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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20090506

Dossier : T-536-09

Référence : 2009 CF 470

Vancouver (Colombie-Britannique), le 6 mai 2009

En présence de Monsieur le juge Pinard

ENTRE :

FRIEDA MARTSELOS, GLORIA VILLEBRUN,

BRADLEY LAVIOLETTE et FREDERICK BEAULIEU

 

demandeurs

 

et

 

DAVID POITRAS, TONI HERON

et RAYMOND BEAVER

défendeurs

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Il s’agit d’une requête présentée au nom des défendeurs visant la nomination d’un séquestre‑administrateur pour agir au nom de la Première nation Salt River (PNSR), en attendant l’élection qui fait l’objet de l’avis de requête des demandeurs dans le présent dossier ou la décision sur cet avis de requête.

 

[2]               Les demandeurs ont été élus chef et conseillers respectivement lors d’une élection de la PNSR qui a eu lieu le 25 août 2008. Les défendeurs, qui ont été défaits, ont contesté l’élection. Un arbitre d’appel, qui a été nommé en vertu du Règlement sur la coutume électorale (RCE) de la PNSR, a conclu que [traduction] « des infractions ont été commises qui ont influé de façon importante sur les résultats de l’élection de 2008 relativement au poste de chef et aux trois postes de conseiller », qui sont les demandeurs. L’arbitre a donc ordonné une nouvelle élection. Les demandeurs ont le droit de se présenter à la nouvelle élection. Ils ont demandé une ordonnance pour empêcher l’élection, mais ont à présent renoncé à cette requête.

 

[3]               Depuis 2002, la PNSR est aux prises avec un différend constant. En novembre 2002, un petit groupe de la PNSR a tenu une élection improvisée, a éjecté le conseil dûment élu et a pris les pouvoirs de gouvernement de la bande, y compris le pouvoir de signature pour les opérations bancaires. Des ordonnances ont été prises pour protéger les fonds de la bande, mais elles ont été enfreintes, et plusieurs centaines de milliers de dollars appartenant à la bande ont été pris illégalement. Des membres du groupe ont été reconnus coupables d’outrage au tribunal et condamnés à des amendes. D’autres membres liés au groupe ont été reconnus coupables d’un vol de plus de 5 000 $ pour avoir volé de l’argent à l’une des entreprises de la bande.

 

[4]               Un mois après avoir pris leurs fonctions, le 25 août 2008, les demandeurs ont pris des résolutions du conseil de bande (RCB) prévoyant le paiement de 1 118 000 $ des fonds de la bande à des membres du conseil de novembre 2002 ou à des personnes qui leur sont associées, et plus de 600 000 $ ont été versés au demandeur, le chef Martselos.

[5]               Deux conseillers de la bande se sont opposés aux RCB et ont fait savoir aux membres de la PNSR que des montants importants avaient été pris à leurs fins personnelles par le chef et dix membres du conseil de novembre 2002 ou des personnes qui leur étaient associées; ces deux conseillers (Chris Bird et Mike Beaver) ont été démis de leurs fonctions pour avoir agi de la sorte. Une élection complémentaire a eu lieu pour combler les postes laissés ainsi vacants, mais Chris Bird et Mike Beaver n’étaient pas éligibles. Ils peuvent toutefois se présenter aux élections qui font l’objet des présentes instances.

 

[6]               L’élection complémentaire a eu lieu le 20 avril 2009, et deux autres membres de la PNSR ont été élus pour combler les postes laissés vacants par la destitution de Chris Bird et de Mike Beaver.

 

[7]               Selon l’interprétation que les défendeurs font du RCE, à la date de la décision de l’arbitre d’appel (30 mars 2009), les demandeurs ont cessé d’être des représentants dûment élus de la PNSR, si bien qu’une seule conseillère (Delphine Beaulieu) restait alors en poste et, par suite de l’élection complémentaire du 20 avril 2009, il restait seulement trois conseillers. Le RCE exige un quorum de quatre membres du conseil. Par conséquent, selon cette interprétation du RCE, le conseil actuel n’a pas le pouvoir de gouverner.

