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Cour fédérale

Federal Court

 

Date : 20090513

Dossier : IMM-3802-08

Référence : 2009 CF 491

Ottawa (Ontario), ce 13e jour de mai 2009

En présence de l’honorable Orville Frenette

ENTRE :

Maboso MONONGO

 

Partie demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

Partie défenderesse

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l’encontre d’une décision rendue le 21 août 2008 par Julie Bernier, agent chargé de l’examen des risques avant renvoi (l’agent ERAR) qui rejetait la demande de protection du demandeur.

 

Les faits

[2]          Le demandeur, qui est citoyen de la République démocratique du Congo (RDC), est arrivé au Canada en mai 1997, alors âgé de quinze ans. Il devint résident permanent à titre d’immigrant dans la catégorie « regroupement familial ».

 

[3]          La preuve a révélé que depuis qu’il a atteint sa majorité en 2000, le demandeur a été condamné au Canada pour plus de 30 infractions criminelles, dont : voies de fait, voies de fait contre un agent de la paix, possession d’armes prohibées, agressions alors qu’il était armé, proférer des menaces de mort, agressions causant des lésions corporelles. De plus, le demandeur n’a pas respecté les conditions durant sept périodes de probation entre 2000 et 2007.

 

[4]          Le 24 septembre 2004, la Section de l’immigration prononçait une mesure d’expulsion contre le demandeur, devenant interdit de territoire au Canada pour grande criminalité en vertu de l’alinéa 36(1)a) de la Loi :

  36. (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

a)   être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

 

  36. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

(a)   having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

 

 

[5]          Un appel logé contre cette mesure fut rejeté par décision du 27 décembre 2006.

 

[6]          Le 23 septembre 2004, soit la veille de la date de l’enquête, le demandeur présentait une demande d’asile à la Section de la protection des réfugiés (la SPR). Faisant défaut de comparaître aux audiences de la SPR; cette dernière prononce alors un désistement de sa demande d’asile par décision du 14 février 2007.

 

[7]          Le 23 juillet 2008, le demandeur complétait un Formulaire de demande d’ERAR mais il ne l’a pas déposé. L’agent André Pelletier, de l’Agence des services frontaliers du Canada, lui a alors expliqué qu’il fallait compléter le formulaire et le déposer au plus tard 15 jours après, i.e. le 7 août 2008. Ce ne serait que le 14 août 2008, soit sept jours trop tard, qu’il aurait déposé sa demande via une télécopie transmise par Robert Naylor.

 

[8]          Le défaut de présenter la demande ERAR en temps opportun a eu deux conséquences : premièrement, le demandeur a perdu le sursis réglementaire jusqu’à ce que la décision ERAR soit rendue selon le paragraphe 232b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement). Et, en second lieu, après l’expiration des 15 jours selon l’article 162 du Règlement, l’agent ERAR pouvait rendre sa décision à compter du 8 août 2008.

 

[9]          N’ayant pas reçu le dépôt du formulaire, l’agent a rendu sa décision motivée rejetant la demande ERAR et, le 21 août 2008, Mme Nadine Grégoire de l’Agence des services frontaliers du Canada se rendit à l’établissement de détention du demandeur pour l’aviser de la décision négative.

 

[10]      Le lendemain, soit le 22 août 2008, la procureure du demandeur déposait au greffe son mémoire écrit. Par la suite, l’agent ERAR déposait un addendum à sa décision, tenant compte des soumissions précitées, mais rejetant la demande ERAR.

 

La décision contestée

[11]      L’agent ERAR a conclu qu’il n’y avait aucune preuve suffisante ou nouvelle pouvant permettre de conclure que si le demandeur était retourné en RDC, il serait exposé à un risque général et particulier.

 

[12]      Dans l’addendum du 29 août 2008, l’agent ERAR a expliqué davantage sa décision pour tenir compte des soumissions du demandeur. Elle conclut que malgré son origine ethnique tutsie ou moitié hutue, il ne serait pas exposé systématiquement à des risques de persécution, menace à la vie ou torture en RDC.

