuve fournie par le demandeur rapporte ce qu’on lui a dit et les raisons pour lesquelles il a été maltraité et menacé durant sa quatrième période de détention. La conclusion défavorable tirée par la Commission est donc erronée puisque la preuve du demandeur indiquait que la police lui avait dit qu’elle était au courant de ses arrestations passées lors de sa quatrième détention (et torture). La Commission n’a pas non plus conclu dans un sens ou dans l’autre : F.H. c. McDougall 2008 CSC 53.

 

[31]           Le demandeur cite également Rivas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. n624, au paragraphe 3 pour les motifs suivants :

[...] Bien que la Commission ait le pouvoir de choisir la preuve documentaire à laquelle elle juge bon d'accorder de l'importance, elle a également la responsabilité de tirer des conclusions claires sur la preuve dont elle est saisie. L'intimé prétend que le requérant ne s'est pas acquitté du fardeau de preuve qui lui incombait. La nonne de preuve entre en jeu lorsque le tribunal est tenu de tirer une conclusion de fait, ainsi définie : décision portant qu'un événement s'est produit, qu'il a lieu ou qu'il se produira, indépendamment de toute décision quant à ses effets juridiques: voir L.L. Jaffe, Judicial Control of Administrative Action, Toronto, Little Brown and Company, 1965, page 548. Bien entendu, la question est de savoir comment interpréter et appliquer la loi au regard des faits qui sont établis dans la procédure. On ne peut substituer des hypothèses à cette responsabilité. La Cour est d'avis que la Commission a commis une erreur quand, au lieu de tirer des conclusions de fait claires, elle a émis ses propres hypothèses sur la cause du décès du père, de même que sur les raisons pour lesquelles le requérant pourrait être poursuivi.

 

 

            Cesser d’exprimer ses opinions politiques pour acheter sa sécurité

 

[32]           Le demandeur rappelle des décisions dans lesquelles la Cour a conclu que la SPR ne peut s’attendre à ce qu’un demandeur cesse d’exercer ses activités et d’exprimer ses opinion politiques : Islam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 135.

 

Erreur de droit

 

[33]           La Commission a conclu que le demandeur avait été soumis à la torture mais que des changements importants étaient survenus en Turquie depuis son départ. Le demandeur allègue que la Commission a commis une erreur de droit en omettant de se demander s’il existait des raisons impérieuses de le reconnaître comme une personne à protéger. À l’audience, la Commission n’a jamais abordé la question des changements de circonstances et devait le faire, peu importe si le demandeur soulevait ou non la question des raisons impérieuses.

 

 

[34]           Le demandeur se fonde également sur les paragraphes 4 et 5 de l’arrêt Yamba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 457 (C.A.F.).

 

 

[35]           Le demandeur affirme que l’on peut valablement soutenir qu’une personne qui est soumis à la torture est susceptible de satisfaire au critère relatif aux raisons impérieuses, et qu’une conclusion de reconnaissance d’un risque de tortue est de nature extraordinaire : Regroupement des motifs de protection dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés : Personnes à protéger : Risque de torture, Services juridiques, Commission de l’immigration et du statut de réfugié (15 mai 2002) : http://www.irb‑cisr.gc.ca/fra/brdcom/references/legjur/rpdspr/cgreg/torture/pages/index.aspx.

 

Degré de risque requis en vertu de l’alinéa 97(1)b)

 

[36]           Le demandeur soutient que la présente affaire représente une occasion de se demander si l’alinéa 97(1)b) exige que le demandeur établisse en preuve qu’il serait cruellement traité ou qu’il serait seulement exposé à un tel risque. Le demandeur affirme que la Commission a interprété avec justesse l’énoncé de la loi lorsqu’elle a déclaré qu’un préjudice doit être prouvé selon la prépondérance des probabilités. Cependant, la Commission n’a fait aucune distinction entre l’alinéa 97(1)a) et l’alinéa b). Le demandeur estime qu’il faut sérieusement se demander ce que l’alinéa b) exige.

 

[37]           Le demandeur concède que, pour l’application de l’alinéa 97(1)a), il doit établir en preuve qu’il serait soumis à la torture. Cependant, il affirme que la jurisprudence n’est pas fixée quant à savoir s’il doit établir qu’il serait tué (menace à sa vie) ou qu’il subirait des traitements ou peines cruels et inusités : Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2005 CAF 1.