 

[8]               Les défendeurs étaient les parties adverses devant l’arbitre d’appel. Ce sont eux qui ont contesté la prétention au pouvoir des demandeurs fondée sur l’élection du 25 août 2008. Soucieux de l’administration ordonnée et légale de la PNSR, les défendeurs demandent que, lorsqu’elle statuera que les demandeurs ont cessé de détenir un poste électif,  la Cour nomme Browning Crocker Inc. comme séquestre-administrateur pour exercer les pouvoirs du conseil de la PNSR aux conditions énoncées à l’annexe C de la requête jusqu’à ce que les résultats soient annoncés à l’issue de l’élection qui doit avoir lieu le 29 juin, les demandeurs ou les défendeurs ayant la liberté de demander un prolongement de l’ordonnance jusqu’à l’audition de la demande de contrôle judiciaire dans le présent dossier.

 

* * * * * * * *

 

[9]               L’article 44 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, donne à la Cour le pouvoir de nommer un séquestre « dans tous les cas où il lui paraît juste ou opportun de le faire » :

  44. Indépendamment de toute autre forme de réparation qu’elle peut accorder, la Cour d’appel fédérale ou la Cour fédérale peut, dans tous les cas où il lui paraît juste ou opportun de le faire, décerner un mandamus, une injonction ou une ordonnance d’exécution intégrale, ou nommer un séquestre, soit sans condition, soit selon les modalités qu’elle juge équitables.

  44. In addition to any other relief that the Federal Court of Appeal or the Federal Court may grant or award, a mandamus, an injunction or an order for specific performance may be granted or a receiver appointed by that court in all cases in which it appears to the court to be just or convenient to do so. The order may be made either unconditionally or on any terms and conditions that the court considers just.

 

 

[10]           L’article suivant des Règles des Cours fédérales, DORS/98-06, traite également de la nomination d’un séquestre par la Cour :

  375. (1) Un juge peut, sur requête, nommer un séquestre judiciaire dans toute instance.

  (2) L’ordonnance rendue en vertu du paragraphe (1) prévoit la rémunération du séquestre judiciaire et le montant du cautionnement qu’il doit fournir.

  375. (1) On motion, a judge may appoint a receiver in any proceeding.

  (2) An order under subsection (1) shall set out the remuneration to be paid to, and the amount of security to be given by, the receiver.

 

[11]           Les articles 3.4 et 15.9 du RCE sont également très pertinents :

[traduction]

3.4       a) Toute personne élue aux termes du présent règlement occupe ses fonctions immédiatement après l’annonce des résultats de l’élection et les conserve jusqu’au moment qui précède immédiatement l’annonce des résultats de l’élection générale suivante au même poste.

 

b) S’il y a appel, toute personne dont l’élection est visée par l’appel occupe son poste jusqu’au moment où l’appel conclut à l’invalidité de l’élection.

 

15.9          Dans les cinq (5) jours suivant la conclusion de l’audience, l’arbitre d’appel de l’élection communique par écrit sa décision :

 

15.9.1    Rejeter l’appel au motif que la preuve présentée n’établit pas les fondements nécessaires à l’appel;

15.9.2    Reconnaître les motifs de l’appel, mais en maintenant les résultats de l’élection, si l’infraction n’a pas influé de façon importante sur les résultats de l’élection;

15.9.3    Faire droit à l’appel et convoquer une nouvelle élection ou un scrutin de ballottage.

 

 

 

* * * * * * * *

 

 

 

[12]           Les principes à appliquer pour établir s’il y a lieu de faire droit à la requête de nomination d’un séquestre-administrateur ont été définis par le juge en chef adjoint James Jerome (ce qui était alors son rang) dans l’arrêt Buffalo c. Canada, [1993] 1 C.N.L.R. 39 :