 

[13]      L’agent ERAR a accordé très peu de valeur probante au « pseudo » rapport psychologique de David L. B. Woodbury à l’effet que le demandeur souffrait de problèmes psychologiques (M. Woodbury n’étant ni psychologue ni membre de l’Ordre des psychologues du Québec). Elle a aussi considéré que malgré la qualité inférieure des soins médicaux ou des institutions pour personnes atteintes de problèmes psychologiques, ils étaient présents en RDC; moyen qu’elle n’avait pas commenté dans la décision du 21 août 2008.

 

 

 

La norme de contrôle applicable

[14]      La norme de contrôle des décisions relatives à des questions de fait ou des questions mixtes de fait et de droit, est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190). L’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, nous rappelle que les décisions des tribunaux administratifs, parce qu’ils sont des tribunaux spécialisés, ont droit à déférence. Pour les questions de droit pur, la norme est celle de la décision correcte (Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, et Dunsmuir, ci-dessus). Enfin lorsqu’il s’agit de justice naturelle ou d’équité procédurale, la norme est aussi celle de la décision correcte (Suresh v. Canada (M.C.I.), [2002] 1 R.C.S. 3; Cartier c. Canada (Procureur général), [2003] 2 C.F. 317 (C.A.), aux paragraphes 30 à 36; Thaneswaran c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CF 189).

 

La législation

[15]      Les articles pertinents de la LIPR sont les suivants :

  112. (3) L’asile ne peut être conféré au demandeur dans les cas suivants :

a) il est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée;

b) il est interdit de territoire pour grande criminalité pour déclaration de culpabilité au Canada punie par un emprisonnement d’au moins deux ans ou pour toute déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

c) il a été débouté de sa demande d’asile au titre de la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés;

d) il est nommé au certificat visé au paragraphe 77(1).

 

  113. Il est disposé de la demande comme il suit :

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

d) s’agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3), sur la base des éléments mentionnés à l’article 97 et, d’autre part :

(i) soit du fait que le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité constitue un danger pour le public au Canada,

(ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.

 

 

  114. (1) La décision accordant la demande de protection a pour effet de conférer l’asile au demandeur; toutefois, elle a pour effet, s’agissant de celui visé au paragraphe 112(3), de surseoir, pour le pays ou le lieu en cause, à la mesure de renvoi le visant.

  (2) Le ministre peut révoquer le sursis s’il estime, après examen, sur la base de l’alinéa 113d) et conformément aux règlements, des motifs qui l’ont justifié, que les circonstances l’ayant amené ont changé.

  (3) Le ministre peut annuler la décision ayant accordé la demande de protection s’il estime qu’elle découle de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait.

  (4) La décision portant annulation emporte nullité de la décision initiale et la demande de protection est réputée avoir été rejetée.

 

 

 

 

 

 

  115. (1) Ne peut être renvoyée dans un pays où elle risque la persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités, la personne protégée ou la personne dont il est statué que la qualité de réfugié lui a été reconnue par un autre pays vers lequel elle peut être renvoyée.

  (2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas à l’interdit de territoire :

a) pour grande criminalité qui, selon le ministre, constitue un danger pour le public au Canada;

b) pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée si, selon le ministre, il ne devrait pas être présent au Canada en raison soit de la nature et de la gravité de ses actes passés, soit du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.

  (3) Une personne ne peut, après prononcé d’irrecevabilité au titre de l’alinéa 101(1)e), être renvoyée que vers le pays d’où elle est arrivée au Canada sauf si le pays vers lequel elle sera renvoyée a été désigné au titre du paragraphe 102(1) ou que sa demande d’asile a été rejetée dans le pays d’où elle est arrivée au Canada.

 

  112. (3) Refugee protection may not result from an application for protection if the person

(a) is determined to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights or organized criminality;

(b) is determined to be inadmissible on grounds of serious criminality with respect to a conviction in Canada punished by a term of imprisonment of at least two years or with respect to a conviction outside Canada for an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years;

(c) made a claim to refugee protection that was rejected on the basis of section F of Article 1 of the Refugee Convention; or

(d) is named in a certificate referred to in subsection 77(1).

