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Date : 20090430

Dossier : IMM-3876-08

Référence : 2009 CF 421

Ottawa (Ontario), ce 30e jour d’avril 2009

En présence de l’honorable Orville Frenette

ENTRE :

Rene Alejandro MUNOZ TEJEDA

 

Demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

Défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (ci-après le tribunal), rendue le 22 août 2008, concluant que le demandeur n’avait pas la qualité de « réfugié au sens de la Convention », ni celle de « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), et rejetant par conséquent la demande d’asile déposée par celui-ci.

 

Exposé des faits

[2]          Le demandeur, Rene Alejandro Munoz Tejeda, un citoyen du Mexique, demande l’asile au motif que sa vie serait menacée s’il retournait au Mexique.

 

[3]          Le demandeur est né au Mexique le 5 novembre 1973, et y a suivi ses études primaires, secondaires et collégiales, devenant ingénieur.

 

[4]          Il occupa divers emplois au Mexique entre 1989 et 2006. Entre autres, il aurait travaillé pour le Système national de la sécurité publique comme responsable du gymnase; une partie de ses fonctions consistait à organiser des cours reliés à la sécurité publique. Le demandeur relate qu’en août 2005, le commandant de l’État de Quintana Roo, Bernabé de León Álvarez, lui aurait demandé sa collaboration pour obtenir des copies ou les originaux des états de compte de l’institution dont le licencié Jorge Guadarrama Saldaña avait la charge; ce dernier étant le directeur général de l’académie régionale. Le commandant lui a dit qu’il soupçonnait le licencié Saldaña de corruption et désirait ces documents pour établir ses malversations.

 

[5]          Le demandeur aurait refusé cette collaboration et, le 10 décembre 2005, il aurait reçu une note de monsieur Álvarez qu’il a perçue comme une menace de mort.

 

[6]          Le 20 janvier 2006, il aurait été agressé par quatre individus qui venaient de la part du commandant Álvarez. Lors de l’audience, il ajouta que ces agresseurs étaient des policiers municipaux en uniforme.

[7]          Suite à cette agression, il logea une plainte auprès du Ministère public de l’État de Tlalixcoyan; on lui a dit qu’il serait avisé par écrit d’une convocation pour identifier les suspects.

 

[8]          Après s’être réfugié chez une tante à Veracruz, pendant un mois et demi, il fuit le Mexique pour se réfugier au Canada.

 

[9]          Le demandeur arriva à Toronto le 13 mars 2006 mais ne déposa sa demande d’asile que le 7 mars 2007.

 

La décision contestée

[10]      Après avoir analysé l’ensemble de la preuve présentée par le demandeur, le tribunal a conclu que la crédibilité du demandeur était compromise sur plusieurs points. Le tribunal a constaté que son récit n’était pas crédible fondé sur plusieurs aspects, dont un témoignage difficile à comprendre, une attitude nonchalante et un manque d’efforts pour obtenir les documents nécessaires auxquels le tribunal pouvait s’attendre; des omissions importantes dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) et des contradictions entre ce document et son témoignage. Le demandeur n’a pas déployé d’efforts suffisants pour obtenir la protection étatique au Mexique ni tenté de se relocaliser. Enfin, le demandeur n’a pas déchargé le fardeau de démontrer, selon la balance des probabilités, qu’il aurait été victime de persécution ou de menaces à sa vie au Mexique.

 

Les questions en litige

[11]      Les deux questions en litige sont : (1) Le tribunal a-t-il manqué aux principes de justice naturelle en refusant une demande d’ajournement? Et, (2), les conclusions du tribunal quant à la crédibilité, la possibilité de refuge intérieur et la protection de l’État, sont-elles déraisonnables ou non fondées sur la preuve?

 

La norme de contrôle judiciaire

[12]      Les questions de fait ou les questions mixtes de fait et de droit sont régies par la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, aux paragraphes 51 à 64). Les décisions du tribunal sur cette question exigent une retenue judiciaire (Dunsmuir et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12). Toujours selon Dunsmuir, les questions de droit sont assujetties à la norme de la décision correcte. La question de la protection de l’État est une question mixte de fait et de droit (Mendez c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 584; Paguada c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 351).

 

[13]      Les manquements aux règles de la justice naturelle ou à l’équité procédurale sont régis par la norme de la décision correcte. Mais même si ceux-ci ont eu lieu, le tribunal peut refuser d’accueillir la demande de réexamen si les lacunes sont minimes et si l’attaque contre la décision est vouée à l’échec (Cartier c. Procureur général, [2003] 2 C.F. 317 (C.A.F.), aux paragraphes 30 à 36; Thaneswaran c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CF 189).

 

La législation

[14]      Les articles 96 et 97 de la Loi se lisent ainsi :

  96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

  a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

  b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

  97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

  a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

  b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

  (2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie             

 

d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

 

  96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

  (a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

  (b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual

residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

  97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

  (a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

  (b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

 

  (2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as

 

being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

Analyse

[15]      Le tribunal a relevé de nombreuses omissions et contradictions entre le FRP et le témoignage du demandeur. Il a aussi constaté le témoignage difficile du demandeur, son attitude nonchalante et son manque d’efforts pour obtenir les documents nécessaires qu’il devait produire. Le tribunal avait le droit de tirer des inférences défavorables de tous ces facteurs (Koval’ok c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 145, paragraphes 24 à 26; Olmos c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 809, au paragraphe 32). Or, selon les normes de contrôle et la déférence que la Cour doit apporter aux décisions administratives, elle ne peut intervenir dans ce domaine (Dunsmuir et Khosa, supra).