Une analyse exhaustive de ces principes a été faite dans l'affaire Turbo Resources Ltd. c. Petro Canada Inc. (1989), 91 N.R. 341 (C.A.F.). La Cour doit être convaincue : 1) que la question à instruire est sérieuse; 2) que la réparation que la partie requérante cherche à obtenir dans la requête ne doit pas être de nature telle à lui procurer effectivement la réparation qui serait demandée au procès; 3) que la partie requérante subirait autrement un préjudice irréparable; et 4) que la prépondérance des inconvénients favorise la partie requérante. Il convient donc de ne déterminer la prépondérance des inconvénients que dans les cas où le redressement éventuel ne procurerait pas une réparation adéquate à la partie en faveur de laquelle l'action peut être tranchée en définitive. En outre, le contexte dans lequel la Cour devrait effectuer cette détermination est que la prudence appelle en général le maintien du statu quo.

 

Fait important, le juge en chef adjoint Jerome a ajouté :

 

La Cour d'appel fédérale dans l'affaire Gould c. Procureur général du Canada et Solliciteur général du Canada (1984), 54 N.R. 232, et la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Procureur général du Manitoba c. Métropolitain Stores (MTS) Ltd. et Manitoba Food et Commercial Workers, Section locale 832 et The Manitoba Labour Board, [1987] 1 R.C.S. 110, ont toutes deux analysé un facteur spécial. Lorsqu'un litige a une incidence sur une tierce personne ou le grand public, ou que l'octroi ou le refus d'une ordonnance est susceptible d'avoir de sérieuses ramifications au point de vue de l'intérêt général, la Cour, dans son analyse, doit aller au-delà, du critère de la prépondérance des inconvénients. S'il est vraisemblable qu'il y aura de telles conséquences étendues, on ne peut considérer que la requête ne concerne que les parties immédiates; il faut également évaluer le désavantage de la situation pour la tierce personne ou l'intérêt général.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[13]           Je crois qu’il existe en l’espèce un « facteur spécial », étant donné qu’il s’agit de questions liées à l’intégrité du processus démocratique dans des élections de bande et des devoirs de ceux qui exercent des fonctions officielles. L’une ou l’autre des parties peuvent s’appuyer sur des considérations d’intérêt public (voir RJR - MacDonald Inc. c. Canada, [1994] 1 R.C.S. 311, au paragraphe 66).

 

[14]           La requête des défendeurs présuppose une « interruption du gouvernement » du conseil de bande après la décision de l’arbitre d’appel. Les demandeurs ne sont pas d’accord. En conséquence, avant de voir s’il y a lieu de nommer un séquestre-administrateur dans les circonstances, il faut d’abord établir si les circonstances alléguées existent bien.

 

[15]           Le désaccord entre les parties au sujet de l’« interruption de gouvernement » découle de leur désaccord sur les conséquences de la demande de nouvelle élection de l’arbitre d’appel, fondée sur sa conclusion selon laquelle [traduction] « des infractions ont été commises qui ont influé de façon importante sur les résultats de l’élection de 2008 relativement au poste de chef et aux trois postes de conseiller ». Fondamentalement, le différend gravite autour du sens de l’article 3.4 du RCE.

 

[16]           La thèse des demandeurs semble reposer principalement sur la proposition suivante énoncée dans leurs observations écrites : [traduction] « La coutume de la Première nation Salt River, comme Première nation autonome, veut qu’un conseil soit toujours en place pour diriger la collectivité. » Le RCE devrait donc être interprété dans cette optique, puisqu’il est l’expression de la coutume de la PNSR. Ainsi, il serait contraire à l’esprit du RCE de l’interpréter de telle façon qu’il puisse y avoir une interruption dans la direction de la nation. Quant à la lettre de la loi, les demandeurs soutiennent qu’il est important pour la requête de signaler que le RCE ne contient aucune disposition accordant à qui que ce soit, fût-ce l’arbitre d’appel, le pouvoir de déclarer l’invalidité d’une élection.

 

[17]           La thèse des défendeurs me semble plus défendable. Elle est exposée assez longuement dans son mémoire des faits et du droit du 20 avril 2009.