  113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

(c) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of sections 96 to 98;

(d) in the case of an applicant described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of the factors set out in section 97 and

(i) in the case of an applicant for protection who is inadmissible on grounds of serious criminality, whether they are a danger to the public in Canada, or

(ii) in the case of any other applicant, whether the application should be refused because of the nature and severity of acts committed by the applicant or because of the danger that the applicant constitutes to the security of Canada.

 

  114. (1) A decision to allow the application for protection has

(a) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), the effect of conferring refugee protection; and

(b) in the case of an applicant described in subsection 112(3), the effect of staying the removal order with respect to a country or place in respect of which the applicant was determined to be in need of protection.

  (2) If the Minister is of the opinion that the circumstances surrounding a stay of the enforcement of a removal order have changed, the Minister may re-examine, in accordance with paragraph 113(d) and the regulations, the grounds on which the application was allowed and may cancel the stay.

  (3) If the Minister is of the opinion that a decision to allow an application for protection was obtained as a result of directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts on a relevant matter, the Minister may vacate the decision.

  (4) If a decision is vacated under subsection (3), it is nullified and the application for protection is deemed to have been rejected.

  115. (1) A protected person or a person who is recognized as a Convention refugee by another country to which the person may be returned shall not be removed from Canada to a country where they would be at risk of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion or at risk of torture or cruel and unusual treatment or punishment.

  (2) Subsection (1) does not apply in the case of a person

(a) who is inadmissible on grounds of serious criminality and who constitutes, in the opinion of the Minister, a danger to the public in Canada; or

(b) who is inadmissible on grounds of security, violating human or international rights or organized criminality if, in the opinion of the Minister, the person should not be allowed to remain in Canada on the basis of the nature and severity of acts committed or of danger to the security of Canada.

  (3) A person, after a determination under paragraph 101(1)(e) that the person’s claim is ineligible, is to be sent to the country from which the person came to Canada, but may be sent to another country if that country is designated under subsection 102(1) or if the country from which the person came to Canada has rejected their claim for refugee protection.

 

Functus officio

[16]      Le défendeur soulève un plaidoyer procédural de functus officio à l’encontre de l’addendum de l’agent ERAR du 29 août 2008, même si celui-ci n’a pas modifié le fond de la décision rendue le 21 août 2008.

 

[17]      La procureure du demandeur plaide que l’agent ERAR possédait le pouvoir administratif d’agir comme elle l’a fait. Elle soutient aussi que malgré l’expiration du délai de 15 jours, elle avait le droit de produire son mémoire parce que les autorités savaient que le demandeur allait ou désirait présenter une demande ERAR.

 

[18]      Le principe du functus officio veut qu’un décideur soit dessaisi d’une affaire dès qu’il a rendu sa décision. En conséquence, l’agent ERAR devint functus officio le 21 août 2008, après avoir rendu et signé sa décision et l’avoir communiquée au demandeur. Ce principe est énoncé dans Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848. Des arrêts de notre Cour ont appliqué cette règle classique du functus officio aux décisions administratives, i.e. que la décision est finale après qu’elle a été signée et a été communiquée aux parties : Chudal c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CF 1073; Pur c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 1109; Dumbrava c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (1995), 101 F.T.R. 230.

 

[19]      Par ailleurs, la juge Barbara Reed dans l’affaire Nouranidoust c. Canada (M.C.I.), [2000] 1 C.F. 123, est moins catégorique ou formaliste; elle écrivait, se référant aux remarques du juge Sopinka dans Chandler, ci-dessus :

[13]     . . . Cependant, il a noté que le principe devrait être appliqué de manière souple aux tribunaux administratifs :

C’est pourquoi j’estime que son application doit être plus souple et moins formaliste dans le cas de décisions rendues par des tribunaux administratifs qui ne peuvent faire l’objet d’un appel que sur une question de droit.

 

 

La juge Reed de conclure qu’un agent d’immigration pouvait réexaminer un dossier « lorsque ce dernier pense qu’il y va de l’intérêt de la justice ».

 

[20]      Cet arrêt me paraît nettement marginal lorsqu’on analyse la jurisprudence prépondérante. Force m’est de conclure que dans les circonstances du présent dossier, le principe du functus officio doit s’appliquer; donc la décision du 21 août 2008 doit être celle seule à considérer.