 

[16]      Les manquements aux principes de justice naturelle et à l’équité procédurale reprochés par le demandeur ne sont pas fondés.

 

[17]      Le demandeur se plaint du fait que sa dernière demande d’ajournement, présentée à l’ouverture de l’audience le 19 août 2008, n’a pas été accueillie. Il prétend qu’il n’a pas eu suffisamment de temps pour se préparer à l’audition et qu’il n’a pas eu l’opportunité de présenter des précis ou documents pour corroborer sa version factuelle.

 

[18]      Ces doléances requièrent une revue des événements ou des actes posés ou omis.

 

[19]      Le demandeur est arrivé au Canada le 13 mars 2006 et n’a réclamé le statut de réfugié que le 7 mars 2007, soit près d’un an plus tard. Le 15 avril 2008, le demandeur et son procureur de l’époque, Me Marie-José Blain, sont avisés que la demande serait entendue le 5 juin 2008. Le 28 mai 2008, le demandeur change d’avocat et se fait représenter par Me Angelica Pantiru, laquelle, par lettre du 28 mai 2008, sollicite une remise de l’audition énumérant ses disponibilités. Cette demande d’ajournement fut accordée. La preuve documentaire démontre que des avis de convocation furent expédiés au demandeur et au bureau de Me Pantiru, à l’effet que l’audition était fixée au 19 août 2008. Le demandeur a admis avoir reçu cet avis mais son nouveau procureure soutient qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation. Toutefois, elle a admis qu’elle a su la date d’audition par appel téléphonique reçu au cours du mois de juin 2008. Malgré ces avis, ni le demandeur ni son procureure n’ont communiqué au sujet de l’audition et ce n’est que le 16 août 2008 qu’ils l’ont fait.

 

[20]      Au début de l’audience, la procureure du demandeur a présenté une nouvelle requête d’ajournement; requête qui fut débattue et rejetée par la Commission. Le demandeur témoigna et son procureure présenta ses arguments. Ils se plaignent maintenant que les règles d’équité procédurale furent violées.

 

[21]      Le demandeur soutient que les éléments à considérer selon l’article 48 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228, pour l’exercice du pouvoir discrétionnaire en matière d’ajournement (particulièrement les alinéas 4e), 4h), 4i), 4j) et 4k)) n’ont pas été observés.

 

[22]      En matière d’obligation d’équité procédurale, la norme de contrôle, qui s’applique en l’espèce, est la décision correcte (voir Ha c. Canada (M.C.I.), [2004] 3 R.C.F. 195 (C.A.F.)). Le demandeur cite à l’appui de ses prétentions une série d’arrêts d’espèce, soit : Bhinder c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le 9 octobre 1998), IMM-439-98 (C.F., 1re inst.); Mangat c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 189 F.T.R. 62; Yang c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2001 CFPI 219; Kruglov c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2001 CFPI 1165 et Chohan c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 390.

 

[23]      J’estime qu’en matière d’ajournement et d’application des règles d’équité procédurale, il faut se rappeler ce que la Cour d’appel fédérale a énoncé à ce sujet dans l’arrêt Schurman c. Canada, 2003 CAF 393, où le juge Robert Décary écrivait ces lignes :

[6]     Il est bien établi que la décision d'accorder ou non un ajournement relève de l’exercice du pouvoir discrétionnaire et n’entraînera pas l’intervention de la Cour à moins qu'il n’existe des circonstances exceptionnelles. . . .

 

 

[24]      Or, dans le présent dossier, tant le demandeur que son procureure ont été avisés de la tenue de l’audience deux mois à l’avance. S’ils n’ont pas assumé la responsabilité de communiquer ensemble et de se préparer adéquatement pour l’audition, ils n’ont qu’eux-mêmes à blâmer.

 

[25]      À mon avis, il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale ou aux principes de justice naturelle.

 

[26]      Quant à la protection de l’État mexicain, le demandeur n’a pas déchargé le fardeau d’établir que l’État n’était pas en mesure de le protéger (Luna c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 1132; Sanchez c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 134; Ruiz et al. c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 337).

 

[27]      Le demandeur n’a pas déchargé le fardeau d’établir qu’il n’y avait pas de possibilité de refuge intérieur pour lui au Mexique. Il n’a pas expliqué son retard d’une année avant de présenter une demande d’asile.

 

[28]      Pour tous les motifs précités, l’intervention de cette Cour n’est pas justifiée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

          La Cour ordonne que :

 

          La demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, rendue le 22 août 2008, est rejetée.

 

          Aucune question n’est certifiée.

 

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3876-08

 

INTITULÉ :                                       Rene Alejandro MUNOZ TEJEDA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 14 avril 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              L’honorable Orville Frenette, Juge suppléant

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 30 avril 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Angelica Pantiru                             POUR LE DEMANDEUR

 

Me Mireille-Anne Rainville

Mlle Marjolaine Breton, stagiaire          POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Angelica Pantiru                                                            POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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