 

[18]           Aux paragraphes 35 à 39 et 41-42 du mémoire, les défendeurs écrivent :

[traduction]

35.     Cette interprétation assure l’harmonie interne du régime d’élections à date fixe et est conforme aux articles 15.9.2 et 15.9.3 – qui disposent que l’arbitre d’appel qui reconnaît les motifs de l’appel doit décider si les résultats de l’élection doivent être maintenus. Si les résultats sont maintenus, une ordonnance est prise en vertu de l’article 15.9.2. Sinon, une nouvelle élection est convoquée aux termes de l’article 15.9.3. Le choix dépend de la décision sur le fait que les infractions ont influé ou non sur les résultats de l’élection. Dans l’affirmative, la conséquence logique est que les résultats de l’élection sont annulés. Cela est conforme à l’analyse et à la séquence des décisions de l’arbitre d’appel dans sa décision finale.

 

36.     La reconnaissance légale d’une personne élue illégalement est une contradiction dans les termes. Il faudrait un énoncé explicite pour en arriver à ce résultat à l’article 15.9.3, par exemple « Faire droit à l’appel et convoquer une nouvelle élection, mais maintenir les résultats de l’élection jusqu’au moment précédant immédiatement l’annonce des résultats de la nouvelle élection ». Si c’est ce que les rédacteurs avaient voulu, ils auraient pu facilement ajouter ce passage. 

 

37.     L’interprétation des demandeurs suppose que quelqu’un qui est élu illégalement reste en poste même si le fondement de ce droit (une élection valide) a disparu. En faisant le choix entre les articles 15.9.2 et 15.9.3, l’arbitre d’appel décide nécessairement de valider ou d’invalider l’élection qui a donné lieu à l’appel. Opter pour l’article 15.9.3 entraîne nécessairement le rejet de toute possibilité de valider l’élection en vertu de l’article 15.9.2 et aboutit nécessairement à l’invalidation de l’élection. C’est la prémisse essentielle sur laquelle repose le pouvoir de convoquer une nouvelle élection. C’est la conclusion selon laquelle les résultats de l’élection ne peuvent être maintenus qui entraîne, par voie législative, l’annulation ou l’invalidation de l’élection. Cette interprétation est conforme au choix du terme « non valide » à l’alinéa 3.4b).

 

38.     Par ailleurs, l’interprétation étroite de l’alinéa  3.4b) préconisée par les demandeurs priverait l’article de toute signification. Elle va donc à l’encontre de la présomption selon laquelle toute disposition législative à une fonction à remplir.

 

39.     L’interprétation des demandeurs créerait une situation très inhabituelle, voir inédite, dans le droit électoral, soit le maintien en poste d’une personne dont la seule prétention à ce poste repose sur une élection dont les résultats ont été entachés de façon importante par des pratiques électorales illégales. Ainsi, on maintiendrait en poste une personne jugée inéligible aux termes de l’article 15.1.2, une personne élue par des personnes qui n’ont pas le droit de vote aux termes de l’article 15.1.5 et une personne dont la prétention au poste repose sur un rapport électoral falsifié, aux termes de l’article 15.1.6. Ce ne peut être là la conséquence souhaitée d’une décision prise en vertu de l’article 15.9.3.

 

41.     Le but du RCE est de faire comprendre clairement aux candidats aux élections de la PNSR qu’ils deviendront inéligibles si les résultats de leur élection sont sérieusement entachés par des pratiques électorales interdites. Ce fait revêt une importance vitale, étant donné que l’intégrité du processus électoral intéresse le fondement du gouvernement responsable. C’est le droit de gouverner qui est ici en cause. Il s’agit d’une préoccupation vitale pour les membres de la PNSR.

 

42.     La raison d’être de la loi favorise fortement l’interprétation selon laquelle la décision qu’un membre a été élu de façon irrégulière entraîne la perte de son droit de rester en poste. Ainsi, en décourageant les pratiques électorales illégales, cette interprétation sert à protéger l’intégrité du processus électoral.