 

[38]           Le demandeur indique que le fardeau de la preuve applicable à l’alinéa 97(1)a) est plus lourde, parce que le risque d’être soumis à la torture existe « s’il y a des motifs sérieux de le croire », ce qui n’est pas exigé aux termes de l’alinéa 97(1)b).

 

Le défendeur

 

[39]        Le défendeur soutient que la Commission n’a pas commis d’erreur en concluant que les cas de torture avaient diminué depuis le départ du demandeur de la Turquie en 2004. La conclusion ne se rapportait qu’à « la situation des personnes qui ont des liens avec des groupes ou des partis politiques kurdes, de gauche ou de terroristes islamiques ». De plus, la Commission n’était pas tenue de renvoyer à chaque élément de preuve dont elle avait été saisie qui était contraire à la conclusion qu’elle avait tirée et d’expliquer la façon dont elle les avait traités. La question est de savoir si la Cour devrait inférer de l’omission de la Commission d’avoir renvoyé à certains éléments de la preuve documentaire sur lesquels s’appuyait le demandeur que celle-ci a omis de tenir compte d’éléments de preuve importants ou qu’elle a tiré une conclusion de fait erronée. En lisant la décision dans son ensemble, on constate qu’il n’y a pas lieu de tirer une telle inférence et que la Commission a clairement indiqué qu’elle avait examiné la preuve documentaire.

 

[40]        Le demandeur n’a produit aucun rapport indiquant que sa famille l’avait averti que les autorités du pays le recherchaient depuis son départ, en juillet 2004, ou qu’il avait eu de difficulté à quitter le pays. La Commission a donc raisonnablement conclu que la preuve n’étayait pas la conclusion selon laquelle le profil du demandeur l’exposerait à un risque ou que la police « le surveillerait ».

 

[41]        De plus, la Commission n’a pas commis d’erreur en omettant de tenir compte du paragraphe 108(4) de la Loi. D’abord, aucune disposition législative n’exige que la Commission examine dans chaque cas si le demandeur est visé par le paragraphe 108(4). Et puis, la Commission est obligée de tenir compte du paragraphe 108(4) seulement lorsqu’elle conclut que le demandeur a déjà eu la qualité de réfugié au sens de la Convention, mais qu’il l’a ensuite perdue en raison de changements dans les conditions du pays dans des affaires de persécution antérieure épouvantable. Le défendeur se fonde sur Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] A.C.F. no 946 (C.A.F.), au paragraphe 6 :

Il est évident, comme le laisse entendre l’appelant, que les paragraphes 2 (2) et 2 (3) de la Loi sur l’immigration traitent de la perte du statut de réfugié au sens de la Convention, en raison notamment d’un changement d’un fait pertinent survenu dans le pays dont le réfugié a la nationalité. Toutefois, ces dispositions ne changent en rien le critère utilisé pour déterminer initialement le statut de revendicateur. Il est de droit constant que pour obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention au sens accordé à cette expression par la Loi sur l’immigration, il faut respecter, à la fois, un critère de subjectivité et d’objectivité. On doit « craindre avec raison d’être persécuté ». On ne peut en arriver à la possibilité de perdre son statut de réfugié au sens de la Convention, c’est-à-dire que les paragraphes 2 (2) et 2 (3) ne peuvent s’appliquer, que si l’on est tout d’abord visé par une définition de la loi au paragraphe 2(1).

 

[42]        Le défendeur est d’avis que le demandeur ne satisfait à aucun des critères de la décision Hassan et que l’affaire Yamba citée par le demandeur ne s’applique pas à la présente situation parce que le demandeur dans cette affaire craignait avec raison d’être persécuté, mais qu’il a ensuite perdu son statut de réfugié au sens de la Convention. Dans la présente affaire, on n’a conclu nulle part que le demandeur était un réfugié au sens de la Convention et qu’il avait cessé de l’être en raison de changements dans les conditions du pays. La Commission a plutôt conclu que la crainte de persécution du demandeur n’était pas objectivement fondée. Par conséquent, la Commission n’était pas tenue de tenir compte du paragraphe 108(4) de la Loi.

 

[43]        De plus, le défendeur fait valoir que, pour que le paragraphe 108(4) de la Loi puisse être  invoqué, il faut des circonstances exceptionnelles. Le défendeur cite Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Obstoj, [1992] 2 C.F. 739 (C.A.F.), aux paragraphes 19 et 20 :

[...] Quelle que soit l’interprétation du paragraphe 2(3), elle doit s’étendre à quiconque a été reconnu comme réfugié à un moment donné, même bien après la date de la Convention. Il n’est donc guère surprenant que ce paragraphe doive être interprété comme exigeant des autorités canadiennes qu’elles accordent la reconnaissance du statut de réfugié pour des raisons d’ordre humanitaire à cette catégorie spéciale et limitée de personnes, c'est-à-dire ceux qui ont souffert d’une persécution tellement épouvantable que leur seule expérience constitue une raison impérieuse pour ne pas les renvoyer, lors même qu’ils n’auraient plus aucune raison de craindre une nouvelle persécution.