 

[21]      Le demandeur soulève les arguments suivants : crainte pour sa vie et sa sécurité, sa condition psychologique et son renvoi vers un pays à risque grave.

 

          Crainte pour sa vie et sa sécurité

[22]      Le demandeur soumet que son origine ethnique tutsie ou moitié hutue, signifie qu’il sera persécuté au Congo et qu’à l’aéroport d’entrée, il sera interrogé et incarcéré. Il plaide que les Tutsis sont perçus comme responsables des guerres de 1990-1997 et de 1998-2002. Il s’appuie sur le Country Reports on Human Rights Practices – 2007, faisant état de la situation dangereuse en RDC.

 

[23]      Le défendeur répond que cette problématique a été considérée par l’agent ERAR et que, selon le document du British Home Office, Border & Immigration Agency, Country of Origin Information Report, Democratic Republic of the Congo, 8 février 2008, « la situation des Tutsis semble s’être améliorée ».

 

[24]      Une analyse de la preuve documentaire démontre que la persécution des Tutsis serait appliquée surtout à ceux qui ont des activités politiques contraires à celles du gouvernement (voir aussi Kandolo c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 1176; Maskini c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 826).

 

[25]      Le demandeur n’a pas démontré qu’il faisait partie de cette catégorie donc il n’y a pas de risque personnel particulier entre son sort et celui de tous les autres Tutsis. S’il n’y a pas de preuve de risque personnalisé, ce moyen n’est pas suffisant pour prévenir le retour (Kaba c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CF 647). Dans l’affaire Nkitabungi c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 20007 CF 331, le juge Luc Martineau a eu à décider la situation d’un citoyen de la RDC d’origine tutsie, et a rejeté la demande à l’encontre de la décision de l’agente à ce sujet (voir aussi Lalane c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 6). L’agent ERAR ici a aussi considéré le lourd casier judiciaire du demandeur.

 

          La condition psychologique du demandeur

[26]      Le demandeur plaide que l’agent ERAR a erré en ne tenant pas compte de « sa déficience mentale » et ses conséquences s’il était emprisonné. Il soulève la qualité des soins psychiatriques en RDC. Le demandeur allègue qu’il souffre de déficience mentale depuis sa naissance et prend appui dans un rapport de David L.B. Woodbury quant à sa condition psychologique. Or, dans trois arrêts, il fut déterminé que monsieur Woodbury est un psycho-éducateur et non un psychologue, donc il n’a pas la compétence pour émettre des diagnostics psychologiques (Singh c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2001 CFPI 1376, paragraphe 6; Kakonyi c. ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2008 CF 1410, paragraphes 49 et 50; Sokhi c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 140, paragraphe 10).

 

[27]      La preuve démontre qu’au plan intellectuel, le demandeur se trouve largement sous la moyenne et, selon des rapports psychologiques, il y a « une possibilité diagnostique d’un trouble psychologique non spécifié » ou « un individu ayant une organisation prépsychotique de la personnalité ».

 

[28]      Par ailleurs, les rapports psychologiques et psychiatriques de l’Institut Pinel ont conclu que le demandeur était en état d’être reconnu criminellement responsable des délits qu’il avait commis.

[29]      À l’Institut Pinel, le demandeur a fait l’objet de nombreux examens et évaluations; selon les rapports des psychiatres Durivage, Wolwartz et Talbot, il devait être reconnu criminellement responsable des délits reprochés au sens de l’article 16 du Code criminel. Le psychiatre Talbot, dans sa note du 1er avril 2008, indique que les épisodes de schizophrénie du demandeur font suite à son refus de prendre des médicaments de contrôle.

 

[30]      Il ressort de la preuve que le demandeur est atteint de certains problèmes mentaux qui sont contrôlés par des médicaments. La preuve démontre que la RDC est munie d’institutions psychiatriques qui peuvent s’occuper de personnes atteintes de maladies mentales (document du British Home Office, février 2008, aux paragraphes 28.55 et 28.56). Même si la qualité de ces services n’est pas au même niveau qu’au Canada, ce motif ne justifie pas un non-renvoi.