 

 

 

[19]           Quant à la question soulevée par les demandeurs, selon qui le RCE a horreur du vide au niveau de la direction, les défendeurs signalent que les circonstances en l’espèce sont tout à fait exceptionnelles et n’ont peut-être pas été prévues par les rédacteurs, soit que l’élection du chef et de trois conseillers a été invalidée à cause d’irrégularités. Dans la plupart des circonstances, il est peu probable que la demande d’un nouveau scrutin par l’arbitre d’appel entraîne une absence de quorum.  

 

[20]           À mon avis, l’interprétation du RCE et des lois pertinentes proposée par les défendeurs est plus conforme au but apparent et au contexte. Je retiens donc leur interprétation, car j’estime qu’elle est solidement fondée sur les principes de l’interprétation des lois énoncés par Elmer Driedger dans Construction of Statutes (2e éd., 1983),  page 87 :

[traduction]

Aujourd'hui, il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

 

 

[21]           Je me tourne maintenant vers chacun des facteurs cités dans l’arrêt Buffalo, précité.

 

[22]           En ce qui concerne le premier volet du critère tripartite, la demande de mesure provisoire en l’espèce ne concerne pas la même question qui avait été soulevée dans la demande sous-jacente de contrôle judiciaire. D’abord, dans la dernière demande, les deux parties conviennent qu’une question grave est soulevée. Deuxièmement, le problème de l’« interruption de gouvernement » soulevée par les défendeurs dans cette requête et qui découle de l’interprétation ci-dessus du RCE constitue en soi une question grave.

 

[23]           Quant aux questions de préjudice irréparable et de prépondérance des inconvénients, les faits révèlent que seuls trois membres du conseil sont en place et que, pour agir, la PNSR a besoin d’un quorum de quatre personnes. L’interprétation ci-dessus du RCE montre clairement, par conséquent, qu’il y a effectivement une interruption de gouvernement dans la PNSR. J’accepte les arguments avancés au paragraphe 21 du mémoire des faits et du droit des défendeurs :

[traduction]

Les faits montrent que seuls trois membres du conseil sont en place, et la PNSR a besoin d’un quorum de quatre personnes pour agir. Il y a donc un besoin clair d’administrateur de transition pour administrer la bande jusqu’à l’élection d’un nouveau conseil. L’ensemble des membres de la PNSR est touché, parce qu’il y a interruption de gouvernement. Si, par exemple, il n’y a aucune instance légale pour nommer l’arbitre d’appel des élections en vertu de l’article 6.1 du RCE, tout arbitrage d’appel pourrait être frappé de nullité. Il y a des éléments de preuve selon lesquels  les demandeurs ont participé à l’adoption d’une supposée résolution du conseil de bande établissant la date des élections au 25 juin 2009. Cette élection aurait été frappée de nullité pour deux raisons : (1) aucun conseil valide n’était en place pour prendre la résolution; (2) cela était contraire à l’article 15.15 du RCE. Heureusement, l’arbitre d’appel a remédié au problème en fixant la date au 29 juin 2009, mais cela n’en demeure pas moins un exemple du préjudice que peut causer à la PNSR la poursuite de l’exercice du pouvoir par les demandeurs en l’espèce. La prépondérance des inconvénients favorise fortement la nomination d’un séquestre-administrateur pour se charger de toutes les dispositions administratives en vue de la nouvelle élection et surveiller le travail du personnel.

 

 

[24]           À mon avis, il n’est que juste et opportun, dans les circonstances, de nommer un séquestre‑administrateur afin d’éviter un préjudice irréparable. L’ensemble des membres de la PNSR est touché par l’interruption du gouvernement, ce qui fait pencher la prépondérance des inconvénients en faveur des défendeurs.

 

[25]           Pour tous ces motifs, la Cour ordonne :

 

ORDONNANCE

 

            VU LA DEMANDE des défendeurs;

 

            VU l’examen des dossiers de requête, affidavits et mémoires de faits et de droit déposés par les parties;

 

            VU l’audition des observations des avocats des demandeurs et des défendeurs;

 

            VU le fait que l’avocat des défendeurs a fait savoir que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien était au courant de la demande, mais n’était pas en mesure de prendre cette ordonnance;

 

            ET VU qu’il semble juste et équitable d’accorder cette ordonnance.