 

Les circonstances exceptionnelles envisagées par le paragraphe 2(3) doivent certes s'appliquer uniquement à une petite minorité de demandeurs actuels [...]

 

 

[44]        Le défendeur cite également la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale dans l’affaire Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 630 (Sect. 1re inst. de la C.F.) et se fonde sur le paragraphe 11 :

À moins que l’on ne craigne que cette interprétation du paragraphe 2(3) porte atteinte à l’exigence habituelle selon laquelle les requérants doivent démontrer qu’ils craignent toujours d’être persécutés, on doit reconnaître, tel que l’a fait remarquer le juge Hugessen dans la décision Obstoj, que le paragraphe 2(3) ne s’applique qu’à une petite minorité de requérants actuels, c’est-à-dire de requérants appartenant à une catégorie spéciale et restreinte et pouvant démontrer qu’ils ont été persécutés de manière si épouvantable que cela seul constitue une raison impérieuse de ne pas les renvoyer dans le pays où ils ont subi cette persécution. Bien qu’un grand nombre de demandeurs du statut de réfugié pourront s’estimer visés par le paragraphe 2(3), on doit se souvenir que toute forme de persécution est associée, par définition, à la mort, à des blessures physiques ou à d’autres sévices. Le paragraphe 2(3), tel qu’il a été interprété, ne s’applique qu’à des cas extraordinaires de persécution si exceptionnelle que même l’éventualité d’un changement de contexte ne justifierait pas le renvoi du requérant.

 

 

[45]        Le défendeur allègue que, bien que le demandeur puisse avoir subi un châtiment corporel à un moment donné dans le passé, il n’a produit aucun élément de preuve qui satisfait à la règle des raisons impérieuses.

 

[46]        Le défendeur ajoute que le droit est bien établi quant au « degré de risque » requis en vertu de l’alinéa 97(1)b) de la Loi et que la Commission a appliqué le bon critère. Le degré de risque requis est le même en vertu tant de l’article 96 que de l’article 97, comme il est indiqué dans Anthonimuthu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. n162, aux paragraphes 35 et 56 :

La demanderesse ajoute que le critère relatif à l’alinéa 97(1)a) de la LIPR est différent (et moins exigeant) que le critère de l’alinéa 97(1)b) de la LIPR et certainement moins exigeant que celui qui s’applique à l’article 96. En invoquant le terme « risque » de l’alinéa 97(1)b), la demanderesse soutient qu’il s’agit d’une norme beaucoup moins sévère que la possibilité raisonnable appliquée dans le contexte de l’article 96.

 

[...]

 

Enfin, la question de la norme qui doit être appliquée dans l’appréciation du risque en vertu de l’alinéa 97(1)b) a été débattue. D’ailleurs, il s’agissait d’une question qui avait été certifiée en vue d’un appel devant la Cour d’appel fédérale en vertu de l’alinéa 74d) de la Loi. Heureusement, nous disposons maintenant de l’opinion de la Cour d’appel exprimée dans l’arrêt Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] CAF 1, savoir que la norme qui doit être appliquée dans l’évaluation du risque en vertu des alinéas 97(1)a) et b) est « la probabilité plutôt que le contraire ». Le juge Rothstein, s’exprimant au nom de la Cour d’appel, a également dit que la norme de preuve que le tribunal devait appliquer, en vertu tant de l’article 96 que de l’article 97 de la LIPR, était celle de la probabilité la plus forte. La Commission n’a commis aucune erreur en appliquant cette norme, mais puisqu’elle a commis une erreur pour ce qui concerne la conclusion en matière de crédibilité, la décision doit être annulée.

 

 

[47]        Le défendeur s’appuie également sur Chowdhury c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] A.C.F. no 368, aux paragraphes 8 et 9 :

Le choix du critère juridique approprié est une question de droit à laquelle s’applique la norme de contrôle de la décision correcte. Je ne suis pas convaincu que la commissaire a commis une erreur en employant les mots « motifs sérieux » pour apprécier le risque auquel le demandeur serait exposé lorsqu’elle a appliqué le critère prévu au paragraphe 97(1) de la LIPR plutôt que la norme de la prépondérance des probabilités.