 

[31]      La condition médicale du demandeur ne peut constituer un risque au sens des articles 96 et 97 de la Loi. Cette partie de l’argumentation du demandeur serait davantage liée à une demande de dispense déposée en vertu de l’article 25 de la Loi (Covarrubias c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [2007] 3 C.F. 169 (C.A.); Mekarbèche c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CF 566).

 

[32]      Il ressort de l’ensemble de la preuve que l’agent ERAR n’a pas commis d’erreur dans son analyse de la preuve. Elle a conclu que la preuve documentaire récente démontre que les conditions en RDC se sont améliorées récemment; toutefois, elle reconnaît qu’il y a risque de danger important pour tous les citoyens. Le demandeur n’a pas établi qu’il serait exposé à un risque personnel et particulier en RDC. Dans l’affaire Nkitabungi, ci-dessus, le juge Martineau a rejeté la demande de contrôle judiciaire d’un ressortissant de la RDC parce que, inter alia, le demandeur, d’origine ethnique tutsie, n’avait pas démontré qu’il serait « personnellement à risque », s’il retournait au Congo.

 

[33]      À mon avis, le demandeur dans le présent dossier n’a pas déchargé le fardeau de démontrer qu’il serait à risque en RDC pour ce motif.

 

          Envoi vers un pays à risque grave

[34]      En 2002, la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Suresh, supra, a rappelé que l’exercice discrétionnaire du pouvoir du ministre, en vertu de l’alinéa 53(1)h) de la Loi, est assujetti aux principes de justice fondamentale garantis par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Elle a réitéré que selon ces principes et l’adhérence du Canada à la Convention de 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (AG 39/46, annexe, 39 U.N. GAOR supp. (no 51), U.N. Doc. A/39/51 (1984)), une personne ne doit pas être renvoyée vers un pays où il y a des motifs sérieux qu’un risque d’être soumis à la torture existe. La Cour d’appel fédérale a statué dans Li c. Canada (M.C.I.), [2005] 3 R.C.F. 239, que le risque devait être établi selon les normes d’une certaine probabilité. Toutefois, la Cour suprême a statué que ce principe n’excluait pas entièrement la possibilité d’expulser une personne vers un tel pays de danger grave dans des cas exceptionnels lorsque la sécurité du Canada était mise en jeu. La Cour suprême dans Suresh, ci-dessus, s’est aussi exprimée comme suit, aux paragraphes 90 et 91 :

. . . La menace doit être « grave », en ce sens qu’elle doit reposer sur des soupçons objectivement raisonnables et étayés par la preuve, et en ce sens que le danger appréhendé doit être sérieux, et non pas négligeable.

 

[91]     Cette interprétation de l’expression « danger pour la sécurité du Canada » n’empêche pas le gouvernement d’expulser une personne qui constitue un risque pour les Canadiens, mais non pour le pays. . . .

 

 

 

[35]      La Chambre des Lords en Angleterre rendait récemment une décision dans l’affaire RB (Algeria) v. Secretary of State for the Home Department, [2009] U.K.H.L. 10, dans laquelle elle autorisait l’expulsion d’un ressortissant algérien, catégorisé terroriste, même si l’Algérie était soupçonnée de pratiquer la torture. La Chambre des Lords s’est appuyée sur l’engagement du gouvernement de l’Algérie de ne pas permettre la torture.

 

Conclusion

[36]      Il s’ensuit que dans un cas comme celui qui nous occupe, il n’est pas contre-indiqué de retourner le demandeur vers la RDC, un pays où il existe des dangers certains; la décision de l’agent ERAR n’étant pas déraisonnable selon les critères établis par l’arrêt Dunsmuir, supra.

 

[37]      La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

          La demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de Julie Berner, agent chargé de l’examen des risques avant renvoi, rendue le 21 août 2008, est rejetée.

 

          Aucune question n’est certifiée.

 

 

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3802-08

 

INTITULÉ :                                       Maboso MONONGO c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 15 avril 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              L’honorable Orville Frenette, Juge suppléant

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 13 mai 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Denise Fernet                                POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Me Daniel Latulippe                             POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Denise Fernet                                                               POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

 

 

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