 

DÉFINITIONS

 

  1. Dans la présente ordonnance, les termes suivants sont ainsi définis :

 

a)      RCE – Règlement sur la coutume électorale de la Première nation Salt River no 195;

 

b)      Conseil – Conseil de la Première nation Salt River no 195;

 

c)      Fonds – Tout l’argent et les comptes jusqu’ici administrés par le Conseil de la Première nation Salt River no 195;

 

d)      AINC – Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien;

 

e)      PNSR – Première nation Salt River no 195.

 

SIGNIFICATION

 

  1. La signification de la présente ordonnance aux parties intéressées est considérée comme valable et suffisante.

 

NOMINATION ET GARANTIE

 

  1. En vertu de l’article 44 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7 et de ses modifications, Browning Crocker Inc. (séquestre) est nommé par les présentes séquestre-administrateur pour exercer les pouvoirs du conseil de la PNSR conformément aux dispositions de la présente ordonnance. Le séquestre doit produire une garantie de cent milles dollars (100 000 $).

 

POUVOIRS DU SÉQUESTRE

 

  1. Le séquestre est par les présentes habilité et autorisé à exercer les pouvoirs du conseil de la PNSR jusqu’à l’annonce des résultats de l’élection qui doit avoir lieu le 29 juin ou jusqu’à l’audition de la demande de contrôle judiciaire aux présentes, si la Cour en donne l’ordre à la demande de l’une ou l’autre des parties, et, sans limiter la généralité de ce qui précède, le receveur est expressément habilité et autorisé à faire ce qui suit :  

 

a)      prendre toutes les mesures administratives nécessaires pour assurer la tenue d’une élection ordonnée, équitable et impartiale, le 29 juin 2009, par le directeur d’élection et le directeur d’élection adjoint auparavant nommés par l’arbitre d’appel des élections de la PNSR, conformément au RCE;

b)      nommer un arbitre d’appel des élections juste et impartial pour l’élection qui doit avoir lieu le 29 juin 2009 et, au besoin, nommer un avocat pour cet arbitre, conformément au RCE;

c)      prendre possession et assumer le contrôle des fonds et de tous les produits, rentrées et débours relatifs aux fonds;

d)      recevoir, conserver, protéger, en en assurant le contrôle, les fonds ou toute partie des fonds, y compris, mais non uniquement, la prise de possession et de contrôle de tout compte bancaire jusqu’ici administré par le Conseil;

e)      exercer le droit à un accès immédiat, sans entraves et inconditionnel aux dossiers (définis au paragraphe 6 des présentes) jusqu’ici administrés par le conseil;

 

f)       exercer le droit à un accès immédiat, sans entraves et inconditionnel au bureau d’administration de la PNSR;

g)      déterminer le plus exactement possible qui sont les bénéficiaires qui doivent profiter des programmes en cours jusqu’ici administrés par le conseil et quel est le juste montant à leur verser; le séquestre émet ou fait émettre pour les bénéficiaires des chèques du montant à verser, mais seulement dans la mesure où, à sa discrétion, il établit qu’il y a des fonds disponibles suffisants pour faire ces paiements;

h)      tenir des dossiers où sont consignés tous les paiements faits en vertu de la présente ordonnance, notant le nom du bénéficiaire, le montant versé, le mode de calcul du montant et le programme ou l’utilisation pour lesquels le paiement est fait; 

i)        faire des enquêtes, sans y être toutefois tenu, pour savoir si telle personne a le droit ou non de recevoir des fonds jusqu’ici administrés par le conseil; et pouvoir se fier aux dossiers tels qu’ils existent sans être responsable envers qui que ce soit, ni responsable de quelque paiement erroné ou inexact fait de bonne foi en se fiant aux dossiers ou à des renseignements fournis par un employé ou un membre de la PNSR. Pour faire les paiements, le séquestre exerce son bon jugement de façon impartiale et il effectue les paiements de la façon qui semble opportune;