 

Je constate que, dans l’affaire Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 1 (CanLII), 2005 CAF 1, [2005] A.C.F. no 1, [2005] 3 C.F. 239, la question étaient essentiellement l’inverse de celle qui est posée en l’espèce. Appelée à préciser le critère applicable au degré de risque de torture visé à l'alinéa 97(1)a), la Cour d’appel a jugé que c’était celui de la probabilité la plus forte ou de la « probabilité plutôt que le contraire ». Le juge Marshall Rothstein, siégeant alors à la Cour d’appel, a ensuite conclu que le degré de risque exigé en vertu de l'alinéa 97(1)b) était celui du risque plus probable que le contraire. Bien qu’il soit vrai que l’expression « motifs sérieux » figure dans la première disposition mais pas dans la seconde, le degré de risque exigé est le même. La forme emporterait le fond si l’on annulait la décision de la commissaire sur un aspect technique aussi pointu.

 

 

[48]        Le défendeur conclut que l’argument du demandeur concernant le degré de risque requis en vertu de l’alinéa 97(1)b) de la Loi constitue une diversion.

 

ANALYSE

 

[49]        Le demandeur a soulevé diverses questions de fait et de droit. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de toutes les reprendre puisque je suis convaincu que l’omission de la Commission d’examiner le Rapport de Human Rights Watch de 2008, et que son analyse sur les questions de droits de la personne en Turquie en 2007, ainsi que les observations du conseil sur ce document à l’audience devant la Commission, sont déterminantes.

 

[50]        Selon la Commission, « la situation politique a considérablement évolué [en Turquie] depuis son [le demandeur] départ, en 2004 », et la documentation sur laquelle elle s’est appuyée pour conclure à une tendance à la baisse du nombre de cas de torture et de mauvais traitements est en contradiction directe avec le rapport de Human Rights Watch qui a été porté à la connaissance de la Commission par le conseil. En fait, ce dernier document rectifiait l’impression de progrès donnée dans les documents précédents.

 

[51]        Le demandeur a allégué qu’il serait détenu et torturé s’il retournait en Turquie et s’il se livrait à des activités politiques. Le Rapport de Human Rights Watch fournit clairement une preuve objective à l’appui de ses craintes subjectives. Sa crédibilité n’a jamais été mise en doute et la Commission reconnaît même qu’« il a été attaqué verbalement, interrogé sur ses connaissances et battu, et, ce qui est plus grave, [qu’] on lui a infligé un châtiment physique qui peut, par sa nature, être perçu comme de la torture ».

 

[52]        Pour ce seul motif, et conformément aux principes bien reconnus, énoncés dans la décision Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. n1425 (F.C.T.D.), la présente affaire doit être renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

 

[53]        Je suis aussi d’accord avec le demandeur pour dire que les conclusions au paragraphe 26 de la décision selon lesquelles l’agent n’est « pas certain que la police ait même conservé un dossier des arrestations passées du demandeur d’asile et que, quatre ans plus tard, elle soit même au courant de telles arrestations » vont à l’encontre et ne tiennent pas compte du témoignage clair et non contredit du demandeur voulant que la police était au courant de ses arrestations passées et qu’elle le surveillerait dorénavant.

 

[54]        Compte tenu de ces conclusions, il est inutile que j’examine les autres aspects, plus juridiques, des observations du demandeur. Ce dernier a également soumis aux fins de certification une question portant sur l’alinéa 97(1)b) de la Loi et sur le fardeau de la preuve. Vu les conclusions que je viens de tirer, j’estime qu’il serait inapproprié de certifier la question puisqu’elle n’est pas déterminante quant à ma décision.

 


 

JUGEMENT

 

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.      La présente demande est accueillie et l’affaire est renvoyée pour réexamen par un autre agent.

 

2.      Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3901-08

 

INTITULÉ :                                       AHMET ORHAN GOKSU       

                                           

                                                                                                                      DEMANDEUR               

                                                            -   et   -

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION                                                                                

                                                          

                                                                                                                                  DÉFENDEUR

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 25 FÉVRIER 2009

                                                           

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 15 avril 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Micheal Crane                                                                                      DEMANDEUR

                                                                                                                    

Stephen H. Gold                                                                                   DÉFENDEUR                              

                                                                                                                    

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Micheal Crane

Avocat                                                                                                 DEMANDEUR

                                                                                                                  

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                                                       DÉFENDEUR

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