j)       engager des agents, des gestionnaires, des avocats ou d’autres personnes de temps à autre ou pour quelque raison, notamment de façon provisoire, pour l’aider à exercer les pouvoirs et à remplir les fonctions prévus dans la présente ordonnance;

k)      recouvrer et percevoir tous les montants et comptes dus maintenant ou par la suite à la PNSR et exercer tous les recours et pouvoirs jusqu’ici exercés par le conseil;

l)        régler ou prolonger toute dette jusqu’ici administrée par le conseil ou transiger sur ces dettes;

m)    exécuter, assigner, délivrer et endosser tout document de quelque nature à l’égard de fonds, que ce soit au nom du séquestre ou au nom du conseil, à toutes fins en vertu de la présente ordonnance;

n)      entamer, exécuter et continuer toute poursuite et défendre toute poursuite en instance ou entamée ultérieurement, administrée jusqu’ici par le conseil, et régler ces poursuites ou transiger sur elles. Le pouvoir accordé par les présentes s’étend aux appels ou demandes de révision judiciaire à l’égard de toute ordonnance ou de tout jugement rendu dans ces poursuites, et il est prévu en outre que rien, dans la présente ordonnance, n’autorise le séquestre à défendre ou à régler l’action dans laquelle la présente ordonnance est prise, sauf instruction de la Cour;

o)      appliquer les mesures d’économie qu’il juge opportunes afin d’améliorer ou de renforcer la situation financière de la PNSR jusqu’ici administrée par le conseil;

p)      demander des permis, licences, approbations qui peuvent être exigés par quelque autorité gouvernementale et tout renouvellement de ces documents pour et au nom du conseil, si le séquestre le juge souhaitable;

q)      prendre toute mesure se rattachant raisonnablement à l’exercice de ces pouvoirs;

et dans chaque cas où le séquestre prend l’une ou l’autre de ces mesures, il est exclusivement autorisé et habilité à agir de la sorte, à l’exclusion de toute autre personne (selon la définition qui suit) et à l’abri de toute ingérence; pourvu toutefois qu’il soit habilité et encouragé à consulter les conseillers Delphine Beaulieu, Ron Schaeffer et Kendra Burke, conseillers dûment élus de la PNSR.

OBLIGATION D’ACCORDER ACCÈS ET COOPÉRATION AU SÉQUESTRE

 

  1. Il est ordonné à tous les employés et responsables actuels qui relevaient jusqu’ici du conseil de coopérer avec le séquestre.

 

  1. Toute personne doit désormais informer le séquestre de l’existence de tous les livres, documents, titres, contrats, ordonnances, dossiers généraux et comptables et de tout document, dossier et renseignement liés aux affaires jusqu’ici menées par le conseil, et de tout programme informatique, ruban, disque  ou autre support de données électronique (le tout étant désigné collectivement comme « dossiers ») en sa possession ou sous son contrôle. Elle doit aussi fournir au séquestre des copies de ces documents ou lui permettre d’en faire, conserver et emporter des copies, et lui donner un accès et une utilisation sans entraves pour la comptabilité, les ordinateurs, les logiciels et les installations matérielles, pourvu toutefois que rien, au paragraphe 6 de la présente ordonnance, n’exige la communication de dossiers ou l’accès à des dossiers qui ne peuvent être divulgués ou communiqués au séquestre à cause du secret professionnel, ou de documents préparés en prévision d’un litige ou à cause de dispositions législatives interdisant leur communication.

 

AUCUNE POURSUITE CONTRE LE SÉQUESTRE

 

  1. Aucune poursuite ni mesure d’exécution ne peuvent être entamées ou continuées devant quelque cour ou tribunal (instances) à l’encontre du séquestre, sauf avec le consentement écrit du séquestre ou l’autorisation de la Cour.

 

  1. Rien, dans la présente ordonnance, ne doit

 

a)      faire du séquestre un employeur ou employeur successeur au sens défini dans les Employment Standards Code (Alberta) ou dans toute autre loi applicable en matière d’emploi;

 

b)      rendre le séquestre – sauf disposition expresse de la présente ordonnance – responsable envers quelque créancier ou tierce partie ou responsable de payer ou éteindre une dette ou obligation du conseil ou de la PNSR.

 

  1. Nonobstant toute disposition contraire ou loi fédérale ou provinciale relative à la protection des renseignements personnels, mais sous réserve du paragraphe 5b) des présentes, le séquestre est autorisé à recueillir et réunir – et à en faire rapport – tout renseignement personnel raisonnablement nécessaire pour s’acquitter de ses fonctions et obligations aux termes de la présente ordonnance.

 

RÉMUNÉRATION ET COMPTES DU SÉQUESTRE

 

10.               a)        Le séquestre, son conseiller juridique et toute personne dont les services sont retenus pour aider le séquestre reçoivent des honoraires et débours raisonnables, dans chaque cas selon leurs taux et frais normaux comme partie des dépens des présentes instances;

 

b)         le séquestre et son conseiller juridique transmettront périodiquement leurs comptes selon les directives de la Cour;

 

c)         le séquestre recevra le remboursement de ses honoraires et débours, prélevé sur les fonds jusqu’ici administrés par le conseil, dans les 30 jours suivant la présentation des comptes;

 

d)         le séquestre, dans la mesure où les fonds sont disponibles (ce que le séquestre détermine lui-même) dans les comptes administrés jusqu’ici par le conseil, a l’autorisation et est tenu par les présentes d’utiliser les fonds disponibles pour payer les montants qui lui sont dus relativement à l’exercice de ses fonctions et obligations aux termes de la présente ordonnance, sous réserve de l’obligation de transmettre les comptes comme le prévoit la présente ordonnance; 

 

e)         le séquestre est autorisé et habilité par les présentes à adresser en tout temps une demande à la Cour pour obtenir des directives relativement au paiement ou à l’obtention de ses frais et débours et de ceux de son conseiller juridique;

 

f)          avant la présentation de ses comptes, le séquestre aura la liberté de prélever de temps à autre des montants raisonnables sur les fonds à sa disposition qui viendront en déduction de ses honoraires et débours, y compris les honoraires et débours juridiques, selon ses taux et frais normaux et ceux de son conseiller, et ces montants constitueront des avances sur ses rémunération et débours quand et selon que la Cour l’approuvera.

 

GÉNÉRALITÉS

 

11.       Le séquestre peut de temps à autre demander à la Cour des conseils et directives dans l’exercice de ses pouvoirs et de ses fonctions ci-dessous.  

 

12.       Le séquestre peut, et y est par les présentes autorisé et habilité, s’adresser à toute cour, tout tribunal ou organisme réglementaire ou administratif, où qu’ils soient situés, pour faire reconnaître la présente ordonnance et obtenir de l’aide dans son application.

 

13.       La Gendarmerie royale du Canada ou toute autre autorité policière compétente est autorisée par les présentes à accorder au séquestre toute aide que celui-ci peut raisonnablement demander pour s’assurer de pouvoir remplir ses fonctions sans perturber l’ordre public.

 

14.       La présente ordonnance et toutes ses dispositions entrent en vigueur à 0 h 01, heure normale des Rocheuses, à la date de l’ordonnance.

 

 

 

 

15.       Toute partie intéressée peut s’adresser à la Cour pour faire modifier la présente ordonnance en donnant un préavis d’au moins sept jours au séquestre et à toute autre partie vraisemblablement touchée par l’ordonnance demandée, ou sur l’avis, le cas échéant, que la Cour peut ordonner.   

 

 

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-536-09

 

INTITULÉ :                                       FRIEDA MARTSELOS, GLORIA VILLEBRUN, BRADLEY LAVIOLETTE et FREDERICK BEAULIEU

c. DAVID POITRAS, TONI HERON et RAYMOND BEAVER

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 4 mai 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 6 mai 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David C. Rolf                           POUR LES DEMANDEURS

Colleen Verville

 

Christopher Harvey, c.r.                       POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Parlee McLaws, srl                               POUR LES DEMANDEURS

Edmonton (Alberta)

 

MacKenzie Fujisawa, srl                       POUR LES DÉFENDEURS

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 

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